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08/11/2022 | FRANCE | N°20/00598

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 08 novembre 2022, 20/00598


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 08 NOVEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/00598 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OP5R







Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 JANVIER 2020

Tribunal Judiciaire de PERPIGNAN

N° RG 18/02211





APPELANTS :


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[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Hélène BAUMELOU substituant Me Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant



SARL CONSUALIS [G] prise en la personne de son représentant l...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 08 NOVEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/00598 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OP5R

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 JANVIER 2020

Tribunal Judiciaire de PERPIGNAN

N° RG 18/02211

APPELANTS :

Monsieur [V] [G]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Hélène BAUMELOU substituant Me Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

SARL CONSUALIS [G] prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Hélène BAUMELOU substituant Me Gilles LASRY de la SCP SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

INTIMEE :

SAS NEW ENERGIES CLIMELEC

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Laure ATTALI substituant Bruno FITA de la SCP FITA-BRUZI, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et plaidant

Ordonnance de clôture du 05 Septembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 SEPTEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT

lors de mise à disposition : Mme Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

* *

La SAS New Energies Climelec a confié sa comptabilité à [V] [G] expert-comptable exerçant au sein de la SARL Consualis [G].

Le bilan comptable du 30 septembre 2014 fait apparaître des détournements de fonds depuis 2011 par deux salariés de l'entreprise.

La SAS New Energies Climelec a mis fin au contrat le 9 février 2016, et a saisi le conseil de l'ordre des experts-comptables.

Un jugement du Tribunal de Grande instance de Perpignan du 25 septembre 2017 a condamné les salariés mis en cause au paiement des sommes détournées pour le montant de 89 606,87 €.

Par acte du 15 juin 2018, la SAS New Energies Climelec a fait assigner la SARL Consualis [G] et [V] [G] pour qu'ils soient condamnés solidairement au paiement de cette somme au titre de leurs responsabilités fautives dans la perte de chance d'éviter le détournement.

Le jugement rendu le 16 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Perpignan énonce dans son dispositif :

Déclare engagée la responsabilité contractuelle de la SARL Consualis [G] et [V] [G].

Dit que la SAS New Energies Climelec a commis des manquements.

Déclare la SARL Consualis [G] et [V] [G] responsables à hauteur de 75 %, et la SAS New Energies Climelec à hauteur de 25 %.

Fixe la perte de chance subie par la SAS New Energies Climelec à hauteur de 60 % du montant des détournements.

Condamne solidairement la SARL Consualis [G] et [V] [G] à payer à la SAS New Energies Climelec la somme de 40 323,09 € au titre de la perte de chance.

Condamne solidairement la SARL Consualis [G] et [V] [G] à payer à la SAS New Energies Climelec la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

La SARL Consualis [G] et [V] [G] ont relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 31 janvier 2020.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 5 septembre 2022.

Les dernières écritures pour la SARL Consualis [G] et [V] [G] ont été déposées le 4 juin 2020.

Les dernières écritures pour la SAS New Energies Climelec ont été déposées le 20 octobre 2020.

Le dispositif des écritures pour la SARL Consualis [G] et [V] [G] énonce en termes de prétention :

Réformer le jugement, sauf en ce qu'il a débouté la société Climelec de ses demandes indemnitaires concernant le préjudice d'image, le préjudice financier, les frais de justice.

Débouter la société New Energies Climelec de l'ensemble de ses demandes.

À titre subsidiaire, déduire du montant de la condamnation à intervenir la somme de 40 000 € correspondants à la valeur vénale d'un bien dont New Energies Climelec est propriétaire suite à la saisie immobilière pratiquée à l'encontre des salariés condamnés.

Condamner la société New Energies Climelec à verser la somme de 6000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Le cabinet comptable Consualis [G] expose qu'il s'est rapidement heurté dans l'exercice de la comptabilité de New Energies Climelec depuis 2008 à une coopération défaillante de son client dans la communication des documents nécessaires, que les irrégularités comptables relevées ont confirmé l'existence de fausses factures d'un prétendu fournisseur.

Il a mis un terme au contrat le 8 février 2016 compte tenu des arriérés d'honoraires impayés depuis deux ans.

Le jugement a retenu la responsabilité professionnelle de l'expert-comptable en ce qu'il a manqué de diligence et n'a pas procédé aux vérifications qu'il était tenu de faire, tout en reconnaissant que New Energies Climelec a laissé pendant trois années sa salariée associée et cogérante lui faire signer des chèques dépourvus d'ordre sans contrôle et n'a pas respecté son devoir de coopération avec son expert-comptable en ne répondant pas à ses multiples courriers de demande de pièces manquantes ou d'explications.

Le cabinet comptable constate que la société New Energies Climelec n'a procédé à aucune tentative d'exécution des condamnations de ses débiteurs naturels.

Il expose qu'il n'est tenu que d'une obligation de moyens qu'il a respectée, et que le client a une obligation de coopération dont les nombreux courriers de demande de pièces et d'explication établissent le manquement.

Il soutient qu'il n'a pas pour mission de s'immiscer dans la gestion clientèle de son mandant ou de procéder à des relances de factures, que les erreurs comptables invoquées, l'absence des dialogues avec la direction, ne font l'objet d'aucune justification.

Il expose que l'employé indélicat présentait de vraies fausses factures qui ne permettaient pas de déceler la falsification, qu'il n'est pas responsable d'un défaut d'organisation interne de l'entreprise de son client.

Il soutient que New Energies Climelec ne démontre pas un préjudice direct résultant d'une perte de chance raisonnable imputable à l'expert-comptable, notamment alors que la position privilégiée dans l'entreprise de l'employé indélicat qui était son seul interlocuteur n'engageait pas à mettre en doute son comportement. Il expose qu'il a cependant demandé à de nombreuses reprises en vain de faire vérifier par la banque les destinataires de certains chèques qui paraissaient douteux.

D'une façon générale il n'est démontré aucun lien causal entre une faute de l'expert-comptable et la survenance du sinistre.

Le dispositif des écritures pour New Energies Climelec énonce en termes de traduction de prétention :

Infirmer le jugement du 16 janvier 2020 au travail dans les pourcentages de responsabilité retenues et les condamnations prononcées.

Statuant à nouveau, évaluer la perte de chance à 70 %, et le partage à hauteur de 15 % pour la concluante, et condamner l'expert-comptable au paiement de 55 100 € au titre de la perte de chance.

Condamner la SARL Consualis [G] et [V] [G] payer 20 000 € de dommages-intérêts pour le préjudice financier et le préjudice d'image.

Condamner la SARL Consualis [G] et [V] [G] au paiement de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

New Energies Climelec prétend que c'est l'absence de contrôle suffisant et de coopération de l'expert-comptable qui a retardé la révélation des malversations de son employé, alors qu'il aurait dû être alerté par les déséquilibres systématiques reportés sur plusieurs exercices d'un même compte fournisseur et d'un même compte client, sur lesquels apparaissaient des paiements sans factures et des factures sans prestations, de sorte que l'expert-comptable a failli dans son obligation de conseil et de vigilance, notamment au regard de la mention dans la lettre de mission initiale en 2008 d'une obligation de vérification des comptes.

Elle conteste le manque de coopération qui lui est imputée, et soutient que le défaut de paiement des honoraires de l'expert-comptable résultait précisément des manquements qui lui étaient reprochés à partir de la découverte de la fraude en 2014.

Elle soutient que la fraude était facilement décelable par un travail sérieux de rapprochement des paiements et des factures que la nouvelle comptable a pu rapidement établir. Elle donne des exemples précis d'affectation de paiement non vérifiées, et ce réfère aux indications du décret portant réglementation de la profession d'expert-comptable qui montre sa responsabilité dans la certification de la comptabilité du client.

Elle soutient que l'action en responsabilité contractuelle est totalement indépendante de l'action délictuelle engagée à l'encontre de l'employé indélicat, de sorte que la demande d'imputation d'une estimation du bien de l'auteur de la fraude acquis sur saisie n'est pas recevable.

Elle soutient la réalité d'un préjudice d'image et financier en lien de causalité avec le dommage pour partie imputable au comportement professionnel de l'expert-comptable.

MOTIFS

La mission de l'expert-comptable résultait d'une lettre du 3 septembre 2018 de « tenue complète de comptabilité », contenant les éléments habituels succinctement énoncés d'une prestation d'expert-comptable, sans mention particulière en corrélation avec les faits de fraude d'une salariée de l'entreprise cliente.

Le jugement soumis à la critique de la cour relate que les faits reconnus par la salariée étaient de faire signer des chèques à son employeur New Energies Climelec dépourvus d'ordre qu'elle encaissait à son profit.

Il résulte des débats que la salariée indélicate avait une position de premier plan dans l'entreprise, un temps cogérante, et seule interlocutrice de l'expert-comptable, auquel elle transmettait des fausses factures de fournisseurs pour la prise en compte comptable des chèques.

Le premier juge retient la responsabilité de l'expert-comptable au motif :

qu'il aurait dû procéder par sondage de pièces comptables ; que pendant trois années les époux [U] ont pu détourner des fonds par l'émission de chèques ne correspondant pas à des prestations, sans que le cabinet comptable ne détecte la moindre anomalie ; qu'il n'a pas procédé aux vérifications qu'il était tenu de faire au terme de sa mission.

La cour constate que ces motifs d'affirmation ne font référence à aucun fait précis de négligence fautive dans l'exécution de la lettre de mission, ni plus généralement dans l'exécution d'une mission d'usage d'expert-comptable, de sorte qu'il n'établit aucun lien de causalité certain entre une négligence particulière et la perte de chance qu'il retient pour l'entreprise de ne pas avoir subi les pertes résultant des malversations de son employé.

Il n'est pas établi notamment que l'expert-comptable qui n'est tenu que d'une obligation de moyens d'un travail consciencieux n'aurait pas procédé comme il devait le faire par sondage selon les règles habituelles de vérification de la comptabilité d'une entreprise.

La relation particulière qui n'est pas contestée de la salariée indélicate d'interlocuteur privilégié de l'expert-comptable, ayant toute la confiance affichée de son employeur dont elle avait été cogérante, et qui n'a jamais manifesté dans la période de la fraude un quelconque intérêt pour la comptabilité de son entreprise, rendait nécessairement plus difficile une quelconque suspicion de fraude qui aurait conduit à un niveau de vérification plus approfondie que l'usage.

La production par le client de correspondances avec son comptable, ou de documents comptables, n'ont pas de force probante dans la mesure où ils sont postérieurs à la découverte de la fraude et au licenciement de la salariée au début de l'année 2015, outre qu'ils ne permettent pas de caractériser un manquement particulier dans la prestation de l'expert-comptable en lien de causalité avec le préjudice.

Les documents encore postérieurs relatifs à la rupture de relations contractuelles entre les parties ont encore moins d'intérêt probant.

La cour infirme en conséquence le jugement rendu le 16 janvier 2020, et déboute la SAS New Energies Climelec de l'ensemble de ses prétentions.

La prétention de la SARL Consualis [G] et [V] [G] de déduire d'une éventuelle condamnation le montant de la valeur vénale d'un bien récupéré par son client dans une saisie pratiquée à l'encontre des salariés auteurs de la fraude est devenue sans objet.

Il n'est pas inéquitable de mettre la charge de la SAS New Energies Climelec une part des frais non remboursables exposés dans cette instance par la SARL Consualis [G] et [V] [G], pour un montant de 3000 €.

La SAS New Energies Climelec supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe ;

Infirme le jugement rendu le 16 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Perpignan;

Et statuant à nouveau, rejette les prétentions de la SAS New Energies Climelec ;

Condamne la SAS New Energies Climelec à payer à la SARL Consualis [G] et [V] [G] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS New Energies Climelec aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/00598
Date de la décision : 08/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-08;20.00598 ?
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