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02/11/2022 | FRANCE | N°19/04153

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 02 novembre 2022, 19/04153


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre sociale



ARRET DU 02 NOVEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/04153 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OGNP



ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 22 MAI 2019 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 18/00463





APPELANTE :



SAS [D] TRANSPORTS LANGUEDOC

ROUSSILLON immatriculée au RCS de PERPIGNAN sous le n° 481 106 474, représentée par la Société FINANCIERE [D] (Mandataire de type Président) dont les Co-gérants en exercice sont, Mr [G] [D] et Mr [L] [D], domiciliés en cette...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 02 NOVEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/04153 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OGNP

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 22 MAI 2019 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 18/00463

APPELANTE :

SAS [D] TRANSPORTS LANGUEDOC ROUSSILLON immatriculée au RCS de PERPIGNAN sous le n° 481 106 474, représentée par la Société FINANCIERE [D] (Mandataire de type Président) dont les Co-gérants en exercice sont, Mr [G] [D] et Mr [L] [D], domiciliés en cette qualité au siège social sis

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES-SENMARTIN ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant) substituant Me Christophe BRINGER, avocat au barreau de L'AVEYRON (plaidant)

INTIME :

Monsieur [K] [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Aurélie CARLES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 23 Août 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 SEPTEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.

*

**

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL [D] TRANSPORTS LANGUEDOC ROUSSILLON a embauché M. [K] [X] en qualité de chauffeur routier suivant contrat de travail à durée indéterminée du 14 février 2011.

Le 28 janvier 2018, le salarié a sollicité une rupture conventionnelle du contrat de travail dans les termes suivants :

« Occupant le poste de chauffeur dans votre entreprise depuis le 14/02/2011, je souhaite désormais me consacrer à d'autres projets professionnels. Pour cela, j'aimerais mettre fin à mon CDI. Par la présente, je me permets donc de vous suggérer le recours à une rupture conventionnelle à l'amiable du contrat de travail. Je reste à votre disposition pour un entretien afin de discuter des modalités de cette rupture conventionnelle. »

Le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur suivant lettre du 10 avril 2018 ainsi rédigée :

« 1. Salarié de votre entreprise depuis le 14 février 2011 où j'occupe l'emploi de chauffeur malaxeur j'ai pu constater de nombreux manquements à vos obligations (heures supplémentaires non payée d'après votre note de service vous les payez à partir du chargement, attente non payée.

' J'ai demandé en juin 2017 à [Y] et à [B] votre frère d'évoluer dans la société pour avoir un meilleur salaire et fixe, mais jusqu'à ce jour sans nouvelle de votre part.

' Je vous ai demandé à plusieurs reprises de me payer toutes mes heures supplémentaires et vous m'avez répondu que vous me payez qu'à partir du chargement (note de service à l'appui).

' J'ai coopté un chauffeur toupie et à travail égal, il est mieux payé que moi qui suis dans votre société depuis 7 ans.

' Perception par tous les chauffeurs (même les plus récents) de tenue de protection. À ce jour je n'ai toujours pas perçu la mienne, car votre frère n'a pas de place dans sa voiture pour me l'amener m'a-t-il dit, j'ai demandé 1 paire de bottes au bout de 2 ans à [B] il m'a répondu que normalement c'était réservé au pompiste et a eu du mal à me la donner 1 paire en 7 ans.

' Conduite de camion à risque : pas de frein, défaut contrôle technique, pas de clim l'été, pas de chauffage l'hiver, demande de produit nécessaires à l'entretien du véhicule toujours en attente.

2. Déplacement sur un autre site de travail conduite d'un véhicule vl pendant 3 heures puis conduire un camion pendant 12 heures à la suite tous en sachant que j'ai été prévenu sur la route que j'allais dormir à l'hôtel, donc aucune affaire perso rechange, etc. ([Localité 8]).

' Donc que vous voulez me faire subir du harcèlement moral pour pouvoir me faire partir de l'entreprise donc par la présente je suis donc contraint de prendre acte de la rupture du contrat de travail à vos torts exclusifs. Je vous remercie de m'indiquer la date à laquelle mes documents de fin de contrat seront à disposition. »

Sollicitant que sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [K] [X] a saisi le 14 mai 2018 le conseil de prud'hommes de Montpellier, section commerce, lequel, par jugement rendu le 22 mai 2019, a :

constaté que l'employeur a manqué à ses obligations en matière d'obligation de sécurité de résultat ;

dit que l'employeur est redevable des heures supplémentaires effectuées par le salarié ;

dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié est avérée ;

dit que cette prise d'acte s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

condamné l'employeur à payer au salarié les sommes suivantes :

'9 294,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (somme nette de tous prélèvements sociaux) ;

'1 000,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat (somme nette de tous prélèvements sociaux) :

'3 097,96 € bruts au titre de l'indemnité de préavis ;

'   309,79 € bruts au titre des congés payés y afférents ;

'2 710,71 € nets au titre de l'indemnité de licenciement ;

'1 276,07 € bruts à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires ;

'   127,60 € bruts au titre des congés payés y afférents ;

'   300,00 € au titre des frais irrépétibles ;

rappelé l'exécution provisoire de droit selon les articles R. 1454-14 et R. 1454-28 du code du travail sur la base d'un salaire moyen de 1 548,98 € bruts ;

débouté le salarié de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

débouté le salarié de sa demande au titre du travail dissimulé ;

débouté l'employeur de sa demande reconventionnelle au titre des frais irrépétibles ;

mis les entiers dépens à la charge de l'employeur.

Cette décision a été notifiée le 23 mai 2019 à la SAS [D] TRANSPORTS LANGUEDOC ROUSSILLON qui en a interjeté appel suivant déclaration du 14 juin 2019.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 23 août 2022.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 17 février 2020 aux termes desquelles la SAS [D] TRANSPORTS LANGUEDOC ROUSSILLON demande à la cour de :

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

'constaté qu'elle a manqué à ses obligations en matière d'obligation de sécurité de résultat ;

'dit qu'elle est redevable des heures supplémentaires effectuées par le salarié ;

'dit que la prise d'acte de rupture de contrat de travail est avérée ;

'dit que cette prise d'acte s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

'condamné l'employeur à payer au salarié les sommes suivantes :

'9 294,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (somme nette de tous prélèvements sociaux) ;

'1 000,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat (somme nette de tous prélèvements sociaux) ;

'3 097,96 € bruts au titre de l'indemnité de préavis ;

'   309,79 € bruts au titre des congés payés y afférents ;

'2 710,71 € nets au titre de l'indemnité de licenciement ;

'1 276,07 € bruts à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires ;

'   127,60 € bruts au titre de congés payés y afférents ;

'   300,00 € au titre des frais irrépétibles.

'rappelé l'exécution provisoire de droit selon les articles R. 1454-14 et R. 1454-28 du code du travail sur la base d'un salaire moyen de 1 548,98 € bruts ;

'débouté l'employeur de sa demande reconventionnelle au titre des frais irrépétibles ;

'mis les dépens à la charge de l'employeur ;

dire qu'elle n'a commis aucun manquement à ses obligations ;

dire que tous les griefs développés par le salarié à l'appui de sa prise d'acte sont infondés ;

dire que la prise d'acte de la rupture doit suivre les effets d'une démission ;

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié :

'de sa demande d'indemnité forfaitaire pour un prétendu travail dissimulé ;

'de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat ;

débouter le salarié de l'ensemble de ses demandes ;

condamner le salarié aux dépens et à la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 20 juillet 2022 aux termes desquelles M. [K] [X] demande à la cour de :

débouter l'employeur de l'ensemble de ses demandes ;

confirmer le jugement entrepris en son principe s'agissant des effets de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail sauf à majorer le quantum des dommages et intérêts ;

infirmer le jugement entrepris s'agissant des demandes qui n'ont pas prospéré devant les premiers juges ;

constater l'exécution abusive des relations de travail par l'employeur ;

constater les nombreux manquements de l'employeur ;

dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse :

condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes, précision étant faite que les condamnations à titre indemnitaire seront prononcées nettes de CSG CRDS :

'13 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement des articles L. 1235-3 et suivants du code du travail ;

'  5 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail sur le fondement de l'article L. 1222-1 du code du travail ;

'  5 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité en matière de santé au travail sur le fondement de l'article L. 1152-4 du code du travail ;

'  3 097,96 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis sur le fondement de l'article L. 1234-1 du code du travail ;

'     309,79 € au titre des congés payés y afférents ;

'  2 710,71 € à titre d'indemnité de licenciement sur le fondement des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail ;

'  1 276,07 € à titre de rappel d'heures supplémentaires sur le fondement des articles L. 3121-27 et suivants du code du travail :

'     127,60 € au titre des congés payés y afférents :

'  9 293,88 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé sur le fondement de l'article L. 8223-1 du code du travail ;

'  1 500,00 € au titre des frais irrépétibles.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur les heures supplémentaires

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Le salarié sollicite la somme de 1 276,07 € à titre de rappel d'heures supplémentaires sur le fondement des articles L. 3121-27 et suivants du code du travail outre la somme de 127,60 € au titre des congés payés y afférents, soit un rappel d'heures supplémentaires à 25 % concernant l'année 2017 pour 12 heures supplémentaires x 12,76 € = 153,19 €, concernant l'année 2016 pour 40 heures supplémentaires x 12,76 € = 510,40 € et pour l'année 2015 de 48 heures supplémentaires x 12,76 € = 612,48 €, soit un total de 1 276,07 €. Le salarié indique produire les plannings justifiant ses demandes en pièce n° 8 et le calcul de ses heures en pièce n° 10.

L'employeur s'oppose à cette demande en explique que chaque jour, une fois la prise de poste effectuée, le salarié arrêtait son travail avec la dernière tournée du matin, que s'ouvrait alors une période de pause durant laquelle aucun travail n'était demandé au salarié qui prenait son déjeuner à sa convenance dans le réfectoire de la centrale de béton et bénéficiait d'une indemnité de panier, que l'après-midi, le travail reprenait après la coupure avec le premier chargement de béton et que la pause durait donc jusqu'au moment où avait lieu ce premier chargement et qu'ainsi le salarié a toujours bénéficié d'une pause de 45 minutes minimum qui était souvent supérieure si le premier chargement de l'après-midi commençait avec du retard. Il détaille en ce sens les journées des 1er juin 2015 et 24 août 2015. Il explique encore qu'il limitait à 2 heures la pause non rémunérée, le temps passé au-delà étant payé même si le premier chargement de l'après-midi tardait à se mettre en place.

L'employeur reproche au salarié de se contenter d'indiquer un temps global journalier et de ne pas préciser les horaires de début et de fin de service qu'il revendique en distinguant ceux du matin et ceux, après la pause, de l'après-midi. Il ajoute que la durée du temps de service du personnel roulant est contrôlé au moyen d'un appareil de contrôle dit chronotachygraphe (analogique ou numérique) qui est imposé par la réglementation européenne et que les enregistrements du chronotachygraphe sont donc le mode obligatoire et exclusif du décompte des temps de service des conducteurs. Il indique que chaque mois le salarié recevait en annexe du bulletin des rapports détaillés de son activité enregistrée sur le chronotachygraphe, que ces derniers ont été gardés en mémoire sur les ordinateurs de l'entreprise qui a pu procéder à une réédition en juin 2018 er les a communiqués aux débats en pièces n° 5 à 7.

L'employeur développe à titre d'exemples les mois suivants :

juin 2015 : 184,95 heures de service dont 17,33 heures d'équivalences à 25 % et 15,95 heures supplémentaires à 25 % qui ont été réglées sur le bulletin du mois d'août 2015, 4,03 heures supplémentaires du 01/06 au 07/06 (43,03 h ' 39 h) + 2,2 heures supplémentaires du 08/06 au 14/06 (41,2 h-39 h) + 1,42 heures supplémentaires du 15/06 au 21/06 (40,42 h ' 39 h) + 4.60 heures supplémentaires du 22/06 au 28/06 (43,60 h ' 39 h) + 3,70 heures supplémentaires du 29/06 au 30/06 = 15.95 heures supplémentaires payées, étant relevé que les heures de la semaine entre juin et juillet 2015 du 29/06 au 05/07, 42,15 heures (25,45 + 7,85 + 8,85) soit 3,15 heures supplémentaires (42,15 h ' 39 h) ont été payées sur une base plus élevée de 4,45 heures supplémentaires dont 3,7 heures comprises dans les 15,95 heures supplémentaires réglées sur le bulletin d'août 2015 et 0,75 heure supplémentaire réglée sur le bulletin de septembre 2015 ;

juillet 2015 : 169,75 heures de service dont 17,33 heures d'équivalences à 25 % et 0,75 heures supplémentaires à 25 % qui ont été réglées sur le bulletin du mois de septembre 2015 ;

septembre 2015 : 189,57 heures de service soit 17,33 heures d'équivalences à 25 % payées sur le bulletin du mois de novembre 2015, 17 heures supplémentaires à 25 % et 3,75 heures supplémentaires à 50 %, toujours réglés sur le bulletin de novembre étant relevé que le salarié a bénéficié d'un paiement des heures supplémentaires qui le remplit de ses droits décomptés à la semaine [1,36 heures supplémentaires à 25 % du 31/08 au 06/09 (40,36 h ' 39 h) + 4 heures supplémentaires à 25 % et 1,55 heures supplémentaires à 50 % du 07/09 au 13/09 (44,55 h ' 39 h) + 3,90 heures supplémentaires à 25 % du 17/09 au 20/09 (42,90 h ' 39 h) + 4 heures supplémentaires à 25 % et 2,23 h supplémentaires à 50 % du 21/09 au 27/09 (45,23 h ' 39 h) = 13,26 heures supplémentaires à 25 % réalisées pour 17 heures supplémentaires payées]

La cour retient que le salarié produit un tableau précisant son temps de travail jour par jour ainsi qu'un tableau récapitulatif des heures supplémentaires réclamées, qu'il ne lui appartient nullement de préciser ses heures de pauses dont le décompte et la justification incombent à l'employeur mais qu'il aurait dû préciser les horaires de début et de fin de service pour chaque jour. Toutefois, les parties utilisant un chronotachygraphe, ces seuls éléments apparaissent dès lors suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

L'employeur répond effectivement en produisant les relevés issus du chronotachygraphe et il détaille ses calculs comme il vient d'être rappelé. Le salarié n'élève aucune contestation précise concernant ces éléments vérifiables issus des enregistrements du chronotachygraphe. Dès lors il apparaît que l'employeur a régulièrement rémunéré l'ensemble des heures supplémentaires accomplies par le salarié et il convient de débouter ce dernier de sa demande de rappel de salaire formée de ce chef.

2/ Sur le travail dissimulé

Le salarié sollicite la somme de 9 293,88 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé sur le fondement de l'article L. 8223-1 du code du travail, mais, comme il a été dit au point précédent, l'employeur a rémunéré et déclaré la totalité des heures supplémentaires accomplies par le salarié. Dès lors ce dernier sera débouté de ce second chef de demande.

3/ Sur l'obligation de sécurité

Le salarié réclame la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité en matière de santé au travail sur le fondement de l'article L. 1152-4 du code du travail. Il reproche à l'employeur la fourniture de matériels défectueux, l'absence de fourniture de tenue de protection, l'absence de visite auprès de la médecine du travail, un temps de travail excessif lors d'une mission à [Localité 8] ainsi que la violation des temps de pause.

L'employeur conteste l'ensemble de ces griefs. Il explique que le salarié a disposé dès son embauche des équipements obligatoires de protection, à savoir les chaussures de sécurité et que, dans le camion, se trouvaient en permanence un gilet fluorescent, des gants et un casque, qu'il ne peut en être autrement sachant que les entreprises qui exploitent des centrales de béton refusent l'accès à leur site si les chauffeurs n'ont pas ces équipements. Il produit en ce sens deux attestations de M. [W] responsable de centrale à béton ainsi des factures d'achats d'EPI.

L'employeur ajoute que les clients de la centrale qui sont livrés refusent l'accès à leur site si les chauffeurs n'ont pas les EPI et il produit en ce sens une attestation de M. [E]. Il ajoute que le remplacement des EPI s'effectuait sur demande de chacun des chauffeurs ou à l'initiative de l'employeur comme en 2015 quand il a décidé de renouveler le stock des casques. Il produit en ce sens des factures d'achat de vêtements de travail et de casques.

L'employeur explique que le salarié désirait en sus des EPI une paire de bottes en plastique dont l'usage est réservé uniquement aux opérateurs de pompe à béton (ce qui n'était pas son cas) et que néanmoins il a mis à sa disposition une paire de bottes en plastique à sa pointure qui était inutilisée et il produit en ce sens l'attestation de M. [B] [D].

Concernant la tenue de protection que revendique le salarié, l'employeur répond qu'il s'agit en fait d'un package de vêtements de travail (veste polaire, pantalon') que sans y être obligé, il a décidé de distribuer aux chauffeurs quelques semaines avant que le salarié ne notifie sa prise d'acte de rupture.

Concernant l'absence de visite médicale dans les 6 mois qui ont suivi l'avis du médecin du travail émis en juillet 2014, l'employeur fait valoir que ce grief se trouve prescrit par deux ans n'ayant été formulé qu'en 2018.

Concernant le déplacement à [Localité 8] réalisé le 19 mai 2016, l'employeur indique que le salarié avait reçu pour instruction de venir sur le chantier de [Localité 8] pour assurer des livraisons de béton jusqu'à 18 h 55 (fin de livraison sur le dernier chantier) et qu'il devait ensuite passer la nuit à l'hôtel qui avait été réservé, tout frais payé, il précise que le salarié ne peut soutenir qu'il ne savait pas qu'il devait loger à l'hôtel dès lors que le respect des durées maximales de conduite dans la profession du transport routier imposent au chauffeur, lorsqu'il y a de longues distances à parcourir pour se rendre sur les chantiers, de prendre des repos à l'extérieur et donc à l'hôtel, sauf que dans ce cas le salarié, en fin d'après-midi, a décidé de rentrer avec le camion sans prévenir l'employeur qui l'a cherché partout et à dépasser ainsi le temps quotidien de service.

L'employeur justifie de l'état des véhicules concernant la cuve à béton qui a été endommagée en début d'année 2018 sur un autre véhicule que celui du salarié en indiquant qu'il a immédiatement réagi pour la remplacer et il produit en ce sens une facture de cuve à béton ainsi que l'attestation de M. [T] [N]. L'employeur ajoute plus généralement que chaque année les véhicules poids lourds sont soumis à un contrôle technique qui vérifie leur bon état de marche ainsi que leur état satisfaisant d'entretien et que les véhicules conduits par le salarié (RENAULT [Immatriculation 3] jusqu'en 2015, IVECO [Immatriculation 7] en 2015/2016, IVECO [Immatriculation 4] par la suite) n'ont jamais été interdits de circuler. Il produit en ce sens les documents de contrôle technique.

La cour retient que la charge de la preuve du respect de l'obligation de sécurité pèse sur l'employeur, lequel, en l'espèce, y satisfait par les pièces produites qui viennent d'être citées et qui ne sont contredites par aucun élément probant produit par le salarié. Ces pièces justifient suffisamment les explications données par l'employeur, y compris concernant les pauses comme expliqué au premier point, sauf en ce qui concerne la visite médicale de contrôle. Sur le dernier point, s'agissant d'une obligation continuée, la cour retient que le grief n'est pas prescrit et que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de ce chef mais que le salarié ne justifie pas du préjudice que lui aurait causé l'absence de visite médicale et qu'ainsi il doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts formée de ce chef.

4/ Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Le salarié sollicite la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail sur le fondement de l'article L. 1222-1 du code du travail en ajoutant aux griefs précédemment discutés l'absence de toute évolution salariale ainsi que la violation du principe à travail égal salaire égal concernant M. [O].

L'employeur répond qu'il n'était nullement tenu de satisfaire à la demande d'augmentation du salarié et que M. [O] justifiait d'une expérience de deux ans dans la livraison de béton avant son embauche ce qui justifiait l'écart de rémunération initiale étant relevé qu'à la fin de la relation contractuell,e M. [O] bénéficiait d'un taux horaire brut de 10 € et le salarié d'un taux supérieur, soit 10,119 €. L'employeur produit en ce sens le certificat de travail de M. [O] ainsi que des bulletins de paie.

La cour retient au vu de ces explications que le salarié ne rapporte pas la preuve d'un manquement de l'employeur à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail.

5/ Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

Au vu des quatre points discutés précédemment l'employeur n'a pas commis de faute s'opposant à la poursuite de la relation contractuelle et dès lors la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié s'analyse en une démission. En conséquence, ce dernier sera débouté de l'ensemble de ses demandes relatives à la rupture de la relation contractuelle.

6/ Sur les autres demandes

Il convient d'allouer à l'employeur la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le salarié supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

débouté M. [K] [X] de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

débouté M. [K] [X] de sa demande au titre du travail dissimulé.

L'infirme pour le surplus.

Statuant à nouveau,

Déboute M. [K] [X] de sa demande de paiement d'heures supplémentaires et de ses demandes de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et exécution de mauvaise foi du contrat de travail.

Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'analyse en une démission.

Déboute M. [K] [X] de l'ensemble de ses demandes pécuniaires relatives à la rupture du contrat de travail.

Condamne M. [K] [X] à payer à la SAS [D] TRANSPORTS LANGUEDOC ROUSSILLON la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Condamne M. [K] [X] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/04153
Date de la décision : 02/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-02;19.04153 ?
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