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02/11/2022 | FRANCE | N°19/03088

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 02 novembre 2022, 19/03088


Grosse + copie

délivrées le

à













COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre sociale



ARRET DU 02 NOVEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/03088 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OENE



ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15 AVRIL 2019 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SETE - N° RG F 17/00145





APPELANTE :



Madame [N] [Y] épouse [O]

née le

19 Octobre 1984 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

Représentée par Me Michel GOURON, avocat au barreau de MONTPELLIER





INTIMEE :



SAS DLH FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux en ex...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 02 NOVEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/03088 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OENE

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15 AVRIL 2019 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SETE - N° RG F 17/00145

APPELANTE :

Madame [N] [Y] épouse [O]

née le 19 Octobre 1984 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

Représentée par Me Michel GOURON, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

SAS DLH FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux en exercice

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédéric GUIZARD de la SCP DELSOL, GUIZARD, AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER (avocat postulant) et par Me GRANGÉ avocat au barreau de Paris, (avocat plaidant) substitué par Me Frédéric-Guillaume LAPREVOTE, avocat au barreau de Paris, qui n'a pas eu la parole à l'audience en raison de l'irrecevabilité des conclusions de l'intimée prononcées par ordonnance du conseiller de la mise en état du 22/10/2019.

Ordonnance de clôture du 23 Août 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 SEPTEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.

*

**

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS DLH FRANCE a embauché Mme [N] [Y] à compter du 13 septembre 2007 suivant contrat de professionnalisation puis par contrat de travail à durée indéterminée du 1er juillet 2008 en qualité de comptable.

Les relations contractuelles des parties sont régies par les dispositions de la convention collective nationale des bois et scieries, travail mécanique, négoce et importation.

Le 25 avril 2013, la salariée a été promue responsable comptable.

La salariée a été licenciée pour motif économique suivant lettre du 26 avril 2017 ainsi rédigée :

« Par la présente, suite à l'entretien préalable, nous vous notifions votre licenciement pour les motifs économiques rappelés ci-dessous, et qui sont ceux qui ont présidé à la cessation d'activité de l'entreprise DLH France en France, cessation d'activité présentée aux salariés en février 2016 et notifiée à la Direccte le 8 mars 2016. Dans ce cadre la suppression de tous les postes de travail étaient actés, dont votre poste de responsable comptable. Dans le cadre de la cessation opérationnelle, administrative et comptable de l'entreprise, il vous a été demandé de rester jusqu'à nécessaire, et nous avions régularisé ensemble la mise en place d'un télétravail par avenant à votre contrat. Nous vous rappelons ci-dessous les motifs économiques ayant conduit à cette cessation d'activité en France et la décision de licenciement à votre égard.

(1) La société DLH France SAS fait partie du groupe danois Dalhoff [D] & Horneman (DLH), coté à la bourse de Copenhague, qui est un grossiste international en bois et dérivés du bois pour le secteur de la construction. Ce groupe était organisé autour de 2 principaux secteurs d'activité :

' L'activité « distribution Europe » qui comprend l'achat, la vente, la distribution et le stockage (impliquant du transit physique sur site) de bois et de produits dérivés. Cette activité est gérée suivant 3 régions géographiques : Europe du Nord / Europe Occidentale / Europe Centrale, Orientale et Russie.

' L'activité « négoce international » qui comprend uniquement l'achat et la vente (pas de stocks, pas de transit, pas de distribution) de bois durs, panneaux et contreplaqués. Cette activité est implantée dans des lieux où DLH n'est pas installé dans son premier secteur d'activité, soit notamment en Afrique, en Amérique, en Asie.

La société française DLH France SAS relevait de la branche « distribution Europe » d'Europe Occidentale (comprenant la France et la Belgique), tout en ayant 3 postes dédiés au « négoce international » avec le bureau de Hong Kong. Elle est une filiale directe de la maison mère danoise DLH A/S. L'activité du groupe DLH et de la société DLH France est particulièrement sensible à la santé économique du marché de la construction et de la rénovation. Or, ce secteur est depuis plusieurs années en forte dégradation. Le chiffre d'affaires de la branche « Distribution Europe » d'Europe Occidentale a ainsi chuté de 56 % entre 2010 et 2013, passant de 71,4 millions d'euros à 31,7 millions d'euros. Plus généralement, sur tous ses produits de bois et dérivés, le Groupe DLH a connu une baisse substantielle et de son chiffre d'affaires brut et de sa marge commerciale, sur la quasi-totalité des produits entre 2009 et 2013, comme suit :

' Sciés : moins 73,81 % en chiffre d'affaires et moins 71,18 % en marge commerciale

' Grumes : moins 25,28 % en chiffre d'affaires et moins 25,29 % en marge commerciale

' Terrasses : moins 44,14 % en chiffre d'affaires et moins 36,80 % en marge commerciale

' Panneaux : moins 22,46 % en chiffre d'affaires et moins 43 % en marge commerciale

' Produits finis : la seule gamme en augmentation, soit + 121,39 % en chiffre d'affaires et 9,75 % en marge commerciale, ce qui reste une augmentation très limitée.

Depuis 2009, le groupe avait dû absorber une perte globale de 44 % de son chiffre d'affaires et de 43,59 % de sa marge commerciale. Par ailleurs, les prévisions pour 2014 faisaient apparaître une nouvelle baisse de chiffre d'affaires d'environ 8 % par rapport à 2013, et de 8 % de la marge commerciale. La clôture de l'année 2014 faisait effectivement apparaître une baisse de chiffre d'affaires de 32 % et une baisse de la marge commerciale de 22 %. En conséquence de tous ces éléments, le groupe DLH a réussi à faire tendre le résultat courant avant impôt, en 2010 et 2011, vers 0. Mais suite à la crise financière, celui-ci est redevenu négatif à partir de 2012, et il n'y a pas eu non plus de résultat courant avant impôt positif en 2014.

Chiffre d'affaires netRésultat courant avant impôts

2009325'95,7

2010369   1,2

2011376   1,2

2012282'24,6

2013296'32,5

2014196'22,9

2015  72'11,4

(Montants exprimés en millions d'€)

Il y a lieu de constater que l'année 2015 montre une diminution de 63 % du chiffre d'affaires par rapport à l'année 2014. La perte est de '22.9 millions d'euros en 2014, ce qui représente 11,7 % du chiffre d'affaires. La perte est de '11.4 millions d'euros en 2015, représentant 15.8 % du chiffre d'affaires. La perte en pourcentage du chiffre d'affaires ne cesse d'augmenter. Ce qui était très alarmant, c'est que le Groupe DLH avait pourtant mis en 'uvre un certain nombre d'actions pour tenter de retrouver un équilibre financier et économique, tels que des fermetures d'usines au Brésil, en Pologne et en Suède fin 2009, ou l'arrêt de certaines activités en Europe, ou encore la simplification et la rationalisation de l'organisation à partir de 2010. Les effectifs du groupe sont ainsi passés de 3 688 personnes à moins de 500 en 2013. Aussi, à la lumière de tous ces éléments et des prévisions de marché, et après mûre réflexion, les actionnaires du groupe DLH ont décidé lors d'une assemblée générale extraordinaire qui s'est tenue en janvier 2014, de procéder à la vente de l'ensemble des unités qui le composent. Le schéma privilégié était que chaque région puisse réaliser l'opération de vente avec son propre repreneur. Au cours de l'année 2014, le Groupe a mis en 'uvre cette décision, et a réalisé les opérations suivantes :

' La vente d'un terrain à Belem (Brésil) avec une société locale de transports ;

' La vente de la société polonaise et la société slovaque à un conglomérat polonais Grass Polska, qui a une activité de distributeur ;

' La vente de son activité commerciale aux États-Unis à un gros industriel du papier Central National Gottesman Inc. ;

' La vente de toutes ses entités présentes en Asie et en Afrique auprès d'un groupe autrichien dans l'activité bois, le Groupe JAF.

En novembre 2014, le groupe a également transféré son activité de bois dur au Danemark à la société A/S Global Timber. Ce transfert a porté sur les stocks, les clients, les engagements fournisseurs et 3 salariés. Au début de l'année 2015, le groupe a poursuivi avec :

' La vente d'un terrain à Gadstrup près de Roskilde au Danemark en janvier 2015 ;

' La vente de l'entité russe à ses propres salariés en mars 2015 ;

' La vente d'une entité non opérationnelle brésilienne en mars 2015 à un opérateur forestier brésilien qui a récupéré les licences DLH pour des travaux forestiers.

Le groupe est toujours en discussions avec plusieurs candidats sur la vente des entités et activités de la région nordique (Danemark). Parallèlement à la vente globale de toutes les composantes du groupe DLH, la dissolution de la maison mère danoise est intervenue à la date du 30 avril 2015, M. [M] a été nommé président à partir du 1er mai 2015 et est resté en fonction jusqu'en mai 2016. Par suite, le soussigné, M. [U] a été nommé président. DLH France était totalement intégrée à cette stratégie de trouver un repreneur. C'est dans ce cadre que DLH France a procédé à une réorganisation intervenue en 2014, afin de motiver un éventuel repreneur. Malheureusement aucun repreneur n'a présenté une véritable offre de rachat de DLH France, malgré le mandatement par le groupe du cabinet KPMG pour contacter un panel de repreneurs potentiels du secteur du bois et papier, et des fonds d'investissement. Pour la plupart, le point bloquant était une valorisation trop faible de DLH France avec une approche très opportune sur la contrainte de DLH à se vendre. Au cours du printemps 2015, un projet de rachat par certains cadres de l'entreprise française a été discuté. Plusieurs banques ont été visitées afin de mettre en place un projet avec un plan de financement viable. Malheureusement, à début janvier 2016, le plan de financement n'était toujours pas validé par une banque, et le groupe DLH n'a pas la capacité de financement d'un tel projet. Il convient en effet de rappeler que le groupe DLH est financé par un consortium de banques avec des conditions précises de remboursement. La dette bancaire était encore de 5 millions d'euros au 31/12/2015, et devait être intégralement remboursée au plus tard au 31/12/2016. Parallèlement, la situation financière et économique de DLH France a continué à se dégrader dans un contexte de marché français toujours difficile. En effet, en France, le secteur de la construction est en chute depuis 2008. Alors que 2010 est une année de sortie de crise, ce secteur reste en récession avec une baisse de 5,5 % après une baisse de 6,1 % en 2009 et une stagnation à 0,9 % en 2008. En 2010, les mises en chantier de bâtiments non résidentiels reculent encore : les mètres carrés mis en chantier diminuent de 11,2 % après avoir baissé de 31 % en 2009. En 2013, les mises en chantier de logements neufs montrent une baisse de plus de 10 %. En 2014, les mises en chantier ont encore chuté de 10,3 % pour s'afficher à 297 532, contre un objectif gouvernemental de 500 000. En 2015, les trois premiers trimestres montrent une légère reprise (+ 0,5 %) avec 354 700 mises en chantier (source : ministère du développement durable). Cependant, la Coface confirme que le volume d'activité du secteur demeure inférieur à son niveau d'avant la crise financière de 2008. Le recul de la construction et de la rénovation impactent directement l'activité et les résultats de DLH France. Ainsi, l'évolution du chiffre d'affaires brut et de la marge commerciale de DLH France sur l'ensemble de ses produits entre 2009 et 2013 se traduit comme suit :

' les sciés : moins 62,44 % de chiffre d'affaires et moins 57,38 % de marge commerciale ;

' les grumes : moins 76,13 % pour le chiffre d'affaires et une baisse de plus de 100 % pour la marge (marge commerciale négative en 2013) ;

' les terrasses : moins 35,17 % de chiffre d'affaires et moins 57,32 % de marge commerciale.

L'augmentation du chiffre d'affaires pour les panneaux et les produits finis ne suffisait pas à compenser les pertes enregistrées pour les autres produits. L'activité des panneaux (et contreplaqués) a été arrêtée courant 2014. Depuis 2009, la société a une perte de chiffre d'affaires global de 27,66 %, et de marge commerciale de 44,03 %. En 2014 par rapport à 2013, DLH France a encore perdu 31,49 % de chiffre d'affaires et 23,79 % de marge commerciale. Concernant l'année 2015, DLH France a perdu 47,01 % du chiffre d'affaires par rapport à 2014 et 53,40 % de marge commerciale. En conséquence de tous les éléments ci-dessus rappelés, le résultat courant avant impôts de DLH France est de '0,1 million d'euros en 2012, de '0,9 million d'euros en 2013 et de '1,4 million d'euros en 2014. Les comptes de DLH France, pour l'année 2015, ont été arrêtés en prenant en compte l'arrêt total et définitif de l'activité au 31 juillet 2016. Le chiffre d'affaires s'élevait à 11,5 millions d'euros (versus 21,4 millions d'euros en 2014) avec une perte d'environ 3 millions d'euros. Faute de projet de reprise abouti, DLH France n'avait pas d'autre choix que d'envisager sa fermeture pure et simple. Cela se traduisait par une cessation totale et définitive d'activité sur l'année 2016, empêchant le maintien des emplois.

(2) La cessation d'activité emportait ainsi la suppression de tous les postes existant au sein de DLH France :

' 1 responsable des achats

' 4 commerciaux

' 3 assistantes commerciales

' 2 caristes

' 1 chef de parc

' 1 responsable comptable

' 1 directeur

Comme rappelé en préambule, vous étiez la dernière salariée de l'entreprise en France à continuer les quelques activités de suivi comptable, administratif et financier en lien avec le soussigné, M. [U]. Il convient de constater qu'à date, votre poste salariée de responsable comptable est définitivement vidé de substance, et que la société devait envisager votre licenciement pour les motifs économiques sus exposés.

(3) C'est dans ces conditions que nous vous avons convoqué à un entretien individuel avant licenciement. Au cours de cet entretien, conformément à la loi, nous vous avons présenté les raisons et le contexte économique conduisant au projet de licenciement pour motif économique. Nous avons également recueilli vos observations et avons fait un point sur le reclassement interne. Nous vous avons aussi expliqué le dispositif du contrat de sécurisation professionnelle géré par Pôle Emploi (ci-après « CSP »). Malheureusement, nous vous confirmions que nous ne disposions d'aucun poste disponible à titre de reclassement interne en France. S'agissant du reclassement à l'étranger au sein du groupe auquel DLH FRANCE appartient, nous vous avions remis en mains propres contre décharge en application de l'article L. 1233-4-1 du code du travail, une lettre d'information relative au reclassement à l'étranger, vous invitant à nous faire savoir par écrit si vous souhaitiez recevoir des offres de reclassement à l'étranger, et ce dans le délai légal imparti, tout en constatant ensemble le processus de dissolution du groupe. Vous avez confirmé expressément par mail en date du 21 avril 2017 que vous n'étiez pas intéressée.

(4) Après réflexion, vous avez décidé d'accepter le CSP en nous retournant le bulletin d'acceptation le 19 avril 2017. Du fait de cette acceptation, nous constatons par la présente lettre, en application de l'article L. 1233-67 du code du travail, la rupture de votre contrat de travail avec effet au 28 avril 2017. Conformément aux dispositions du CSP, nous vous rappelons que vous n'avez pas à effectuer de préavis et que vous renoncez à votre indemnité de préavis de deux mois. La rupture de votre contrat de travail vous ouvre droit, outre à l'indemnité compensatrice de congés payés, à l'indemnité de licenciement à laquelle votre ancienneté ouvre droit. Votre solde de tout compte, votre certificat de travail et l'attestation destinée à Pôle Emploi sont donc arrêtés à la date du 28 avril 2017. À cette même date, vous voudrez bien restituer les biens et documents appartenant à la société et qui vous auraient été remis pour l'exécution de vos fonctions. Il vous est rappelé que toute contestation devant le juge judiciaire relative à la rupture de votre contrat de travail est soumise à la prescription de douze mois prévue par l'article L. 1233-67 du code du travail. Nous vous rappelons aussi que vous bénéficiez d'une priorité de réembauchage durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail, à condition que vous nous informiez de votre désir d'en user, par courrier, au cours de ce délai. Cette priorité concerne les postes compatibles avec votre formation et également ceux qui correspondraient à une nouvelle qualification acquise après votre départ, sous réserve cependant que vous nous la fassiez connaître. Enfin, conformément à l'article L. 911-8 du code de sécurité sociale, vous gardez le bénéfice des couvertures complémentaires santé et prévoyance, à titre gratuit, appliquées au sein de la société DLH FRANCE pendant votre période de chômage et pour des durées égales à la durée de votre contrat de travail, appréciées en mois entiers, dans la limite absolue de douze mois de couverture, et suivant les conditions prévues par ledit article. »

Contestant son licenciement, Mme [N] [Y] épouse [O] a saisi le 4 décembre 2017 le conseil de prud'hommes de Sète, section commerce, lequel, par jugement rendu le 15 avril 2019, a :

débouté la salariée de sa demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

débouté la salariée de sa demande de défaut de reclassement ;

débouté la salariée de sa demande visant à la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 1 200 € au titre des frais irrépétibles ;

débouté la salariée de sa demande visant à la condamnation de l'employeur aux dépens ;

dit que les difficultés économiques du groupe DLH FRANCE invoquées par l'employeur sont démontrées ;

dit que l'employeur a respecté son obligation de reclassement préalablement au licenciement ;

dit que le licenciement pour motif économique repose sur une cause réelle et sérieuse ;

dit que la procédure de licenciement est parfaitement régulière ;

condamné la salariée aux dépens.

Le premier juge a statué aux motifs suivants qu'il convient de reproduire dès lors que les conclusions de l'employeur ont été déclarées irrecevables :

« Sur la demande de juger le licenciement de Mme [N] [O] par la société DLH France sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, au vu des pièces versées aux débats [sic] constate que la section encadrement le conseil de céans a jugé que le motif économique décrit dans la note explicative du 8 mars 2016 présentant à la DIRECCTE le projet de licenciement pour motif économique avait été suffisant pour licencier M. [D], ancien directeur de DLH FRANCE qui contestait également la mesure. En conséquence, le conseil de céans, déboute Mme [O] de sa demande.

Sur la demande Juger le défaut de tentative sérieuse de reclassement.

En l'espèce, le conseil de céans, au vu des pièces versées aux débats constate qu'en date du 8 avril 2018 la société DLH FRANCE informait Mme [N] [O] par courrier remis en main propre contre décharge de la possibilité de bénéficier d'un contrat de sécurisation professionnelle (CSP). En l'espèce, le conseil de céans, au vu des pièces versées aux débats constate qu'en date du 18 avril 2018 la société DLH FRANCE informait Mme [N] [O] par courrier remis en main propre contre décharge des offres de reclassements hors du territoire national à savoir la Suède et le Danemark. La société DLH FRANCE rappelait à Mme [N] [O] la procédure de licenciement sans cause réelle et sérieuse collective pour motif économique et demandait à Mme [N] [O] d'indiquer par courrier conformément à l'article L 1233-4 du code du travail ses souhaits en respectant un délai de 7 jours ouvrables. En l'espèce, le conseil de céans, au vu des pièces versées aux débats constate que Mme [N] [O] ne répondra jamais dans les délais impartis au courrier remis en main propre contre décharge en date du 18 avril 2018 concernant les offres de reclassements hors du territoire national à savoir la Suède et le Danemark. En l'espèce, le conseil de céans, au vu des pièces versées aux débats constate un échange de mail, en date du 19 avril 2017, entre M. [U], président de DLH FRANCE, et la requérante concernant une proposition de reclassement au Danemark. Mme [N] [O] répondait par mail à M. [U] président de DLH FRANCE en date du 21 avril 2017 ne pas être intéressée par aucun poste au Danemark. En l'espèce, le conseil de céans, au vu des pièces versées aux débats constate qu'en date du 19 avril 2017 la société DLH FRANCE et Mme [N] [O] signaient le récépissé du contrat de sécurisation professionnelle. En conséquence, le conseil de céans, déboute Mme [O] de sa demande. »

Cette décision a été notifiée le 18 avril 2019 à Mme [N] [Y] épouse [O] qui en a interjeté appel suivant déclaration du 3 mai 2019.

Par ordonnance eu 22 octobre 2019, le conseiller de la mise en état a :

prononcé l'irrecevabilité des conclusions déposées le 8 octobre 2019 par la SCP DELSOL, GUIZARD, avocats ;

rappelé que l'ordonnance peut être déférée par requête à la cour dans les 15 jours à compter de sa date.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 23 août 2022.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 4 juillet 2019 aux termes desquelles Mme [N] [Y] épouse [O] demande à la cour de :

infirmer le jugement entrepris ;

dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

constater le défaut de tentative sérieuse de reclassement ;

condamner l'employeur à lui verser les sommes suivantes :

'37 848 € à titre de dommages et intérêts ;

'  2 500 € au titre des frais irrépétibles ;

condamner l'employeur aux dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour retient qu'en application des dispositions de l'article 909 du code de procédure civile l'irrecevabilité des conclusions tardives de l'intimée doit être étendue aux pièces qui ont été versées par celle-ci.

1/ Sur les difficultés économiques

Au temps du licenciement, c'est-à-dire antérieurement à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa version modifiée par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, disposait que :

« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l'une des causes énoncées au présent article. »

En application de ce texte, la cause économique d'un licenciement s'appréciait alors au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel l'entreprise intervenait sans qu'il y eût lieu de réduire ce groupe aux entreprises ou sociétés situées sur le territoire national. Il incombait à l'employeur de démontrer, dans le périmètre pertinent, la réalité et le sérieux du motif invoqué.

La salariée conteste les difficultés économiques visées à la lettre de licenciement en soutenant qu'il se déduit de cette dernière que l'arrêt de l'activité en France était exclusivement motivé par le remboursement des dettes du groupe au Danemark. Elle produit les trois bilans précédant le licenciement dont elle déduit que l'activité de la société française était rentable et pouvait être poursuivie en autonomie, les soldes en banque, les résultats et les engagements bancaires étant en cohérence avec une activité normale et la trésorerie étant suffisante pour subvenir aux besoins de l'exploitation.

Elle relève que la disponibilité au 31 décembre 2015 était de 6,5 millions d'euros en banque, le compte client d'1,5 millions d'euros, le stock de marchandises de 4,5 millions d'euros et que le report à nouveau de 8 345 000 € pouvait absorber la perte constatée de 2 800 000 € dès lors que l'endettement de la société DLH FRANCE était nul.

La salariée explique encore que le bilan au 31 décembre 2015 laisse apparaître 1 922 000 € de dotations exceptionnelles aux amortissements et provision, cette ligne étant expliquée sous le terme « dotation pour cessation d'activité », qu'ainsi la perte au 31 décembre 2015 est une perte de circonstance, sans lien avec l'exploitation proprement dite d'importation et de distribution de bois étant rentable, qu'il s'agisse de l'exercice 2015 comme de l'exercice précédent, l'exercice 2016 ayant connu un profit de 1 767 733 € et permis la distribution, par décision de l'associé unique en date du 18 octobre 2016, d'un dividende exceptionnel d'un montant de 5,5 millions d'euros.

La salariée ajoute que la société avait d'ores et déjà prévu le rapatriement à l'étranger de ses actifs et elle verse en ce sens un extrait du compte DLH FRANCE ouvert auprès de la banque NORDEA à FRANCFORT qui indique un solde créditeur de 8 567 000 € le 26 juillet 2016.

Les premiers juges n'ont pas motivé leur décision concernant les difficultés économiques de l'entreprise, se contentant de statuer par référence à un autre licenciement sans plus d'explication.

La cour retient qu'elle ne dispose d'aucun élément lui permettant de connaître l'identité des sociétés étrangères du groupe appartenant au même secteur d'activité « distribution Europe » que l'employeur, ni leur situation économique, alors qu'il incombe à l'employeur de démonter, dans le périmètre pertinent, la réalité et le sérieux du motif invoqué.

En conséquence, il convient de dire le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

2/ Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La salariée sollicite la somme de 37 848 € à titre de dommages et intérêts, soit 12 mois de son salaire moyen qui s'élevait à la somme de 2 769,23 €.

La salariée était âgée de 33 ans au temps du licenciement, elle bénéficiait d'une ancienneté de 9 années complètes et elle ne s'explique pas sur sa situation au regard de l'emploi postérieurement à son licenciement. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de réparer son entier préjudice par l'allocation d'une somme équivalente à 9 mois de salaire soit 9 × 2 769,23 € = 24 923,07 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

3/ Sur les autres demandes

Il y a lieu d'allouer à la salariée la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'employeur supportera les dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Condamne la SAS DLH FRANCE à payer à Mme [N] [Y] épouse [O] la somme de 24 923,07 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la SAS DLH FRANCE à payer à Mme [N] [Y] épouse [O] la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Condamne la SAS DLH FRANCE aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/03088
Date de la décision : 02/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-02;19.03088 ?
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