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02/11/2022 | FRANCE | N°19/02390

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 02 novembre 2022, 19/02390


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 02 NOVEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/02390 - N° Portalis DBVK-V-B7D-ODDB







Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 FEVRIER 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 17/05027





APPELANTE :>


S.A.S. MONOPRIX EXPLOITATION Immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 552 083 297 prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège social

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, A...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 02 NOVEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/02390 - N° Portalis DBVK-V-B7D-ODDB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 FEVRIER 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 17/05027

APPELANTE :

S.A.S. MONOPRIX EXPLOITATION Immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 552 083 297 prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège social

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Armelle BOUTY (Cabinet RACINE), avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

INTIMEE :

Madame [Z] [H]

née le [Date naissance 1] 1933 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Nathalie PINHEIRO de la SCP LAFONT ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me François LAFONT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 31 Août 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 SEPTEMBRE 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

[Z] [H] est propriétaire d'un appartement situé au premier étage d'un immeuble situé à [Localité 6] dont le rez de chaussée est occupé par la société Monoprix.

En 2002, elle a sollicité la désignation d'un expert judiciaire au motif de l'existence de nuisances sonores. L'expert a déposé trois rapports d'expertise, les 16 mai 2003, 19 mai 2004 et 2 mai 2005.

Dans le premier rapport, l'expert a estimé que les nuisances provenaient surtout des manipulations diverses exercées au sein du magasin Monoprix, entre 5h et 8h du matin, et a préconisé des travaux de renforcement acoustiques et de réglage des machines.

Le 21 septembre 2004, [Z] [H] a engagé une nouvelle procédure de référé afin d'obtenir la condamnation de la société Monoprix à faire réaliser les travaux préconisés sous astreinte, procédure à laquelle le juge des référés a fait droit.

Le 19 mai 2004, l'expert a déposé son second rapport aux termes duquel il a confirmé que la société Monoprix avait réalisé tous les travaux préconisés sauf la remise en place systématique des tapis amortisseurs amovibles lors des opérations d'approvisionnement et où il relevait que l'exécution des travaux permettait de mettre en évidence d'autres sources de nuisances sonores jusqu'alors masquées.

Le 21 septembre 2004, [Z] [H] a demandé en référé la désignation du même expert pour que celui-ci étudie les nouvelles sources de bruit et préconise les travaux nécessaires.

Le 2 mai 2005, l'expert a rendu son rapport et a confirmé l'existence de nuisances sonores excédant les normes en vigueur et a émis des préconisations pour y remédier.

Le 21 décembre 2005, [Z] [H] a assigné la société Monoprix afin d'obtenir notamment l'homologation du rapport, la condamnation de Monoprix à effectuer les travaux, la désignation du même expert pour contrôler l'exécution des travaux et la condamnation de la société Monoprix pour les troubles de jouissance subis.

Le 4 septembre 2006, le tribunal de grande instance de Montpellier a retenu la faute de la société Monoprix sur le fondement d'émergences sonores successives, homologué partiellement le rapport du 2 mai 2005 et condamné la société Monoprix à payer une somme de 4 997,21 euros au titre de l'installation de baies vitrées hautes performances acoustiques, de 19 800 euros, sous déduction de la provision de 3 000 euros allouée par l'ordonnance de référé du 19 mai 2004, en indemnisation du préjudice pour trouble de jouissance subi entre mai 1998 et le jugement. Il a sursis à statuer en ce qui concerne les travaux complémentaires à effectuer et le préjudice de jouissance de la demanderesse, postérieur au jugement, et ordonné une expertise technique, confiée à un nouvel expert, monsieur [V].

L'expert a déposé son rapport le 25 février 2010 sans que ses préconisations soient suffisantes pour faire cesser complètement le trouble sonore. Le juge de la mise en état a de nouveau commis monsieur [V] pour de nouvelles préconisations le 27 janvier 2011.

L'expert a déposé son rapport définitif le 17 août 2017.

[Z] [H] a alors demandé l'exécution sous astreinte des travaux préconisés par l'expert ainsi que l'allocation d'une somme de 52 800 euros à parfaire de 200 euros par mois depuis septembre 2017 jusqu'à la fin des nuisances au titre de son préjudice.

La société Monoprix lui a opposé que la quasi-totalité des bruits avait été supprimée par les travaux qu'elle avait effectués et qu'elle avait pris toutes les dispositions nécessaires et que rien ne démontrait que des bruits persistaient au-dessus des normes réglementaires. Elle a également avancé que le préjudice de jouissance avait déjà été indemnisé par jugement du 4 septembre 2006.

Le jugement rendu le 6 février 2019 par le tribunal de grande instance de Montpellier énonce dans son dispositif :

Condamne la société Monoprix Exploitation à réaliser dans les trois mois suivant le présent jugement et ensuite sous astreinte de 50 euros par jour de retard les travaux préconisés par l'expert en page 29 de son rapport du 17 août 2017 ;

Dit que pour mettre fin au cours de l'astreinte, la société Monoprix devra fournir un certificat de conformité établi à ses frais et diligences par l'expert [V] ;

Condamne la société Monoprix à payer à [Z] [H] la somme de 29 800 euros en réparation du trouble de jouissance subi depuis septembre 2006 et de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Monoprix aux dépens comprenant les frais des deux rapports d'expertise de monsieur [V] ;

Rejette toute autre demande ;

Ordonne l'exécution provisoire.

Le jugement relève que le rapport du 17 août 2017 constate que la société Monoprix a réalisé diverses améliorations mais qu'un bruit de vibration persiste. Il expose que [Z] [H] est en droit d'obtenir la cessation totale du trouble sonore illicite alors que la société Monoprix ne démontre pas que le trouble ait cessé depuis le rapport.

Il expose que le trouble de jouissance, même s'il a diminué, a persisté depuis le jugement du 4 septembre 2006 et ouvre droit à indemnisation sur la base mensuelle retenue précédemment de 200 euros jusqu'au 6 février 2019.

La société Monoprix Exploitation a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 5 avril 2019.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 31 août 2022.

Les dernières écritures pour la société Monoprix Exploitation ont été déposées le 16 août 2022.

Les dernières écritures pour [Z] [H], avant que ne soit rendue l'ordonnance de clôture, ont été déposées le 27 septembre 2019.

Le 20 septembre 2022 toutefois, le conseil de [Z] [H] a déposé de nouvelles conclusions, dites « conclusions d'actualisation », dans lesquelles elle expose que d'importants travaux ont été réalisés en juin 2022 et qu'en accord avec la société Monoprix Exploitation, une étude acoustique a été effectuée le 12 juillet 2022, qui a confirmé la suppression des nuisances sonores, de sorte que, devenues sans objet, elle retire ses demandes au titre de la réalisation de travaux sous astreinte.

Lorsque le dossier a été évoqué devant la cour, la société Monoprix Exploitation ne s'est pas opposée à cette actualisation des prétentions de l'intimée et a accepté que la clôture soit en conséquence rabattue au jour de l'audience, soit au 21 septembre 2022.

L'exposé du dispositif des dernières écritures de [Z] [H], déposées le 20 septembre 2022, reprendra donc cette actualisation.

Le dispositif des écritures pour la société Monoprix Exploitation énonce :

Réformer le jugement du tribunal de grande instance de Montpellier en toutes ses dispositions ;

Constater l'absence de démonstration d'une quelconque faute commise par la société Monoprix Exploitation en lien avec les nuisances invoquées par [Z] [H] ni de l'existence d'un trouble anormal de voisinage et qu'il est justifié par la société Monoprix Exploitation de la suppression des dernières émergences sonores identifiées dans l'appartement de [Z] [H] par le rapport d'expertise de M. [V] du 11 août 2017 ;

Rejeter la demande de condamnation sous astreinte dirigée à l'encontre de la société Monoprix Exploitation ;

A titre subsidiaire, réduire à de plus justes proportions l'indemnité allouée à [Z] [H] en considération de la minoration très significative des nuisances sonores depuis 2006 ;

Laisser à chaque partie la charge de ses dépens.

Concernant, la condamnation indemnitaire, la société Monoprix conteste que le montant mensuel retenu soit le même que celui fixé par le jugement du 4 septembre 2006 alors que les nuisances actuelles sont sans commune mesure avec celles relevées précédemment. Elle ajoute qu'il faut tenir compte des difficultés techniques objectives auxquelles elle a été confrontée, ainsi que des sommes importantes dépensées depuis le début des litiges, tant pour les investigations que pour les travaux, pour un montant de 750 000 euros. Subsidiairement, la société Monoprix Exploitation demande à ce que l'indemnité soit ramenée à de plus justes proportions.

Le dispositif des écritures pour [Z] [H] énonce :

Confirmer la condamnation de la société Monoprix à payer à [Z] [H] une indemnité de 200 euros par mois au titre du préjudice de jouissance à compter de septembre 2006 jusqu'à la constatation de bonne fin des travaux ;

En conséquence,

Condamner la société Monoprix Exploitation à payer à [Z] [H] la somme de 38 000 euros en réparation du préjudice subi de septembre 2006 à juin 2022 ;

Confirmer le jugement pour le surplus ;

Condamner la société Monoprix Exploitation à payer une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et la condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Lafont & associés.

[Z] [H] soutient qu'elle a subi un trouble de jouissance qui a persisté même après le jugement du 4 septembre 2006. Son indemnisation doit tenir compte de la valeur locative du logement qui est un appartement de haut standing, situé place de la Comédie. C'est seulement dans son rapport du 11 août 2017 que l'expert a constaté une amélioration des bruits, ce qui signifie que ce n'était pas le cas auparavant.

MOTIFS

1. Sur l'abandon de certaines prétentions en cause d'appel

La cour prend acte de ce que [Z] [H] abandonne certaines de ses prétentions en cause appel, consistant en la condamnation de la société Monoprix Exploitation à réaliser des travaux sous astreinte, de sorte que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Monoprix Exploitation à réaliser dans les trois mois suivant le jugement et ensuite sous astreinte de 50 euros par jour de retard, les travaux préconisés par l'expert en page 29 de son rapport du 17 août 2017, et dit que pour mettre fin au cours de l'astreinte, la société Monoprix Exploitation devra fournir un certificat de conformité établi à ses frais et diligences par l'expert [V].

2. Sur les prétentions indemnitaires de [Z] [H]

Il est incontestable que les bruits ont persisté au-delà du jugement rendu le 4 septembre 2006, qui avait déjà procédé à l'indemnisation de [Z] [H] pour la période passée, même s'ils ont été par suite diminués consécutivement aux travaux réalisés par la société Monoprix Exploitation.

En raison de la persistance de ces bruits sur plusieurs années, jusqu'à leur disparition complète après des travaux achevés en juin 2022, au terme d'une longue procédure judiciaire, la cour confirme la base mensuelle d'indemnisation retenue par le premier juge, de 200 euros, peu important le coût total des travaux dont se prévaut la société Monoprix Exploitation, celui-ci ne pouvant conditionner le quantum alloué à la demanderesse, soit sur la période de septembre 2006 à juin 2022, soit 15 ans et 10 mois = 190 x 200 euros = 38 000 euros.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé sur le principe de la réparation du trouble de jouissance subi par [Z] [H] mais sera réformé afin d'actualiser la période d'indemnisation, comprise entre septembre 2006 à juin 2022, de sorte que la société Monoprix Exploitation sera condamnée à lui payer la somme totale de 38 000 euros.

3. Sur les dépens et les frais non remboursables

Le jugement sera confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Monoprix Exploitation sera condamnée aux dépens de l'appel.

La société Monoprix Exploitation sera en outre condamnée à payer à [Z] [H] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

ORDONNE le rabat de la clôture au 21 septembre 2022 ;

CONFIRME le jugement rendu le 6 février 2019 par le tribunal de grande instance de Montpellier, sauf en ce qu'il :

condamne la société Monoprix Exploitation à réaliser dans les trois mois suivant le présent jugement et ensuite sous astreinte de 50 euros par jour de retard les travaux préconisés par l'expert en page 29 de son rapport du 17 août 2017,

dit que pour mettre fin au cours de l'astreinte, la société Monoprix Exploitation devra fournir un certificat de conformité établi à ses frais et diligences par l'expert [V],

condamne la société Monoprix Exploitation à payer à [Z] [H] la somme de 29 800 euros en réparation du trouble de jouissance subi depuis septembre 2006 ;

Statuant à nouveau de ce dernier chef,

CONDAMNE la société Monoprix Exploitation à payer à [Z] [H] la somme de 38 000 euros en réparation du trouble de jouissance subi depuis septembre 2006 jusqu'en juin 2022 ;

CONDAMNE la société Monoprix Exploitation à payer à [Z] [H] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables exposés en appel ;

CONDAMNE la société Monoprix Exploitation aux dépens de l'appel.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/02390
Date de la décision : 02/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-02;19.02390 ?
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