Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre sociale
ARRET DU 27 OCTOBRE 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 19/04976 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OIBL
ARRET N°
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 22 MAI 2019
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN N° RG F17/00613
APPELANTE :
Madame [W] [G]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Joël JUSTAFRE de la SCP SAGARD - CODERCH-HERRE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/010084 du 10/07/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
INTIMEE :
Etablissement Public ETABLISSEMENT D'HEBERGEMENT POUR PERSONNES AGEES DEPENDANTES [5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Jessica MARIN de la SELASU JESSICA MARIN, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
Ordonnance de clôture du 25 Août 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 SEPTEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence FERRANET, Conseiller, chargé du rapport.
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Jean-Pierre MASIA, Président
Madame Florence FERRANET, Conseiller
Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère
Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL
ARRET :
- contradictoire;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.
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EXPOSE DU LITIGE :
Mme [G] a été embauchée par l'EHPAD [5] le 1er mars 2017, en qualité de personnel polyvalent des services hospitaliers, selon contrat de travail à durée déterminée dans le cadre d'un contrat d'emploi avenir à temps complet, à raison de 35 heures par semaine, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 480,29 €.
Le 5 juillet 2017, les parties signent un accord de rupture conventionnelle.
Le 15 juillet 2017, Mme [G] conteste par courrier la régularité de l'accord signé.
Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Perpignan le 14 décembre 2017, contestant la régularité de la rupture conventionnelle et sollicitant le versement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts et indemnités.
Par jugement rendu le 22 mai 2019, le conseil de prud'hommes de Perpignan a :
Débouté Mme [G] de l'intégralité de ses demandes ;
Condamné Mme [G] aux entiers dépens.
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Mme [G] a interjeté appel de ce jugement le 16 juillet 2019.
Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 4 juin 2021, elle demande à la cour de :
Déclarer irrégulière la rupture conventionnelle du contrat de travail ;
Condamner l'EHPAD [5] à lui payer les sommes suivantes :
48 953,42 € à titre de dommages-intérêts conformément à l'article L.1243-4 du Code du travail ;
685,31 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés en application de l'article L.1242-6 du Code du travail ;
2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 au titre des frais irrépétibles de première instance ;
2 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Condamner l'EHPAD [5] aux entiers dépens.
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Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 16 octobre 2019, l'EHPAD [5] demande à la cour de :
Dire et juger que la rupture du contrat de travail à durée déterminée de Mme [G] est parfaitement régulière ;
Dire et juger que Mme [G] a pris l'intégralité de ses congés payés acquis pendant la relation contractuelle ;
Débouter Mme [G] de l'intégralité de ses demandes ;
Condamner Mme [G] à lui verser l'EHPAD [5] la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
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Pour l'exposé des moyens il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 25 août 2022 fixant la date d'audience au 12 septembre 2022.
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MOTIFS :
Sur la rupture du contrat de travail à durée déterminée :
En vertu de l'article L.1243-1 du Code du travail, le contrat de travail à durée déterminée peut être rompu notamment avec l'accord amiable des parties.
La rupture conventionnelle prévue à l'article L.1237-11 du même code n'est ouverte que pour les contrat de travail à durée indéterminée.
L'article 1188 du Code civil dispose que « le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes.
Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation. ».
Les deux premiers alinéas de l'article 12 du Code de procédure civile précisent que « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. ».
En l'espèce, Mme [G] conteste la régularité de la rupture au motif qu'il s'agit d'une rupture conventionnelle, comme l'indique l'intitulé de la lettre de rupture, conclue dans un cas qui ne permettait pas d'y recourir et qui ne respecte pas les règles applicables à la procédure de rupture conventionnelle. Au soutien de sa prétention, elle produit aux débats la lettre de rupture datée du 5 juillet 20217 à effet au 7 juillet 2017.
Si la lettre de rupture vise effectivement une rupture conventionnelle à deux reprises, à la fois dans l'objet de la lettre et dans son corps, il est également écrit, dans ce document qui comporte le nom et la signature des deux parties, que cette décision est intervenue d'un commun accord suite à un entretien qui s'est déroulé deux jours plus tôt.
L'EHPAD [5] soutient que l'emploi de l'expression « rupture conventionnelle » ne constitue qu'une erreur dans la rédaction de la lettre de rupture et qu'il s'agit en réalité d'une rupture d'un commun accord d'un contrat de travail à durée déterminée en application de l'article L.1243-1 du Code du travail. Au soutien de cette affirmation, l'employeur produit aux débats l'attestation Pôle emploi qui vise le bon motif de rupture du contrat de travail (« 84. rupture d'un commun accord d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat d'apprentissage ») ainsi que 5 attestations de salariées (Mmes [K], [E], [Y], [C] et [M]) afin de justifier le caractère clair et non équivoque de la volonté de Mme [G] de rompre le contrat de travail.
Dans son attestation datée du 20 décembre 2017, Mme [K] témoigne de ce que le souhait de Mme [G] « était de faire une formation de prothésiste ongulaire » et elle relate les faits suivants : « dans le cadre de ma fonction d'encadrement, j'ai participé à l'entretien avec Mme [U], directrice de la structure et Melle [G]. Cette dernière a accepté la rupture du contrat d'un commun accord, elle a convenu que son projet professionnel ne correspondait en rien à nos propositions ».
Dans leurs attestations, Mmes [E] (21 décembre 2017), [R] (22 décembre 2017), [C] (23 décembre 2017) et [M] (21 décembre 2017), agents de service hospitalier et aides-soignantes, témoignent de ce que Mme [G] leur disait que le travail ne lui plaisait pas, qu'elle préfèrerait travailler dans une onglerie et qu'elle serait mieux chez elle au RSA.
Il résulte de ces constatations que Mme [G] avait la volonté de rompre le contrat. Dès lors, dans la mesure où il ne résulte de la lettre de rupture aucune volonté de faire application du régime de la rupture conventionnelle et où la volonté des parties était de rompre le contrat de travail à durée déterminée au 7 juillet 2017, la rupture ainsi intervenue est qualifiée de rupture du contrat de travail d'un commun accord.
Par conséquent, Mme [G] sera déboutée de sa demande tendant à l'irrégularité de la rupture du contrat de travail et de sa demande de dommages-intérêts afférente. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le rappel de congés payés :
L'article L.3141-3 du Code du travail dispose que « le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur.
La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables. ».
L'article L.3141-24 du Code du travail précise que « le congé annuel prévu à l'article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence. ».
L'article L.3141-28 du même code ajoute que « lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les articles L. 3141-24 à L. 3141-27. ».
En l'espèce, Mme [G] sollicite le versement de la somme de 685,31 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés au motif qu'elle n'a pris aucun congé depuis son embauche. Au soutien de sa prétention, elle produit aux débats l'intégralité de ses bulletins de salaire, dont l'examen ne fait apparaître aucun congé pris sur la période de mars 2017 à août 2017.
L'EHPAD [5] soutient que Mme [G] a pris l'intégralité de ses congés acquis depuis son embauche et que le fait que le compteur de congés payés ne soit pas rempli sur les bulletins de paie ne constitue qu'une erreur qui n'ouvre pas droit à Mme [G] à une indemnité compensatrice de congés payés. Au soutien de son affirmation, il produit aux débats un planning récapitulatif de l'année 2017 non signé, dont les différents jours sont remplis par des codes à deux lettres dont la signification n'est pas explicitée par l'employeur.
Or, lorsqu'une période de congé annuel est comprise dans la période de paie, le bulletin de paie doit obligatoirement comporter les dates de congé ainsi que le montant de l'indemnité de congés payés. En l'absence de cette mention obligatoire sur les différents bulletins de paie, le planning ne suffit pas, faute d'autre élément venant le corroborer, à établir de manière certaine que Mme [G] a bénéficié de ses droits à congés pendant la période contractuelle.
Par conséquent, Mme [G] est fondée à percevoir une indemnité compensatrice de congés payés égale à 10% de la rémunération brute totale perçue pendant la période, soit 6 853,16x10%, soit 685,31 €. Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les autres demandes :
L'EHPAD [5], qui succombe principalement, sera tenu aux dépens de première instance et d'appel.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Donne acte à Mme [G] de ce qu'elle bénéficie de l'aide juridictionnelle n°2019/010084 suivant décision du 10 juillet 2019;
Confirme le jugement rendu le 22 mai 2019 par le conseil de prud'hommes de Perpignan en ce qu'il a débouté Mme [G] de sa demande tendant à l'irrégularité de la rupture du contrat de travail et de sa demande de dommages-intérêts afférente et de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et l'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau ;
Condamne l'EHPAD [5] à verser à Mme [G] la somme de 685,31 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;
Y ajoutant ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne l'EHPAD [5] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT