Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 27 OCTOBRE 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 19/02985 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OEGY
ARRET N°
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 15 AVRIL 2019
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SETE - N° RG 18/00009
APPELANT :
Monsieur [O] [E]
né le 09 Décembre 1968 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Maître Guilhem DEPLAIX, avocat au barreau de MONTPELLIER
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2019/007640 du 05/06/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
INTIMEE :
SAS AURIAC Prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Maître Alexandra DENJEAN DUHIL DE BENAZE de la SELARL LEXEM CONSEIL, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER et Maître BRUNA Hugo, substituant Maître Raymond RUDIO de la SCP BRUNET - RUDIO - GRAVELLE, avocat plaidant au barreau de GRASSE
Ordonnance de clôture du 23 Août 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 SEPTEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence FERRANET, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Madame Florence FERRANET, Conseiller
Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller
Greffière lors des débats : Madame Isabelle CONSTANT
ARRET :
- Contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Madame Isabelle CONSTANT, Greffière.
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EXPOSE DU LITIGE :
M. [E] a été embauché à compter du 14 août 2007 dans le cadre de contrats à durée déterminée puis à compter du 24 novembre 2007 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet, en qualité de préparateur de commande par la société Auriac.
Le 14 avril 2015, M. [E] était victime d'un accident de trajet, il était placé en arrêt de travail pour cause d'accident du travail jusqu'au 7 octobre 2015 puis à compter du 8 octobre 2015 en arrêt de travail pour maladie et ce jusqu'au 2 décembre 2016.
Le 20 décembre 2016, le médecin du travail déclarait M. [E] définitivement inapte à son poste de travail et concluait qu'il pourrait faire l'objet de reclassement sur un poste de bureau qui pourrait éventuellement convenir.
Par courrier du 4 janvier 2017, la société Auriac convoquait M. [E] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 16 janvier 2017.
Le 19 janvier 2017, la société Auriac procédait au licenciement pour inaptitude de M. [E].
M. [E] se voyait attribuer selon courrier du 16 mai 2017 une pension d'invalidité catégorie 1, d'un montant mensuel brut de 473,92 €.
Le 2 mars 2018 M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Sète en contestation de son licenciement et sollicitant des dommages-intérêts et indemnités.
Par jugement rendu le 15 avril 2019, le conseil de prud'hommes a dit que le licenciement de M. [E] pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement repose sur une cause réelle et sérieuse, a débouté M. [E] de toutes ses demandes et l'a condamné à verser à la société Auriac la somme de 100 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre aux dépens.
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M. [E] a interjeté appel de ce jugement le 30 avril 2019.
Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 16 août 2022, il demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau de :
Dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Condamner la société Auriac à lui verser la somme de 24 000 € nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Condamner la société Auriac à lui verser la somme de 3 003,66 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 300,37 € bruts à titre de congés payés y afférents ;
Ordonner à la société Auriac de lui délivrer les bulletins de paie et une attestation pôle emploi conformes sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, la cour se réservant expressément le droit de liquider ladite astreinte ;
Ordonner à la société Auriac de régulariser sa situation auprès des organismes sociaux compétents sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, la cour se réservant expressément le droit de liquider ladite astreinte ;
Condamner la société Auriac à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
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La société Auriac dans ses conclusions déposées au greffe par RPVA le 22 août 2022 demande à la cour de confirmer le jugement et de débouter M. [E] de l'intégralité de ses demandes.
À titre subsidiaire si la cour d'appel considérait que le licenciement de M. [E] était sans cause réelle et sérieuse, de limiter l'indemnisation de celui-ci à l'euro symbolique et de le condamner en tout état de cause à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
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Pour l'exposé des moyens il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 23 août 2022, fixant la date d'audience au 13 septembre 2022.
MOTIFS :
Sur le licenciement pour inaptitude :
M. [E] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse en raison du défaut de consultation des délégués du personnel, car il a été convoqué le 4 janvier 2017 à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, et que la consultation des délégués du personnel alléguée par l'employeur n'est intervenue que postérieurement, qu'en tout état de cause le procès-verbal des réunions du délégué du personnel des 5 et 12 janvier 2017 ne démontre aucun échange verbal et ne porte pas mention de l'avis donné par le délégué du personnel.
La société Auriac soutient qu'elle a bien consulté le délégué du personnel M.[H] à deux reprises, le 5 janvier et le 12 janvier 2017, soit avant l'entretien préalable du 16 janvier 2017, que la lettre de convocation à entretien préalable du 4 janvier a été postée le 5 janvier 2017, le délégué du personnel ayant été consulté quelque heures plus tôt, qu'enfin il y a bien eu une discussion sur l'état de santé de M. [E] et les possibilités de reclassement.
Le procès-verbal des réunions du délégué du personnel des 5 et 12 janvier 2017 produit aux débats est rédigé comme suit :
« Objet : reclassement de M. [O] [E]
Lors de notre précédente réunion du 5 janvier 2017 nous avons abordé le cas de M. [O] [E].
Nous vous avons résumé la situation et nous vous avons décrit les démarches effectuées pour essayer de trouver une solution de reclassement.
Nous avons refait le point en date du 12 janvier 2017.
Nous vous avons expliqué la situation et à cette occasion nous vous avons transmis les différents échanges de courriers que nous avons eu à savoir :
- La fiche de visite d'inaptitude définitive du 20 décembre 2016 ;
- La demande de reclassement auprès d'autres sociétés ;
- Les réponses négatives à cette demande.
N'ayant pas de proposition de reclassement à proposer à M. [E] nous sommes contraints d'engager une procédure de licenciement pour inaptitude professionnelle.
Fait à Gigean le 12 janvier 2017. ».
L'artcile L.1226-2 du code du travail applicable au litige prévoit que :
Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu'ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.
En l'espèce le procès-verbal signé par l'employeur et le délégué du personnel ne comporte aucune mention permettant d'établir que le délégué du personnel présent lors des réunions au cours desquelles a été abordée la situation du salarié, a donné un avis à l'employeur, il n'est donc pas justifié d'une consultation du délégué du personnel qui constitue une formalité substantielle.
Il s'ensuit que le licenciement de M. [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les conséquences pécuniaires de la rupture :
Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
M. [E] qui sollicite des dommages-intérêts à hauteur de 24 000 € nets, bénéficiait de plus de neuf ans d'ancienneté dans l'entreprise, il était âgé au moment de son licenciement de 49 ans, était père de trois enfants et son salaire moyen s'élevait à la somme de 1 501,83 € brut.
Il perçoit depuis le 16 mai 2017 une pension d'invalidité d'un montant brut mensuel de 473,92 €, et il justifie avoir perçu à compter du 17 mai 2017 l'allocation d'aide au retour à l'emploi.
Il lui sera alloué à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 12 000 €, le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis :
M. [E] sollicite le versement de l'indemnité prévue à l'article L 1226'14 du code du travail, indemnité égale à l'indemnité compensatrice de préavis au motif que son employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement.
Il fait valoir que la société Auriac est une filiale du groupe France Frais qui compte 107 sociétés de distribution et couvre l'ensemble du pays, groupe qui est lui-même une filiale du groupe Maîtres Laitiers du Cotentin, que l'activité de nombreuses entreprises du groupe Maîtres Laitiers du Cotentin sont connexes, complémentaires ou identique à celle de la société Auriac, que le groupe Maîtres Laitiers du Cotentin détient à 100 % la holding France Frais ce qui permet incontestablement la permutabilité du personnel des sociétés appartenant à ces groupes, que l'ensemble des sociétés du groupe sont situées sur le territoire français, que l'employeur ne justifie pas avoir sollicité l'ensemble des entités des groupes France Frais et Maîtres Laitiers du Cotentin,
Il ajoute que la société Auriac ne lui a fait aucune proposition de reclassement et qu'il n'est justifié d'aucun échange avec la médecine du travail, qu'il n'est pas justifié de l'impossibilité de reclassement dans les 107 sociétés du groupe France Frais, qu'enfin la société Alimentation Sud Conseil a embauché le 26 décembre 2016 une secrétaire commerciale alors qu'il lui a été affirmé qu'il n'y avait pas de poste d'employé de bureau à pourvoir.
La société Auriac soutient que M. [E] a gonflé artificiellement le périmètre de l'obligation de reclassement, qu'en effet il ne peut s'agir que d'entreprises dont les activités, l'organisation et le lieu d'exploitation permettent d'effectuer une permutation de tout ou partie du personnel, que tel n'est pas le cas des sociétés visées à la pièce n°26 produite par le salarié, que seule la société District Sud permettait d'envisager une permutabilité et que celle-ci a été consultée le 4 janvier et a répondu négativement le 9 janvier, qu'enfin en ce qui concerne le poste de secrétaire commerciale, celui-ci n'était pas approprié aux capacités de M. [E].
En application des dispositions de l'article L 1226-2 du code du travail « lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu'ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.Le medecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail. »
Ces dispositions mettent à la charge de l'employeur l'obligation de rechercher un poste de reclassement et d'apporter la preuve des moyens mis en 'uvre pour tenter le reclassement de la salariée.
En l'espèce il n'est pas contesté que la société Auriac est une filiale du groupe France Frais qui possède 107 filiales qui sont des sociétés de distribution locale notamment des produits de la coopérative agricole les Maîtres Laitier du Cotentin, toutes liées par l'exploitation d'un même savoir-faire de distribution essentiellement de produits frais, sous des marques communes.
Si la société Auriac justifie aux débats des réponses qui lui ont été adressées entre le 4 et le 10 janvier 2017 par 28 sociétés interrogées, elle ne justifie pas avoir sollicité la totalité des entreprises du groupe France Frais. En outre elle ne produit pas le courrier qui a été adressé à ces sociétés, sa pièce n°4 intitulée « courriel de recherche de reclassement du 4 janvier 2017 » étant en réalité un courriel adressé à Madame [G] lui indiquant la liste des personnes à qui elle doit envoyer ledit courrier. Il n'est donc pas établi que le courrier adressé comprenait des informations précises sur la situation de M. [E] et les postes sur lesquels pouvait être envisagé son reclassement.
Il en résulte que la société Auriac n'a pas effectué une recherche sérieuse et loyale de reclassement, M. [E] est donc fondé à solliciter une indemnité égale au montant de l'indemnité de préavis soit 3 003,66 € bruts outre la somme de 300,37 € bruts au titre des congés payés.
Sur les autres demandes :
Il sera fait droit à la demande de délivrance des bulletins de paie et une attestation pôle emploi conformes au présent arrêt sans que cette condamnation ne soit assortie d'une astreinte.
Il sera de même fait droit à la demande de régularisation de la situation de M. [E] auprès des organismes sociaux compétents.
La société Auriac qui succombe sera tenue aux dépens de première instance et d'appel et condamnée en équité à verser à M. [E] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour :
Infirme le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Sète le 15 avril 2019 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau ;
Juge que le licenciement de M. [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Auriac à verser à M. [E] les sommes suivantes :
- 12 000 € nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse .
- 3 003,66 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 300,37 € bruts à titre de congés payés y afférents ;
Ordonne à la société Auriac de lui délivrer les bulletins de paie et une attestation pôle emploi conformes ;
Ordonne à la société Auriac de régulariser la situation de M. [E] auprès des organismes sociaux compétents ;
Condamne la société Auriac à verser à M. [E] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Auriac aux dépens de première instance et d'appel.
la greffière, le président,