Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1ère chambre sociale
ARRET DU 27 OCTOBRE 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 19/02292 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OC5Q
ARRET N°
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 20 MARS 2019
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F18/00452
APPELANTE :
Association CGEA DE TOULOUSE UNEDIC
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Maître Delphine CLAMENS-BIANCO de la SELARL CHATEL BRUN MIRALVES CLAMENS, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Maître Pierre CHATEL, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEES :
Me [D] [K] - Mandataire liquidateur de Société AVANT DEPART VOYAGES
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Maître Delphine CLAMENS-BIANCO de la SELARL CHATEL BRUN MIRALVES CLAMENS, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Maître Pierre CHATEL, avocat au barreau de MONTPELLIER
Madame [H] [X]
née le 04 Juin 1960 à PARIS 12°
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Maître Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 23 Août 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 SEPTEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence FERRANET, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Madame Florence FERRANET, Conseiller
Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller
Greffière lors des débats : Madame Isabelle CONSTANT
ARRET :
- Contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Madame Isabelle CONSTANT, Greffière.
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EXPOSE DU LITIGE :
Le 27 juin 2002, la société Avant Départ Voyages était inscrite au registre du commerce et des sociétés de Montpellier.
Le 5 août 2016 était signé entre d'une part les associés de la société Avant Départ Voyages, Mme [H] [X] épouse [O], et Mrs [S] et [W] [O], et d'autre part la société Groupe Korallion représentée par son président M. [Y], une cession des 1400 parts de la société.
Le 5 août 2016 la société Avant Départ Voyages, représentée par M. [Y] a signé avec Mme [X] un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, celle-ci exerçant les fonctions de directrice d'agence statut agent de maîtrise groupe E.
Le 29 novembre 2017, l'arrêt maladie de Mme [X] était prolongé jusqu'au 31 décembre 2017 pour épisode dépressif majeur consécutif à un harcèlement.
Le 15 janvier 2018, le tribunal de commerce de Montpellier a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Avant Départ Voyages.
Le 26 janvier 2018, Mme [X] était licenciée pour motif économique.
Le 24 octobre 2018, Mme [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier sollicitant la fixation de créances salariales au passif de la liquidation judiciaire correspondant à l'indemnité de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis et un rappel de salaire.
Par jugement rendu le 20 mars 2019, le conseil de prud'hommes a :
Fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Avant Départ Voyages les sommes suivantes :
- 1 445,62 € à titre d'indemnité de licenciement ;
- 3 855,53 € bruts à titre d'indemnité de préavis et les congés payés y afférents soit 385,55 € bruts ;
- 5 140,40 € bruts à titre de rappel de salaire et les congés payés y afférents soit 514,04 € bruts ;
Débouté Mme [X] de ses autres demandes ;
Mis les dépens de l'instance à la charge de la société Avant Départ Voyages et dit qu'ils seront inscrits sur l'état des créances par Mme [K].
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L'Unedic AGS-CGEA de Toulouse a interjeté appel de ce jugement le 3 avril 2019, intimant Mme [X] et Mme [K], ès qualités.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe par RPVA le 26 novembre 2021, elle demande à la cour d'infirmer le jugement :
À titre principal de dire que Mme [X] n'est pas liée par un lien de subordination avec la société Avant Départ Voyages ;
De débouter Mme [X] de toutes ses demandes ;
A titre subsidiaire :
- De constater que Mme [X] ne disposait que d'une ancienneté de six mois ;
- De la débouter de sa demande d'indemnité de licenciement ;
- De limiter l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 3 855,38 € bruts ;
- De débouter Mme [X] de sa demande de rappel de salaire.
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Mme [K], ès qualités, dans ses conclusions déposées au greffe le 26 novembre 2021 formule les mêmes demandes que l'Unedic AGS-CGEA de Toulouse y ajoutant le débouté de Mme [X] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
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Mme [X] dans ses conclusions déposées au greffe le 15 juin 2020 demande à la cour de confirmer le jugement :
De condamner Mme [K], ès qualités, et l'Unedic AGS-CGEA de Toulouse aux sommes suivantes :
- 1 445,62 € à titre d'indemnité de licenciement ;
- 3 855,53€ bruts à titre d'indemnité de préavis et les congés payés y afférents soit 385,55 € bruts ;
- 5 140,40 € bruts à titre de rappel de salaire et les congés payés y afférents soit 514,04 € bruts ;
- 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
De fixer les créances salariales au passif de la société Avant Départ Voyages et dire le jugement à intervenir opposable à l'Unedic AGS-CGEA de Toulouse.
Condamner Mme [K] ès qualités et l'Unedic AGS CGEA de Toulouse à délivrer sous astreinte de 500 € par jour de retard courant 8 jours après signification de l'arrêt à intervenir les documents de fin de contrat et les bulletins de salaire conformes.
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Pour l'exposé des moyens il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 23 août 2022, fixant la date d'audience au 13 septembre 2022.
MOTIFS :
Sur l'existence du contrat de travail :
Mme [K], ès qualités et l'Unedic AGS-CGEA de Toulouse soutiennent que dès lors que Mme [X] était gérante de la société et qu'elle prétend avoir démissionné le 17 juillet 2017, il lui appartient de rapporter la preuve de sa qualité de salariée, que sa démission en qualité de gérante est irrégulière en l'absence de procès-verbal d'assemblée générale actant cette démission et désignant un nouveau gérant, que d'ailleurs l'extrait K bis de la société ne fait pas état de la nomination d'un gérant, qu'en outre Mme [X] n'était pas placée sous un lien de subordination, qu'enfin seule Mme [X] disposait de la licence d'agence de voyages.
Mme [X] fait valoir que produisant aux débats un contrat de travail signé par M. [Y] en qualité de gérant, des bulletins de salaire et le justificatif de ce que les salaires ont été versés, elle justifie de l'existence d'un contrat de travail apparent ; qu'en outre il ressort des attestations, de la photocopie du contrat de travail de Mme [G], des échanges de courriels produits aux débats, et de la signature de la déclaration de cessation des paiements que M. [Y] exerçait bien les fonctions de gérant de la société et qu'elle était elle-même sous sa subordination.
En ce qui concerne la licence de voyage, contrairement à ce qu'affirment sans en justifier Mme [K], ès qualités et l'Unedic AGS-CGEA de Toulouse, Mme [X] fait valoir que celle-ci ne lui était pas attribuée à titre personnel mais était attribuée à la société, et a disparu avec la liquidation judiciaire.
Le contrat de travail peut se définir comme étant une convention par laquelle une personne s'engage à travailler pour le compte d'une autre et sous sa subordination, moyennant une rémunération. Trois éléments indissociables le caractérisent : l'exercice d'une activité professionnelle, la rémunération et le lien de subordination.
Le lien de subordination est l'élément déterminant du contrat de travail, puisqu'il s'agit là du seul critère permettant de le différencier d'autres contrats comportant l'exécution d'une prestation rémunérée. Il est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L'existence de relations de travail ne dépend, ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des circonstances de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle. Il appartient à celui qui invoque l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve.
Il incombe à celui qui invoque le caractère fictif d'un contrat de travail apparent d'en rapporter la preuve.
En l'espèce Mme [X] produit aux débats le contrat de travail signé le 5 août 2016 entre elle-même et M. [Y] ès qualités de représentant de la société Avant Départ Voyages, qui mentionne qu'elle est engagée en qualité de directrice d'agence, pour un salaire mensuel brut de 3 855,38 €. Il n'est pas contesté qu'elle a été déclarée à l'URSSAF en cette qualité, et elle produit aux débats ses bulletins de salaire sur la période du 5 août 2016 au 31 décembre 2017 (excepté celui du mois de novembre 2017) et ses relevés de compte qui confirment le versement de son salaire du mois d'août 2016 au mois de septembre 2017.
Mme [K] et l'Unedic AGS-CGEA de Toulouse soutiennent que M. [Y] n'a jamais été le gérant officiel de la société Avant Départ Voyages, que la seule gérante de cette société était Mme [X] et que celle-ci n'était pas sous un lien de subordination avec M. [Y].
Il convient de préciser que les deux extraits K bis produits aux débats, savoir celui en date du 9 octobre 2017 et celui en date du 11 janvier 2018, seuls authentifiés par la signature du greffier du tribunal de commerce (à la différence de celui en date du 13 décembre 2016) font apparaitre sous la rubrique « gestion , direction, administration, contrôle, associés ou membres , la mention suivante : absence de représentant légal. Voir in fine rubrique « observations et renseignements complémentaires. », qu'ainsi le registre du commerce n'a pas été informé depuis la création de la société de l'identité du représentant légal.
Mme [X] ne conteste toutefois pas avoir été la gérante de la société Avant Départ Voyages immatriculée le 27 juin 2002.
Le 5 août 2016, était signée entre les associés de la société Avant Départ Voyages, Mme [X] , [S] et [W] [O], et M. [Y], ès qualités, la cession de la totalité des parts sociales de la société Avant Départ Voyages.
Il n'est produit aux débats aucune pièce justifiant de ce que M. [Y] a été désigné gérant de droit de la société à compter de cette date.
Toutefois il ressort de l'attestations de M. [T], agent d'assurance qu'à compter du mois d'août 2016 l'ensemble des contrats d'assurance de la société Avant Départ Voyages ont été négociés et signés par M. [Y], qui a déclaré au témoin avoir racheté l'entreprise de Mme [X].
Il ressort des échanges de courriels sur la période du 3 mars 2017 au 2 juin 2017 que M. [Y] procédait au règlement des salaires, au paiement des factures de la société qui lui étaient transmises par Mme [X], et que lui seul avait la maîtrise des travaux à effectuer dans l'agence.
Il ressort du courriel du 4 avril 2017 que c'est M. [X] qui a rappelé aux salariés, y compris Mme [X], le modus operandi de l'émission des factures, la procédure à suivre en matière de courrier, les modalités pour solliciter les congés et a précisé les horaires d'ouverture des agences.
Il ressort du courrier adressé par l'association professionnelle de solidarité du tourisme à la société Avant Départ Voyages le 5 octobre 2017 que pour cette association le gérant de la société était bien M. [Y], et c'est sous la signature de celui-ci qu'une réponse a été donnée par la société Avant Départ Voyages le 19 septembre 2017 à l'association.
Le contrat de travail à durée indéterminée signé entre la société Avant Départ Voyages et Mme [G] le 5 octobre 2017 porte aussi la signature de M. [Y].
C'est enfin M. [Y] qui a procédé à la demande d'ouverture de liquidation judiciaire le 13 décembre 2017.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le contrat de travail en date du 5 août 2016 n'est pas un contrat de travail fictif et que Mme [X] s'est bien trouvée sur la période du 5 aout 2016 au mois de décembre 2017 sous la subordination de M. [Y].
Mme [X] reconnait dans ses conclusions qu'elle a accepté sur la période du 13 juin au 17 juillet 2017 de reprendre les fonctions de gérante de fait de la société, mais qu'elle a rapidement démissionné ainsi qu'elle en justifie par la production du courriel du 17 juillet 2017.
Cette « démission » a d'ailleurs été communiquée au greffe du registre du commerce de Montpellier qui a porté au K Bis sous la rubrique « observations et renseignements complémentaires » le 5 septembre 2017 la mention suivante:absence de représentant légal à compter du 17 juillet 2017 partant : [O] [H], gérant ».
Cet élément n'est pas de nature à remettre en cause la réalité de la relation de travail sur la période du 5 août 2016 au 13 juin 2017, puis du 17 juillet 2017 au 26 janvier 2018, date du licenciement économique.
D'ailleurs il ressort des échanges de courriels des 19 et 20 octobre 2017 que M. [Y] a bien rappelé à sa salariée que les échanges avec l'URSSAF et le RSI devaient se faire avec lui seul et qu'il appartenait à sa salariée de seulement lui transmettre les informations sans prendre de décision.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a considéré que Mme [X] était salariée de la société Avant Départ Voyages à compter du 5 août 2016.
Mme [X] justifie de ce qu'elle avait plus de huit mois d'ancienneté elle est donc fondée à solliciter le versement d'une indemnité de licenciement égale à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a alloué à la salariée la somme de 1 445,62 € à titre d'indemnité de licenciement.
En ce qui concerne l'indemnité compensatrice de préavis, la salariée est fondée à solliciter une indemnité égale à un mois de salaire, les derniers bulletins de salaire produits aux débats (octobre et décembre 2017), font état d'une rémunération brute de 3 897,04 €, Mme [X] sollicite la confirmation du jugement qui lui a alloué la somme de 3 855,53 € bruts, le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de rappel de salaire :
Mme [X] sollicite la confirmation du jugement qui a fixé sa créance à la somme de 5 140,40 € outre les congés payés correspondant.
Mme [K] et l'Unedic AGS-CGEA de Toulouse concluent au rejet de cette demande au motif qu'aucune pièce justifiant le non-paiement du salaire n'est versée aux débats par la salariée.
Mais il appartient au débiteur qui se prétend libéré de son obligation d'en justifier, faute de démontrer que les salaires dus à la salariée jusqu'à son licenciement le 26 janvier 2018 lui ont été versés, la somme sollicitée sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société Avant Départ Voyages, le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les autres demandes :
Il sera fait droit à la demande de communication des documents de fin de contrat et des bulletins de salaire conformes au présent arrêt, sans que cette condamnation ne soit assortie d'une astreinte et uniquement à l'encontre de Mme [K].
L'Unedic AGS-CGEA de Toulouse qui succombe en son appel sera tenue aux dépens.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour ;
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 20 mars 2019 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
Condamne Mme [K] ès qualités à délivrer les documents de fin de contrat et les bulletins de salaire conformes ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne l'Unedic AGS-CGEA de Toulouse aux dépens d'appel.
la greffière, le président,