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12/10/2022 | FRANCE | N°18/00359

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 12 octobre 2022, 18/00359


Grosse + copie

délivrée le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 12 OCTOBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00359 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NTCC



ARRET n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 JUILLET 2014

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER N° RGF13/01620



APPELANT :



Monsieur [X] [D]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me PROVOST avocat p

our Me Pascal ADDE de la SCP GRAPPIN - ADDE - SOUBRA, avocat au barreau de MONTPELLIER



INTIMEE :



S.A.R.L. AMBULANCE SERVICE LANGUEDOCIENNE

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Julien...

Grosse + copie

délivrée le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 12 OCTOBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/00359 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NTCC

ARRET n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 JUILLET 2014

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER N° RGF13/01620

APPELANT :

Monsieur [X] [D]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me PROVOST avocat pour Me Pascal ADDE de la SCP GRAPPIN - ADDE - SOUBRA, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.R.L. AMBULANCE SERVICE LANGUEDOCIENNE

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Julien ASTRUC, avocat pour la SCP DORIA AVOCATS avocats au barreau de MONTPELLIER

En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 JUIN 2022,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Jean-Pierre MASIA, Président, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- CONTRADICTOIRE.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

**

FAITS ET PROCEDURE

Le 3 mai 2005, Monsieur [X] [D] a été engagé par la sarl Ambulance Service Languedocienne (ASL) en qualité d'ambulancier par contrat à durée déterminée jusqu'au 5 août 2005. La société ASLexerçait une activité de transports d'aide médicale urgente et de transports sur prescription médicale.

Le 5 août 2005, le salarié a été engagé par la même société par contrat à durée indéterminée.

Le 19 octobre 2012, l'employeur a notifié au salarié un avertissement pour avoir abîmé le rétroviseur du véhicule de la société.

Le 24 octobre 2012, l'employeur a notifié au salarié un avertissement pour avoir abîmé le véhicule de la société.

Le 12 septembre 2013, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins d'obtenir la requalification de son contrat à durée déterminée et diverses sommes au titre de l'exécution du contrat de travail.

Le 10 juin 2014, le salarié a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire d'une durée de trois jours pour attitude agressive et vulgaire et non établissement de constat suite à un accident de la route.

Le 1er juillet 2014, le salarié a fait valoir ses droits à la retraite.

Par jugement du 25 juillet 2014, le conseil de prud'hommes a :

- débouté Monsieur [D] de sa demande de requalification de son contrat à durée déterminée ;

- condamné la sarl ASL à verser à Monsieur [D] les sommes de 540,16€ au titre du paiement de salaire relatif au repos hebdomadaire de 48 heures et 658,83€ au titre des frais d'entretien des tenues de travail;

- dit et jugé les avertissements fondés et avérés;

- débouté Monsieur [D] de sa demande de remboursement des paniers repas ;

- débouté Monsieur [D] de sa demande de dommages et intérêts au titre de harcèlement moral;

- débouté Monsieur [D] au titre de sa demande de réintégration aux horaires de matin ;

- débouté Monsieur [D] de sa demande de contrepartie financière au temps d'habillage et de déshabillage ;

- condamné la sarl ASL à verser à Monsieur [D] la somme de 950€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- débouté la sarl ASL de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamné la sarl ASL aux éventuels dépens de l'instance.

C'est le jugement dont Monsieur [D] a régulièrement interjeté appel.

La procédure suivie devant la cour est celle sans représentation obligatoire.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions réitérées oralement à l'audience, Monsieur [X] [D] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société ASL à lui payer les sommes de 540,16€ au titre de la privation du repos hebdomadaire et 658,83€ au titre du remboursement des frais d'entretien des tenues de travail ;

- réformer pour le surplus et condamner la société ASL à lui verser les sommes de :

* 1800€ au titre de sa demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;

* 5894,08€ au titre des paniers repas ;

* 1984€ au titre de la contrepartie financière au temps d'habillage et de déshabillage ;

* 2000€ en réparation du préjudice moral des avertissements qui seront annulés ;

* 10000€ au titre du harcèlement moral et discrimination ;

* 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions réitérées oralement à l'audience, la sarl Ambulance Service Languedocienne demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il l'a condamnée à verser à Monsieur [D] les sommes de 540,16€ au titre de paiement de salaire relatif au repos hebdomadaire de 48 heures, 658,83€ au titre des frais d'entretien des tenues de travail et 950€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, débouter Monsieur [D] de l'ensemble de ses demandes, condamner Monsieur [D] à lui payer la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus amples développements sur les moyens développés, la cour renvoie aux conclusions ci-dessus.

SUR CE

Sur le repos hebdomadaire

Monsieur [D] fait valoir que la société ASL n'avait pas respecté l'obligation conventionnelle selon laquelle tout ambulancier doit bénéficier d'au moins deux repos hebdomadaires de 48 heures consécutives fixés le samedi et le dimanche.

La société ASL réplique que le salarié ne rapporte pas la preuve d'un manquement au repos hebdomadaire prévu par la convention collective et qu'en tout état de cause la prescription triennale empêche la condamnation au paiement de sommes remontant à mai 2005.

L'article 4 de l'accord cadre du 4 mai 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transports sanitaires prévoit que : 'au cours du mois, tout salarié doit bénéficier d'au moins deux repos hebdomadaires de 48 heures consécutives (samedi dimanche)'.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les heures effectivement réalisées par le salarié, le juge devant, au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, former sa conviction.

En l'espèce, le salarié réclame des indemnités pour manquement à l'obligation conventionnelle de repos hebdomadaire pour la période de juin 2008 à septembre 2012.

S'il ne produit ni planning ni feuilles individuelles de pointage, il décompte cependant mensuellement les mois au cours desquels il n'avait pas bénéficié de 48 heures consécutives de repos, sans toutefois que ce tableau indique clairement les semaines concernées par le manquement à l'obligation de repos conventionnel.

L'employeur fournit un seul tableau des repos, relatif au mois de décembre 2012, mois pour lequel le salarié ne sollicite aucune indemnité.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, le préjudice subi par Monsieur [D] du fait du non respect du repos sera évalué à la somme forfaitaire de 17,5€ par week-end.

Les sommes dues, qui sont des indemnités, étaient soumises jusqu'au 16 juin 2013 à la prescription quinquennale et sont soumises depuis cette date à la prescription biennale issue de la loi du 14 juin 2013, sans toutefois que la durée totale de la prescription puisse excéder le délai antérieur de prescription.

La nouvelle prescription biennale n'a commencé à courir qu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Monsieur [D] a saisi le conseil de prud'hommes le 12 septembre 2013.

Il en résulte que seules ses demandes au titre de paiement d'indemnités dues pour les mois de juin, juillet et août 2008 sont prescrites.

En conséquence, il sera alloué à Monsieur [D] la somme de 420€ à titre d'indemnité pour manquement aux règles conventionnelles de repos hebdomadaire. Le jugement sera infirmé quant au quantum alloué.

Sur l'indemnité au titre de la contrepartie du temps d'habillage et de déshabillage

Le salarié fait valoir qu'il était astreint au port d'une tenue professionnelle spécifique qu'il devait enlever sur le lieu de travail pour des raisons sanitaires.

L'employeur réplique qu'outre la prescription d'une partie des demandes, aucun texte n'interdisait le port de la tenue en dehors de l'entreprise et qu'une note de service du 22 janvier 2010 prévoyait que les opérations d'habillage et déshabillage devaient être effectuées à domicile.

L'annexe 6 de l'arrêté du 10 février 2009 fixant les conditions exigées pour les véhicules et les installations matérielles affectés aux transports sanitaires terrestres prévoit le port obligatoire d'une tenue professionnelle pour les personnels ambulanciers, tenues composées d'un pantalon, d'un haut au choix de l'entreprise et d'un blouson.

En dehors de l'activité professionnelle, le port de la tenue est proscrit.

Il résulte de l'article L3121-3 du code du travail que le temps nécessaire aux opérations d'habillage et déshabillage fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans 1'entreprise ou sur le lieu de travail.

En l'espèce, la société ASL produit aux débats une note de service du 22 janvier 2010, contestée par le salarié, qui stipule que 'les opérations d'habillage et déshabillage doivent être effectuées à domicile et non au sein des locaux'.

L'employeur ne démontre pas que cette note de service avait été affichée dans les locaux de l'entreprise. De plus, cette note de service est en contradiction avec l'arrêté du 10 février 2009 qui proscrit le port de la tenue professionnelle en dehors de l'activité.

Monsieur [D], qui avait été engagé comme ambulancier, était exposé à des agents biologiques pathogènes portés par des patients et devait donc s'habiller et se déshabiller de sa tenue de travail sur son lieu de travail, en application des dispositions de l'article R4424-5 du code du travail.

Il en résulte que Monsieur [D] est fondé à solliciter le versement d'indemnités en contrepartie du temps nécessaire aux opérations d'habillage et déshabillage.

Il sollicite des indemnités au titre des années 2008 à 2012.

Au regard des règles applicables à la prescription biennale issue de la loi du 14 juin 2013 s'appliquant à la prescription en cours, seules les demandes au titre de paiement d'indemnités dues pour les mois de juin, juillet et août 2008 sont prescrites.

Eu égard à la nature de la tenue professionnelle, il convient d'évaluer la contrepartie à la somme d'1€ par jour et d'allouer à Monsieur [D] la somme de 907,34€. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Sur les frais d'entretien des tenues de travail

Outre la prescription d'une partie des demandes, l'employeur réplique au salarié, qui soutient avoir lavé lui-même ses tenues depuis son embauche, qu'il avait pris en charge le lavage des tenues à compter du 13 septembre 2012 et qu'il avait attribué une prime forfaitaire rétroactive de 10€ pour le nettoyage.

Il résulte des dispositions de l'article L4122-2 du code du travail que les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs.

Dès lors que le port d'une tenue de travail est obligatoire pour les salariés et est inhérent à leur emploi, l'entretien de cette tenue de travail doit être pris en charge par l'employeur.

En l'espèce, la société ASL produit aux débats une note de service du 13 septembre 2012 qui stipule que 'l'entretien des tenues de travail sera pris en charge par l'entreprise trois fois par mois'.

Outre que l'employeur ne démontre pas que cette note de service avait été affichée dans les locaux de l'entreprise, aucun élément extérieur à cette note ne vient corroborer l'existence d'un système d'entretien des tenues de travail au sein de l'entreprise.

Monsieur [D] est donc fondé à solliciter le versement d'une somme forfaitaire mensuelle pour la prise en charge des frais d'entretien de sa tenue de travail.

Au regard des règles applicables à la prescription biennale issue de la loi du 14 juin 2013 s'appliquant à la prescription en cours, seules les demandes au titre de paiement d'indemnités dues pour les mois de juin, juillet et août 2008 sont prescrites.

L'évaluation à la somme de 25€ par mois permet d'indemniser le préjudice subi par le salarié.

Dans la mesure où l'employeur justifie avoir versé à son salarié, pour une période antérieure dès le mois de janvier 2013, une prime forfaitaire rétroactive pour ses frais de 50€, il convient d'allouer à Monsieur [D], dans les limites de la demande, la somme de 658,83€. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les paniers repas

Le salarié soutient que son employeur lui avait payé des primes de panier repas d'un montant inférieur à ceux qui étaient prévus par la convention collective applicable.

Outre la prescription, l'employeur réplique qu'il n'est pas démontré que le salarié réalisait un temps de pause inférieure à l'heure.

L'article 8 de l'annexe I intitulée « ouvriers, annexe frais de déplacement du protocole du 30 avril 1974 » prévoit que: « Le personnel qui se trouve, en raison de déplacement impliqué par le service, obligé de prendre un repas hors de son lieu de travail perçoit une indemnité de repas unique dont le taux est fixé par le tableau joint au présent protocole, sauf taux plus élevé résultant des usages.

Ne peut prétendre à l'indemnité de repas unique :

a) le personnel dont l'amplitude de la journée de travail ne couvre pas entièrement la période comprise soit entre 11 heures et 14h30, soit entre 18h30 et 22 heures,

b) le personnel qui dispose à son lieu de travail d'une coupure ou d'une fraction de coupure d'une durée ininterrompue d'au moins une heure, s oit entre 11 heures et 14h30, soit entre 18h30 et 22 heures... ».

Il n'est pas contesté qu'en l'espèce Monsieur [D] a perçu une indemnité de panier-repas de 8€ par jour.

Monsieur [D] sollicite un solde d'indemnités au titre des paniers repas pour la période du 1er juin 2008 jusqu'à fin 2012 au taux fixé par la convention collective pour les « indemnités repas».

Monsieur [D] produit aux débats deux tableaux comprenant le calcul des paniers repas, l'un indiquant la différence entre le montant effectivement perçu et celui qui était prévu à la convention collective, pour un montant total de 1601,08€.

Le nombre d'indemnités dues n'est pas contesté par l'employeur.

Pour les journées où il y avait lieu à indemnité de repas, l'employeur n'établit pas avoir averti le salarié au moins la veille au plus tard à midi d'un déplacement effectué en dehors de ses conditions habituelles de travail.

Il doit, en conséquence, être condamné au paiement des « indemnités de repas » au taux fixé par le barème des indemnités de déplacement.

Au regard des règles applicables à la prescription biennale issue de la loi du 14 juin 2013 s'appliquant à la prescription en cours, seules les demandes au titre de paiement d'indemnités dues pour les mois de juin, juillet et août 2008 sont prescrites.

Le salarié n'explique pas comment il arrive à la somme de 5894,08€ sollicitée alors que le tableau qu'il a lui-même établi indique un différentiel total de 1601,08€.

En conséquence, il est dû au salarié, pour la période non-prescrite de septembre 2008 à décembre 2012, la somme de 1363,57€ à titre d'indemnité de repas. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur l'annulation des sanctions disciplinaires

Le salarié soutient que les sanctions disciplinaires dont il avait fait l'objet étaient des mesures de rétorsion faisant suite à sa demande d'organisation des élections des délégués du personnel en 2012.

1. Sur l'avertissement du 19 octobre 2012

L'avertissement du 19 octobre 2012 avait pour objet de sanctionner la dégradation par le salarié du rétroviseur d'un véhicule de l'entreprise. L'employeur avait notamment indiqué que 'la dégradation de ce véhicule met en cause votre entière responsabilité et votre manque de vigilance aux regards de vos obligations professionnelle. Cette attitude n'est pas professionnelle et ne saurait être acceptée tant il relève de votre fonction d'adopter une conduite sérieuse'.

Contrairement à ce que soutient l'employeur, cet avertissement avait été contesté par le salarié dans son courrier du 19 novembre 2012, le salarié expliquant que le rétroviseur avait été endommagé par un tiers alors qu'il accompagnait le patient jusqu'à la porte de son domicile.

Si les parties reconnaissent toutes deux que le rétroviseur du véhicule appartenant à la société ASL avait été endommagé, elles sont toutefois en désaccord sur la cause de cette détérioration.

Il n'est produit par la société intimée aucun élément établissant la réalité de la conduite imprudente du salarié ni le coût élevé de la réparation évoquée par l'employeur dans son avertissement.

Même à supposer que le rétroviseur ait été abîmé par le salarié, l'avertissement délivré par l'employeur ne représentait pas une sanction proportionnée, ce d'autant plus que le salarié n'avait jamais fait l'objet d'une sanction jusqu'à cette date.

En conséquence, l'avertissement du 19 octobre 2012 sera annulé et le jugement infirmé sur ce point.

2. Sur l'avertissement du 24 octobre 2012

L'avertissement du 24 octobre 2012 avait pour objet de sanctionner la dégradation par le salarié d'un véhicule de l'entreprise. L'employeur indique dans cet avertissement que le salarié avait pris un rond point à sens giratoire en sens inverse, ce qui avait provoqué un accident de la route.

Le salarié reconnaît dans son courrier de contestation de cet avertissement l'accident que lui reprochait l'employeur tout en l'expliquant par la nécessité où il avait été de prendre le rond point en sens inverse puisque d'autres voitures lui coupaient la route.

La présence d'autres véhicules qui l'auraient empêché, sur le moment, de prendre le rond point conformément au sens giratoire ne saurait être une cause d'exonération du code de la route et il s'en déduit que le salarié avait délibérément pris le rond point en sens inverse.

Dès lors, le salarié avait adopté un comportement fautif lequel justifie, au vu des circonstances et de la nature de l'accident, l'avertissement délivré par la société intimée. Le salarié sera débouté de sa demande d'annulation.

3. Sur l'avertissement du 21 novembre 2012

Le salarié soutient avoir fait l'objet d'un avertissement daté du 21 novembre 2012 par lequel l'employeur lui avait reproché de s'être garé sur une place handicapée pour déposer une lettre recommandée de la société ASL à la Poste.

L'employeur ne conteste pas la réalité de cet avertissement bien qu'il ne soit pas produit aux débats.

Si l'employeur soutient que l'avertissement était justifié, ce dont il résulte qu'il l'avait bien notifié au salarié, il ne produit ni la lettre d'avertissement ni d'éléments quelconques sur les faits sanctionnés, de sorte qu'il ne met pas la cour en mesure de vérifier la réalité des faits fautifs allégués à l'encontre de Monsieur [D].

En conséquence, l'avertissement du 21 novembre 2012 sera annulé et le jugement infirmé sur ce point.

4. Sur la mise à pied disciplinaire du 10 juin 2014

La mise à pied du 10 juin 2014 avait pour objet de sanctionner l'attitude agressive et vulgaire du salarié ainsi que l'absence d'établissement d'un constat par le salarié suite à un accident intervenu le 24 avril 2014.

Il n'est produit aux débats par la société intimée aucun document ou élément quelconque établissant la réalité des faits reprochés, l'existence de l'accident du 24 avril 2014 n'étant elle-même pas établie.

Dans ces conditions, l'employeur ne justifiant pas de la réalité des faits fautifs allégués à l'encontre du salarié, la mise à pied disciplinaire de trois jours du 10 juin 2014 doit être annulée et le jugement infirmé sur ce point.

En conséquence des annulations prononcées, il sera alloué au salarié la somme de 1000€ à titre de dommages et intérêts.

Sur le harcèlement moral

Pour demander l'infirmation du jugement qui l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral, le salarié fait valoir qu'il avait subi une dégradation de ses conditions de travail à compter du premier avertissement notifié en 2012.

L'intimé expose que :

-en réaction à sa demande d'organisation d'élections professionnelles, son employeur lui avait notifié trois avertissements en 2012 ;

- après sa reprise du travail suite à un mouvement de grève auquel il avait participé, son employeur lui avait modifié, le 14 janvier 2013, ses horaires de travail alors qu'il travaillait le matin depuis son embauche ;

- à partir de 2013, son employeur avait régulièrement modifié ses horaires de travail et le faisait notamment travailler matin et après-midi de façon discontinue ;

- son employeur n'avait pas respecté pas le repos hebdomadaire de 48 heures consécutives.

Au soutien de ses accusations, il produit aux débats :

- l'avertissement du 19 octobre 2012 ;

- l'avertissement du 24 octobre 2012 ;

- un protocole de fin de conflit du 9 janvier 2013 ;

- le courrier du 4 novembre 2013 adressé à son employeur au sujet du manquement à la règle des 48 heures de repos deux fois par mois;

- le courrier du 26 mars 2014 adressé à son employeur au sujet de ses changements d'horaires de travail et du passage d'un horaire continu à un horaire discontinu.

Il a été retenu que l'employeur avait notifié au salarié en l'espace d'un mois deux avertissements infondés pour des faits fautifs dont la réalité n'a pas été démontrée et qu'il ne respectait pas la règle des 48 heures consécutives de repos deux fois par mois.

Il ressort également du courrier envoyé par le salarié à son employeur au sujet de ses changements d'horaires que son employeur avait modifié ses horaires de travail et que l'horaire continu du matin avait évolué vers un horaire discontinu matin et après-midi. Si le changement des horaires de travail relevait du pouvoir de direction de la société ASL, le passage d'un horaire continu à un horaire discontinu constituait en revanche une modification du contrat de travail. La cour relève que cette modification, qui avait été imposée au salarié, avait été prononcée par l'employeur juste après un mouvement de grève auquel le salarié avait participé.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, constituent autant d'agissements répétés ayant émaillé la relation de travail qui laissent présumer une situation de harcèlement moral. Il incombe donc à l'employeur de rapporter la preuve de ce que sa décision était motivée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'employeur se borne à soutenir que Monsieur [D] procède par voie d'affirmation, sans produire d'élément justifiant les avertissements notifiés ou la nécessité de passer d'horaires continus à des horaires discontinus.

En conséquence, il convient d'allouer au salarié, en réparation de son préjudice moral né des actes de harcèlement moral, la somme de 2000€. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la requalification

Le salarié soutient que son contrat à durée déterminée avait pour objet de pourvoir un emploi lié à l'activité durable et normale de l'entreprise et qu'il ne comportait pas la qualification professionnelle de la personne remplacée.

L'employeur réplique que l'action du salarié était prescrite au jour de la saisine du conseil de prud'hommes et précise qu'en tout état de cause, le salarié avait été embauché pour remplacer un salarié absent.

Un contrat à durée déterminée du 3 mai au 5 août 2005 avait été signé entre les parties pour remplacer Monsieur [U] [W], salarié de l'entreprise, avant que Monsieur [D] soit engagé par un contrat à durée indéterminée le 5 août 2005.

La prescription applicable à l'indemnité de requalification réclamée était, jusqu'au 16 juin 2013, une prescription quinquennale, la nouvelle prescription biennale n'ayant commencé à courir qu'à l'entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013.

Monsieur [D] ayant saisi le conseil de prud'hommes le 12 septembre 2013 et le point de départ de la prescription ayant couru à compter du terme de l'unique contrat à durée déterminée, étant précisé qu'il n'y avait pas eu de succession de contrats à durée déterminée, son action était donc prescrite car intentée postérieurement au 5 août 2010.

Sur les autres demandes

Il sera alloué à Monsieur [D] la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [X] [D] de sa demande de requalification de son contrat à durée déterminée, lui a alloué la somme de 658,83€ au titre des frais d'entretien des tenues de travail et a statué sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

Réforme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la sarl Ambulance Service Languedocienne à payer à Monsieur [X] [D] les sommes de :

-420€ à titre d'indemnité pour manquement au repos hebdomadaire;

-907,34€ à titre d'indemnité en contrepartie financière pour le temps d'habillage et déshabillage;

-1363,57€ à titre d'indemnité de paniers repas ;

-1000€ à titre de dommages et intérêts pour annulation des sanctions disciplinaires ;

-2000€ à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

-1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la sarl Ambulance Service Languedocienne aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18/00359
Date de la décision : 12/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-12;18.00359 ?
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