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05/10/2022 | FRANCE | N°19/02064

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 05 octobre 2022, 19/02064


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale



ARRET DU 05 OCTOBRE 2022





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/02064 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OCQG



ARRET N°





Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 FEVRIER 2019

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 16/00538







APPELANTE :



SAS U LOGISTIQUE Venant aux droits de la société SYSTEME U CENTRALE REGIONALE SUD

[Adresse 7]

[Localité 4]



Représentée par Me Marion CHEVALIER substituant Me Philippe GARCIA de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MO...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 05 OCTOBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/02064 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OCQG

ARRET N°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 FEVRIER 2019

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 16/00538

APPELANTE :

SAS U LOGISTIQUE Venant aux droits de la société SYSTEME U CENTRALE REGIONALE SUD

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me Marion CHEVALIER substituant Me Philippe GARCIA de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Monsieur [N] [H]

né le 31 Juillet 1984 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Julie GIMENEZ, avocat au barreau de MONTPELLIER

SAS PROMAN

[Adresse 8]

[Localité 1]

Représentée par Me Christine ANDREANI de la SELARL JURIS VIEUX PORT, avocat au barreau de MARSEILLE

Ordonnance de clôture du 01 Juin 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 JUIN 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Leïla REMILI, Vice-présidente placée

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par Mme Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

**

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [N] [H] a été engagé par la SAS Proman, société de travail temporaire, dans le cadre de 145 contrats de mission conclus au profit de l'entreprise utilisatrice Système U Centrale Régionale Sud implantée à [Localité 6] en qualité d'employé de magasinage-préparateur de commandes entre le 3 avril 2014 et le 14 août 2015.

Les contrats dont la durée était variable ont été conclus pour surcroît temporaire d'activité ou remplacement de salariés absents.

Par déclaration au greffe du 12 avril 2016, Monsieur [N] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins de requalification des contrats de travail temporaire en un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet du 3 avril 2014 au 14 août 2015. Il sollicitait en définitive à titre principal :

La condamnation de la société U Logistique à lui payer les sommes suivantes :

'3200 euros à titre d'indemnité de requalification,

'9600,72 euros a titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

'16 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'1600,12 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement irrégulier,

'3200,24 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 320,02 euros au titre des congés payés afférents,

'453,36 euros à titre d'indemnité de licenciement,

La requalification de la relation contractuelle à en un contrat à durée indéterminée à temps complet et la condamnation de la SAS Proman à lui payer les sommes suivantes :

'16 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'1600,12 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement irrégulier,

'3200,24 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 320,02 euros titrent des congés payés afférents,

'466,70 euros à titre d'indemnité de licenciement,

À titre subsidiaire, la condamnation des deux sociétés à lui payer solidairement les montants ci-dessus.

Il demandait également que soit constaté le non-respect de ses droits pendant l'exécution du contrat et l'entente illicite entre les sociétés défenderesses ainsi que la condamnation solidaire des deux sociétés à lui payer :

'295,84 euros à titre de rappel de salaire sur reclassification, outre 29,58 euros au titre des congés payés afférents,

'2,25 euros à titre de rappel de salaire sur majoration pour heures de nuit, outre 0,22 euros au titre des congés payés afférents,

'957,77 euros à titre de rappel de salaire sur un temps complet, outre les congés payés afférents,

'230,84 € en 2014; 132,56 euros en 2015; au titre des primes de vacances, outre 36,34 euros au titre des congés payés afférents,

'1495,02 euros à titre de rappel de prime de fin d'année 2014 versée en 2015, outre les congés payés afférents,

'408,32 euros au titre des indemnités de fin de mission 2014, outre les congés payés afférents,

'311,42 euros au titre des indemnités de fin de mission sur rappels de salaire, outre les congés payés afférents,

'449,15 € au titre des congés payés 2014,

et, subsidiairement la condamnation de la société U Logistique à lui payer seule ces sommes.

Il réclamait en tout état de cause à l'encontre de chacune de ces deux sociétés, leur condamnation à lui payer une somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à lui remettre sous astreinte de trente euros par jour passé le délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir ses bulletins de salaire et documents sociaux de fin de contrat conformes au jugement.

Par jugement du 19 février 2019 le conseil de prud'hommes de Montpellier a dit qu'un contrat de travail à durée indéterminée liait [N] [H] et la société système U Centrale Régionale Sud aux droits de laquelle vient la société U Logistique, contrat à effet du 3 avril 2014 qui s'est terminé le

14 août 2015 par une rupture qui doit être qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il a condamné à ce titre la société U Logistique venant aux droits de la société système U Centrale Régionale Sud à payer à [N] [H] une somme de 2000 € à titre d'indemnité de requalification des contrats de mission en un contrat à durée indéterminée.

Il a dit que le contrat de travail à durée indéterminée liait [N] [H] et la société Proman à effet du 3 avril 2014 et qui s'est terminé le 19 septembre 2015 par une rupture qui doit être qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il a condamné solidairement la société Proman et la société U Logistique venant aux droits de la société système U Centrale Régionale Sud à payer à [N] [H] les sommes suivantes :

'8000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

'1000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier,

'3200,24 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 320,02 euro au titre des congés payés afférents,

'453,36 euros à titre d'indemnité de licenciement,

'295,84 euros à titre de rappel de salaire sur reclassification outre 29,58 euros au titre des congés payés afférents,

'2,25 euros à titre de rappel de salaire sur les majorations d'heures de nuit, outre 0,22 euros au titre des congés payés afférents,

'957,77 euros à titre de rappel de salaire sur période interstitielle, outre 95,77 euros au titre des congés payés afférents,

'230,84 € en 2014; 132,56 euros en 2015 à titre de rappel de primes de vacances, outre 36,34 euros au titre des congés payés afférents,

'1495,02 euros à titre de rappel de prime de fin d'année 2014 versée, outre 149,50 euros au titre des congés payés afférents,

'311,42 euros au titre des indemnités de fin de mission sur rappel de salaire, outre 31,14 euros au titre des congés payés afférents,

'2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a également rejeté la demande de la société Proman sollicitant que la société U logistique la garantisse des éventuelles condamnations mises à sa charge à titre de rappel de salaires ou de primes et il a dit que les co-obligés devront contribuer à parts égales au paiement de ces sommes.

La société U Logistique a relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes le 26 mars 2019.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 21 juin 2019, la société U Logistique conclut à l'infirmation du jugement du conseil de prud'hommes sauf en ce qu'il a dit que le travail dissimulé n'était pas caractérisé et que les indemnités de fin de mission avaient été réglées au salarié, à la mise hors de cause de la société U Logistique, au débouté du salarié de sa demande de requalification des contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée ainsi que de l'intégralité de ses autres demandes et à sa condamnation à lui payer une somme de 2950 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 31 mai 2022, la société Proman conclut à l'infirmation du jugement du conseil de prud'hommes sauf en ce qu'il a dit que le travail dissimulé n'était pas caractérisé et que les indemnités de fin de mission et de congés payés avaient été réglées au salarié, au débouté du salarié de sa demande de requalification des contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée et à sa mise hors de cause. À titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour mettrait à la charge de la société Proman le paiement de sommes à titre de rappels de salaire ou de prime, elle sollicite la condamnation de la société U logistique à la relever et garantir des condamnations éventuellement mises à sa charge. En tout état de cause elle demande la condamnation du salarié à lui payer une somme de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 16 mai 2022, Monsieur [N] [H] conclut à la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes sauf quant au montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'elle souhaite voir portée à la somme de 16 000 € et en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé. Il revendique par ailleurs la condamnation solidaire des sociétés U Logistique et Proman à lui payer une somme de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture était rendue le 1er juin 2022.

SUR QUOI :

$gt; Sur la demande de mise hors de cause de la société U Logistique et sur la demande de requalification des contrats de travail temporaire en un contrat à durée indéterminée à l'encontre de l'entreprise utilisatrice

Les contrats dont la durée était variable ont été conclus pour surcroît temporaire d'activité ou remplacement de salariés absents.

$gt;

L' « accroissement temporaire d'activité » s'entend comme l'augmentation temporaire de l'activité habituelle de l'entreprise.

L'article L 1251-5 prévoit que le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Selon l'article L 1251-6, dans sa rédaction applicable au cas d'espèce, sous réserve des dispositions de l'article L. 1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée "mission" et seulement plusieurs cas énumérés au nombre desquels figure l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.

Il résulte de ce dernier texte que l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise est caractérisé lorsque l'activité pérenne et constante tout au long de l'année connaît ponctuellement des pics de production soumis à un aléa, à une imprévisibilité. Faute pour l'employeur de démontrer l'existence d'un tel accroissement temporaire de l'activité, le contrat doit être requalifié à durée indéterminée.

Enfin, l'article L 1251-40, dans sa rédaction alors applicable, permet au salarié d'une entreprise de travail temporaire, en cas de non-application de ces dispositions par l'entreprise utilisatrice, de faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

En l'espèce, il est constant que chaque contrat de mission temporaire contient le motif de son recours, soit l'accroissement temporaire de l'activité, celui-ci étant complété par la précision des caractéristiques particulière du poste, « préparateur de commandes » et par la justification du recours, qui en l'espèce se réfère aux intitulés de différentes opérations de promotion.

La société U Logistique fait valoir que l'accroissement d'activité, compte tenu de la zone de chalandise de l'entrepôt de [Localité 6] qui livre les magasins en Languedoc-Roussillon, PACA, Corse, Andorre et DOM-TOM, résulte des actions de promotion, aussi nombreuses que diverses et variées organisées par les différents magasins qui s'approvisionnant auprès du dépôt de [Localité 6], ce qui n'avait rien d'étonnant, et que ces opérations, ne sont en outre que ponctuelles, et liées soit à des périodes de l'année (Pâques, Noël, période estivale') soit à un évènement tel que « la coupe du monde ».

Or, tandis que la société U Logistique s'abstient de produire toute pièce comptable susceptible de démontrer le caractère temporaire des accroissements d'activité dont elle se prévaut, et se limite à produire des plannings publi-promotionnels desquels il ressort une récurrence des activités de promotion pouvant se chevaucher entre elles, dont notamment « promotion plein air » en avril 2014, « promotion fête fidélité » ou « promotion remises gagnantes» en mai 2015, « promotion temps forts 2 » en juin 2015 ou encore « promotion remises de janvier » en janvier 2015 ou « promotion fidélisation » à la même période, alors que la société U Logistique souligne également que les mois d'octobre à avril font partie, à l'exception des périodes de fête, de périodes de faible activité, et que le motif de recours mentionné aux contrats de mission temporaire du salarié était cependant « accroissement temporaire d'activité », la société U Logistique est défaillante à rapporter la preuve du motif de recours au contrat de mission temporaire invoqué et les contrats de mission de Monsieur [H] pour ce motif avaient en réalité pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

$gt;

Comme l'a par ailleurs relevé à juste titre le premier juge, s'agissant des contrats de mission pour remplacement d'un salarié absent, la société U Logistique ne rapporte pas la preuve des remplacements de salariés absents pour la totalité des contrats ainsi motivés.

$gt;

C'est pourquoi, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a, de fait, rejeté la demande de mise hors de cause de la société U Logistique et requalifié la relation de travail en un contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise utilisatrice.

$gt; Sur la demande de mise hors de cause de la société Proman et sur la demande de requalification des contrats de travail temporaire en un contrat à durée indéterminée à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire

Selon l'article L 1251-16 du code du travail, le contrat de mission est établi par écrit.

Au soutien de sa demande à l'encontre de la société Proman, Monsieur [H] fait en particulier grief à l'employeur de ne pas lui avoir transmis ses contrats de mission dans les deux jours ouvrables suivant sa mise à disposition.

L'article L. 1251-17 du code du travail précise en effet que « le contrat de mission est transmis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant sa mise à disposition. »

La signature d'un contrat écrit, imposée par la loi dans les rapports entre l'entreprise de travail temporaire et le salarié, est destinée à garantir qu'ont été observées les diverses conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite. Cette prescription étant d'ordre public, son omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en contrat de droit commun à durée indéterminée. De même, le non-respect du délai de transmission est assimilé à une absence d'écrit entraînant, en considération du droit applicable à la date des faits objets du présent litige, la requalification du contrat de mission en un contrat de travail à durée indéterminée.

La charge de la preuve du respect de ces obligations pèse sur l'entreprise de travail temporaire.

La société Proman soutient pour sa part qu'elle a transmis les contrats dans les quarante-huit heures, que le salarié a exécuté les contrats, que ses bulletins de paie y font référence, qu'il y est encore fait mention de l'indemnité de fin de mission qui lui a été réglée si bien que le caractère d'ordre public de l'article L 1251-16 du code du travail trouve sa limite lorsque la salariée est l'auteur du manquement à cette prescription.

Toutefois, dans l'espèce soumise à la cour, et alors que les contrats de mission s'enchaînent sur des périodes pouvant parfois se chevaucher, la société de travail temporaire qui se limite à produire une attestation de salaire, un récapitulatif des sommes placées en CET, et un chèque solde de CET accompagné du bulletin de salaire correspondant ne produit pas d'élément permettant de laisser supposer que l'absence de signature des contrats de mission soit le fait du salarié qui aurait délibérément refusé de signer dans une intention frauduleuse alors qu'aucun élément ou attestation ne permet de donner du crédit à l'allégation selon laquelle les contrats de mission auraient été transmis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant sa mise à disposition.

Il ressort ensuite du dossier que les contrats de mission se sont succédés sans respect du délai de carence, au profit du même salarié pour pourvoir, au sein de l'entreprise utilisatrice, le même poste de préparateur de commandes afin d'assurer le remplacement de salariés absents ou pour faire face à un accroissement temporaire d'activité, ce dernier motif ne rentrant pas dans le champ d'application de l'article L. 1251-37 du code du travail, ce dont il en résulte que l'entreprise de travail temporaire a, également à ce titre failli, aux obligations qui lui étaient propres.

C'est donc à bon droit, que le premier juge a également, de fait, rejeté la demande de mise hors de cause de la société Proman et requalifié la relation de travail à l'égard de l'entreprise de travail temporaire.

$gt;

Il résulte de l'article L. 1251-41 du code du travail qu'en cas de requalification d'un contrat de mission en contrat à durée indéterminée, le juge doit accorder au salarié, à la charge de l'entreprise utilisatrice, une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire si bien que le salarié ne peut prétendre au paiement, par l'entreprise de travail temporaire, d'une indemnité de requalification, seulement à charge de l'entreprise utilisatrice. Tandis que c'est par une exacte appréciation des éléments de la cause, que le premier juge a, retenant pour la fixation de l'indemnité de requalification non seulement le salaire de base mais également les accessoires du salaire, a fixé à 2000 € le montant de l'indemnité de requalification à charge de la société U Logistique, il convient également de confirmer le jugement entrepris quant au montant de l'indemnité allouée.

$gt; Sur les conséquences de la requalification à l'égard de chacune des deux sociétés

Dès lors ensuite qu'il a été fait droit à la demande de requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée, tant à l'égard de l'entreprise utilisatrice qu'à l'égard de la société de travail temporaire, que chacune de ces deux sociétés ayant commis des manquements à leurs obligations, il convient de dire que par l'effet de cette requalification les employeurs sont tenus, in solidum, de répondre des conséquences de la rupture de ce contrat. La société Proman, en mettant à disposition monsieur [H] exclusivement auprès de la société U Logistique, a ainsi concouru positivement aux manquements de l'entreprise utilisatrice à ses propres obligations et agi de concert avec elle pour contourner l'interdiction faite à cette dernière de recourir au travail temporaire pour pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente. En effet, la société Proman ne démontre pas avoir proposé au salarié sur la période considérée, d'autres missions que celles qu'elle lui présentait au sein de la société U Logistique, réservant ainsi ce salarié à l'usage exclusif et régulier de cette société, si bien que c'est à bon droit que le premier juge a retenu qu'elle devait supporter les conséquences de la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée.

$gt; Sur la demande de rappel de salaire liée à une reclassification

Monsieur [H] occupait invariablement au cours de la relation de travail un même poste de préparateur de commandes, employé de classe A et était rémunéré au SMIC. Il ne prétend pas avoir effectivement occupé un poste supposant une classification supérieure.

Toutefois, alors que les dispositions conventionnelles découlant des accords Système U Sud prévoyaient que le salarié soit rémuné au SMIC au cours des trois premiers mois de la relation contractuelle, puis considéré comme débutant au niveau A1 pendant douze mois, et accède à la classe A2 au terme de ces douze mois d'expérience professionnelle au poste sauf à ce qu'un délai supplémentaire de six mois ne lui soit donné, ce dont il n'est pas justifié, Monsieur [H] peut valablement prétendre à la reclassification revendiquée sur ces bases sans qu'il y ait lieu à compensation entre le rappel de salaire dont le montant n'est en lui-même pas discuté et l'indemnité de précarité qui avait été payée au salarié en raison d'un recours abusif aux contrats de mission et ne saurait de ce fait donner lieu à répétition.

Aussi y a-t-il lieu de confirmer le jugement entrepris à cet égard.

$gt; Sur la demande de majoration pour heures de nuit

La demande étant subséquente à la reclassification et tenant compte de la rémunération horaire dont le salarié aurait dû bénéficier, il convient de confirmer le jugement entrepris à cet égard.

$gt; Sur la demande de rappel de salaire portant sur les périodes interstitielles

Alors qu'il résulte des contrats de mission versés aux débats que les périodes interstitielles entre deux contrats étaient rares et de courte durée, qu'il n'est justifié d'aucun planning hebdomadaire qui ait pu être communiqué au salarié qui ne connaissait son emploi du temps qu'au gré de l'exécution des missions successives et sans qu'il ne soit justifié d'un délai de prévenance effectif, celui-ci rapporte la preuve qu'il ne pouvait exercer un autre emploi et devait constamment se tenir à la disposition de l'entreprise utilisatrice. C'est pourquoi, il convient de confirmer le jugement entrepris tant en son principe qu'en son montant en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel de salaire portant sur un temps complet au cours des périodes interstitielles.

$gt; Sur les demandes de rappel de primes

La rémunération perçue par le salarié ne peut, en application de l'article 1251-18 du code du travail être inférieure à celle prévue au contrat de mise à disposition, lequel doit comporter le montant de la rémunération avec ses différentes composantes, y compris s'il en existe, les primes et accessoires de salaire que percevrait dans l'entreprise utilisatrice, après période d'essai, un salarié de qualification professionnelle équivalente occupant le même poste de travail.

Le droit au paiement d'une prime versée aux salariés permanents de l'entreprise suppose cependant que le salarié intérimaire qui la revendique remplisse les conditions prévues pour l'attribution de celle-ci.

C'est donc à tort que l'entreprise utilisatrice réfute le bénéfice au salarié des dispositions conventionnelles applicables au sein de la société U Logistique.

Il appartient toutefois au salarié qui revendique la prime de justifier qu'il a droit à son attribution, en fonction de conventions ou d'usages. Ensuite la charge de la preuve du paiement du salaire incombe à l'employeur qui se prétend libéré.

Les dispositions conventionnelles applicables au sein de la société U Logistique prévoient ainsi le paiement d'une prime de vacances au bénéfice de tout salarié à hauteur de 1000 € bruts au prorata des heures travaillées, l'accord d'entreprise du 27 mars 2000 ayant supprimé le système de pénalité appliqué à cette prime en fonction des absences.

Les dispositions conventionnelles applicables au sein de la société U Logistique prévoient également le bénéfice d'une prime de fin d'année ou de 13e mois au prorata des heures travaillées équivalente à 100 % du salaire pour les salariés ayant un an d'ancienneté dans l'entreprise au moment du versement dans les conditions prévues à l'article 17 bis de la convention collective nationale des entrepôts d'alimentation alors en vigueur.

Le salarié fait valoir qu'il n'a perçu un rappel de prime de vacances qu'à hauteur de 19,16 euros en juin 2014, qu'en décembre 2015 un rappel de prime d'un montant de 886,60 euros lui a été payé, bien après sa sortie des effectifs.

Le salarié fait également valoir qu'il n'a perçu qu'une prime de fin d'année de 593,67 euros en 2014 alors qu'il estime qu'il aurait dû percevoir une somme de 1156,61 euros à ce titre.

Monsieur [H] ne démontre cependant pas qu'il avait un an d'ancienneté au moment du versement de la prime de fin d'année 2014 alors qu'il n'avait débuté son activité qu'au 3 avril de la même année et qu'au prorata des heures travaillées aussi bien en 2014 qu'en 2015 il ait pu prétendre au bénéfice d'une prime de vacances supérieure à celle perçue dès lors que l'employeur justifie du versement total d'une somme de 857,02 euros à ce titre en 2015.

Il convient donc, infirmant en cela le jugement entrepris, de débouter le salarié de ses demandes de rappel de prime de vacances et de prime de fin d'année ou de treizième mois.

$gt; Sur la demande formée au titre des indemnités de fin de mission

Si la société Proman a justifié du règlement intégral du reliquat des indemnités de fin de mission qui avaient été versées sur le compte épargne temps du salarié et qui ne fait pas débat à l'occasion de l'instance d'appel, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel d'indemnité de fin de mission sur rappel de salaire compte tenu de la reclassification intervenue pour un montant de 311,42 euros, outre 31,14 euros au titre des congés payés afférents.

$gt; Sur la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

Le recours abusif aux contrats de mission de suffit pas à lui seul à établir l'élément intentionnel du travail dissimulé.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande à cet égard.

$gt; Sur la rupture du contrat de travail

Tenant la requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée, la rupture du contrat de travail ainsi intervenue au terme d'un contrat de mission le 14 août 2015, sans mise en 'uvre de la procédure de licenciement, est sans cause réelle et sérieuse.

La relation de travail qui s'est déroulée du 3 avril 2014 au 14 août 2015 a pris fin dans un délai inférieur à deux ans. Le salarié dont le salaire mensuel brut non spécialement discuté s'établit à 1600,12 euros ne produit pas d'éléments sur sa situation actuelle dans la mesure où il ne justifie pas de son préjudice au-delà de 2016. Dans ces conditions, il convient de réformer le jugement entrepris à cet égard et de fixer à 5000 € le montant de l'indemnité réparant le préjudice subi par le salarié à l'occasion de la rupture du contrat de travail, préjudice résultant aussi bien de l'irrégularité du licenciement pour vice de forme que de fond.

Dans la mesure où l'ancienneté du salarié était comprise entre six mois et deux ans, il y a lieu de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à 3200,24 euros le montant de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 320,02 euros au titre des congés payés afférents, qui, nonobstant la requalification intervenue et la reclassification subséquente sera limité à un mois de salaire, soit 1600,12 euros, outre 160,01 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera en revanche confirmé en ce qu'il a fixé à 453,36 euros le montant de l'indemnité de licenciement, compte tenu de la requalification intervenue et de la reclassification subséquente.

Il convient de dire par conséquent que les sociétés défenderesses seront condamnées in solidum au paiement de ces sommes au salarié.

$gt; Sur la demande en garantie formée par la société Proman

En considération de l'article 1213 du code civil, ensemble les principes régissant l'obligation in solidum, la cour constate qu'ayant régulièrement et sciemment affecté le salarié à l'usage exclusif de la société U Logistique, la société Proman qui a elle-même commis des manquements relatifs à l'exécution contractuelle ne peut demander à être garantie de toute condamnation. Aussi, convient-il de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les co-obligés devront contribuer à parts égales au paiement des sommes objet des condamnations in solidum à proportion de leurs manquements respectifs.

$gt; Sur les demandes accessoires

La remise des bulletins de salaire et documents sociaux de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt étant de droit, il convient de l'ordonner sans pour autant qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte.

En considération de l'équité et de la situation économique des parties, il y a lieu d'allouer à Monsieur [H], à charge des deux sociétés, une somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de la solution apportée au litige, il convient de condamner in solidum aux dépens la société U Logistique et la société Proman.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 19 février 2019 sauf en ce qu'il a fait droit aux demandes de rappel de prime de vacances et de prime de fin d'année formées par Monsieur [H] ainsi que sur le montant des dommages-intérêts alloué pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour licenciement irrégulier et sur le montant de l'indemnité compensatrice de préavis ;

Et statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne in solidum la société U Logistique et la société Proman à payer à Monsieur [N] [H] les sommes suivantes :

'5000 € à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice subi par le salariée à l'occasion de la rupture du contrat de travail, préjudice résultant aussi bien de l'irrégularité du licenciement pour vice de forme que de fond ;

'1600,12 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 160,01 euros au titre des congés payés afférents ;

Déboute Monsieur [N] [H] de ses demandes de rappel de primes de vacances et de prime de fin d'année 2014 ;

Condamne in solidum la société U Logistique et la société Proman à payer à Monsieur [N] [H] une somme de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la société U Logistique et la société Proman aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/02064
Date de la décision : 05/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-05;19.02064 ?
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