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05/10/2022 | FRANCE | N°15/07638

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 05 octobre 2022, 15/07638


Grosse + copie

délivrées le

à



































2e chambre sociale



ARRÊT DU 05 Octobre 2022





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 15/07638 - N° Portalis DBVK-V-B67-MJFR



ARRÊT n°



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 SEPTEMBRE 2015 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE NARBONNE - N° RG F 13/00256







APPELAN

T :



Monsieur [V] [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Cyril CAMBON, avocat au barreau de NARBONNE





INTIMEE :



SARL EXPRESSO COURSES

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Stéphanie MASSIAVE substituant Me Vincent DE TORRES de l...

Grosse + copie

délivrées le

à

2e chambre sociale

ARRÊT DU 05 Octobre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 15/07638 - N° Portalis DBVK-V-B67-MJFR

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 SEPTEMBRE 2015 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE NARBONNE - N° RG F 13/00256

APPELANT :

Monsieur [V] [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Cyril CAMBON, avocat au barreau de NARBONNE

INTIMEE :

SARL EXPRESSO COURSES

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Stéphanie MASSIAVE substituant Me Vincent DE TORRES de la SCP DE TORRES - PY - MOLINA - BOSC BERTOU, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 JUIN 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Leïla REMILI, Vice-présidente placée

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Marie-Lydia VIGINIER

ARRÊT :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par Mme Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

**

FAITS ET PROCEDURE

Par arrêts du 14 novembre 2018 et du 24 novembre 2021, auxquels il est renvoyé pour exposé des faits et de la procédure, cette cour a ordonné le sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour de cassation, chambre criminelle, statuant sur un appel contre un arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour de Montpellier.

La cour de cassation a statué le 7 décembre 2021.

L'affaire a été rappelée à l'audience de la chambre sociale du 22 juin 2022.

L'appel du 14 octobre 2015 interjeté par Monsieur [V] [X] a été instruit selon les régles de la procédure orale sans réprésentation obligatoire qui étaient alors applicables à la date de l'appel.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures soutenues oralement à l'audience, Monsieur [V] [X] demande à la cour de réformer le jugement de départage du conseil de prud'hommes du 10 septembre 2015 sauf en ce qu'il a reconnu abusif le renouvellement de la période d'essai, condamner la société intimée à lui payer la somme de 500€ à titre de dommages et intérêts pour période d'essai abusive, 3758,13€ à titre de rappel de salaires sur indemnités de repas, 2379,17€ au titre des heures supplémentaires pour l'année 2012, 236,25€ au titre des congés payés y afférents, 918,29€ au titre des heures supplémentaires pour l'année 2013, 91,83€ au titre des congés payés y afférents,8581,49€ au titre du travail dissimulé, dire que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamner la société intimée à lui payer les sommes de 1430,25€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 143,02€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, 524,43€ au titre de l'indemnité de licenciement, 17162,98€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1000€ à titre de dommages et intérêts au titre du DIF, 1800€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et ordonner sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter du prononcé de la décision la remise des bulletins de paie et de l'attestation pôle-emploi rectifiés.

Dans ses dernières écritures soutenues oralement à l'audience, la sarl Expresso Courses demande à la cour au principal, vu le pourvoi en cassation suspensif, ordonner le maintien du sursis à statuer, subsidiairement réformer partiellement le jugement et débouter intégralement Monsieur [X] de ses prétentions, le condamner à lui payer la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé à leurs dernières conclusions.

SUR CE

La chambre criminelle de la cour de cassation ayant rendu son arrêt le 7 décembre 2021, la demande de maintien du sursis à statuer est devenue sans objet.

Sur le renouvellement de la période d'essai abusif

Dès lors que la convention collective applicable au jour de la conclusion du contrat ne prévoyait aucune possibilité de renouveler une période d'essai, c'est à tort que l'employeur se fondant sur le contrat de travail qui visait une période d'essai d'un mois avec possibilité de renouvellement d'un mois a cru pouvoir renouveler cette période.

Le moyen soulevé par la société intimée et tiré de l'article L 1221-19 du code du travail issu de la loi du 20 juin 2008 et de l'absence de révision de la convention collective au 1er juillet 2009 est inopérant en l'état de l'absence dans la convention collective de la possibilité de renouveller une période d'essai.

C'est à bon droit qu'il est soutenu par l'appelant qu'en renouvelant abusivement la période d'essai, l'employeur l'avait maintenu inutilement dans une situation d'insécurité contractuelle de nature à caractériser un dommage.

Le jugement qui a condamné l'employeur à payer une somme de 400€ à titre de dommages et intérêts sera confirmé.

Sur les indemnités repas

L'appelant soutient que son travail de chauffeur consistait à prendre connaissance du nombre de colis et des lieux de livraison à sa prise de poste le matin avec l'obligation de les livrer tous avant la fin de sa journée ce qui l'empêchait de prendre sa pause repas.

Toutefois, comme indiqué en réplique par la société intimée, le salarié ne peut prétendre aux indemnités de repas prévues par la convention collective que s'il démontre avoir été contraint par son service de prendre ses repas hors de son lieu de travail. Or, en l'espèce et comme retenu par le jugement déféré, le salarié ne démontre pas avoir été empêché de prendre son déjeuner à son domicile habituel.

Contrairement à ce qui est soutenu par le salarié, une telle preuve n'est rapportée ni par la lettre de l'employeur du 13 décembre 2013 lui rappelant qu'il ne lui était pas interdit de faire une pause café mais s'étonnant que le salarié prenne sa pause une heure seulement après la prise de service, de surcroît sans décompter ladite pause, ni par les développements auxquels l'appelant se livre sur la durée de ses tournées et le lieu du dépôt . Au demeurant, ces éléments ne concernent que la durée du travail effectif sans qu'il puisse s'en déduire que le salarié aurait été nécessairement privé de sa pause déjeuner.

Le jugement qui a rejeté cette demande sera confirmé.

Sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé

Contrairement à ce que le jugement a retenu, il importe peu en matière de litige sur la durée du travail que le salarié n'ait pas adressé de réclamation à son employeur en cours d'exécution du contrat. De même, les éléments versés aux débats par Monsieur [X] (en l'espèce un décompte détaillé et les décisions pénales) sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur, tenu de contrôler la durée du travail de ses salariés, de répondre en fournissant ses propres éléments.

Si l'employeur entend produire aux débats un tableau récapitulatif des horaires du salarié (pièce n°15 de l'intimée), pour autant cette pièce qui n'est qu'un simple tableau 'excel'non authentiifé, n'a aucune valeur probante.

Les témoignages de salariés que l'employeur verse aussi aux débats (ses pièces n° 16 à 17) se bornent pour l'un à affirmer que des incohérences étaient apparues dans les comptes-rendus des tournées de Monsieur [X] et qu'après un contrôle des heures effectées celles-ci étaient validées informatiquement et, pour l'autre, que toutes les heures des chauffeurs étaient validées tant au départ en tournée qu'à la fin avec ensuite la transmission à l'employeur.

Toutefois, ces éléments sont très insuffisants et sont inopérants dès lors, d'une part, que l'employeur ne produit aucun des outils de décompte de la durée du travail de ses chauffeurs qu'il aurait dû tenir à jour (par exemple le registre des horaires de service, le livret individuel de contrôle ou encore le carnet ou les feuilles de route) et que, d'autre part, le gérant de la société intimée a été condamné définitivement par un arrêt du 4 janvier 2021de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Montpellier pour travail dissimulé en n'ayant pas déclaré 151 heures supplémentaires effectuées par Monsieur [X].

Au vu du nombre des heures supplémentaires effectuées par l'appelant en 2012 et 2013 et dont il n'est pas justifié que l'employeur les aurait réglées, la société intimée sera condamnée à payer à Monsieur [X] la somme de 1879, 49€ outre les congés payés .

Le jugement sera réformé sur ce point.

L'intention frauduleuse étant avérée par les éléments de l'enquête pénale produits aux débats, la société intimée sera condamnée à payer la somme de 8581,49€ au titre du travail dissimulé.

Sur la rupture

La lettre du 30 décembre 2013 adressée à l'employeur et par laquelle Monsieur [X] a pris acte de la rupture de son contrat de travail vise plusieurs manquements de la part de l' employeur : le non paiement des indemnités de repas et des heures supplémentaires, l'abus du pouvoir de sanction.

Comme analysé précédemment, si le grief du non paiement des indemnités de repas n'est pas fondé, en revanche celui du non paiement des heures supplémentaires est fondé.

En ne payant pas les heures supplémentaires dans les conditions qui ont été décrites plus haut et dans un contexte de fraude organisée comme démontré par les poursuites pénales, l'employeur a manqué gravement à l'une de ses obligations essentielles de payer les salaires et de ce fait a rendu impossible la poursuite de la relation de travail.

Dès lors et sans qu'il ne soit besoin d'examiner le dernier grief, il convient de dire que la prise d'acte est fondée et a produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de l'ancienneté du salarié (moins de deux ans), du nombre de salariés dans l'entreprise (plus de 11), du salaire de référence (1430,25€), de l'âge du salarié (né en 1985), des circonstances ci-dessus de la rupture et de l'absence totale de justificatifs sur la situation tant matérielle que professionnelle du salarié après cette rupture, la cour condamnera la société intimée à payer la somme de 3000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A cette somme s'ajoutent celles de 1430,25€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 143,02€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et de 524,43€ au titre de l'indemnité de licenciement.

Sur les autres demandes

Privé de la faculté d'exercer son droit individuel à la formation qu'il avait acquis depuis le début de la relation de travail, Monsieur [X] a subi un préjudice qui sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 500€.

Il sera statué sur la remise des documents comme dit au dispositif sans qu'une astreinte ne soit nécessaire.

L'équité commande d'allouer à l'appelant la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Constate que la demande de maintien du sursis à statuer est sans objet.

Confirme le jugement de départage du conseil de prud'hommes de Perpignan du 10 septembre 2015 en ce qu'il a alloué une indemnité au titre du renouvellement abusif de la période d'essai et en ce qu'il a rejeté la demande au titre des indemnités de repas.

Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau sur tous les points réformés ;

Dit que la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 30 décembre 2013 ;

Condamne la sarl Expresso Courses à payer à Monsieur [V] [X] les sommes de :

-1879, 49€ au titre des heures supplémentaires des années 2012 et 2013

-187,94€ au titre des congés payés y afférents

-8581,49€ au titre du travail dissimulé

-3000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-1430,25€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

-143,02€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

-524,43€ au titre de l'indemnité de licenciement

-500€ à titre de dommages et intérêts pour la perte d'une chance pour le DIF

-1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que la sarl Expresso Courses devra remettre à Monsieur [V] [X] dans les deux mois de la signification de l'arrêt, le bulletin de paie récapitulatif et l'attestation destinée à pôle-emploi rectifiés et conformes au présent arrêt.

Condamne la sarl Expresso Courses aux entiers dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15/07638
Date de la décision : 05/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-05;15.07638 ?
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