La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/09/2022 | FRANCE | N°21/07214

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre civile, 29 septembre 2022, 21/07214


Grosse + copie

délivrées le

à





























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre civile



ARRET DU 29 SEPTEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/07214 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PHYM



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 SEPTEMBRE 2021

JUGE DE L'EXECUTION DE PERPIGNAN N° RG 20/00082





APPELANTE :



S.A. LYONNAISE DE BANQUE p

rise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 6]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avoca...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 29 SEPTEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/07214 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PHYM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 SEPTEMBRE 2021

JUGE DE L'EXECUTION DE PERPIGNAN N° RG 20/00082

APPELANTE :

S.A. LYONNAISE DE BANQUE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 6]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me ROUSSEL, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

INTIMES :

Monsieur [M] [K]

né le [Date naissance 5] 1955 à [Localité 10] ([Localité 10])

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Marjorie AGIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame [T] [Z]

née le [Date naissance 3] 1954 à [Localité 1] ([Localité 1])

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Marjorie AGIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 JUIN 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Eric SENNA, Président de chambre

Madame Myriam GREGORI, Conseiller

Madame Nelly CARLIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Laurence SENDRA

Le délibéré initialement prévu le 15 septembre a été prorogé au 29 septembre 2022, les parties en ayant été avisées ;

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Eric SENNA, Président de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 12 février 2020 à Monsieur [M] [K] et Madame [T] [Z] épouse [K] et publié le 15 avril 2020 au SPF de [Localité 12] (volume 2020 S n° 25), la SA Lyonnaise de Banque agissant en vertu de la grosse exécutoire d'un acte contenant prêt reçu par Maître [I] [F], notaire associé à [Localité 11] le 29 décembre 2004, a fait saisir divers biens et droits immobiliers dans un ensemble immobilier dénommé [Adresse 8] situé à [Localité 7] ([Localité 7]) au sein d'une copropriété dénommée [Adresse 9] correspondant aux lots 208 et 241, afin d'obtenir paiement de la somme totale de 263 264, 76 euros arrêtés au 18 juin 2019.

Le 12 juin 2020, la SA Lyonnaise de Banque a fait assigner Monsieur [M] [K] et Madame [T] [Z] épouse [K] à l'audience d'orientation du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Perpignan.

Par jugement contradictoire en date du 10 septembre 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Perpignan a:

- dit y avoir lieu de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'une juridiction pénale se soit prononcée définitivement sur les faits dénoncés par les époux [K]

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- réservé les dépens.

Par ordonnance de référé en date du 15 décembre 2021, le premier président de la présente Cour a autorisé la SA Lyonnaise de Banque à interjeté appel de ce jugement et a fixé au 7 mars 2022 la date à laquelle la présente chambre de la Cour d'appel de Montpellier aura à entendre de l'affaire et ce, conformément aux dispositions de l'article 380 du code de procédure civile.

Par acte reçu au greffe de la Cour le 15 décembre 2021, la SA Lyonnaise de Banque a relevé appel du jugement du 10 septembre 2021.

Suivant exploit d'huissier en date du 24 décembre 2021, la SA Lyonnaise de Banque a fait assigner Monsieur [M] [K] et Madame [T] [Z] épouse [K] à l'audience du 7 mars 2022, l'assignation ayant été déposée au greffe de la Cour par la voie électronique le 29 décembre 2021.

A l'audience du 7 mars 2022, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 27 juin 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 mars 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, la SA Lyonnaise de Banque demande à la Cour de :

- réformer le jugement du Juge de l'exécution du TJ de PERPIGNAN du 10 septembre 2021 RG : 20/00082 ' N° Portalis DBZC-W-B7E-KMRL ' Minute n°2021/223 en ce qu'il a prononcé un sursis à statuer sur la procédure de saisie immobilière et son orientation.

- rejeter le sursis à statuer motivé par la remise en cause du titre exécutoire, la validité de celui-ci ne pouvant être remise en cause du fait de l'autorité de la chose jugée liée au jugement du 06novembre 2014 du Juge de l'Exécution de GAP, à l'arrét confirmatif du 24 novembre 2015 de la Cour d'Appel de GRENOBLE, puis encore au jugement du 15 mars 2018 du Juge de l'Exécution de GAP et l'arrêt confirmatif définitif du 08 janvier 2019 de la Cour d'Appel de GRENOBLE, tous les moyens éventuellement nouveaux ne pouvant être soulevés après coup du fait du principe de concentration des moyens.

- rejeter d'autant plus le sursis que la procédure pénale invoquée par les époux [K] ne comporte pas d'inscription de faux contre l'acte notarié et qu'aucune pièce pénale qu'ils sont au surplus en mesure de verser aux débats en leur qualité de partie civile, ne démontre l'existence d'un faux en écriture publique, l'éventuelle condamnation du notaire pour une autre infraction n'étant pas de nature à remettre en cause le caractère exécutoire du titre notarié.

- évoquant partiellement le fond, rejeter les moyens des époux [K] sur la remise en cause du caractère exécutoire du titre notarié, du fait de l'irrecevabilité liée à l'autorité de la chose jugée et au principe de la concentration des moyens et enfin au fait qu'aucun des reproches ne peut avoir pour conséquence de lui faire perdre ce caractère.

- débouter les époux [K] de toutes leurs contestations.

- rejeter les reproches visant la procuration, les reproches qu'ils formulent ne constituant pas un faux et ne pouvant s'étendre au contrat de prêt notarié.

- rejeter les contestations du caractère exécutoire de l'acte au motif qu'une page des annexes, manifestement manquante dans la propre copie des débiteurs serait présente dans la copie de la banque. ce nouveau moyen se heurte à l'autorité de la chose jugée et la concentration des moyens qui en est un élément, attachées aux précédentes décisions de justice. Le rejeter aussi du fait qu'une

copie ne comportant pas une page des annexes n'entraîne aucune conséquence sur la validité de l'acte lui-même.

- rejeter les contestations du caractère exécutoire de l'acte au motif d'une absence de numérotation de certaines pages et/ou de paraphe du notaire.

- rejeter les prétentions de M. et Mme [K] au titre d'une prescription biennale de l'article L218-2 du code de la consommation de tout ou partie de la créance de la Lyonnaise de Banque, une telle demande se heurtant à l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 09/01/2019 de la cour d'appel de Grenoble, d'autant qu'il est etabli que l'article L 2l8-2 du code de la consommation ne s'applique pas en l'espèce puisqu'ils ne sont pas des consommateurs conformément aux dispositions de l'article L312-3 2° actuel L3l3-2 2° du code de la consommation.

- rejeter les prétentions des époux [K] au titre d'une soumission volontaire, en l'absence de volonté non équivoque. la méconnaissance du caractère professionnel des emprunteurs et de leurs projets réels, l'excluant.

- rejeter d'autant plus les prétentions de M. et Mme [K] au titre d'une prescription de la créance puisque la Lyonnaise de Banque justifie de trois causes d'interruption qu'elle soit biennale

ou quinquennal

- donner acte à la Lyonnaise de Banque verse aux débats un décompte rectifié (piece 28) qui en application des règles revendiquées par les débiteurs donnent les montants suivants :

- capital au 29/01/2021 : 200 667,82

- intérêts au 29/01/2021 : 78 457,29 €

- accessoires au 29/01/2021 : néant

Total au 29/01/2021 279 125,11 € outre intérêts au taux moratoire de 5,10 % sur le capital de 200 667,82 € depuis le 29/0l/2021 et jusqu'à complet paiement.

- rejeter la demande de nullité du commandement, l'article R321-3 du CPCE prévoyant que la nullité n'est pas encourue au motif que les sommes reclamées sont supérieures a celles qui sont dues au créancier.

- rejeter les demandes reconventionnelles des époux [K] dans la mesure où il n'y a rien d'abusif ni de vexatoire à saisir le bien financé par le contrat de prêt, 9 ans après la déchéance du

terme et alors que les loyers sont saisis par un autre creancier, en l'absence de faute , d'un préjudice actuel et certain et d'un lien de causalité direct entre les deux.

- rejeter leurs demandes au titre de l'article 700 du CPC.

- renvoyer pour le surplus le dossier devant le premier juge aux fins qu'il statue sur les questions propres à l'audience d'orientation, telles que les conditions de la vente forcée à venir.

- condamnera solidairement les intimés à payer à la Lyonnaise de Banque la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du CPC et les entiers dépens d'appel.

- réserver les dépens

Au dispositif de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 4 mars 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, Monsieur [M] [K] et Madame [T] [Z] épouse [K] demandent à la Cour de :

* dire et juger Monsieur et Mme [K] recevables et bien fondés en leurs demandes fins et conclusions

* en conséquence y faisant droit :

- confirmer en tous ses éléments le Jugement rendu en date du 10/09/2021

- et surseoir à statuer sur la saisie immobilière engagée par le CIC jusqu'à ce qu'une décision définitive et irrévocable soit rendue sur les procédures pénales et civiles à intervenir et actuellement en attente de jugement devant le Tribunal Judiciaire de Marseille ;

* à titre subsidiaire :

'' juger que Monsieur et Mme [K] sont des consommateurs.

'' juger subsidiairement que le CIC et Monsieur et Mme [K] ont à tout le moindre décidé de soumettre leur convention au droit de la consommation.

'' en conséquence,

- juger que la créance du CIC est prescrite

- juger nul et de nul effet le commandement délivré le 12 février 2020 aux époux [K]

- ordonner que mention en soit faite en marge de la publication opérée.

- débouter le CIC de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires ou complémentaires,

- dire et juger que le CIC ne dispose pas d'un titre exécutoire valide.

- juger que l'acte de vente notarié du 29/12/2004 ne vaut que comme acte sous seing privé.

- juger que la créance du CIC n'est pas liquide et exigible

- juger que le commandement valant saisie délivré le 12 Juillet 2020 aux époux [K] est nul et de nul effet

- ordonner que mention en soit faite en marge de la publication opérée.

- débouter en tout état de cause le CIC de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, contraires ou complémentaires,

- dire et juger qu'il n'y a lieu ni à vente amiable ni à vente forcée,

- prononcer l'annulation du commandent de payer valant saisie délivré le 12 février 2020 à M. et Mme [K] à la requête du CIC,

- débouter le CIC de sa demande de poursuite de la vente judiciaire,

- condamner le CIC à rembourser à M. et Mme [K] l'ensemble des frais qui ont pu être engendrés par la mise en place de la saisie comme sa mainlevée ou suspension,

- condamner le CIC pour son acharnement injustifié et inadmissible à payer à M. et Mme [K] une somme de 10.000 euros de dommages et intérêts compte tenu du caractère

vexatoire de cette mesure au regard des circonstances décrites.

* condamner encore [K] au paiement d'une somme de 5.000 Euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

* condamner enfin le CIC aux entiers dépens de première instance et d'Appel, en y ceux compris les frais de mainlevée de la saisie discutée.

Avec l'autorisation de la Cour, le conseil de l'appelant a communiqué en cours de délibéré par envoi reçu le 8 juillet 2022 l'ordonnance de non lieux partiels, de requalification et de renvoi devant le tribunal correctionnel rendue par le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Marseille le 15 avril 2022.

MOTIFS :

Sur la demande de sursis à statuer

Les époux [K] demandent à la Cour de surseoir à statuer sur la saisie immobilière engagée par la Lyonnaise de Banque jusqu'à ce qu'une décision définitive et irrévocable soit rendue sur les procédures pénales et civiles en cours devant le juge d'instruction de Marseille et le tribunal judiciaire de Marseille dans le cadre de l'affaire dite 'Apollonia' et ce, dans le cadre d'un bonne administration de la justice, afin d'éviter un risque de contrariété de décisions, le titre servant de base aux poursuites étant susceptible d'être remis en cause par ces juridictions.

L'appelante soulève l'irrecevabilité de cette demande qui se heurte à l'autorité de la chose jugée et au principe de concentration des moyens dés lors que les époux [K] n'ont pas fait valoir ce moyen lors des procédures antérieures engagées à leur encontre sur le fondement du même titre exécutoire et ne justifient pas d'un élément nouveau intervenu postérieurement à ces procédures.

Les intimés soutiennent que leur demande est parfaitement recevable dés lors qu'ils justifient de la clôture de l'instruction intervenue postérieurement aux procédures invoquées et d'une plainte qu'ils ont déposée le 14 décembre 2020 à l'encontre de la Lyonnaise de Banque et qu'il s'agit donc d'éléments nouveaux justifiant qu'ils ne pouvaient demander un sursis à statuer lors des procédures antérieures.

Le premier juge a omis de statuer sur l'irrecevabilité soulevée par La Lyonnaise de Banque.

En application des article 73 et 377 du code de procédure civile, la demande de sursis à statuer qui tend à suspendre le cours de l'instance est une exception de procédure.

Aux termes de l'article 74 du code de procédure civile, les exceptions de procédure doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

Par ailleurs, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident à dés son prononcé l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que la Lyonnaise de Banque, antérieurement à la présente procédure de saisie immobilière, a déjà fait pratiquer à l'encontre des époux [K] deux saisies-attributions fondées sur le même titre exécutoire que celui fondant la saisie immobilière, que les époux [K] ont contesté ces actes d'exécution devant le juge de l'exécution de Gap qui, par jugements en date des 6 novembre 2014 et 15 mars 2018, confirmés par arrêts rendus par la Cour d'appel de Grenoble respectivement les 24 novembre 2015 et 8 janvier 2019, a débouté les époux [K] de l'ensemble de leurs contestations. Il résulte de ces décisions judiciaires et il n'est pas contesté que ces derniers n'ont pas formé au cours de ces procédures une demande de sursis à statuer dans l'attente des décisions civiles et pénales à intervenir dans le cadre de l'affaire 'Apollonia'.

Il incombait ainsi aux époux [K] aux termes des textes précités de présenter dés l'instance relative à leur première demande tendant à contester l'exécution de l'acte authentique du 29 décembre 2004 en cause, soit dés la première procédure devant le juge de l'exécution ayant donné lieu à l'arrêt rendu le 24 novembre 2015 l'ensemble des moyens de défense de nature à fonder cette demande et donc de soulever utilement toute exception de procédure.

Il est exact que ce principe, de même que l'autorité de la chose jugée résultant des décisions déjà rendues, ne peuvent être opposés lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice.

Or, en l'espèce, s'agissant de la demande de sursis à statuer dans l'attente d'une issue définitive de la procédure pénale, les intimés ne sauraient prétendre que l'avis de clôture de l'information pénale rendu le 30 octobre 2019 par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Marseille et le réquisitoire définitif du Procureur de la République de ce même tribunal en date du 19 juillet 2021 constitueraient des éléments nouveaux de nature à modifier la situation antérieurement reconnue en justice, alors qu'il ressort des décisions précitées qu'au jour où ces affaires ont été évoquées, les époux [K] avaient déjà connaissance de l'instruction pénale en cours depuis 2008 à l'encontre de la société Apollonia, de certains établissements bancaires et de certains notaires, dont Me [L] et Me [S] et relative à des faits d'escroquerie en bande organisée, faux et usage de faux, exercice illégal de l'activité d'intermédiaire en opération de banque et abus de confiance , faux en écriture publique et complicité d'escroquerie, puisqu'ils ont fait état de cette procédure pénale devant le juge de l'exécution de Gap pour soutenir le caractère frauduleux de l'acte notarié du 29 décembre 2004 servant de base aux mesures de saisies-attributions et pour demander la nullité de ces actes d'exécution.(page 3 des jugements du 6 novembre 2014 et du 15 mars 2018 ; page 11 de l'arrêt du 24 novembre 2015 ; page 18 de l'arrêt du 8 janvier 2019).

Les intimés étaient donc déjà en mesure de soulever lors de ces deux instances l'exception de procédure tirée du sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive et irrévocable à intervenir dans le cadre de cette procédure pénale.

A cet égard, ni l'avis de clôture de l'information pénale, ni le réquisitoire définitif du Procureur de la République, ni même l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction de Marseille rendue le 15 avril 2022 produite par l'appelante en cours de délibéré ne peuvent être considérés comme des éléments ayant modifié une situation antérieurement reconnue en justice, s'agissant d'actes d'information ou de décisions juridictionnelles non définitives, ayant abouti pour l'heure seulement à un renvoi de certains mis en examen (parmi lesquels ne figure pas La Lyonnaise de Banque) du chef de certaines infractions pénales devant le tribunal correctionnel, lequel n'a pas encore statué.

Il en est de même de la plainte avec constitution de partie civile du 5 janvier 2021 que les intimés ont déposée à l'encontre de la Lyonnaise de banque pour usage de faux et fondée sur le caractère frauduleux de l'acte notarié du 29 décembre 2004 résultant selon eux de la procédure d'information pénale précitée, les époux [K] ne justifiant pas des suites données à cette nouvelle plainte qui ne modifie en rien la situation antérieurement reconnue en justice.

Ces éléments ne peuvent donc être considérés que comme la production de nouveaux moyens de preuve au soutien des contestations élevées par les intimés qui s'opposent à la présente procédure de saisie immobilière en invoquant l'absence de validité du titre exécutoire tirée notamment des irrégularités commises par le notaire et faisant l'objet de l'instruction pénale.

Ainsi, alors que le juge de l'exécution de Gap a déjà tranché dans le cadre des décisions civiles précitées opposant les mêmes parties l'ensemble des contestations soulevées par les époux [K] à l'occasion de précédentes voies d'exécution forcée pratiquées par la Lyonnaise de Banque et fondées sur le même acte notarié du 29 décembre 2004 et que ces contestations qui portaient également sur la force exécutoire et le caractère frauduleux de cet acte sont identiques à celles soulevées dans le cadre de la présente instance, il convient de considérer que ces décisions définitives sont revêtues de l'autorité de la chose jugée en ce qu'elles ont rejeté l'ensemble de ces contestations relatives au titre exécutoire, aucun élément nouveau de nature à modifier cette situation antérieurement reconnue en justice n'étant intervenu.

La demande de sursis à statuer sur la saisie immobilière engagée par la Lyonnaise de Banque jusqu'à ce qu'une décision définitive et irrévocable soit rendue dans le cadre de la procédure pénale sera, en conséquence, déclarée irrecevable.

En ce qui concerne la demande de sursis à statuer jusqu'à ce qu'une décision définitive et irrévocable soit rendue dans le cadre de la procédure civile en cours devant le tribunal judiciaire de Marseille, demande qui n'avait pas été formée devant le premier juge, il ressort des pièces produites que les époux [K] ont fait assigner par exploit d'huissier du 1er décembre 2009 l'ensemble des établissements bancaires, dont la Lyonnaise de banque, la société Apollonia et certains notaires devant le tribunal de grande instance de Marseille pour obtenir l'octroi de dommages et intérêts. Il n'est pas contesté que cette procédure est toujours en cours.

La demande de sursis à statuer formée par les intimés dans l'attente de l'issue de cette procédure ne se heurte cependant pas à l'autorité de la chose jugée des décisions rendues par le juge de l'exécution de Gap et la Cour d'appel de Grenoble précitées lesquelles n'ont pas statué sur des demandes ayant le même objet et fondées sur la même cause que celles formées devant le tribunal judiciaire de Marseille, qui sont, quant à elles, fondées sur la responsabilité civile résultant de manquements aux dispositions du code de la consommation, du code monétaire et financier et du code civil et de manquements contractuels. L'appelante ne saurait donc faire grief aux intimés de ne pas avoir soulevé cette exception de procédure lors de ces instances précédentes.

La demande de sursis à statuer jusqu'à ce qu'une décision définitive et irrévocable soit rendue dans le cadre de cette procédure civile doit donc être déclarée recevable.

Sur le fond, il convient de rappeler que le sursis à statuer n'est sollicité que pour une bonne administration de la justice, l'article 4 du code de procédure pénale n'imposant le sursis à statuer que sur le seul jugement de l'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction et qu'en dehors de cette hypothèse, le sursis à statuer ne peut être ordonné qu'à titre facultatif.

Or, en l'espèce, l'instance civile en cours devant le tribunal judiciaire de Marseille engagée par les époux [K] ne concerne, ainsi que rappelé précédemment, qu'une demande de dommages et intérêts résultant de manquements aux dispositions du code de la consommation, du code monétaire et financier et au code civil, ainsi que de manquements contractuels, notamment au devoir de conseil et ne tend pas à la réparation d'un dommage causé par une infraction.

En conséquence, alors que la demande formée par la Lyonnaise de banque devant le juge de l'exécution de Perpignan tend au recouvrement de sa créance par le biais d'une saisie immobilière, les époux [K] ne sauraient invoquer le risque de contrariété des décisions civiles à intervenir alors que ces deux instances reposent sur des fondements différents et en sont pas de nature à influer sur la solution de leur litige respectif.

Les intimés ne sauraient à cet égard invoquer la violation des dispositions de l'article 6 de la Cour européenne des droits de l'homme relatifs au principe d'un procès équitable, les époux [K] étant parfaitement en mesure de faire valoir devant la juridiction civile tous les éléments de défense qu'ils estiment utiles pour contester la procédure de saisie immobilière.

Il convient donc, ajoutant aux dispositions du jugement entrepris, de rejeter cette demande de sursis à statuer formée dans l'attente de l'issue de l'instance civile en cours devant le tribunal judiciaire de Marseille.

Les parties concluent sur le fond des contestations soulevées par les époux [K] pour s'opposer aux demandes de la Lyonnaise de Banque tendant à la saisie immobilière, contestations qui n'ont pas été tranchées par le premier juge dés lors que celui-ci a fait droit à la demande de sursis à statuer.

Cependant, aux termes de l'article 568 du code de procédure civile, le pouvoir d'évocation- au demeurant facultatif- de la Cour d'appel à l'égard des points non jugés en première instance est limité aux hypothèses dans lesquelles elle infirme ou annule un jugement :

- qui a ordonné une mesure d'instruction

- qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l'instance.

Or ,en l'espèce, le jugement entrepris, s'il a statué sur une exception de procédure n'a pas mis fin à l'instance, laquelle a seulement suspendu le cours de celle-ci.

Il convient donc de ne pas évoquer le fond des demandes formées par les parties et de renvoyer ces dernières devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Perpignan afin qu'il soit statué sur les demandes des parties dans le cadre de la procédure de saisie immobilière engagée par la Lyonnaise de Banque.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu'elles ont pu exposer. Leur demande à ce titre sera rejetée.

Il y a lieu de laisser les dépens d'appel relatifs à l'instance portant sur l'exception de procédure à la charge des intimés qui succombent en leur demande de sursis à statuer.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit y avoir lieu de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'une juridiction pénale se soit prononcée définitivement sur les faits dénoncés par les époux [K] ;

Statuant à nouveau de ce chef d'infirmation,

- Déclare irrecevable la demande de sursis à statuer formée par Monsieur [M] [K] et Madame [T] [Z] épouse [K] jusqu'à ce qu'une décision définitive et irrévocable soit rendue dans le cadre de la procédure pénale faisant l'objet de l'affaire 'Appolonia';

Et y ajoutant,

- Déclare recevable la demande de sursis à statuer formée par Monsieur [M] [K] et Madame [T] [Z] épouse [K] jusqu'à ce qu'une décision définitive et irrévocable soit rendue dans le cadre de la procédure civile en cours devant le tribunal judiciaire de Marseille ;

- Sur le fond, rejette cette demande de sursis à statuer ;

- dit n'y avoir lieu à évoquer le fond des demandes formées par les parties dans le cadre de la procédure de saisie immobilière ;

- Renvoie les parties devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Perpignan pour la suite de cette procédure de saisie immobilière ;

- Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- Laisse à la charge de Monsieur [M] [K] et Madame [T] [Z] épouse [K] les dépens d'appel relatifs à l'instance portant sur l'exception de procédure.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/07214
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;21.07214 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award