La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/09/2022 | FRANCE | N°19/05738

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 29 septembre 2022, 19/05738


Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 29 SEPTEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/05738 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OJQK

dont a été joint le N°RG 19/05756



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 23 juillet 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARCASSONNE

N° RG 17/00856



APPELANTS :



Monsieur [H] [G] [P]

né le [Date naissance 5] 1950 à [Localité 12] (

11)

de nationalité Française

[Adresse 15]

[Localité 18]

et

Madame [K] [A] épouse [P]

née le [Date naissance 4] 1951 à [Localité 2] (11)

de nationalité Française

[Adresse 15]

[Localité ...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 29 SEPTEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/05738 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OJQK

dont a été joint le N°RG 19/05756

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 23 juillet 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARCASSONNE

N° RG 17/00856

APPELANTS :

Monsieur [H] [G] [P]

né le [Date naissance 5] 1950 à [Localité 12] (11)

de nationalité Française

[Adresse 15]

[Localité 18]

et

Madame [K] [A] épouse [P]

née le [Date naissance 4] 1951 à [Localité 2] (11)

de nationalité Française

[Adresse 15]

[Localité 18]

et

SELARL [D] [C] [M], liquidateur de Mme [A] épouse [P], commerçante, suivant jugement du tribunal de commerce de Carcassonne du 3 octobre 2018

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentés par Me Frédéric SIMON de la SCP SIMON FREDERIC, avocat au barreau de BEZIERS

Appelants dans le N°19/05738 (Fond)

Intimés dans le N°19/05756 (Fond)

Maître [W] [U]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 13] (Indre et Loire)

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 2]

et

Maître [L] [Z] [I]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 3]

Représentés par Me Gilles LASRY de la SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Appelants dans 19/05756 (Fond)

Intimés dans 19/05738 (Fond)

INTIMEE :

EURL HDFI, anciennement denommée LAND BRIDGE CAPITAL

[Adresse 7]

[Localité 9]

Intimée dans le N°19/05756 (Fond)

non représentée - assignée le 10 octobre 2019 à étude

Ordonnance de clôture du 02 Mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 MARS 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Thierry CARLIER, Conseiller, et Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre

M. Fabrice DURAND, Conseiller

Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée par ordonnance du premier président du 1er décembre 2021

Greffier, lors des débats : Mme Camille MOLINA

ARRET :

- rendu par défaut.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour fixée au 19 mai 2022 prorogée au 8 septembre 2022 au 1er décembre 2022, puis modifiée et fixée au 29 septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre, et par Mme Sabine MICHEL, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE :

M. [H] [P] a vendu à la société Land Bridge Capital diverses parcelles lui appartenant par acte authentique du 1er mars 2005 établi par Maître [W] [U] et Maître [L] [B], au prix de 2 625 899 euros.

Par acte authentique du 23 juin 2006 établi par Maître [W] [U], M. [H] [P] et son épouse Mme [K] [P] ont vendu à la société Land Bridge Capital d'autres parcelles leur appartenant moyennant le prix de 609 800 euros, sur lequel l'acquéreur restait devoir une somme de 164 674,02 euros, objet d'un moratoire établi par Maître [W] [U], par acte du 2 avril 2010.

Aux termes de deux propositions de rectification des 19 décembre 2008, les époux [P] ont fait l'objet d'un redressement fiscal en matière de TVA et BIC et d'impôt sur le revenu, les deux ventes ayant été soumises au régime des marchands de biens et assujetties à la TVA.

M. [H] [P] et son épouse Mme [K] [P] ont été débouté par jugement du tribunal administratif de Montpellier du 25 juin 2015, de leur contestation de la décision de rejet partielle directeur du contrôle fiscal Sud-Pyrénées du 9 octobre 2013 et décharge des impositions contestées.

Par un arrêt du 30 mai 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a confirmé le jugement rendu le 25 juin 2015.

Le Conseil d'Etat, par un arrêt du 15 mai 2018, a définitivement rejeté le recours des époux [P].

Suivant exploit du 25 août 2017, M. [H] [P] et Mme [K] [P] ont assigné Maître [W] [U] et Maître [L] [B] en responsabilité devant le tribunal de grande instance de Carcassonne, ainsi que l'EURL Land Bridge Capital afin d'obtenir le paiement du solde du prix de vente et de la TVA.

Par jugement du 3 octobre 2018, le tribunal de commerce de Carcassonne a ordonné la liquidation judiciaire de Mme [K] [P] et désigné la SELARL [N] [M], mandataire judiciaire, en qualité de liquidateur.

Ce dernier est intervenu volontairement à l'instance.

Par jugement en date du 23 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Carcassonne a :

-Jugé recevable et fondée l'intervention volontaire à l'instance de la SELARL [D] [M] ès qualités de mandataire judiciaire à la procédure collective de Mme [K] [P] ;

-Condamné la société Land Bridge Capital à payer à M. [H] [P] et la SELARL [N] [M] les sommes de 164 674,02 euros au titre du reliquat du prix de vente et 634 696 euros au titre de la TVA, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et jusqu'à parfait paiement ;

- Débouté les notaires de leur moyen d'irrecevabilité tiré de la prescription de l'action et jugé en conséquence cette dernière recevable ;

- Jugé que les notaires instrumentaires des actes de vente en date des 1er mars 2005 et 23 juin 2006 ont commis des fautes engageant leur responsabilité délictuelle ;

- Condamné les notaires in solidum à payer à M. [H] [P] et la SELARL [N] [M] les sommes de :

*96 283 euros au titre des pénalités et intérêts de retard sur la TVA pour l'acte du 1er mars 2005,

*292 425 euros au titre des pénalités et intérêts de retard sur l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux pour l'acte du 1er mars 2005,

*120 000 euros au titre des frais de justice administrative,

*2 500 euros chacun, soit 5 000 euros au total au titre du préjudice moral ;

- Condamné Maître [W] [U] à payer à M. [H] [P] et la SELARL [N] [M] la somme de 165 700 euros au titre des pénalités et intérêts de retard sur l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux pour l'acte du 23 juin 2006 ;

- Dit que ces condamnations emporteront intérêts au taux légal à compter du jugement et jusqu'à parfait règlement ;

- Condamné les notaires in solidum à payer à M. [H] [P] et la SELARL [N] [M] la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

- Rejeté toute demande plus ample ou contraire des parties ;

- Prononcé l'exécution provisoire du jugement ;

- Condamné les notaires in solidum aux entiers dépens de l'instance.

Le 12 août 2019, M. [H] [P] et Mme [K] [P] et la SELARL [N] [M] ont interjeté appel du jugement du tribunal de grande instance de Carcassonne du 23 juillet 2019 à l'encontre de Maître [W] [U] et Maître [L] [B].

Le 13 août 2019, Maître [W] [U] et Maître [L] [B] ont interjeté appel du jugement du tribunal de grande instance de Carcassonne du 23 juillet 2019 à l'encontre de M. [H] [P] et Mme [K] [P], la SELARL [N] [M] et la société Land Bridge Capital.

Maître [W] [U] et Maître [L] [B] ont signifié par exploit du 10 octobre 2019 à la société Land Bridge Capital leur déclaration d'appel et conclusions et l'on assignée devant la cour d'appel de Montpellier.

Par ordonnance du 11 octobre 2019, le premier Président de la cour d'appel de Montpellier a autorisé la consignation de la somme de 638 408 euros par les notaires entre les mains du Bâtonnier de l'ordre des avocats de Montpellier.

Par ordonnance du 26 novembre 2020, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la jonction des procédures N° RG19/05756 et 19/5738 sous le numéro 19/5738.

Vu les conclusions de M. [H] [P] et Mme [K] [P] et la SELARL [N] [M] remises au greffe le 10 octobre 2019 ;

Vu les conclusions de Maître [W] [U] et Maître [L] [B] remises au greffe le 28 novembre 2019.

MOTIFS :

I/ Sur la saisine de la cour

En application de l'article 954 al 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées par les parties dans leur dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Selon ce texte la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions déposées.

A titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, les demandes tendant simplement à voir « constater », « rappeler » ou « dire et juger » ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu'il soit tranché un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n'y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt.

II/ Sur la prescription

Maître [W] [U] et Maître [L] [B] concluent à l'irrecevabilité de l'action engagée le 25 août 2017 par M. [H] [P] et Mme [K] [P]. Ils font valoir que le point de départ du délai de prescription doit être fixé au 29 décembre 2008, date de la réception de la proposition de redressement et donc la date à laquelle les époux [P] ont été informés des réclamations de l'administration fiscale et du fondement de ces réclamations concernant l'application de la TVA sur la totalité du prix de vente et l'application du régime fiscal des marchands de biens et au plus tard le 21 mai 2010 date du procès verbal de saisie conservatoire notifié le 1 juin 2010 à Me [U] par le comptable des impôts en recouvrement des impôts redressés pour une somme de 841 636, 35 euros. Ils estiment qu'à cette date, les époux [P] avaient toutes les informations nécessaires pour mettre en cause leur responsabilité, et que l'action en responsabilité est donc prescrite depuis le 29 décembre 2013.

M. [H] [P] et Mme [K] [P] et la SELARL [N] [M] font valoir que le point de départ de la prescription ne court qu'à compter du jour de la décision définitive et non de celle de la notification du redressement fiscal.

En application de l'article 2224 du code civil les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Le délai de prescription de l'action en responsabilité court à compter de la date de réalisation du dommage ou à la date où la victime est en mesure d'agir.

En l'espèce, si M. [H] [P] et Mme [K] [P], à la suite d'une vérification de comptabilité pour M. [H] [P] à la suite de l'émission d'un avis de vérification du 2 juillet 2008 et d'un contrôle sur pièces de leur situation fiscale personnelle reçoivent deux propositions de redressement des 19 décembre 2008, entraînant redressement, de leurs bases d'imposition en matière de TVA, BIC et impôts sur le revenu pour les exercice 2005 et 2006.

Les impositions redressées font l'objet d'un procès-verbal de saisie conservatoire entre les mains de Me [W] [U] du 1 juin 2010.

M. [H] [P] et Mme [K] [P] estimant que l'opération de cession de leurs terrains ne relevait pas de l'activité de marchand de biens et des impositions correspondantes, à la suite du rejet partiel de leur réclamation préalable, saisissent le tribunal administratif de Montpellier, d'une requête visant à être déchargés du rappel de droits redressés.

Par jugement du 25 juin 2015 confirmé par arrêt de la cour administrative de Marseille du 30 mai 2017, dont le pourvoi a été rejeté par arrêt du conseil d'état du 15 mai 2018, ils sont déboutés de leur demande de décharge des impositions.

Contrairement à ce que soutiennent les notaires, la proposition de rectification marque le point de départ d'une procédure contradictoire, à l'issue de laquelle l'administration peut ne pas mettre en recouvrement les impositions et la mesure conservatoire de recouvrement destinée à préserver les droits de l'administration ne constitue pas la mesure de mise en recouvrement définitive.

Compte tenu des recours engagés, ce n'est qu'à compter de la date de l'arrêt définitif de la cour administrative d'appel, que M. [H] [P] et Mme [K] [P] ont su de manière définitive que l'opération relevait effectivement de l'imposition qui avait été appliquée et que le dommage était constitué .

Comme l'a relevé le premier juge, le délai pour agir n'a donc pas pu courir avant cette date et l'action n'était pas prescrite, lorsqu'ils ont assigné les notaires le 25 août 2017 .

En conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef.

III/ Sur la responsabilité des notaires

Me [W] [U] et Me [L] [B] font valoir qu'ils n'ont commis aucune faute et demandent de mettre hors de cause Me [L] [B] qui n'est pas intervenu dans la réception de l'acte authentique du 23 juin 2006. Ils concluent que les époux [P] ne démontrent pas l'existence d'éléments permettant de justifier la volonté de spéculer. Ils précisent que ces derniers ont vendu pour éviter une vente sur saisie immobilière et ne justifient d'aucun préjudice en relation directe de causalité. Concernant le préjudice, ils soutiennent que le paiement des impôts ne peut constituer un préjudice indemnisable et que les époux [P] ne peuvent se prévaloir d'aucune perte de chance et qu'ils sont responsables de leur propre préjudice, ces derniers n'ayant par ailleurs pas opposé tous moyens de droit.

M. [H] [P] et Mme [K] [P] et la société [N] [M] demandent la confirmation du jugement qui a retenu la responsabilité de Me [W] [U] et Me [L] [B] et les a condamnés, au réglement de la somme de 120 000 euros au titre des frais d'avocat fiscaliste.

A titre incident, ils demandent l'infirmation du jugement sur le quantum des réparations et demandent la condamnation in solidum, des notaires, à leur régler la somme de 905 307 euros au titre du remboursement de la TVA, des intérêts et pénalités sur la TVA et la pertede chance de l'impôt sur le revenu 2005 et la réparation de perte de chance, outre 290 374 euros en réparation du montant des pénalités concernant l'impôt sur le revenu 2006 et la perte de chance sur l'imposition correspondante, outre 10 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral.

- Sur la faute des notaires

Il est constant que les obligations du notaire qui tendent à assurer l'efficacité d'un acte instrumenté par lui et qui constituent le prolongement de sa mission de rédacteur d'acte relèvent de sa responsabilité délictuelle, dont son obligation de conseil érigée en devoir légal implicite.

Le devoir de conseil incombant au notaire consiste pour ce dernier à éclairer les parties et appeler leur attention sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels il prête son concours.

Le notaire est tenu d'informer et d'éclairer les parties sur la portée et les effets, notamment quant à ses incidences fiscales, ainsi que sur les risques de l'acte auquel il prête son concours et le cas échéant, de le leur déconseiller, sans que leurs compétences personnelles ni la présence d'un conseiller à leur côté ne le dispensent de son devoir de conseil. Cette obligation doit prendre en considération les mobiles des parties, extérieurs à l'acte, lorsque le notaire en a eu précisément connaissance.

La charge de la preuve de l'information donnée au client repose sur le notaire.

Il ressort des pièces produites, que par acte du 1 mars 2005 reçu par Me [W] [U] notaire à [Localité 11] en participation avec Me [L] [B], notaire à [Localité 14], M. [H] [P] et Mme [K] [P] vendent à la SARL LBC un ensemble de parcelles de diverses natures formant une unité foncière faisant l'objet de la création d'un parc international résidentiel et de loisirs soumis à la réglementation de l'Unité touristique sur les communes de [Localité 18] et de [Localité 17] d'une contenance globale de 204 hectares 08 ares 18 centiares moyennant le prix de 3 510 000,00 euros payable comptant à hauteur de 884 101,00 euros, la somme de 1 555 899,00 euros entre les mains du notaire Me [W] [U] , désigné sequestre jusqu'à la levée des hypothèques et la somme de 1 070 000, 00 euros au plus tard le 1 septembre 2006.

L'acte stipule que :

- les différentes terres ont été successivement acquises par M. [H] [P] et Mme [K] [P] au terme de douze ventes régularisées en 1988, 1990, 1991 et par actes reçus par Me [L] [B] à compter de 1997, pour les parcelles acquises par ces derniers, les 22 mars 1997, 13 mars 2000, 12 octobre 2001, 7 avril et 5 décembre 2003, 30 mai 2003, 20 octobre et 21 décembre 2004 et 21 janvier 2005, 26 juillet 2002 et 21 janvier 2005 et 8 février 2005 ;

- l'opération s'inscrit dans la création d'un parc résidentiel et touristique objet d'une autorisation préfectorale du 4 mars 1991 autorisant la création d'une unité touristique nouvelle (UTN) devenu caduque et substituée par autorisation préfectorale du 22 octobre 2004, dont les documents sont intégrés à l'acte ;

- la cession intervient après une promesse de vente de l'unité foncière, régularisée avec la société Wade Plant Limited le 22 juillet 1993, objet d'un avenant du 6 avril 2002, dont l'exécution est suivie par courriers de Me [L] [B] des 17 janvier 2005 et 21 janvier 2005, déclarée caduque dans l'acte de vente ;

-L'EARL Cabano-DF intervient à l'acte à l'effet de résilier le bail rural dont elle était bénéficiaire sur partie des terres et autoriser la cession ;

- la Banque Populaire des Pyrénnées, créancier saisissant de partie des parcelles, intervient à l'acte et donne son accord à la vente .

Concernant l'impôt sur les mutations, l'acte prévoit que :

- la partie constructible de l'unité foncière située en zone Nag correspond à 40% de la surface totale sera assujettie à la TVA proprotionnellement à la surface, soit 40 % ;

- le solde de l'assiette est soumis au régime de droit commun tel que défini à l'aricle 1594 D du code général des impôts et aux plus-values immobilières des particuliers.

Par acte reçu par Me [W] [U] le 23 juin 2006, M. [H] [P] et Mme [K] [P] et Mme [J] [Y] veuve [P], avec l'intervention de la société Cabano fermier intervenant pour résilier le bail, cédent à la société LBC, en complément de la précédente vente, pour un agrandissement de l'assiette foncière du parc internationnal résidentiel, différentes parcelles situées à [Localité 18] moyennant le prix de 609 800 euros payable à terme, la dite mutation étant stipulée soumise, au régime de droit commun défini à l'article 1594 D du code général des impôts et au régime de plus-values des particuliers.

A la suite de l'envoi d'un avis de vérification du 2 juillet 2008, M. [H] [P] a fait l'objet d'une vérification de comptabilité concernant une activité non déclarée de marchand de biens à raison des cessions de terrains à la société Land Bridge Capital (LBC) intervenue courrant 2005 et 2006 et d'un contrôle sur pièces de la situation fiscale personnelle des époux [P] aboutissant au redressement de leur base d'imposition en matière de TVA, BIC et impôts sur le revenu, notifiés par propositions de redressement des 19 décembre 2008, maintenus partiellement par décisions de rejet des 9 octobre 2013.

Le tribunal administratif de Montpellier, par jugement du 25 juin 2015 confirmé par arrêt de la cour administrative de Marseille du 30 mai 2017, dont le pourvoi a été rejeté par arrêt du conseil d'état du 15 mai 2018, rejette la requête de M. [H] [P] et Mme [K] [P] de demande de décharge et réduction des droits redressés.

La cour d'appel administrative, confirmant les termes du jugement du tribunal administratif relève que M. [H] [P] :

-par courrier du 31 juillet 2003, adressé au Prefet de l'Aude, se présentant en qualité de représentant du Groupe Wade Plan Limited, avec laquelle il avait consenti une promesse de vente des parcelles existantes sous condition suspensive de la création d'un parc touristique, indiquait être à l'origine d'un projet d'implantation d'un vaste parc résidentiel dénommé "La [Adresse 16]" qu'il souhaitait réaliser dans le cadre de la création d'une unité touristique nouvelle et qu'il lui fallait pour réaliser ce projet acquérir toutes les parcelles enclavées;

-a participé au groupe de travail chargé de l'établissement du plan d'occupation des sols permettant la mise en place de cette unité touristique nouvelle ;

-a procédé avec son épouse, à l'acquisition de 170 parcelles entre 1987 et 2005 qui représentaient l'intégralité des terrains constituant l'emprise foncière du projet sur lesquelle 66 ont été achetées entre 2000 et 2005.

La cour considère qu'eu égard au nombre de parcelles acquises et cédées, sans qu'y fasse obstacle l'activité agricole de certaines parcelles, qu'à la date d'acquisition des biens en cause, l'intention spéculative était caractérisée, justifiant le redressement en matière de marchand de biens, sans qu'elle puisse être écartée par des raisons de santé ou de vente forcée résultant du dénouement de l'opération.

La cour d'appel de Montpellier par arrêt du 28 septembre 2011 condamne Mme [K] [P] à la peine d'un mois de prison et 5 000 euros d'amende pour prise illégale d'intérêt, en qualité d'élue du conseil municipal ayant participé aux décisions prises par ce dernier, d'octobre 2002, juillet 2003, février 2004, février 2006, janvier 2007 et novembre 2007 autorisant le projet de création d'une unité touristique nouvelle sur les parcelles agricoles dont elle était propriétaire avec son mari.

Il résulte de ces constatations, comme l'a retenu à juste titre le jugement, que les notaires étaient informés du contexte dans lequel intervenait la vente.

Il ressort des actes qu'ils ont rédigés, que tant l'historique de la création de l'unité touristique nouvelle, dont les mentions sont expressément reprises dans les actes de vente, que de celui de l'antériorité des compromis et de leur négociation dans laquelle Me [L] [B] est directement intervenu par courrier des 17 janvier 2005 et 21 janvier 2005 et le nombre d'acquisitions de parcelles de 1987 à 2005 au prix des terres agricole, représentant l'intégralité des terrains constituant l'emprise foncière de l'unité touristique nouvelle cédées en unité foncière en 2005 et 2006 au prix global de 4 119 800,00 euros, démontrent incontestablement une intention spéculative au sens des dispositions de l'article 35 du code général des impôts.

Cet article dispose, dans sa version applicable au litige, que présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après: 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue deles revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent, en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés.

Ces dispositions ne pouvaient dans le contexte de ces ventes, être occultées par les notaires qui avaient une obligation d'information au moins sur le risque ou l'incertitude concernant l'application du régime des marchands de biens et des déclarations corrélatives.

Si ces derniers, ont cru devoir appliquer le régime de la TVA pour les terrains constructibles et le régime du droit d'enregistrement pour les parcelles non constructibles, ils avaient l'obligation d'informer les vendeurs, en raison de la spécificité de l'opération, des règles fiscales applicables en matière de marchand de biens, l'intention spéculative, qu'ils reconnaissent dans leur conclusions, résultant de la multiplicité des acquisitions (236), sur la période de 1987 à 2005, connues des notaires, puisque repris dans l'acte et toutes reçues par Me [L] [B] à compter de 1997, correspondant à l'instruction du dossier d'unité touristique nouvelle et son assiette, ainsi qu'à l'établissement des compromis, dans le suivi desquels Me [L] [B] est directement intervenu.

Il n'est produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le jugement, concernant l'absence d' information de M. [H] [P] et Mme [K] [P] concernant le risque fiscal d'une éventuelle interprétation par l'administration fiscale des conditions des ventes et de l'application du régime des marchands de biens à cette opération au regard du caractère spéculatif qui en résultait et des dispositions légales et jurisprudentielles constantes applicables.

Les notaires ne pouvent justifier cette absence d'information, par leur seule critique des erreurs de défense des époux [P] et d'interprétation qu'ils imputent à la direction des services fiscaux et aux décisions rendues par les juridictions administratives, qui contrairement à leurs conclusions, s'imposent à tous et à eux-même, comme la retenu le jugement.

C'est par une exacte application de la règle de droit et en de justes motifs que les premiers juges ont retenu que la faute des notaires est établie du fait d'une part de l'absence d'information des vendeurs du risque fiscal lié à l'activité de marchand de biens et qu'elle engage leur responsabilité pour manquement à leur obligation de conseil lors de l'établissement de l'acte de vente du 1 mars 2005 reçu par Me [W] [U] en participation avec Me [L] [B] et d'autre part en raison du choix d'une qualification fiscale inappropriée.

Aucune mention ne démontrant l'intevention de Me [L] [B] à l'acte reçu par Me [W] [U] le 23 juin 2006, c'est à juste titre que le jugement a écarté sa responsabilité pour cet acte.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité professionnelle de Me [W] [U] en participation avec Me [L] [B] pour défaut d'information concernant l'acte du 1 mars 2005 et celle de de Me [W] [U] pour l'établissement de l'acte reçu le 23 juin 2006.

- Sur le préjudice

Il est constant que la responsabilité civile délictuelle suppose un lien de cause à effet entre le préjudice et le fait dommageable. Celui-ci doit avoir été la cause génératrice du dommage.

Le lien causal, qui est un élément autonome de la responsabilité, doit être établi par le demandeur.

La circonstance qu'un notaire ait manqué à son devoir d'assurer l'efficacité de l'acte instrumenté n'implique pas nécessairement qu'il en résulte un préjudice.

Le préjudice peut découler du paiement d'un impôt auquel le contribuable est légalement tenu lorsqu'il est établi que le manquement du notaire à son obligation de conseil l'a privé de la possibilité de renoncer à l'opération et de rechercher une solution au régime fiscal plus avantageux.

1- Sur la TVA

La restitution de la somme versée au titre de la TVA ne constitue pas, en elle-même, un préjudice réparable.

Les impositions mis en recouvremant en matière de TVA à la suite du redressement et de son dégrèvement s'établissent pour 2005 à la somme de 176 990 euros en principal et 96 263 euros de pénalités, l'année 2006 étant dégrevée.

A la suite du maintien du redressement fiscal par les juridictions administratives, M. [H] [P] et Mme [K] [P] facturent les 31 janvier 2017 à la société Land Bridge Capital, les sommes de 514 676,00 euros et et 119 520 euro au titre de la TVA dues sur les ventes des parcelles des 1 mars 2005 et 23 juin 2006.

Au terme des dispositions définitives du jugement, l'acquéreur Land Bridge Capital est condamné à régler la somme de 634 696 euros au titre de la TVA , sans que M. [H] [P] et Mme [K] [P] ne rapportent la preuve, dont ils ont la charge, de son insolvabilité.

Contrairement à ce que soutiennent M. [H] [P] et Mme [K] [P] et comme l'a retenu le jugement, la TVA est mise à la charge de l'acquéreur qui est condamné à son règlement et ne constitue pas un préjudice réparable à la charge des notaires.

2 - Sur la perte de chance

A la suite des redressements, M. [H] [P] et Mme [K] [P] ont fait l'objet d'avis d'imposition en matière d'impôt sur le revenu, résultant de l'assujettissement aux BIC de l'activité de marchands de biens, pour un montant en principal de 509 414 euros pour l'année 2005 et 187 011 euros pour l'année 2006.

Si l'acte du 1 mars 2005 mentionne l'intervention à l'acte de la banque créancier hypothécaire et stipule que tout ou partie des biens fait l'objet d'une procédure immobilière, il ressort également de cet acte, qu'à la suite du retard pris dans la signature de la vente résultant du premier protocole, la vente finale, autorisée par ladite banque, est accélérée, par le prononcé de la caducité de la première promesse afin d'éviter la vente immobilière, dont il n'est pas démontré qu'elle aurait été établie sur les mêmes prix que ceux de la vente amiable régularisée.

Au contraire, il résulte de l'ensemble des pièces produites, que cette opération de vente, dans laquelle les époux [P] se sont investis depuis de nombreuses années, en rachetant toutes les parcelles, allant jusqu'à être condamnés pour prise illégale d'intérêt, représentait l'opération de leur vie et que cet investissement spéculatif dont l'intérêt économique résultait de la création de l'unité foncière touristique nouvelle n'était pas destiné à une vente aux enchères, qu'ils ont manifestement souhaité éviter.

Outre le fait que la vente aux enchères n'excluait pas l'assujettissement des ventes au régime des marchands de biens, l'intention spéculative étant déterminée au moment de l'acquisition, qui est totalement paralèlle et liée au montage de l'opération d'unité touristique nouvelle, M. [H] [P] et Mme [K] [P] ne rapportent pas la preuve de leur perte de chance, de ne pas réaliser l'opération pour éviter l'imposition du régime des marchands de biens qui s'applique exclusivement sur les profits réalisés.

En conséquence, le jugement qui a rejeté les demandes au titre de la perte de chance sera confirmé.

3 - Sur les pénalités

Les pénalités et intérêts en matière de TVA et d'impôts sur le revenu, résultant du manquement déclaratif de TVA et de son paiement, corrélatifs à l'absence d'information d'assujetissement de ces ventes à la TVA au titre de l'activité de marchand de biens et aux BIC, sont la conséquence directe de la qualification fiscale erronée, imputable au notaire et de leur défaut d'information.

Tel que l'a retenu le jugement, ils constituent un préjudice en lien direct avec la faute commise par les notaires, puisque M. [H] [P] et Mme [K] [P] n'auraient pas supporté le règlement de ces sommes, en cas d'assujettisement au moment de l'acte et il ne peut leur être reproché en l'absence d'information de cet assujettissement, l'absence de réponse au courrier recommandé adressé le 11 janvier 2008, de demande de déclarations de résultats 2031 et de taxes sur le chiffre d'affaires sans autres précisions.

Ces pénalités et intérêts mis en recouvrement en 2010 résultant des manquements déclaratifs consécutifs à une information incomplète délivrée par les notaires sur la fiscalité de marchand de biens constituent un préjudice dont les notaires doivent réparations, in solidum en matière de TVA à hauteur de 96 283 euros pour l'année 2005 et en matière d'impôt sur le revenu à hauteur de 264 896 euros et Me [W] [U] pour la somme de 88 269 euros au titre des pénalités et intérêts mis en recouvrement le 31 décembre 2006 pour 88 269 euros.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum Me [W] [U] et Me [L] [B] à régler à M. [H] [P] et Mme [K] [P] la somme de 96 283 euros et 264 896 euros au titre des pénalités dues en matière de TVA et impôt sur le revenu pour 2005 et Me [W] [U] à la somme de 88 269 euros pour 2006.

4- Sur les pénalités de retard de 10 %

Il n'est pas contesté que les impositions tant en matière de TVA qu'en matière d'impôt sur le revenu, tel qu'il résulte des pièces produites, reprises dans les conclusions de M. [H] [P] et Mme [K] [P] ont été mises en recouvrement en 2010.

Leur absence de règlement justifiant l'application des 10% de pénalités, après l'émission des avis de recouvrement et d'imposition est imputable à M. [H] [P] et Mme [K] [P], au moins pour les sommes dues en principal, qu'ils auraient dues acquitter si le régime applicable avait été respecté. Elles ne résultent pas directement de la faute du notaire.

En conséquence M. [H] [P] et Mme [K] [P] seront déboutés de leur demande présentée en appel de condamnation des 10% de pénalités de retard de paiement des impositions mises en recouvrement.

5- Sur les honoraires d'avocat

Si en matière de procédure fiscale et administrative, les parties ne sont pas obligées de recourir au ministère d'avocat, qui n'est pas obligatoire, il est constant que M. [H] [P] et Mme [K] [P] n'étaient pas en mesure d'assumer seuls leur défense, qui a abouti à un dégrèvement important.

Le fait qu'ils aient engagé la contestation devant les juridictions administratives, à la suite du dégrèvement résultant de la décision de rejet partiel, ne peut leur être reproché, eu égard à la contestation de la position de l'administration par les notaires, telle que reprise dans leurs conclusions.

Comme l'a retenu le jugement, ces frais issus du redressement opéré, résultent de la faute des notaires, justifiant leur condamnation à leur prise en charge par ces derniers à hauteur de 120 000 euros, la facture n'étant pas contestable, même si il n'est pas justifié de son acquittement.

6- Sur le préjudice moral

M. [H] [P] et Mme [K] [P] à l'appui de leur demande de réparation de leur préjudice moral à hauteur de 20 000 euros, ne produisent aucune pièce justifiant de la réalité de leur préjudice à ce montant, tant par des certificats médicaux ou autres attestations.

Si un préjudice moral peut résulter des tracas administratifs et mesures d'exécution résultant du redressement fiscal, qui s'ajoute à ceux résultant des différentes autres procédures judiciaires et saisies immobilières, dont ils faisaient l'objet, il a été correctement indemnisé par le règlement d'une somme de 2 500 euros chacun, soit 5 000 euros au total, fixé par le tribunal.

En conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions;

Déboute M. [H] [P] et Mme [K] [P] et la société [N] [M] de l'ensemble de leurs demandes ;

Déboute Me [W] [U] et Me [L] [B] de l'ensemble de leurs autres demandes ;

Condamne Me [W] [U] et Me [L] [B] aux dépens d'appel et à payer à M. [H] [P] et Mme [K] [P] et la société [N] [M] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais engagés en cause d'appel.

Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/05738
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;19.05738 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award