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20/09/2022 | FRANCE | N°21/05870

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 20 septembre 2022, 21/05870


Grosse + copie

délivrée le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 20 SEPTEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05870 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PFFP







Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 SEPTEMBRE 2021

TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE RODEZ

N° RG20/01331







APPELANTS :



Monsieur [D] [M]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentant :

Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Bastien AUZUECH, avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat plaidant



EARL DE [A...

Grosse + copie

délivrée le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 20 SEPTEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05870 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PFFP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 SEPTEMBRE 2021

TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE RODEZ

N° RG20/01331

APPELANTS :

Monsieur [D] [M]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentant : Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assisté de Me Bastien AUZUECH, avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat plaidant

EARL DE [Adresse 8] représentée par son représentant légal domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentant : Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Bastien AUZUECH, avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat plaidant

INTIMEE :

Madame [B] [L]

[Adresse 9]

[Localité 2]

comparante en personne

Représentant : Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES-SENMARTIN ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

assistée de Me Christope BRINGER, avocat au barreau de l'AVEYRON, avocat plaidant

En application de l'article 937 du code de procédure civile, les parties ont été convoquées à l'audience.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 JUIN 2022,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Emmanuel GARCIA, Conseiller, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

Monsieur Emmanuel GARCIA, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Estelle DOUBEY

ARRET :

- Contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, Greffier.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

[D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain ont pris à bail verbal diverses parcelles agricoles appartenant à [B] [L], sur la commune de [Localité 2].

Le 13 avril 2016, au visa de l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime, [B] [L] a assigné ses locataires aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire du bail pour sous-location prohibée au profit du Gaec [N].

Reconventionnellement, les locataires ont demandé notamment la condamnation d'[B] [L] à rétablir le libre accès aux parcelles et bâtiments dont elle avait repris possession sans leur accord et à leur payer la somme de 13 500 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la privation de jouissance de bâtiments, sous astreinte. [B] [L] a opposé le fait que les parcelles concernées ne feraient pas partie du bail.

Le 15 mars 2021, par jugement avant dire droit, le tribunal paritaire des baux ruraux de Rodez a réouvert les débats en sollicitant de l'EARL Saint-Urbain qu'elle produise ses déclarations PAC entre 2014 et 2020, ainsi que toutes photographies utiles.

Le jugement rendu le 20 septembre 2021 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Rodez énonce dans son dispositif :

Constate la sous-location prohibée sur les terres appartenant à [B] [L] ;

Prononce à compter de la fin de la campagne culturale 2020/2021 et au plus tard le 31 décembre 2021 la résiliation judiciaire du bail à ferme verbal ;

Ordonne à défaut de libération volontaire préalable des lieux, l'expulsion de [D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain et celle de tous occupants de leur chef, dans les formes et délais légaux sans astreinte avec le concours éventuel de la force publique ;

Dit que le sort des biens mobiliers trouvés dans les lieux sera régi par les dispositions habituelles ;

Condamne [D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain au paiement solidaire d'une indemnité annuelle d'occupation correspondant à la somme égale au fermage annuel normalement et contractuellement exigible après éventuelle ré-indexation à compter du début de la campagne culturale 2021/2022 et jusqu'à la libération effective des lieux caractérisée soit par l'expulsion, soit par la restitution volontaire préalable de l'intégralité des lieux à [B] [L] ;

Déboute [D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain de leurs demandes reconventionnelles ;

Condamne in solidum [D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain à payer à [B] [L] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Rejette tout autre chef ou surplus de demande ;

Rappelle que l'exécution provisoire du jugement est de droit ;

Condamne in solidum [D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain aux entiers dépens.

Le jugement expose que toutes les sous-locations non autorisées sont interdites en vertu de l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime, y compris si elles sont consenties sur une partie seulement des terres. La sanction est la résiliation du bail sur la totalité des terres, y compris en l'absence de grief pour le bailleur. Cette sous-location est démontrée par des attestations de témoins, ainsi qu'un courrier rédigé par la MSA.

Le jugement constate que les parties n'établissent pas quelles parcelles relèveraient du bail à ferme verbal et que depuis les cinq ans que l'instance a été introduite, aucune des parties n'a éclairé le tribunal sur le sujet. Il en conclut que ce qui n'a pas été explicitement contesté en défense vaut reconnaissance tacite factuelle de son contradicteur. Au vu des pièces versées aux débats, notamment une attestation de la MSA et plusieurs témoignages, le jugement retient que le Gaec [N] exploite a minima les parcelles ZA[Cadastre 5], ZK[Cadastre 1] et ZK[Cadastre 4] puisqu'au vu des remembrements intervenus, il apparaît qu'un tiers est intervenu activement sans autorisation sur ces parcelles. La charge de la preuve est donc inversée grâce à ce faisceau d'indices.

Le jugement expose que [D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain n'ont pas versé aux débats les déclarations PAC pour les années 2014 à 2020 puis n'ont versé que les années 2019 et 2020 malgré l'injonction judiciaire. Il constate que le descriptif des parcelles qui figure sur les déclarations de deux seules années produites ne permet pas de rattacher les numéros d'îlots et de parcelles avec les trois références cadastrales d'identification litigieuse. Les locataires font valoir que par courrier du 25 avril 2017, rectifiant le courrier rédigé le 17 juillet 2015, la MSA a indiqué que l'EARL de Saint-Urbain exploitait ces trois parcelles. Le jugement constate que rien dans le courrier du 25 avril 2017 ne permet de démontrer que la MSA a rectifié rétroactivement une quelconque erreur du courrier du 17 juillet 2015. En tout état de cause, ce courrier date de 2017 et ne peut éclairer sur la situation des années 2014 et 2016, qui sont celles en litiges puisque antérieures à la saisine du tribunal.

Concernant les demandes des locataires au titre de la privation de jouissance alléguée, le jugement relève que les parties sont en désaccord sur l'appartenance de la parcelle concernée, n° [Cadastre 7], aux terres louées. Il expose que les locataires ne démontrent pas que cette parcelle fait partie du bail et ne fournissent pas plus de commencement de preuve.

[D] [M] et l'EARL De Saint-Urbain ont relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 4 octobre 2021.

[D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain demandent à la cour de :

Réformer le jugement rendu le 20 septembre 2021 ;

Débouter [B] [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner [B] [L] à rétablir le libre accès aux parcelles et bâtiments compris dans le bail situé sur la parcelle n° [Cadastre 7], sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la date de la signification de l'arrêt à intervenir ;

La condamner en outre au paiement de la somme de 14 400 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la privation de jouissance subie par [D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain, à parfaire à la date du jugement à intervenir sur la base de 300 euros par mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la date de signification de l'arrêt à intervenir ;

Condamner Isis [L] au paiement de la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

[D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain soutiennent que c'est à [B] [L] en sa qualité de bailleresse, d'apporter la preuve de la sous-location, ce qu'elle n'a pas fait. Ils avancent que la bailleresse doit démontrer qu'il existe une contrepartie financière à la mise à disposition alléguée des parcelles litigieuses, comme la Cour de cassation l'a affirmé, notamment le 8 juin 1979, dans un arrêt de la troisième chambre civile et dans un arrêt du 28 janvier 2004. Faute de démontrer l'existence d'une contrepartie, la qualification de sous-location ne peut être retenue.

[D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain soulignent également que la troisième chambre civile de la Cour de cassation a précisé, le 18 mai 1994, que le sous-contrat, pour être sanctionné, doit répondre lui-même à la définition du bail rural. La sous-location doit donc prendre la forme d'une mise à disposition d'un bien rural au profit exclusif d'un agriculteur et ce, à titre onéreux. Outre le fait que le caractère onéreux n'est pas caractérisé, [D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain soutiennent qu'ils n'ont pas perdu l'exploitation des parcelles litigieuses, ce qui fait obstacle à la reconnaissance d'une jouissance exclusive des terres par le sous-locataire.

[D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain soutiennent qu'ils sont les seuls à exploiter les terres d'[B] [L]. Ils font valoir que la MSA a commis plusieurs erreurs d'attribution des parcelles lors du remembrement. Ils avancent qu'à défaut de déclarant ou en cas de doublon de déclarations, la MSA affecte de manière aléatoire les parcelles à tel ou tel exploitant. Ses attestations résultent donc soit de déclarations unilatérales, soit d'affectation aléatoire, et ne permettent pas de démontrer une exploitation réelle, effective et permanente. [D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain soutiennent qu'ils ont écrit, tout comme le Gaec [N], à la MSA pour qu'il soit remédié à ces erreurs, ce qui explique le rectificatif transmis par la MSA le 25 avril 2017. L'attestation de la MSA produite par la bailleresse ne peut donc fonder une action en résiliation.

[D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain soulignent que les attestations de témoins produites par [B] [L] ne font référence qu'aux travaux de fanaison et sur une partie seulement des parcelles et non aux travaux de labours et de semis qu'ils effectuent eux même. Faute de jouissance exclusive et permanente par le Gaec [N] des parcelles, il ne peut y avoir sous-location. Les locataires avancent que les travaux de fanaison mentionnés relèvent de l'entraide entre voisins et, a fortiori, entre membres de la même famille, comme c'est le cas. Ils ajoutent que les photographies versées aux débats font apparaître a minima quatre personnes alors que les membres du sous locataire allégué ne sont que deux, ce qui démontre que la présence de ce GAEC se fait en présence et sous la direction de [D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain.

[D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain soutiennent qu'ils exploitent les parcelles d'[B] [L]. Plusieurs vétérinaires et voisins attestent de la continuité et de l'effectivité de leur activité d'élevage.

[D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain soutiennent que leur bailleresse les a privés de la jouissance des deux bâtiments agricoles compris selon eux dans le bail à ferme verbal les liant. Ils affirment que la preuve de l'existence d'un bail rural verbal se fait par tout moyen, selon l'article L. 411-1 du code rural, sans qu'un commencement de preuve par écrit ne soit nécessaire. La jurisprudence a également établi que l'absence de déclaration MSA sur la parcelle est sans incidence sur la qualification dans un arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 5 janvier 2012. Le fait qu'[B] [L] conteste l'exploitation des granges par [D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain ne permet pas d'en déduire que les parcelles ne figurent pas dans le bail. [D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain font valoir que la bailleresse leur a envoyé un courrier pour les informer qu'elle souhaitait y couper l'arrivée d'eau, ce qui semble démontrer que les bâtiments étaient bien compris dans le bail, tout comme les attestations de plusieurs marchands, agriculteurs, voisins et vétérinaires attestant de l'utilisation régulière et continue de ces granges par les appelants. L'EARL de [Adresse 8] ajoute qu'il assure ces bâtiments en qualité de locataire. Le fait que [Z] [L] ait exploité les granges selon bail à ferme du 26 mai 1983 ne suffit pas à démontrer qu'elles ne sont pas, depuis 1995, louées à [D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain. Les appelants ajoutent que le montant du fermage est en cohérence avec ces éléments.

[D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain font valoir que la bailleresse a rendu impossible l'accès à la parcelle n° [Cadastre 7] sur laquelle se trouve une des granges, en positionnant un cadenas sur la clôture. La bailleresse aurait entrepris aujourd'hui de détruire le bâtiment. Elle aurait également déposé à l'extérieur le matériel de [D] [M] entreposé dans le second bâtiment. Les appelants estiment donc subir un préjudice et précisent que la remise en état des bâtiments, initialement demandée, ne parait plus envisageable puisque les granges ont été quasiment entièrement détruites.

[B] [L] deamnde à la cour de :

Confirmer le jugement rendu ;

Prononcer la résiliation judiciaire du bail rural ;

Ordonner l'expulsion de [D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain et de tout occupant, sous astreinte de 200 euros par jour de retard après un délai de 6 mois commençant à compter de la signification de l'arrêt ;

Rejeter l'ensemble des demandes de [D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain ;

Condamner solidairement [D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain à payer à [B] [L] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

[B] [L] rappelle que la Cour de cassation estime que toutes les sous-locations sont prohibées, même si elles sont consenties sur une partie seulement du fonds loué, comme elle l'a précisé le 21 mai 1970. Elle soutient qu'aujourd'hui, les parcelles ZA N n°[Cadastre 5], ZK N n°[Cadastre 1] et ZK N n°[Cadastre 4] sont mises en valeur par le Gaec [N] alors qu'il s'agit des parcelles données à bail à [D] [M] et l'EARL De Saint-Urbain. Plusieurs témoins attestent avoir vu le Gaec de Grioudas récolter les foins sur ces parcelles. La bailleresse avance que les appelants ont nécessairement reconnu les personnes apparaissant sur les photographies produites au débat puisqu'il s'agit de membres de leur famille, notamment le neveu de [D] [M] et fils des membres du Gaec [N]. Le matériel se reconnaît également facilement et s'identifie comme appartenant au Gaec [N].

[B] [L] ajoute que le relevé de la MSA mentionne que les parcelles litigieuses sont bien mises en valeur et exploitées par le Gaec [N], ce qui est en totale conformité avec l'exploitation réelle. Cette attestation de la MSA est une attestation officielle et authentique tandis que le document du 25 avril 2017, prétendument rectificatif, ne retranscrit que la déclaration unilatérale de l'EARL Saint-Urbain et ce, bien après l'engagement de la procédure. Rien ne démontre non plus que la MSA ait commis une erreur en 2015 du fait des opérations de remembrement puisque les parcelles sont toujours demeurées la propriété d'[B] [L], outre le fait que les opérations de remembrement invoquées se sont terminées en 2005, ce qui signifie que depuis 15 ans les parcelles litigieuses sont inscrites comme étant mises en valeur par le Gaec [N], sans que ce point n'ait jamais été contesté. [B] [L] ajoute que les documents réclamés par le jugement avant dire droit n'ont toujours pas été fournis. Elle conteste que l'exploitation des parcelles par le Gaec [N] se fasse dans le cadre d'une entraide puisque le Gaec met seul en valeur les parcelles et ce avec son propre matériel.

[B] [L] soutient que [D] [M] et l'EARL De Saint-Urbain n'avaient pas conservé la direction et la maîtrise de l'exploitation des parcelles alors qu'il est démontré que c'est le Gaec Du Grioudas qui mettait en valeur ces parcelles. Elle conteste la fiabilité des attestations versées aux débats par [D] [M] et l'EARL De Saint-Urbain notamment celle de [R] [S] qui est le beau-frère de [E] [M], membre de l'EARL, et le gendre de [D] [M]. Les autres attestations versées aux débats sont d'ordre général et ne démontrent pas l'entraide alléguée.

[B] [L] affirme qu'il y a bien une contrepartie onéreuse à la mise à disposition des terres, ce qui permet de retenir la qualification de sous-location, en accord avec la jurisprudence de la Cour de cassation. Elle avance que la récolte des parcelles mises en valeur par le Gaec Du Grioudas est partagée entre le Gaec et [D] [M] et l'EARL De Saint-Urbain, ce que ces derniers reconnaissent dans leurs attestations. Elle ajoute que le refus de produire les relevés PAC de 2014 à 2018 démontre qu'il existait un partage des primes correspondant aux trois parcelles sous-louées entre le Gaec [N] et [D] [M] et l'EARL De Saint-Urbain.

[B] [L] fait valoir que la sanction de la sous-location est la nullité et permet d'obtenir la résiliation du bail sur le fondement de l'article L 411-35 du code rural et de la pêche maritime.

[B] [L] conteste l'appartenance de la parcelle A n° [Cadastre 7] au bail à ferme consenti. Elle fait valoir que le bail verbal aurait été consenti en 1989 alors que cette parcelle, cadastrée à l'époque A n° [Cadastre 6] faisait déjà l'objet d'un bail à ferme avec [Z] [L]. Elle ajoute que l'attestation de la MSA du 17 juillet 2015 atteste que la parcelle dont il est question ne fait pas l'objet d'une déclaration de mise en valeur. Elle affirme que, comme l'atteste [Z] [L], lorsque celui-ci a cessé son activité, [D] [M] a utilisé les granges situées sur la parcelle sans autorisation et sans payer de fermage. L'acte de partage du 13 mars 1998 démontre que la parcelle n° [Cadastre 7] est bien une division de la parcelle A n° [Cadastre 6]. [B] [L] souligne que le bail verbal a été consenti contre un fermage de 80 000 euros qui n'a jamais été modifié après 1995, date à laquelle, selon [D] [M] et l'EARL De Saint-Urbain, la parcelle n° [Cadastre 7] leur aurait été donnée à bail. Elle précise que la correspondance qu'elle leur a adressée pour les informer que l'alimentation allait être coupée ne vaut pas reconnaissance de leur caractère de fermiers des lieux puisque la coupure concernait une parcelle exploitée par [D] [M] et l'EARL De Saint-Urbain et non la parcelle de la grange. L'attestation d'assurance des lieux, fournie par l'EARL de Saint-Urbain est imprécise et ne démontre pas l'existence d'un bail. [B] [L] ajoute que le bâtiment était en ruine depuis des années ce qui explique pourquoi elle en a enlevé les tuiles. Dans l'hypothèse où il serait considéré que la grange ait été affermée, son état de vétusté l'exonérerait de faire les réparations nécessaires.

MOTIFS

1. Sur la demande en résiliation judiciaire du bail rural

Il est constant que la charge de la preuve de la sous-location repose sur le bailleur qui agit en résiliation judiciaire du bail rural. Elle peut être administrée par tous moyens.

Les appelants contestent l'appréciation des premiers juges qui, s'ils ont retenu que le Gaec Du Grioudas exploitait a minima les parcelles ZA31, ZK12 et ZK13, auraient omis de relever une quelconque contrepartie, pourtant essentielle à la qualification de la sous-location.

Il est exact que la sous-location s'opère lorsque le preneur met à la disposition d'un tiers les biens loués moyennant une contrepartie, qui peut être certes le paiement d'un prix mais aussi des travaux de culture ou d'entretien, ou encore le partage de récolte, au profit du preneur.

Au cas d'espèce, il résulte de l'ensemble des pièces versées au débat par l'intimée, notamment des attestations de [C] [F], de [O] [A], de [Z] [L] ou encore de [P] [Y], mais aussi de la pièce n° 8 des appelants, qu'il existait un partage de la récolte de foin des parcelles mises en valeur par le Gaec Du Grioudas, de sorte qu'[B] [L] remplit bien la charge de la preuve de la sous-location qui lui incombait et qu'elle pèse désormais sur les appelants.

A ce titre, la cour constate qu'ils ne versent aucune pièce nouvelle susceptible d'apporter une critique utile aux motifs des premiers juges qui ont justement écarté les moyens en défense, notamment la supposée erreur commise par les services de la MSA, au motif d'une insuffisance de preuve, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a constaté la sous-location prohibée sur les terres appartenant à [B] [L] et prononcé la résiliation judiciaire du bail à ferme verbal.

2. Sur la privation de jouissance

Il est exact, comme le soutiennent les appelants, que si l'article L. 411-4 du code rural dispose que les contrats de baux ruraux doivent être écrits, cette exigence ne constitue cependant pas une condition de validité du contrat.

Un bail non écrit n'est pas nul. L'exigence d'un écrit n'a que la portée d'une règle de preuve, qui peut s'établir par tous moyens, étant rappelé que la preuve de l'occupation des lieux ne suffit pas à établir la preuve du bail rural.

Il incombe à celui qui s'en prévaut d'apporter la preuve d'une manifestation de volonté certaine du propriétaire de mettre son bien à la disposition d'un exploitant agricole, à titre onéreux, en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole.

En l'espèce, le seul fait d'alléguer que « le dernier critère, celui du versement d'une contrepartie onéreuse, est incontestable et incontesté, de sorte qu'il est également démontré », est insuffisant pour en faire la preuve, les premiers juges ayant à juste titre relevé que [D] [M] et l'EARL De Saint-Urbain échouaient à démontrer que la parcelle n°[Cadastre 7] aurait été mise à bail à leur profit, ce qui n'est pas contredit en cause d'appel.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé en ce qu'il les a déboutés de leur prétention reconventionnelle.

En conséquence de ce qui précède, le jugement rendu le 20 septembre 2021 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Rodez sera confirmé en toutes ses dispositions.

3. Sur les dépens et les frais non remboursables

Le jugement sera également confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

[D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain seront condamnés solidairement aux dépens de l'appel.

[D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain sollicitent la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. [B] [L] sollicite pour sa part la somme de 3 000 euros sur le même fondement.

[D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain, qui échouent en leur appel, en toutes leurs prétentions, seront au surplus condamnés solidairement à payer à [B] [L] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement rendu le 20 septembre 2021 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Rodez, en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

CONDAMNE solidairement [D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain à payer à [B] [L] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables d'appel ;

CONDAMNE solidairement [D] [M] et l'EARL de Saint-Urbain aux dépens de l'appel.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/05870
Date de la décision : 20/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-20;21.05870 ?
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