La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/09/2022 | FRANCE | N°22/01564

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre de la famille, 16 septembre 2022, 22/01564


Grosse + copie

délivrées le

à













COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre de la famille



ARRET DU 16 SEPTEMBRE 2022





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01564 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PLLR



ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge de la Mise en état du 18 FEVRIER 2022 du

Tribunal Judiciaire DE PERPIGNAN

N° RG 21/964





APPELANTE :



Madam

e [O] [L] veuve [P]

née le 25 Août 1947 à SINGAPOUR

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représentée par Me RICHAUD substituant Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE,...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre de la famille

ARRET DU 16 SEPTEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01564 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PLLR

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge de la Mise en état du 18 FEVRIER 2022 du

Tribunal Judiciaire DE PERPIGNAN

N° RG 21/964

APPELANTE :

Madame [O] [L] veuve [P]

née le 25 Août 1947 à SINGAPOUR

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représentée par Me RICHAUD substituant Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant,

et assistée de Me SMAIL substituant Me Christian CHARRIERE-BOURNAZEL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMEE :

Madame [A] [P]

née le 05 Août 1967 à PARIS XIV (75)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Cyrille AUCHE de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant,

et assistée de Me Emmanuelle LABANDIBAR-LACAN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 JUIN 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre, et Madame Magali VENET, Conseillère, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre

Madame Magali VENET, Conseillère

Madame Nathalie LECLERC-PETIT, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Séverine ROUGY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre, et par Madame Marie-José TEYSSIER, Greffier.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [U] [P] est décédé le 16 novembre 2019 à [Localité 6] (Pyrénées-Orientales) laissant pour lui succéder Madame [A] [P], sa fille, née d'une première union , et Madame [O] [L], sa seconde épouse avec laquelle il s'est remarié le 18 septembre 1974.

Un testament authentique en date du 26 avril 2018 a été rédigé en Espagne devant Maître [Y] [X], notaire en Espagne.

Aux termes de son testament, M. [U] [P] a indiqué en substance qu'il entendait que sa succession soit soumise à la loi espagnole et plus particulièrement à la loi catalane 10/2008 (livre lV du Code civil de la Catalogne).

Par acte d'huissier en date du 8 avril 2021, Madame [A] [P] a fait assigner Madame [L], devant le tribunal judiciaire de Perpignan, essentiellement en nullité et caducité du testament de M. [U] [P] et en retranchement de l'avantage consenti à Madame [O] [L].

Madame [O] [L], a saisi le juge de la mise en état afin de lui demander de:

- Juger que le Tribunal Judiciaire de Perpignan est territorialement incompétent pour connaître du présent litige,

- Déclarer que seuls les tribunaux espagnols sont compétents et par conséquent que seule la loi espagnole est applicable,

-Débouter Madame [A] [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner Madame [A] [P] au paiement de la somme de 3.000 euros à Madame [O] [L] veuve [P] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par ordonnance en date du 18 février 2022 , le juge de la mise en état a :

- Dit n'y avoir lieu à écarter ab initio des débats les pièces 2, 2-1 , 6, 7, 15-1 à 15-3, 17,19, 28 produites par la partie adverse qui sont en langue étrangère et non traduites,

- Dit n'y avoir lieu à déclarer irrecevables les attestations de Madame [S] et Madame [J] pour non-conformité à l'article 202 du Code de Procédure civile,

- Rejeté l'exception d'incompétence,

- Dit et jugé que les juridictions françaises sont compétentes pour connaître de la contestation du testament de M. [U] [P], du partage de sa succession et de l'action en retranchement par suite du décès de M. [U] [P] et que la loi française est applicable,

- Dit que les dépens et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile sont réservés et suivent le sort de ceux de l'instance au principal.

Par déclaration en date du 21 mars 2022, Mme [L] a relevé appel de la décision en ce qu'elle rejette l'exception d'incompétence, juge que les juridictions françaises sont compétentes pour connaître de la contestation du testament de M. [P], du partage de sa succession et de l'action en retranchement suite au décès de M. [P] et que la loi française est applicable.

Dans ses dernières conclusions en date du 17 juin 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, elle demande à la cour de :

-Annuler et réformer l'ordonnance du juge de la mise en état du 18 février 2022

- Juger que les juridictions françaises et le tribunal judiciaire de Perpignan sont territorialement incompétents pour connaître du présent litige

- Déclarer la loi française inapplicable au présent litige au profit de la loi espagnole

- Rejeter les demandes, fins et conclusions de la partie intimée

- condamner Mme [A] [P] au paiement de la somme de 3000€ à Mme [O] [L] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions en date du 15 juin 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, Mme [A] [P] demande à la cour de :

-Confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état en toutes ses dispositions

-Confirmer que les juridictions françaises sont compétentes pour connaître de la contestation du testament de M. [U] [P], du partage de sa succession et de l'action en retranchement suite au décès de M. [U] [P]

-Condamner Mme [L] au paiement de la somme de 7000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

-Condamner Mme [O] [L] aux entiers dépens dont recouvrement au profit de la SCP Verbateam.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la compétence de la cour statuant sur l'appel d'une ordonnance du juge de la mise en état :

Mme [O] [L] fait valoir que le juge de la mise en état n'était compétent que pour statuer sur la compétence de la juridiction et non sur celle de la loi applicable au litige.

Réponse de la Cour:

En application de l'article 789 du code de procédure civile, si le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur les exceptions de procédure, telle l'exception d'incompétence territoriale, seul le juge du fond est compétent pour statuer sur celle de la loi applicable au litige . Il convient en conséquence d'infirmer la décision de ce chef et de déclarer irrecevables devant le juge de la mise en état, et la cour statuant en appel, les demandes relatives à la loi applicable au litige.

Sur la juridiction compétente :

Pour solliciter que la juridiction de Perpignan soit déclarée incompétente et pour voir retenir la compétence des juridictions espagnoles, Mme [O] [L] fait valoir que la résidence habituelle de M. [U] [P] se situait en Espagne lorsqu'il est décédé.

Mme [A] [P] soutient que la résidence habituelle du défunt se situait en France et qu'il s'est artificiellement domicilié en Espagne afin de solliciter l'application de la loi espagnole et la priver de ses droits dans la succession.

Réponse de la Cour:

Selon l'article 4 du règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012, entré en vigueur le 18 août 2015, ont compétence pour statuer sur l'ensemble d'une succession les juridictions de l'Etat membre dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès.

Le règlement précise qu'afin de déterminer la résidence habituelle, il convient de procéder à une évaluation de l'ensemble des circonstances de vie du défunt au cours des années précédant son décès, prenant en compte tous les éléments de faits pertinents, notamment la durée et la régularité de la présence du défunt dans l'Etat concerné ainsi que les conditions et les raisons de cette présence. La résidence ainsi déterminée devra révéler un lien étroit et stable avec l'Etat concerné . Il est également précisé qu'aucune disposition du règlement ne doit empêcher une juridiction d'appliquer les mécanismes destinés à lutter contre la fraude à la loi.

Au cas d'espèce, il ressort des éléments de la procédure que M.[U] [P] et son épouse Mme [O] [L] étaient propriétaires d'une maison située en Espagne, à [Localité 1] acquise en 2009 ainsi que d'un appartement situé en France, au [Localité 5], proche de la frontière espagnole, acquis en 2014 . Il convient de relever que dans l'acte d'acquisition de ce second bien, les époux [P] déclaraient résider ensemble à [Localité 1].

La déclaration par M. [P] de l'adresse du [Localité 5] dans le cadre d'une procédure judiciaire engagée à Pontoise en 2018 ainsi que dans divers documents notariés et la prise en charge médicale dont il a bénéficié à [Localité 8] à compter de 2017 sont insuffisantes à établir qu'il résidait habituellement dans son logement du [Localité 5].

Sur ce dernier point, il convient de relever qu'il est logique que M.[P] ait choisi de se faire soigner à [Localité 8], située à seulement 72kms soit une heure de trajet d'[Localité 1] alors que Barcelone, où M. [P] aurait pu recevoir des soins en Espagne, est situé à 152kms soit 1h55 de trajet d'[Localité 1] .

Par ailleurs, l'appartement du [Localité 5] était déclaré au fisc comme vacant et non meublé et des relevés d'autoroute ULYS produits démontrent que le couple effectuait régulièrement des trajets aller/retour sur la journée entre l'Espagne et la France, notamment pendant la période concomitante aux soins prodigués à [Localité 8].

Les époux s'étaient inscrits en tant que résidents à la mairie d'[Localité 1] le 18 octobre 2011 et leur avis d'impôt 2013 délivré par l'administration française les domicilie aussi à [Localité 1] . M. [P] était également inscrit en qualité de résident sur les listes électorales afin de voter en Espagne depuis juillet 2018, bien qu'il n'ait été radié des listes électorales en France qu'en 2019.

Les justificatifs versés aux débats démontrent en outre que les époux s'acquittaient depuis 2011, pour leur maison située à [Localité 1], de factures d'eau et d'électricité correspondant à une consommation régulière et quotidienne alors que les montants dus pour l'appartement du [Localité 5] correspondaient principalement au paiement de leurs abonnements, avec une consommation d'énergie très faible, voire inexistante.

La déclaration de succession de Mme [T] [P] rédigé au mois d'août 2017 mentionnait que M. [U] [P] demeurait en Espagne, qu'il était de nationalité française mais non résident au sens de l'administration fiscale.

Enfin, Mme [L] verse aux débats des attestations d'amis ou de voisins témoignant que les époux [P] résidaient en Espagne depuis de nombreuses années.

Il ressort de ces éléments qu'il est justifié que M. [P] avait établi sa résidence habituelle en Espagne au moins depuis 2011 sans qu'il ne puisse être retenu que ce lieu de vie ait été volontairement choisi, plusieurs années avant son décès, et alors que rien n'indique qu'il était déjà malade, pour des raisons successorales et dans un souci de fraude à la loi.

En conséquence, il convient de déclarer les juridictions françaises territorialement incompétentes pour connaître du litige et d'inviter les parties à mieux se pourvoir, la décision sera infirmée en ce sens.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Les dépens et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront réservés et suivront le sort de ceux de l'instance au principal.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, contradictoirement,

Infirme la décision du chef de la loi applicable et de la compétence territoriale.

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevables, devant le juge de la mise en état et la cour statuant en appel, les demandes relatives à la loi applicable au litige.

Déclare les juridictions françaises incompétentes territorialement pour connaître du litige.

Invite les parties à mieux se pourvoir.

Dit que le sort des dépens et des demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile suivront celui de l'instance au fond.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

MJT/MV

N° RG 22/01564 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PLLR


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre de la famille
Numéro d'arrêt : 22/01564
Date de la décision : 16/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-16;22.01564 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award