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15/09/2022 | FRANCE | N°17/03618

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 15 septembre 2022, 17/03618


Grosse + copie

délivrées le

à









COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 15 SEPTEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/03618 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NHEK



ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 31 mars 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE RODEZ

N° RG 15/00859





APPELANTE :



SARL MOULIN DU TARN

RCS de RODEZ n° 717 120 349, prise en

la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 8]

[Localité 1]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, et...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 15 SEPTEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/03618 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NHEK

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 31 mars 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE RODEZ

N° RG 15/00859

APPELANTE :

SARL MOULIN DU TARN

RCS de RODEZ n° 717 120 349, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 8]

[Localité 1]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, et assisté à l'instance par Me Simon COHEN, avocat au barreau de TOULOUSE substitué à l'audience par Me Xavière BASTIDE-BARTHE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEES :

Madame [P] [B]

née le 25 Janvier 1959 à [Localité 5] 81

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

et

SAMCV MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS ASSURANCES (MAF ASSURANCES), prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentées par Me Jérémy BALZARINI de la SCP LEVY, BALZARINI, SAGNES, SERRE, LEFEBVRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, et assistées à l'instance par la SCP DARNET GENDRE ATTAL substituée à l'audience par Me Sylvie ATTAL de la SELAS ATCM, avocat au barreau de TOULOUSE

Ordonnance de clôture du 04 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 MAI 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre, chargé du rapport et Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre

M. Fabrice DURAND, Conseiller

Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée par ordonnance du premier président du 20 avril 2022

Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.

*

**

EXPOSE DU LITIGE :

La SARL Moulin du Tarn, exploitant une centrale hydroélectrique située dans la commune de [Localité 1], a contacté depuis l'an 2000 une quinzaine d'entreprises locales pour adjoindre au complexe une quatrième turbine et ainsi permettre une augmentation de sa production en énergie électrique.

Pour construire et installer cette turbine, la SARL Moulin du Tarn a fait rédiger et déposer par Madame [P] [B], architecte, une demande de permis de construire en date du 21 décembre 2011 auprès du Préfet de l'Aveyron.

Le permis de construire a été accordé par arrêté du 15 mars 2012 et les travaux ont débuté.

Par requête du 16 août 2012, plusieurs habitants de la commune de [Localité 1] ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse aux fins de voir suspendre l'exécution de la décision du 15 mars 2012.

Par ordonnance du 6 septembre 2012, le juge des référés a fait droit à cette requête et a suspendu l'exécution du permis de construire accordé par le Préfet de l'Aveyron le 15 mars 2012.

Les travaux ont été interrompus et la SARL Moulin du Tarn s'est rapprochée de son architecte afin que le dossier de demande de permis de construire soit régularisé.

Madame [P] [B] a déposé une nouvelle demande de permis de construire le 19 octobre 2012, et ce dernier a été accordé par le Préfet de l'Aveyron le 17 mai 2013 ; les travaux ont ainsi pu reprendre, et se sont achevés à la fin de l'année 2013.

Par courrier du 27 novembre 2013, la SARL Moulin du Tarn a fait part à Madame [P] [B] du préjudice subi du fait de l'immobilisation temporaire du chantier du 6 septembre 2012 au 17 mai 2013, de sa mise en sécurité, de la procédure suivie devant le tribunal administratif, des frais inhérents à la réalisation des nouvelles études d'impact et des dépenses liées aux frais de déplacement, de suivi des dossiers par le gérant et le conducteur de travaux, pour un montant total de 49 742,13 euros ; par lettre du 20 décembre 2013, Madame [P] [B] a contesté toute faute de sa part.

Par exploit du 24 juillet 2015, la SARL Moulin du Tarn a assigné Madame [P] [B] et son assureur la Mutuelle des Architectes Français devant le tribunal de grande instance de Rodez, soulevant un manquement de l'architecte à ses obligations de conseil, d'assistance et de diligence dans l'établissement de la demande du permis de construire du 21 décembre 2011 et dans la constitution du dossier architectural.

Par jugement contradictoire du 31 mars 2017, ce tribunal a :

- dit que Madame [P] [B] a manqué à ses obligations de conseil, d'assistance et de diligence dans l'établissement de la demande de permis de construire du 21 décembre 2011 et dans la constitution du dossier architectural joint ;

- condamné solidairement Madame [P] [B] et son assureur la société Mutuelle des Architectes Français à rembourser à la SARL Moulin du Tarn la somme de 5 000 euros HT, correspondant aux honoraires de Me [Z] ;

- débouté la SARL Moulin du Tarn du surplus de ses demandes présentées à titre de dommages et intérêts ;

- condamné solidairement Madame [P] [B] et son assureur la société Mutuelle des Architectes Français à payer à la SARL Moulin du Tarn la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- condamné solidairement Madame [P] [B] et son assureur la société Mutuelle des Architectes Français aux entiers dépens.

Le 29 juin 2017, la SARL Moulin du Tarn a interjeté appel de ce jugement à l'encontre de Madame [P] [B] et de la Mutuelle des Architectes Français.

Vu les conclusions de la SARL Moulin du Tarn remises au greffe le 10 août 2017 ;

Vu les conclusions de Mme [P] [B] et de la Mutuelle des Architectes Français remises au greffe le 5 octobre 2017 ;

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Au préalable, il convient de relever que l'appel de la SARL Moulin du Tarn est limité au montant des condamnations des intimées et au débouté des demandes complémentaires de dommages et intérêts, Madame [P] [B] et la Maf sollicitant pour leur part la confirmation du jugement ayant retenu la responsabilité de l'architecte et contestant les demandes complémentaires de dommages et intérêts.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que Madame [P] [B] a manqué à ses obligations de conseil, d'assistance et de diligence dans l'établissement de la demande de permis de construire du 21 décembre 2011 et dans la constitution du dossier architectural joint, la discussion portant désormais exclusivement sur la détermination des préjudices subis par la SARL Moulin du Tarn.

Sur les frais d'immobilisation du chantier :

La SARL Moulin du Tarn soutient que les frais d'immobilisation du chantier font bien partie des conséquences de la suspension du permis de construire et qu'il appartenait en tout état de cause à l'architecte d'attirer son attention sur les risques de la suspension du permis déposé.

En l'espèce, il résulte de la simple lecture de l'arrêté du 15 mars 2012 accordant le permis de construire d'une part que le bénéficiaire ne peut commencer les travaux qu'après avoir :

- adressé au maire, en trois exemplaires, une déclaration d'ouverture de chantier ;

- installé sur le terrain, pendant toute la durée du chantier, un panneau visible de la voie publique, décrivant le projet ;

Force est de constater que la SARL Moulin du Tarn ne justifie pas avoir respecté ces prescriptions avant d'engager les travaux.

Par ailleurs, l'arrêté mentionne clairement que l'autorisation n'est définitive qu'en l'absence de recours ou de retrait et que sa légalité peut être contestée par un tiers dans le délai de deux mois à compter de son affichage sur le terrain.

La SARL Moulin du Tarn était par conséquent parfaitement informé de l'éventualité d'un recours d'un tiers dans le délai de deux mois ou même d'un retrait de l'administration dans le délai de trois mois, sans qu'il rentre dans la mission de l'architecte d'attirer son attention sur ce point.

Il appartenait à la SARL Moulin du Tarn d'informer, le cas échéant, l'architecte de sa volonté d'engager immédiatement les travaux, ce qui aurait permis à cette dernière de conseiller à ses clients d'attendre la purge des délais.

Or, rien ne permet d'établir que Madame [B] ait été informée de l'engagement immédiat des travaux par la SARL Moulin du Tarn résultant de la seule initiative de cette dernière.

Par conséquent, le paiement des frais d'immobilisation d'un montant de 22 341,28 euros est exclusivement imputable à la SARL Moulin du Tarn qui a débuté les travaux sans adresser à la mairie une déclaration d'ouverture des travaux et sans attendre l'expiration des délais de recours.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la SARL Moulin du Tarn de sa demande au titre des frais d'immobilisation.

Sur les honoraires d'avocat :

D'une part, le remboursement par l'architecte de la facture du 27 août 2012 correspondant aux honoraires réglés à Maître [Z] en vue de l'audience devant le tribunal administratif du 3 septembre 2012 ne fait l'objet d'aucune contestation de la part des intimées.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamner solidairement Madame [P] [B] et la société Maf à rembourser à la SARL Moulin du Tarn la somme de 5 000 euros HT.

La SARL Moulin du Tarn sollicite en outre la condamnation des intimées au remboursement des honoraires de la SCP Odent et Poulet versés dans le cadre de l'étude et de l'inscription d'un pourvoi à l'encontre de la décision du 6 septembre 2012 ayant suspendu le permis de construire.

D'une part, l'ordonnance de désistement du pourvoi en date du 14 novembre 2012 produite aux débats démontre qu'un pourvoi, présenté par la SARL Moulin du Tarn, a bien été enregistré le 21 septembre 2012 au secrétariat du Conseil d'Etat.

Par ailleurs, il résulte de la note d'honoraires en date du 14 septembre 2012 qu'une somme de 2 392 euros TTC, soit 2 000 euros HT, a été acquittée par la SARL Moulin du Tarn en règlement des frais et honoraires à titre d'acompte pour le dépôt du pourvoi devant le Conseil d'Etat.

Par conséquent, il sera fait droit à la demande présentée à ce titre par l'appelante, étant relevé que les intimées ne présentent aucune contestation sur ce point.

Madame [P] [B] et la Maf seront donc condamnées solidairement à payer à la SARL Moulin du Tarl la somme de 2 000 euros HT au titre des honoraires de l'avocat au Conseil d'Etat.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les frais liés aux études d'impact :

En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que deux études d'impact ont été réalisées :

- la première par la S.I.E.E en janvier 2001, lors de la première intervention de l'architecte ;

- la seconde par la SARL Eco-Med et Ginger en janvier 2013, lors de la seconde intervention de Madame [B].

Comme le relève cette dernière, la première étude d'impact ne répondait plus à la nouvelle réglementation, ce qui est confirmé par le courrier du Préfet de l'Aveyron en date du 13 novembre 2012 mentionnant que l'étude d'impact devait comprendre une analyse des incidences sur le site Natura 2000, conformément aux articles R 414-22 et R 414-23 du code de l'environnement.

Le document réalisé en janvier 2012 (rapport rendu le 31 janvier 2013), conformément à la demande du préfet, constitue bien l'étude d'impact prévue en application de l'article R 122.2 du code de l'environnement et constitue également le dossier d'incidence au titre des articles L 214-1 à 6 du code de l'environnement.

Le rapport du 31 janvier 2013 conclut page 11 que conformément aux articles L 141-4 et R 414-22 et 23 du code de l'environnement, le projet est soumis à une 'évaluation d'incidence Natura 2000", ces éléments étant présentés au sein de la présente étude d'impact.

Il en résulte qu'une nouvelle étude d'impact comprenant une analyse sur le site Natura 2000 était en tout état de cause obligatoire compte tenu de la modification de la réglementation, cette dernière ne pouvant être imputée à l'architecte.

Par conséquent, la demande présentée au titre des frais liés à la nouvelle étude d'impact sera rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur les frais de déplacement et de suivi des dossiers :

S'agissant des frais de déplacement, la SARL Moulin du Tarn justifie que Messieurs [W] et [U], suite au contentieux relatif au permis de construire, ont effectués plusieurs déplacements du 1er septembre au 15 novembre 2012 à [Localité 9], [Localité 7] et [Localité 6].

Sur la base du barème d'évaluation forfaitaire du prix de revient kilométrique applicable aux automobiles d'une puissance fiscale de 7 cv pour un kilométrage supérieur à 20 000 kms (distance x 0,396), il convient de condamner solidairement Madame [P] [B] et la Maf à payer à la SARL Moulin du Tarn la somme de 1 592,52 euros TTC (875,76 euros + 716,76 euros).

Le jugement sera infirmé de ce chef.

S'agissant du temps passé au suivi des dossiers, il est indiscutable, comme l'a relevé le tribunal, que le gérant de la SARL Moulin du Tarn et son associé ont passé du temps à se rendre aux consultations de l'avocat, à suivre la procédure, à se rendre aux réunions de la préfecture et de la Direction Départementale des Territoires de l'Aveyron préalables au dépôt de la seconde demande de permis de construire et à effectuer un certain nombre de démarches comptables et administratives.

Ce suivi des dossiers a donc mobilisé de façon importante le gérant de la société et l'ingénieur-conseil pendant cette période et a désorganisé la société qui apparaît en conséquence bien fondé à se prévaloir du préjudice en découlant.

Par conséquent, Madame [P] [B] et la Maf seront condamnées solidairement à payer à ce titre à la SARL Moulin du Tarn une somme forfaitaire de 5 000 euros TTC.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté les demande présentées au titre des honoraires de l'avocat au Conseil d'Etat, des frais de déplacement et de suivi des dossiers ;

Statuant à nouveau,

Condamne solidairement Madame [P] [B] et la société Maf à payer à la SARL Moulin du Tarl la somme de 2 000 euros HT au titre des honoraires de l'avocat au Conseil d'Etat ;

Condamne solidairement Madame [P] [B] et la société Maf à payer à la SARL Moulin du Tarn la somme de 1 592,52 euros TTC (875,76 euros + 716,76 euros) au titre des frais de déplacement ;

Condamne solidairement Madame [P] [B] et la société Maf à payer à la SARL Moulin du Tarn une somme forfaitaire de 5 000 euros TTC au titre des frais de suivi des dossiers ;

Condamne Madame [P] [B] et la société Maf aux entiers dépens d'appel, avec autorisation de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne Madame [P] [B] et la société Maf à payer à la SARL Moulin du Tarn la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour ses frais engagés en appel.

Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 17/03618
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;17.03618 ?
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