Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 15 SEPTEMBRE 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 17/02033 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NDRU
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 13 mars 2017
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS
N° RG 17/0123
APPELANTE :
SARL AB IMMO EXPANSION
RCS n° 503 110 348, prise en la personne de son gérant en exercice domicilié ès qualités au siège social
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Julien ROUGON, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Monsieur [K] [Y] [J]
né le 02 Mai 1971 à ALBERVILLE (73)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
et
Madame [T] [F] [D] épouse [J]
née le 25 Janvier 1974 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Appelants à titre incident
Représentés par Me Fabienne MIGNEN-HERREMAN de la SCP JURISEXCELL, avocat au barreau de BEZIERS, substituée à l'audience par Me Raphaële HIAULT SPITZER de la SCP JURISEXCELL, avocat au barreau de BEZIERS
Ordonnance de clôture du 22 Mars 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 AVRIL 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre et M. Fabrice DURAND, Conseiller, chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre
M. Fabrice DURAND, Conseiller
Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée par ordonnance du premier président du 1er décembre 2021
Greffier, lors des débats : Mme Camille MOLINA
ARRET :
- contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour fixée au 16 juin 2022 prorogée au 15 septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.
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EXPOSE DU LITIGE
Par acte authentique reçu le 20 décembre 2010 par Me [B] [E], la SARL AB Immo Expansion a fait l'acquisition d'un terrain formant le lot n°32 de la [Localité 6] cadastré section [Cadastre 3] sur la commune de [Localité 5].
La SARL AB Immo Expansion a construit sur ce terrain une maison d'habitation conformément à un permis de construire obtenu le 20 janvier 2011.
Aux termes d'une promesse de vente signée les 14 et 17 mai 2011 par l'entremise de la SARL S'Antoni Immobilier, la SARL AB Immo Expansion s'est engagée à vendre à M. [K] [J] et à Mme [T] [D] épouse [J] cette maison d'habitation au prix de 299 000 euros TTC.
Par avenant signé le 8 août 2011, les parties convenaient d'une remise des clés anticipée à cette date et d'une livraison « en l'état ».
L'acte authentique de vente de cette maison a été reçu par Me [B] [E] le 21 septembre 2011.
Se plaignant de l'existence d'un certain nombre de désordres, de malfaçons et de non conformités affectant le bien, M. et Mme [J] ont obtenu par ordonnance du 30 mars 2012 du juge des référés du tribunal de grande instance de Béziers que soit ordonnée une expertise judiciaire confiée à M. [W] [P].
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 24 décembre 2012.
Par actes d'huissier du 21 mai 2014, M. et Mme [J] ont fait assigner la SARL AB Immo Expansion et la SARL Agence S'Antoni Immobilier devant le tribunal de grande instance de Béziers aux fins d'obtenir leur condamnation à les indemniser de leurs divers préjudice sur le fondement des articles 1604, 1641 et suivants et 1792 et suivants du code civil.
Par jugement rendu le 13 mars 2017, le tribunal de grande instance de Béziers a :
' dit que la SARL AB Immo Expansion était responsable des désordres, malfaçons et inexécution retenus par l'expert [P] pages 11 et 12 de son rapport d'expertise ;
' condamné en conséquence la SARL AB Immo Expansion à payer à M. et Mme [J] la somme de 12 838,18 euros ;
' condamné M. et Mme [J] à payer à la SARL AB Immo Expansion la somme de 3 256,88 euros de travaux supplémentaires ;
' rejeté les demandes formées à l'encontre de la SARL S'Antoni Immobilier ;
' rejeté le surplus des demandes ;
' ordonné l'exécution provisoire ;
' condamné la SARL AB Immo Expansion aux dépens, en ce compris les frais d'expertise, ainsi qu'à payer à M. et Mme [J] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration au greffe du 6 avril 2017, la SARL AB Immo Expansion a relevé appel total du jugement à l'encontre des époux [J].
Vu les dernières conclusions de la SARL AB Immo Expansion remises au greffe le 2 août 2017 ;
Vu les dernières conclusions de M. et Mme [J] remises au greffe le 17 mars 2022 ;
MOTIFS DE L'ARRET
Sur la qualification du contrat de vente du 21 septembre 2011,
La SARL AB Immo Expansion soutient qu'il s'agit d'une vente d'immeuble achevé tandis que M. et Mme [J] font valoir que cette vente doit être qualifiée de vente en état futur d'achèvement.
En application de l'article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
L'acquisition de l'appartement litigieux par M. et Mme [J] s'est opérée au moyen d'un acte notarié du 21 septembre 2011 signé avec la SARL AB Immo Expansion sous la qualification de contrat de vente d'immeuble achevé.
Cet acte authentique se réfère à la promesse de vente signée par les parties les 14 et 17 mai 2011 qui mentionne en page 1 : « vente en état futur d'achèvement d'une maison à usage d'habitation ».
Toutefois cette promesse de vente portait elle-même sur un immeuble achevé et ne contenait aucune disposition relative à une vente en état futur d'achèvement ni à un contrat préliminaire de réservation tel que le prévoit la loi n°67-3 du 3 janvier 1967.
L'acte authentique du 21 septembre 2011 s'analyse donc en une vente d'immeuble achevé. Les règles de la vente ordinaire sont donc seules applicables en l'espèce et excluent les articles 1642-1 et 1648 alinéa 2 du code civil dont le champ d'application est strictement limité à la vente en état futur d'achèvement.
Sur les demandes de M. et Mme [J] fondées sur les articles 1792 et suivants du code civil,
L'article 1792-1-2° du code civil dispose que toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a elle-même construit ou fait construire est réputée constructeur de cet ouvrage et se trouve par conséquent soumise au régime de la responsabilité des constructeurs prévu par les articles 1792 et suivants du code civile.
La SARL AB Immo Expansion ne conteste pas sa qualité de constructeur de l'ouvrage.
En l'état des constations complètes et documentaires opérées par l'expert judiciaire, aucune mesure d'investigation complémentaire n'apparaît utile pour éclairer la cour d'appel sur les désordres allégués.
Concernant la porte-fenêtre de la chambre des parents,
L'expert judiciaire a constaté un défaut d'aplomb des vantaux de cette porte-fenêtre, une rigidité du châssis entre le dormant et son support et une fermeture difficile dont il n'établit cependant pas qu'elle porte atteinte à l'étanchéité à la date de l'expertise.
Ces seuls éléments issus de l'expertise, à défaut de tout autre élément de preuve versés aux débats par M. et Mme [J], traduisent un simple inconfort à l'usage de cette porte-fenêtre insuffisant pour caractériser l'existence d'une atteinte à la destination de l'immeuble.
De surcroit, la charge de la preuve du caractère caché d'un désordre repose sur la partie qui en réclame la réparation sur le fondement de l'article 1792 du code civil et en l'espèce M. et Mme [J] ne démontrent pas que le désordre affectant cette porte-fenêtre était caché lors de la réception de l'ouvrage par la SARL Immo Expansion.
En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la SARL Immo Expansion à indemniser les intimés de ce chef à hauteur de 1 712,19 euros.
Concernant les deux portes-fenêtres du séjour,
L'expert judiciaire n'a relevé aucun désordre affectant ces ouvrages : le réglage des portes-fenêtres durant les opérations d'expertise a permis de remédier aux dysfonctionnements allégués.
Par ailleurs, les deux devis établis le 25 février 2014 par la société Barbazo (pièces n°11 et 12 des intimés) ne sont pas suffisamment probants pour contredire les constatations opérées par l'expert judiciaire sur les deux portes-fenêtres.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a pertinemment écarté tout désordre affectant ces deux portes-fenêtres et constaté que le réglage du mécanisme de fermeture de ces deux menuiseries avaient permis de remédier au dysfonctionnement en cours d'expertise.
Sur les demandes de M. et Mme [J] fondées sur l'obligation de délivrance à la charge du vendeur,
Par courrier du 16 novembre 2011, M. et Mme [J] ont mis en demeure leur vendeur la SARL AB Immo Expansion de leur délivrer un immeuble comportant les prestations contractuellement prévues, facturées mais non fournies.
M. et Mme [J] sollicitent ainsi la réparation des défauts de conformité suivants affectant l'immeuble acheté :
' absence de portail et de portillon extérieur ;
' absence de clôture à l'arrière ;
' absence de liaison interphonique portail-maison ;
' absence de gravier dans la cour ;
' défaut d'isolation phonique du mécanisme d'enroulement de la porte du garage ;
' absence d'éléments d'équipement dans la salle de bains ;
' absence de hotte dans la cuisine.
Il convient de rappeler que l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 dispose qu'il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver.
En l'espèce, l'acte authentique de vente du 21 septembre 2011 ne comporte aucune description précise des prestations et des caractéristiques techniques de la maison vendue par la SARL AB Immo Expansion.
En particulier, M. et Mme [J] ne produisent aucune pièce contractuelle relative mettant à la charge de leur vendeur une obligation particulière de délivrance concernant la clôture et les portails, l'interphone, la pose de gravier, l'isolation phonique de la porte de garage ou encore les équipements de cuisine et de salle de bains.
La seule mention « cuisine aménagée » sur l'annonce commerciale de l'agent immobilier (pièce n°5 des intimés) ne suffit pas à démontrer l'existence d'un engagement contractuel en ce sens.
S'agissant de la notice descriptive et du plan de la maison annexés à la promesse synallagmatique de vente du 17 mai 2011, ces documents n'ont pas été repris ni annexés à l'acte authentique de vente du 21 septembre 2011 de sorte qu'ils ne présentent aucun caractère contractuel entre les parties.
En outre, l'avenant du 8 août 2011 stipule expressément :
« Il est expressément convenu que M. et Mme [J] réitèrent d'ores et déjà leur volonté d'acquérir la présente maison dans l'état dans lequel elle se trouve aujourd'hui.
Il ne sera pas possible de revenir ni de discuter sur les travaux effectués sur ladite maison. Celle-ci sera vendue en l'état. »
Contrairement à la position soutenue par M. et Mme [J] dans leurs écritures, le seul fait que l'avenant du 8 août 2011 ne soit accompagné d'aucun « descriptif de l'état du bien à cette date » ne permet pas d'inverser la charge de la preuve et ne les dispense pas de démontrer le périmètre précis de l'obligation de délivrance à laquelle est soumis leur vendeur.
Enfin, l'entrée dans les lieux le 8 août 2011 a permis à M. et Mme [J] de disposer d'une connaissance parfaite de l'état et des équipements de la maison lorsqu'ils ont signé l'acte authentique le 21 septembre 2011.
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que la SARL AB Immo Expansion a parfaitement respecté son obligation de délivrance de la chose vendue.
C'est donc à tort que le jugement déféré a relevé que la SARL AB Immo Expansion avait manqué à son obligation de délivrance concernant la clôture et les portails, l'interphone, la pose de gravier, l'isolation phonique de la porte de garage ou encore les équipements de cuisine et de salle de bains.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il alloué la somme de 10 654,39 euros sur le fondement de l'obligation de délivrance.
Sur les demandes de M. et Mme [J] fondées sur l'existence de vices cachés,
Les acquéreurs fondent les quatre demandes suivantes sur l'existence de vices cachés au sens de l'article 1644 du code civil :
' défaut de pose et de scellement des carreaux de sol ;
' absence de renforts d'angles sur les cloisons ;
' absence de va et vient dans le séjour ;
' non accessibilité du vide sanitaire
L'expert judiciaire a constaté que certains carreaux sonnaient creux mais il n'en résultait aucun dommage : l'usage du carrelage reste parfaitement normal.
La pose de renforts d'angle au niveau des cloisons de la maison n'est prévue par aucune obligation légale, ni aucune obligation contractuelle liant les parties. L'absence de ces renforts n'entraîne par ailleurs aucune conséquence sur l'usage normal de la chose vendue.
L'absence de va et vient est un défaut apparent de la chose vendue dont M. et Mme [J] ont eu connaissance dès le 8 août 2011 et qui était donc apparent à la date de signature de l'acte authentique le 21 septembre 2011.
La faible hauteur de l'accès au vide sanitaire ne constitue pas un vice caché dans la mesure où elle était parfaitement visible par les acheteurs depuis le 8 août 2011 et qu'elle n'affecte pas la jouissance de la maison ainsi que l'a relevé l'expert judiciaire.
Les deux premiers désordres allégués par M. et Mme [J] ne constituent pas des vices et les deux derniers étaient parfaitement apparents pour les acquéreurs qui ont pris possession de la maison le 8 août 2011 soit plus d'un mois avant la signature de l'acte authentique de vente le 21 septembre 2011.
Aucune des quatre demandes formées par M. et Mme [J] ne satisfait aux conditions de mise en 'uvre de la garantie des vices cachés des articles 1641 et suivants du code civil.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes afférentes aux carreaux de sol et au vide sanitaire, et infirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes afférentes au renforts d'angle et au va et vient à hauteur respectivement de 762,45 euros et 478,40 euros.
Sur la demande en paiement de 3 417,08 euros formée par la SARL AB Immo Expansion,
La société appelante sollicite la condamnation solidaire de M. et Mme [J] à lui payer la somme de 3 417,08 euros représentant le solde restant dû du prix de la vente.
Le jugement déféré a fait droit à cette demande au motif qu'en « procédant à l'apurement des comptes, M. [P] propose de retenir deux factures de travaux supplémentaires dont la réalité n'est pas contestée hormis pour la partie correspondant à la rétrocession d'eau et d'électricité non justifiée, soit 3 256,88 euros ».
Il convient de rappeler que l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 dispose qu'il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver.
En l'espèce, l'acte notarié du 21 septembre 2011 de vente en l'état de la maison litigieuse stipulait un prix de 299 000 euros TTC sans aucun complément de prix à payer par les acquéreurs à leur vendeur sur présentation de factures ultérieures.
La SARL AB Immo Expansion ne démontre pas l'existence d'une obligation contractuelle à la charge de M. et Mme [J] leur imposant de lui payer les sommes de 2 308,28 euros et de 1 108,80 euros demandées par factures datées du 5 septembre et du 4 octobre 2011.
C'est donc à tort que les premiers juges ont fait droit aux demandes reconventionnelles de la SARL AB Immo Expansion à hauteur de 3 256,88 euros, ce en quoi le jugement déféré sera infirmé.
Sur les demandes accessoires,
Dans la mesure où M. et Mme [J] succombent intégralement en leurs demandes à hauteur d'appel, il convient aussi d'infirmer les dispositions du jugement déféré ayant statué sur les dépens et sur les frais irrépétibles.
M. et Mme [J] devront supporter les entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
L'équité commande en outre d'allouer à la SARL AB Immo Expansion une indemnité de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celles ayant rejeté les demandes formées par M. et Mme [J] contre la SARL AB Immo Expansion relatives aux désordres affectant les deux portes-fenêtres du séjour ainsi que leurs demandes afférentes aux vices cachés des carreaux de sol et du vide sanitaire ;
Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,
Dit n'y avoir lieu à expertise complémentaire des désordres allégués ;
Déboute M. [K] [J] et Mme [T] [D] épouse [J] de toutes leurs demandes ;
Déboute la SARL AB Immo Expansion de sa demande reconventionnelle en paiement du solde du prix ;
Dit que M. [K] [J] et Mme [T] [D] épouse [J] seront tenus de supporter les entiers dépens de première instance et d'appel ;
Condamne M. [K] [J] et Mme [T] [D] épouse [J] à payer à la SARL AB Immo Expansion une indemnité de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président de chambre,