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15/09/2022 | FRANCE | N°17/01910

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 15 septembre 2022, 17/01910


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 15 SEPTEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/01910 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NDIW

dont a été joint le n°RG 17/02183



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 22 décembre 2016

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 11/03357





APPELANTS :



Monsieur [T] [K]

[Adresse 9]

Le

Plan du soleil

[Localité 1]

Représenté par Me Patrick MELMOUX de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Me Anne CROS DE GOUVILLE, avocat au barreau de MONTPELLIER

App...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 15 SEPTEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/01910 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NDIW

dont a été joint le n°RG 17/02183

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 22 décembre 2016

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 11/03357

APPELANTS :

Monsieur [T] [K]

[Adresse 9]

Le Plan du soleil

[Localité 1]

Représenté par Me Patrick MELMOUX de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Me Anne CROS DE GOUVILLE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Appelant dans le n°17/01910

SA AXA FRANCE IARD

représentée par son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER , substitué à l'audience par Me Denis RIEU de la SELARL MBA & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Appelante dans le n°17/02183

INTIMEES :

SCI MAS SAINT JEAN

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me Dominique FALANDRY de la SELAS RAYNAUD-FALANDRY-CODOGNES-BOTTIN, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

SA MMA IARD

RCS du MANS n°440 048 882, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Me Lola JULIE de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 23 Mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 AVRIL 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre et M. Fabrice DURAND, Conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre

M. Fabrice DURAND, Conseiller

Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée par ordonnance du premier président du 1er décembre 2021

Greffier, lors des débats : Mme Camille MOLINA

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour fixée au 16 juin 2022 prorogée au 15 septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

Courant 2005, la SCI du Mas Saint Jean a confié à la SARL [M] et Fils la construction d'un bâtiment à usage d'habitation (335 m²) et professionnel (246 m²) situé lieudit [Adresse 8] sur la commune de Brouilla (66).

Un devis estimatif du 16 juin 2005 a évalué le montant des travaux à 1 743 900 euros TTC.

Les parties n'ont rédigé ni marché de travaux ni planning d'exécution.

La SARL [M] et Fils, assurée auprès de MMA, a confié une partie des études techniques de la structure du bâtiment à M. [T] [K], ingénieur intervenant en qualité de sous-traitant et lui-même assuré auprès de la SA Axa France IARD.

Un désaccord est apparu entre les parties à partir de septembre 2006, conduisant au départ de la SARL [M] et Fils du chantier le 18 septembre 2006, puis à la résiliation du marché par la SCI du Mas Saint Jean le 20 février 2007.

Se plaignant de l'existence de malfaçons et de l'abandon du chantier, la SCI du Mas Saint Jean a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Perpignan qui a ordonné le 24 mai 2007 une expertise confiée à M. [W] [F].

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 3 mars 2011.

La SARL [M] et Fils a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Narbonne du 17 mai 2011.

Par actes d'huissier signifiés les 23 et 31 août 2011, la SCI du Mas Saint Jean a fait assigner la SARL [M] et Fils et son assureur MMA, ainsi que M. [T] [K] et son assureur la SA Axa France IARD, aux fins d'obtenir réparation de ses différents préjudices.

Par ordonnance du 13 août 2012, le juge de la mise en état a :

' jugé irrecevables les demandes provisionnelles de la SCI du Mas Saint Jean contre la SARL [M] et Fils et la SA MMA IARD ;

' condamné in solidum M. [K] et la SA Axa France IARD à payer à la SCI du Mas Saint Jean une provision de 400 000 euros à valoir sur les travaux de reprise et une provision ad litem de 10 000 euros ;

' rejeté la demande de M. [K] tendant à obtenir à titre provisionnel garantie de son assureur la SA Axa France IARD.

Par arrêt du 18 avril 2013, la cour d'appel de Montpellier a infirmé partiellement l'ordonnance et condamné la SA Axa France IARD à garantir M. [T] [K] de sa condamnation à verser la provision de 400 000 euros.

Par jugement du 22 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Perpignan a :

' déclaré irrecevables les demandes formées par la SCI du Mas Saint Jean à l'encontre de la SARL [M] et Fils en l'absence de déclaration de créance ;

' rejeté les demandes formées par la SCI du Mas Saint Jean à l'encontre de MMA ;

' déclaré M. [K] responsable des dommages causés à la SCI du Mas Saint Jean tenant au non respect des normes parasismiques ;

' dit que la SA Axa France IARD devait sa garantie à M. [K] ;

' condamné in solidum M. [K] et la SA Axa France IARD à payer à la SCI du Mas Saint Jean les sommes suivantes :

- 402 537,04 euros au titre des travaux de reprise, avec indexation à la date du paiement sur l'indice BT01, prenant pour indice de référence celui du mois de mars 2011, date de dépôt du rapport d'expertise ;

- 2 038,87 euros par mois à compter du mois de juillet 2007 au titre du préjudice de jouissance jusqu'au paiement de l'indemnité outre la somme de 12 233,22 euros correspondant au préjudice de jouissance pendant la durée des travaux évaluée à six mois par l'expert ;

- 47 979,50 euros au titre des autres frais exposés ;

' dit que l'indemnité porterait intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

' rejeté la demande tendant à voir fixer le point de départ des intérêts à la date de l'assignation ;

' dit que la SA Axa France IARD pouvait opposer le plafond de garantie à la SCI du Mas Saint Jean et à son assuré M. [K] ;

' dit que la SA Axa France IARD pouvait opposer ses franchises à son assuré M. [K] et à la SCI du Mas Saint Jean ;

' rappelé que M. [K] et la SA Axa France IARD ont été condamnés à payer à la SCI du Mas Saint Jean, à titre de provision, la somme de 410 000 euros et dit que cette somme viendrait en compensation ;

' rejeté la demande de la SA Axa France IARD en remboursement du trop versé à la SCI du Mas Saint Jean ;

' déclaré irrecevables les demandes formées par M. [K] et la SA Axa France IARD à l'encontre de la SARL [M] et Fils en l'absence de déclaration de créance ;

' rejeté les demandes formées par M. [K] et la SA Axa France IARD à l'encontre de la MMA ;

' condamné la SA Axa France IARD à payer à la SCI du Mas Saint Jean la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' rejeté la demande de la MMA au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamné in solidum M. [T] [K] et la SA Axa France IARD aux entiers dépens ;

' autorisé la distraction des dépens en conformité avec l'article 699 du code de procédure civile ;

' ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

M. [T] [K] a relevé appel total du jugement le 31 mars 2017 à l'encontre de la SA Axa France IARD, de la SCI du Mas Saint Jean et de MMA (dossier RG n°17/1910).

Par déclaration au greffe du 14 avril 2017, la SA Axa France IARD a également relevé appel de ce jugement à l'encontre de M. [T] [K], de la SCI du Mas Saint Jean et de MMA (dossier RG n°17/2183).

Par ordonnance du 6 février 2020, le conseiller de la mise en état a joint le dossier RG n°17/2183 au dossier RG n°17/1910.

Vu les dernières conclusions de MMA remises au greffe le 30 octobre 2017 ;

Vu les dernières conclusions de M. [T] [K] remises au greffe le 26 octobre 2017 ;

Vu les dernières conclusions de la SA Axa France IARD remises au greffe le 17 octobre 2017 ;

Vu les dernières conclusions de la SCI du Mas Saint Jean remises au greffe le 8 juin 2021 ;

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la responsabilité de la SARL [M] et Fils,

Malgré l'absence de contrat d'entreprise écrit la liant à la SCI du Mas Saint Jean, la SARL [M] et Fils a parfaitement reconnu durant les opérations d'expertise et l'instance judiciaire avoir seule édifié l'ouvrage objet du présent litige.

En premier lieu, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a exactement relevé que les demandes formées contre la SARL [M] et Fils n'étaient pas recevables en l'absence de déclaration de cette créance par la SCI du Mas Saint Jean au passif de la procédure collective.

Il convient cependant d'apprécier la responsabilité de la SARL [M] et Fils dans le cadre de l'examen de l'action directe exercée par la SCI du Mas Saint Jean contre l'assureur MMA.

En l'absence de réception de l'ouvrage, les demandes formées par la SCI du Mas Saint Jean contre MMA ne peuvent être fondées que sur la responsabilité contractuelle de droit commun de la SARL [M] et Fils.

La SCI du Mas Saint Jean est entrée en relation avec la SARL [M] et Fils en février 2004 et le CEBTP a réalisé l'étude géotechnique du terrain destiné à recevoir la construction.

Malgré la taille importante de ce projet immobilier dont le coût était évalué en juin 2005 à 1 743 900 euro TTC, aucun marché ni planning d'exécution des travaux n'ont été formalisés entre la SCI du Mas Saint Jean et la SARL [M] et Fils.

L'architecte Mme [Z] a déposé le dossier de permis de construire mais sa proposition de mission de maîtrise d'oeuvre complète n'a pas été acceptée par le maître d'ouvrage.

La mission de contrôle technique (mission solidité et sécurité) n'a pas été confiée à Socotec comme le mentionnait la demande de permis de construire.

Le projet de construction a connu une genèse difficile liée notamment à un permis de construire initialement accordé le 28 février 2006 mais retiré par le préfet le 28 avril 2006 en raison de la violation des règles d'urbanisme applicables en zone Na du PLU.

Un nouveau permis de construire a été accordé le 29 septembre 2006 sur la base d'un nouveau projet dont les plans camouflaient en « vide sanitaire » ce qui était en réalité un vaste sous-sol habitable (2,50 mètres de hauteur sous plafond avec porte de garage, escalier et électricité) dans le but d'exclure cette importante surface du calcul de la SHON construite.

Les deux permis de construire successivement délivrés rappelaient clairement que le projet était situé en zone Ib correspondant à un risque de sismicité faible et qu'il était soumis aux exigences issues de l'arrêté du 1er janvier 1998 sur les règles de construction parasismiques.

Le rapport d'expertise de M. [F] et le rapport daté du 15 novembre 2008 de son sapiteur M. [Y] mettent en évidence d'importants désordres affectant les murs, les planchers et la charpente.

Les murs ne sont pas conformes aux règles de construction parasismique applicables dans cette zone :

' absence de chainages horizontaux et verticaux en plusieurs endroits ;

' absence de cadres au niveau des raidisseurs verticaux sur le sondage réalisé par l'expert ;

' mauvaises liaisons et discontinuités des raidisseurs verticaux ;

' appui direct des murs du rez-de-chaussée sur le plancher haut du sous-sol constituant une transparence au niveau des règles parasismiques ;

' mauvaise position du mur du rez-de-chaussée entre le séjour et la chambre qui ne repose pas sur les poutres mais sur le plancher hourdis ;

' absence de chaînage rampant sur les murs intérieurs ;

' discontinuité du joint de dilatation entre le sous-sol et le rez-de-chaussée.

Les planchers ne sont pas conformes aux règles parasismiques en raison de l'absence de longrines parasismiques entre les semelles isolées du sous-sol. L'absence de longrines de liaison au niveau du sous-sol empêche l'établissement d'un réseau bidimensionnel.

Indépendamment des règles parasismiques, le plancher du rez-de-chaussée souffre d'une surcharge du mur séparant le séjour et la chambre en raison de l'absence de poutre.

La charpente a été réalisée en peuplier, essence de durabilité médiocre inadaptée à ce bâtiment. Elle présente d'importantes malfaçons au niveau des assemblages et des contreventements outre le fait que la stabilité n'est pas assurée et que ses poutres sont sous-dimensionnées.

Tous ces désordres entraînent un risque d'effondrement de l'ouvrage. Ce risque d'effondrement est accru concernant la terrasse couverte dont les pannes sont très largement sous-dimensionnées.

Il ressort des conclusions de l'expertise judiciaire que tous ces désordres sont la conséquence en premier lieu de multiples fautes de conception de l'ouvrage qui ne respecte ni les règles habituelles imposées par les calculs classiques de résistance des matériaux, ni la réglementation parasismique en vigueur à la date du chantier.

Par ailleurs, tous ces ouvrages (murs de la maison, planchers et charpente) ont été édifiés par la SARL [M] et Fils sans respecter les règles de l'art et les DTU applicables.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a retenu que ces fautes étaient la cause directe des désordres affectant l'ouvrage et engageaient donc la responsabilité de droit commun de la SARL [M] et Fils.

Sur la garantie de la SA MMA IARD, assureur de la SARL [M] et Fils,

La SCI du Mas Saint Jean sollicite la garantie de la SA MMA IARD en se fondant d'une part sur la garantie effondrement et d'autre part sur la garantie de responsabilité civile. En cause d'appel, la SCI du Mas Saint Jean n'invoque plus la responsabilité pour faute de l'assureur comme troisième fondement à son action.

1 ' Sur la garantie du risque imminent d'effondrement,

L'article 38 de la police d'assurance « garantit le paiement :

1° des dommages matériels affectant les ouvrages et travaux en cours d'exécution ou terminés mais non encore réceptionnés par le maître de l'ouvrage, lorsqu'ils résultent :

- d'un effondrement. Sont également garantis les dépenses engagées par l'assuré afin de remédier à une menace grave et imminente d'effondrement total ou partiel. »

Cette garantie constitue une assurance de chose souscrite par l'entreprise pour couvrir la perte éventuelle avant réception des ouvrages qu'elle a réalisés conformément à l'article 1788 du code civil. De ce fait, le maître d'ouvrage ne peut invoquer aucune action directe contre l'assureur, seule l'action oblique lui étant ouverte.

En l'espèce, le jugement déféré a exactement retenu que l'action oblique n'était pas recevable pour avoir été engagée postérieurement au jugement de liquidation judiciaire dans la mesure où une fois la liquidation prononcée, seul le liquidateur judiciaire est habilité à représenter le débiteur.

Toutefois, cet article 38 de la police est complété par un paragraphe 3° qui garantit « le paiement : 3° des dommages immatériels (à l'exclusion de tout préjudice corporel) subis par le propriétaire ou l'occupant de la construction et résultant d'un risque garanti au paragraphe 1° ci-dessus. »

Il résulte de la rédaction de ce paragraphe 3° qu'il s'analyse en une stipulation pour autrui au bénéfice du maître de l'ouvrage. Cette garantie délivrée pour les dommages immatériels constitue une assurance pour compte au profit de la SCI du Mas Saint Jean lui ouvrant droit à une action directe contre la SA MMA IARD.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a retenu que la SA MMA IARD ne devait pas sa garantie pour les chefs de préjudice immatériel.

En conséquence, la SA MMA IARD devra garantir la responsabilité de la SARL [M] et Fils concernant le préjudice de jouissance subi par la SCI du Mas Saint Jean.

2 ' Sur la garantie responsabilité civile,

L'article 21 de la police « garantir l'assuré contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile qui peut lui incomber en raison :

- des dommages corporels,

- des dommages matériels,

- des dommages matériels consécutifs à des dommages corporels et matériels garantis, subis par autrui et imputable à son activité professionnelle. »

Toutefois, l'article 32-4° exclut « les dommages subis par les ouvrages ou travaux effectués par l'assuré et ses sous-traitants ».

Contrairement au moyen soulevé par la SCI du Mas Saint Jean, cette clause d'exclusion n'a besoin d'aucune interprétation en ce qu'elle s'applique aux dommages affectant les seuls ouvrages édifiés par l'entreprise, cette définition étant parfaitement précise quant au champ d'application de la clause. Cette clause exclut donc un risque précis et spécifique contre lequel le constructeur aurait pu s'assurer par ailleurs.

Le même article 32 comporte une liste de 26 cas d'exclusion qui concernent tous des situations relevant de risques très spécifiques, de risques relevant d'une législation spéciale ou de risques relevant de garanties distinctes couverts dans la pratique par d'autres polices d'assurance.

Contrairement à la position soutenue par la SCI du Mas Saint Jean, ce nombre élevé de 26 paragraphes constituant cette clause d'exclusion ne traduit pas un caractère déraisonnable de cette clause mais au contraire un souci de clarté, chacun de ces paragraphes décrivant de façon claire, précise et formelle chaque cas d'exclusion envisagé par le contrat.

Il en résulte que toutes ces exclusions ne neutralisent pas la garantie de responsabilité civile stipulée qui subsiste en ce qu'elle couvre la majorité des cas de responsabilité civile dont un chef d'entreprise souhaite se protéger, notamment hors du cadre des travaux effectués par l'entreprise assurée elle-même.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a retenu que cette clause d'exclusion, formelle et limitée, ne vidait pas le contrat d'assurance de toute sa substance, qu'elle était donc conforme à l'article L.113-1 du code des assurances.

En conséquence de ces développements, toutes les demandes formées par les parties contre MMA concernant la réparation des dommages doivent être rejetées, ce en quoi le jugement déféré est confirmé.

Sur la responsabilité du sous-traitant M. [K],

M. [K] est intervenu à la demande de la SARL [M] et Fils sans aucun contrat écrit précisant la nature exacte et le périmètre précis de sa mission de sous-traitance. Les parties s'accordent sur le montant des honoraires perçus le 23 mars 2006 par M. [K] à la SARL [M] et Fils à hauteur de 1 500 euros HT pour cette mission.

M. [K] soutient que son intervention était limitée aux panneaux de façade préfabriqués et à une partie de la structure de béton armé, que cette mission n'a jamais porté sur les doublages, sur les cloisons intérieures ni sur la charpente en bois et qu'il n'a pas établi le plan de parties importantes du bâtiment telles que la terrasse couverte, le plancher, la poutre de l'étage d'habitation et la charpente.

M. [K] affirme n'avoir jamais eu connaissance de l'étude de sol ni des prescriptions du permis de construire.

La SCI du Mas Saint Jean soutient au contraire que M. [K] est intervenu dans le cadre d'une mission technique couvrant tous les éléments de construction du bâtiment.

Il ressort d'un examen exhaustif des pièces versées aux débats et du rapport d'expertise judiciaire qu'aucun plan ni étude de charpente ne figure au dossier.

Les informations figurant sur le plan BA012a sont largement insuffisantes pour déterminer la géométrie définitive de la charpente. L'absence de note de calcul confirme en outre que M. [K] n'est pas intervenu pour la conception ou la vérification des caractéristiques physiques et mécaniques de cette charpente.

Selon le rapport d'expertise de M. [F], « le parti constructif de murs préfabriqués en béton impose en zone sismique une conception particulière notamment au niveau des liaisons, or les dispositions retenues sur les plans ne permettent pas de retenir un fonctionnement adéquat de ces murs en cas de séisme ('). Par ailleurs, la présence d'un joint de dilatation de 2 cm et ne séparant pas complètement les deux blocs en vis à vis constitue une violation flagrante du règlement sur un point très important. D'autres éléments non conformes comme les liaisons insuffisantes de fondations et l'ancrage trop faible des aciers en attentes montrent que le règlement n'a pas été rigoureusement appliqué. En conclusion, l'examen des plans de structure indique clairement que la réglementation parasismique ne peut être considérée comme respectée notamment en raison de dispositions inadaptées concernant les murs préfabriqués et les joints de séparation ».

Ces éléments établissent que M. [K] a commis une faute de conception des fondations, des longrines, des chaînages et du joint de dilatation dans la mesure où ces éléments d'ouvrage ne sont pas conformes aux règles de construction parasismique PS92.

Ces fautes de conception n'ont cependant entraîné en elles-mêmes aucun risque d'effondrement de l'immeuble hors séisme, ce risque résultant exclusivement de la mauvaise réalisation des ouvrages par la SARL [M] et Fils ainsi que de défaut de conception des ouvrages réalisés postérieurement à l'intervention de M. [K] et hors du périmètre de sa mission.

L'implication de M. [K] dans la conception de la terrasse couverte et de la charpente n'étant établie par aucun élément du dossier, sa responsabilité ne peut donc pas être engagée pour ces ouvrages.

La SCI du Mas Saint Jean ne peut pas davantage soutenir utilement que M. [K] aurait dû s'immiscer dans la conception de l'ensemble de l'ouvrage ou qu'il était tenu d'une obligation de conseil concernant des parties d'ouvrage édifiées par la SARL [M] et Fils qui n'entraient pas dans le périmètre de sa mission d'étude technique.

Le jugement déféré sera donc partiellement confirmé en ce qu'il a exclu la condamnation de M. [K] pour l'ensemble de l'ouvrage, sauf à préciser que cette condamnation de l'ingénieur sous-traitant doit être limitée aux désordres affectant les murs et les planchers supportant ces murs.

Sur la garantie de l'assureur Axa de M. [K],

L'article 5 de la police d'assurance souscrite par M. [K] auprès de la SA Axa France IARD stipule :

« L'assureur s'engage à prendre en charge le coût de la réparation ou du remplacement (y compris celui des travaux de démolition, déblaiement, dépose ou démontage éventuellement nécessaire) de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a contribué et dont la réception n'est pas intervenue, lorsque la responsabilité de ce dernier étant engagée en raison de dommages construction ou dommages matériels résultant d'erreurs ou d'omission dans l'accomplissement de sa mission, un tel coût lui incombe notamment en vertu des dispositions de l'article 1789 du code civil, même en l'absence de désordre. »

L'article 9 de la police étend cette garantie aux conséquences pécuniaires de la responsabilité incombant à l'assuré en raison de dommages immatériels subis par le maître de l'ouvrage et résultant d'un dommage garanti en application de l'article 5 précité.

La SA Axa France IARD prétend s'exonérer de cette garantie en faisant valoir la clause d'exclusion suivante stipulée par l'article 10.2.1 de la police qui exclut de la garantie prévue par l'article 5 « les préjudices trouvant leur origine dans l'inobservation inexcusable par l'assuré des règles de l'art, telles qu'elles sont définies par les réglementations en vigueur, les documents techniques unifiés ou les normes établis par les organismes compétents à caractère officiel ou dans le marché de travaux concerné ».

La clause précitée, bien qu'elle définisse formellement la nature des normes dont elle envisage l'inobservation inexcusable par l'assuré, ne permet cependant pas à l'assuré de déterminer avec précision ce qui constitue de sa part une inobservation inexcusable de ces normes.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a jugé que cette clause n'était pas formelle et limitée au sens de l'article L.113-1 du code de assurances et qu'elle ne pouvait donc pas exclure la garantie due par la SA Axa à M. [M].

Par ailleurs, les conditions générales du contrat d'assurance stipulent un plafond de garantie de 2 316 400 francs par sinistre, soit 353 133 euros.

Il n'est pas contesté par les parties que ce plafond devra être actualisé en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le dernier indice connu à la date de souscription en décembre 2000 du contrat (584,58) et l'indice connu au jour du présent arrêt avec application du coefficient de raccordement de 8,3802.

Sur les demandes formées par la SCI du Mas Saint Jean,

Sur la reprise des désordres,

Il ressort des conclusions du rapport d'expertise que la démolition du bâtiment suivie de sa reconstruction intégrale n'est pas une solution adaptée en l'espèce au regard de son coût financier et écologique très élevé et alors que les désordres affectant l'ouvrage peuvent être réparés sans démolition intégrale.

Aucun élément du rapport d'expertise ne permet de penser que ces travaux de réfection sont de nature à porter atteinte à la structure du bâtiment ni qu'ils risquent de créer des ponts thermiques ou d'autres désordres.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a fait le choix de procéder à l'indemnisation du maître d'ouvrage en retenant la solution de réparation d'un coût de 611 978 euros HT au lieu de la solution de démolition/reconstruction qui ne présente aucun avantage au regard de son coût très élevé de 1 080 149 euros HT.

Le coût de réparation des ouvrages défectueux est ainsi fixé par la cour d'appel conformément aux propositions techniquement justifiées et documentées présentées par l'expert judiciaire :

' 157 768 euros HT pour les travaux sur fondations, longrines, chaînage et joint de dilatation ;

' 137 345 euros HT pour la remise à neuf de la charpente ;

' 56 582 euros HT pour la remise à neuf de la terrasse couverte ;

' 214 951 euros HT correspondant aux travaux de reprise des malfaçons d'exécution ;

soit un total de 566 646 euros HT, somme à laquelle doivent être ajoutés :

' 3,8% d'honoraires de maîtrise d'oeuvre de conception : 21 532 euros HT ;

' 4,2% d'honoraires de maîtrise d'oeuvre d'exécution : 23 799 euros HT ;

Soit un coût total de 611 978 euros HT.

Pour les motifs qui ont été précédemment exposés, ces désordres ne sont que partiellement imputables à l'intervention de M. [K].

Sa responsabilité doit être limitée au seul coût de réparation des murs et des planchers de 157 768 euros HT, soit 170 389 euros HT en incluant le coût de la maîtrise d'oeuvre, montant à indexer sur l'indice BT01.

La survenue des autres chefs de préjudice (charpente, terrasse couverte et malfaçons d'exécution de l'ensemble du bâtiment) est sans aucun lien avec la mission de M. [K] qui était limitée aux murs et aux planchers.

Le jugement déféré sera donc partiellement infirmé en ce qu'il a mis à la charge de M. [K] une dette de réparation de 372 719,48 euros.

M. [K] devra indemniser la SCI du Mas Saint Jean à hauteur de seulement 170 389 euros HT (incluant la maîtrise d'oeuvre) à indexer sur l'indice BT01.

Sur les frais de conservation de l'immeuble,

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande formée contre M. [K] s'agissant de frais liés à l'étaiement de la terrasse couverte dont les désordres ne sont pas imputables à M. [K].

Sur le préjudice de jouissance,

La SARL [M] et Fils a interrompu les travaux le 20 septembre 2006 en faisant valoir la nécessité de suspendre les travaux pendant deux mois dans l'attente que le nouveau permis de construire délivré le 29 septembre 2006 devienne définitif.

La SCI du Mas Saint Jean soutient qu'elle était fondée à exiger la poursuite des travaux en donnant décharge de responsabilité aux termes de son courrier du 30 septembre 2006 adressé à la SARL [M] et Fils.

Toutefois, il ressort des pièces versées aux débats que dans sa demande de permis déposée le 26 septembre 2006, la SCI du Mas Saint Jean a « maquillé » le sous-sol habitable déjà construit en un simple vide-sanitaire. Les balcons terrasses sur la façade nord ont également été omis. Cette fraude manifeste au droit de l'urbanisme a permis au maître d'ouvrage de minorer sensiblement la SHON réellement construite.

L'article L.480-4 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable en septembre 2006, disposait que « l'exécution de travaux ou l'utilisation du sol en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier, II, IV et VI du présent livre, par les règlements pris pour son application ou par les autorisations délivrées en conformité avec leurs dispositions, exception faite des infractions relatives à l'affichage des autorisations ou déclarations concernant des travaux, constructions ou installations, est punie d'une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d'une surface de plancher, une somme égale à 6 000 euros par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable au sens de l'article L. 430-2, soit, dans les autres cas, un montant de 300 000 euros. En cas de récidive, outre la peine d'amende ainsi définie un emprisonnement de six mois pourra être prononcé. »

Le même article précise que « Les peines prévues à l'alinéa précédent peuvent être prononcées contre les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des travaux, les architectes, les entrepreneurs ou autres personnes responsables de l'exécution desdits travaux. »

En l'état de cette fraude commise par la SCI du Mas Saint Jean pour obtenir le permis de construire, la SARL [M] et Fils engageait également sa responsabilité pénale en qualité d'entrepreneur en application de l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme.

En refusant de poursuivre sa mission à partir de septembre 2006, la SARL [M] et Fils a légitimement pris en compte le risque pénal créé par la fraude du maître de l'ouvrage. Elle n'a commis aucune faute contractuelle en interrompant l'exécution du contrat et n'est donc pas responsable du retard de livraison de l'ouvrage dont la SCI du Mas Saint Jean lui demande réparation.

S'agissant de la même demande également dirigée contre M. [K], elle ne pourra qu'être rejetée en l'absence de faute démontrée à son encontre ayant contribué au retard de livraison du chantier.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la SARL [M] et Fils et M. [K] à payer à la SCI du Mas Saint Jean la somme de 2 038,87 euros par mois à partir du mois de juillet 2007 et jusqu'au paiement de l'indemnité au titre du préjudice de jouissance.

S'agissant du préjudice de jouissance supporté pendant la durée totale de 6 mois des travaux de réparation, il est évalué à hauteur de 12 233,22 euros (6 mois x 2 038,87 euros). Ce montant se décompose en deux parties :

' trois mois correspondant aux travaux de réfection des murs et des planchers, désordres imputables à la SARL [M] et Fils et à M. [K] de sorte que ce quantum de préjudice de 6 116,61 euros sera pis à la charge in solidum de MMA et de M. [K] et de la SA Axa France IARD ;

' trois mois correspondant aux autres désordres seulement imputables à la SARL [M] et Fils de sorte que MMA devra supporter seule l'autre part de 6 116,61 euros de ce préjudice de jouissance.

Sur les autres frais exposés,

Ces frais dont le paiement est demandé à hauteur de 47 979,50 euros correspondent d'une part aux honoraires d'expertise judiciaire qui relèvent des dépens, d'autre part de frais de consultations diverses dont il n'est pas démontré qu'ils résultent directement des fautes commises par la SARL [M] et Fils ou M. [K].

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a partiellement fait droit à ces demandes.

Sur les demandes accessoires,

Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens (en ce compris les frais d'expertise) et aux frais non compris dans les dépens de première instance sont confirmées.

Toutes les parties au procès succombant partiellement en appel, chacune d'elle conservera la charge des dépens dont elle a fait l'avance en cause d'appel.

L'équité commande en l'espèce de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme partiellement le jugement déféré en ce qu'il a :

' rejeté les demandes formées par la SCI du Mas Saint Jean à l'encontre de la SA MMA IARD ;

' déclaré M. [K] responsable des dommages causés à la SCI du Mas Saint Jean tenant au non respect des normes parasismiques ;

' condamné in solidum M. [T] [K] et la SA Axa à payer à la SCI du Mas Saint Jean les sommes de 402 537,04 euros, de 2 038,87 euros/mois entre juillet 2007 et la date de paiement de l'indemnité, 12 233,22 euros de préjudice de jouissance pendant les travaux et 47 979,50 euros pour les autres frais exposés ;

' dit que l'intérêt au taux légal sur ces indemnité courrait à compter de la date du jugement ;

' rejeté les demandes formées par M. [T] [K] et la SA Axa France IARD contre la SA MMA IARD pour les chefs de préjudice immatériel ;

Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions ;

Statuant à nouveau sur les seul chefs infirmés,

Condamne solidairement M. [T] [K] et la SA Axa France IARD à payer à la SCI du Mas de Saint Jean 170 389 euros HT pour les travaux de reprise des murs et des planchers, avec indexation sur l'indice BT01 entre le 3 mars 2011 et la date du présent arrêt ;

Condamne in solidum la SA MMA IARD et M. [T] [K] et la SA Axa France IARD (ces deux derniers pris solidairement) à payer à la SCI du Mas Saint Jean 6 116,61 euros en réparation du préjudice de jouissance subi pendant les travaux ;

Dit que la répartition définitive de la charge de cette somme se fera par moitié : 3 058,30 euros à la charge de la SA MMA IARD et 3 058,30 euros à la charge de M. [T] [K] et de la SA Axa France IARD ;

Condamne la SA MMA IARD à payer à la SCI du Mas Saint Jean 6 116,61 euros en réparation du préjudice de jouissance subi pendant les travaux ;

Dit que ces trois chefs de condamnations seront assortis de l'intérêt au taux légal à compter de la date du présent arrêt ;

Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens d'appel dont elle a fait l'avance ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Déboute les parties de leurs plus amples demandes.

Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 17/01910
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;17.01910 ?
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