Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 15 SEPTEMBRE 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 17/00878 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NA5G
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 13 DECEMBRE 2016
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 15/00735
APPELANTE :
SCI TINY, immatriculée au RCS de Montpellier sous le N° 439 249 889, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social.
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Corine PIVARD de la SCP BRUNEL/PIVARD/REGNARD, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Thomas BRUNEL, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Monsieur [X] [C]
né le 31 Mai 1984 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Karine BEAUSSIER ROCHEBLAVE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Maître [H] [T]
[Adresse 8]
[Localité 5]
Représenté par Me Gilles LASRY de la SCP D'AVOCATS BRUGUES - LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER
SARL ABESSAN IMMOBILIER, immatriculée au RCS de MONTPELLIER sous le n°450 689 286, prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au siège social.
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Amélie CECCOTTI, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 01 Février 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 FEVRIER 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée, chargée du rapport. et M. Fabrice DURAND, Conseiller.
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de Président
M. Fabrice DURAND, Conseiller
Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée par ordonnance du premier président en date du 01 décembre 2021.
Greffier, lors des débats : Mme Sabine MICHEL
ARRET :
- contradictoire,
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour fixée au 21 avril 2022 prorogée au 30 juin 2022 puis au 15 septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de Président et par Mme Sabine MICHEL, Greffier.
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EXPOSE DU LITIGE
La SCI Tiny était propriétaire de deux lots de copropriété de l'immeuble situé [Adresse 8] à savoir le lot n°17, appartement 109 et le lot n°19 appartement 111.
Le 8 février 2006, M. [X] [C] a signé un compromis de vente avec la société Tiny, par l'intermédiaire de l'agence Abessan Immobilier portant sur l'acquisition d'un studio loué, au premier étage, [Adresse 8] .
La vente a été régularisée par acte authentique du 4 mai 2006 reçu par Me [H] [T], notaire, pour un prix de 48 000 euros, portant sur le lot numéro 19, au premier étage, portant sur un logement de type studio donnant sur une cour intérieure comprenant un coin cuisine et une salle de bains avec WC.
Par exploit du 19 janvier 2015, M. [C], considérant que le lot dont il a pris possession n'était pas le lot vendu, a assigné la SCI Tiny ainsi que Me [T], notaire rédacteur de l'acte, en nullité de la vente et restitution du prix avec intérêts depuis la date de l'assignation.
Par acte d'huissier de justice du 5 juin 2015, Me [T], notaire, a assigné l'agence immobilière Abessan Immobilier aux fins qu'elle soit condamnée à le relever et à le garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.
Les instances ont été jointes.
Par jugement réputé contradictoire du 13 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Montpellier a :
- déclaré nulle la vente réalisée selon acte du 4 mai 2006 de Me [H] [T] ;
- ordonné la publication du jugement à la conservation des hypothèques de [Localité 5] ;
- condamné la SCI Tiny à restituer le prix de vente à M. [X] [C], soit la somme de 48 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2015, date de l'assignation ;
- condamné M. [X] [C] à restituer l'appartement (lot n°19 au sein de l'ensemble immobilier cadastré section [Cadastre 7], [Adresse 8]) à la SCI Tiny ;
- condamné in solidum la SARL Abessan Immobilier, la SCI Tiny et Me [H] [T], notaire, à payer à M. [X] [C] :
- 2 443 euros au titre des frais d'actes,
- 4 000 euros au titre des frais d'agence,
- 2 000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral,
- condamné in solidum la SARL Abessan Immobilier, la SCI Tiny et Me [H] [T], notaire, à payer à M. [X] [C] la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles,
- ordonné l'exécution provisoire,
- rejeté le surplus,
- condamné in solidum la SARL Abessan Immobilier, la SCI Tiny et Me [H] [T] aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais de publication des actes, dont le présent jugement.
Le 15 février 2017, la SCI Tiny a interjeté appel du jugement à l'encontre de M. [X] [C], M. [H] [T] et la SARL Abessan Immobilier.
Vu les conclusions de la SCI Tiny remises au greffe le 28 janvier 2022 ;
Vu les conclusions de la SARL Abessan Immobilier remises au greffe le 24 août 2021 ;
Vu les conclusions de Me [H] [T], Notaire, remises au greffe le 25 août 2017 ;
Vu les conclusions de M. [X] [C], remises au greffe le 30 juin 2017.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur la responsabilité des intervenants à la vente
La SCI Tiny sollicite l'infirmation partielle du jugement qui a retenu sa responsabilité et l'a condamnée, in solidum au paiement des frais d'acte, d'agence et de réparation du préjudice moral de M. [C]. Elle fait valoir que la vente à M. [C], à qui elle a remis les clés concernait le lot 17 correspondant à l'appartement 109, loué à M.[J] [D] et que l'agence immobilière avait fait visiter. Elle conclut que l'erreur a été commise par le notaire Me [T], qui a confondu l'appartement 111 du lot n°19 et l'appartement 109 du lot n°17.
La SARL Abessan Immobilier à titre principal demande, à titre incident, l'infirmation partielle du jugement qui l'a condamnée in solidum avec la société Tiny et Me [T] à indemniser M. [C] des frais d'agence, des frais d'acte et de préjudice moral. Elle soutient n'avoir commis aucune faute lors de la signature du compromis et demande sa mise hors de cause. Elle affirme avoir indiqué dans le compromis de vente le bon appartement et avoir suivi les instructions de son mandant. A titre subsidiaire elle demande de constater l'absence de préjudice indemnisable à sa charge et fait valoir qu'elle n'a pas à indemniser la restitution du prix de vente.
M. [X] [C] sollicite la confirmation du jugement qui prononce la nullité de la vente régularisée par acte du 4 mai 2006 reçu par Me [T]. Il sollicite la condamnation de la SCI Tiny à la restitution du prix, soit la somme de 48 000 euros assortis des intérêts depuis la délivrance de l'assignation et des condamnations in solidum en réparation prononcées à l'encontre de la SCI Tiny, la SARL Abessan Immobilier et Me [T].
A titre incident, il demande leur condamantion in solidum à leur régler la somme de 4 463,52 euros en remboursement des charges de copropriété jusqu'en 2014 et 845,84 euros en 2015/2016 ainsi qu'aux taxes foncières pour la somme de 3 230 euros, à 1 668,65 euros, correspondant au paiement des travaux exécutés dans l'appartement et 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.
A titre subsidiaire, il sollicite que soit prononcée la résolution de la vente pour défaut de livraison.
Me [H] [T], à titre incident conclut à l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions. Il demande à ce que M. [C] soit débouté de ses demandes.
Il soutient qu'il n'a commis aucune faute et qu'il n'est pas le rédacteur du compromis de vente préparé par l'agence Abessan Immobilier qui a inversé les lots, qu'il n'était pas tenu de se déplacer sur place et ne disposait d'aucun moyen de se rendre compte de l'inversion des lots. Il fait valoir que M. [C] porte une part de responsabilité puisqu'il s'est reconnu propriétaire du lot n°19 en signant le 20 février 2014 une promesse de vente avec la SERM pour un prix de 17 000 euros. Il considère que M. [C] ne justifie d'aucun préjudice en relation directe de causalité et qu'il n'appartient pas au notaire de rembourser le prix de vente en lieu et place de la SCI Tiny qui l'a perçu en l'absence d'insolvabilité avérée.
A titre subsidiaire, il sollicite la condamnation de l'agence Abessan Immobilier et la SCI Tiny à le relever et garantir de toutes les condamnations pouvant être prononcées à son encontre et de débouter la SCI Tiny et l'agence Abessan Immobilier de leurs prétentions dirigées à l'égard de l'office notarial.
I/ Sur la saisine de la cour
En application de l'article 954 al 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées par les parties dans leur dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que si ils sont invoqués dans la discussion.
Selon ce texte la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions déposées.
A titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, les demandes tendant simplement à voir « constater », « rappeler » ou « dire et juger » ne constituent pas des demandes en justice visant à ce qu'il soit tranché un point litigieux mais des moyens, de sorte que la cour n'y répondra pas dans le dispositif du présent arrêt notamment concernant la responsabilité et faute in solidum sur les dommages et intérêts équivalents à la restitution du prix.
II/ Sur la responsabilité
Il ressort de l'examen des pièces, qu'au terme d'un compromis établi le 8 février 2006 par la SARL Abessan Immobilier, la SCI Tiny vend à M. [X] [C] "un studio au 1er étage en l'état loué [Adresse 8]" moyennant le prix de 48 000 euros.
La vente est réitérée par acte authentique de Me [H] [T], notaire à [Localité 5] du 4 mai 2006. L'acte stipule la vente du lot 19 désigné dans le paragraphe "Désignation des biens" "Au 1er étage, un logement de type studio donnant sur une cour intérieure comprenant coin cuisine et une salle de bains avec WC".
L'acte mentionne "Le bien est actuellement loué au profit de M. [D] [J] pour un usage d'habitation aux terme d'un bail sous signatures privées pour une durée ayant commencé à courir le 21 février 2005" et qu'il a été acquis par la SCI Tiny de M. [U] [E] par acte de Me [S] du 19 juin 2003 au prix de 53 509 euros.
Le contrat de location et l'assurance multirisque établis au nom de M. [D] [J] mentionnent la location du lot 109.
Selon acte reçu par Me [P] [R], notaire à Montpellier des 30 août et 4 septembre 2012, la SCI Tiny vend à la société SERM le lot 17 "au premier étage de l'immeuble, la propriété exclusive et particulière d'une chambre avec salle de bain WC, un placard portant le numéro 109 du plan du premier étage""d'une surface de 16,01 m2". L'acte mentionne que le bien ne fait l'objet d'aucune location et qu'il a été acquis par la SCI Tiny de M. [U] [E] par acte de Me [S] du 19 juin 2003 au prix de 53 509 euros.
Selon acte sous signatures privées du 20 février 2014, M. [X] [C] promet de vendre à la SERM, le lot 19 pour le prix de 17 000 euros.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 19 juillet 2014, M. [X] [C] informe Me [T] qu'à la suite d'un changement de syndic en 2013, il a reçu un plan de l'immeuble qui ne lui avait jamais été communiqué qui mentionne que l'appartement 109 qu'il a toujours occupé, situé entre le numéro 108 et le numéro 110 n'est pas le lot 19, a fait l'objet d'un changement de serrure par la SERM.
Le plan du premier étage de la copropriété mentionne le lot 19, numéro d'appartement 110 et le lot 17 numéro d'appartement 109.
Selon attestation de Me [S], la SCI Tiny cède le 31 mars 2021 le lot 19 à la SAEM.
Sur les responsabilités
-Sur la responsabilité du notaire
Il est constant que les obligations du notaire qui tendent à assurer l'efficacité d'un acte instrumenté par lui et qui constituent le prolongement de sa mission de rédacteur d'acte relèvent de sa responsabilité délictuelle, dont son obligation de conseil érigé en devoir légal implicite.
Les notaires doivent, avant de dresser les actes, procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer l'utilité et l'efficacité des actes auxquels ils prêtent leur concours (Civ, 1ère, 4 janvier 1996 bull n° 7).
Il résulte de ces constatations, qu'une erreur a été commise lors de la rédaction de l'acte de vente du 4 mai 2006, qui a inversé le lot 17 appartement numéro 109, avec le lot 19, appartement numéro 111.
Contrairement à ce que soutient Me [H] [T] dans ses conclusions, ce dernier tenu d'assurer l'authentification de ses actes et d'en assurer leur efficacité, s'il n'était pas tenu de se rendre sur place, devait vérifier la réalité et situation du bien cédé, s'agissant d'un lot de copropriété notamment quant au plan qui aurait du être annexé et à la répartition des lots dans le règlement de copropriété par rapport aux numéros d'appartements, élément figurant dans le compromis de vente et dans tous les documents, notamment locatifs.
Le fait que le vendeur et l'agence immobilière n'aient pas relevé l'erreur, ne dispense pas le notaire de son obligation de procéder à la vérification de la situation juridique du bien.
C'est à juste titre que le tribunal a retenu la responsabilité de Me [H] [T] dans l'erreur du bien cédé qui était le lot 17 appartement 109 loué à M. [D] [J] et non le lot 19 appartement 111.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
- Sur la responsabilité de la SARL Abessan Immobilier
En qualité d'agent immobilier la SARL Abessan Immobilier a une obligation de conseil et de vérification de l'immeuble et de vérification de l'efficacité juridique des actes de compromis qu'il établit. Il a engagé sa responsabilité en ne mentionnant que le numéro d'appartement et ne vérifiant pas la situation du bien tel que l'a retenu le premier juge.
En conséquence le jugement sera confirmé de ce chef.
-Sur la responsabilité de la SCI Tiny
La société Tiny en sa qualité de vendeur a commis une faute en ne procédant pas à la vérification du lot vendu, qu'elle a cédé deux fois en 2006 et 2014.
Propriétaire de deux appartements au même étage du même immeuble, la société Tiny devait, en exécution de son obligation contractuelle de bonne foi, vérifier la réalité du lot vendu, qui était loué et sur lequel il ne pouvait normalement y avoir de confusion.
En conséquence, c'est à juste titre que le jugement a retenu sa responsabilité et le jugement sera confirmé de ce chef.
III/ Sur le préjudice
Le lien causal, qui est un élément autonome de la responsabilité, doit être établi par le demandeur.
Me [H] [T], la SARL Abessan Immobilier et la SCI Tiny ont chacun contribué à induire M. [X] [C] en erreur et au préjudice subi par ce dernier.
Contrairement à ce que soutient Me [H] [T], c'est à juste titre que le jugement a prononcé leur condamnation in solidum à lui rembourser le montant des frais d'acte à hauteur de 2 443 euros et 4 000 euros de frais d'agence, s'agissant d'un préjudice direct, résultant de la faute du notaire rédacteur de l'acte authentique de vente et le préjudice moral subi par M. [X] [C] du fait des désagréments résultant de cette erreur, que le jugement a fixé à 2 000 euros .
Ce dernier en qualité de rédacteur de l'acte authentique, ne pouvait se limiter à la reprise de la description du compromis, sans procéder à ses propres constatations et était tenu de s'assurer de l'efficacité de son acte, peut importe la connaissance de la SCI Tiny et ne peut prétendre à être relevé et garanti par ces dernières, compte tenu de leur contribution respective et de l'obligation du notaire, intervenant final de l'opération.
A l'appui de sa demande en réparation des charges de copropriété, des impôts fonciers et des frais réalisés dans l'appartement, M. [X] [C] qui a perçu les loyers et les charges du locataire ne justifie pas du lien de causalité entre ces frais correspondant à l'usage de l'appartement de 2006 à 2015 et la faute commise par Me [H] [T], de la SARL Abessan Immobilier et de la SCI Tiny.
Il n'est produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le jugement qui a rejeté la demande de remboursement de ces charges de copropriété, impôts fonciers et frais d'entretien ainsi que la demande complémentaire de 2 000 euros de préjudice moral, pour lequel il n'est produit aucun justificatif complémentaire.
En conséquence, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions dévolues à la cour ;
Déboute la société Tiny de l'ensemble de ses demandes ;
Déboute Me [H] [T] de l'ensemble de ses demandes ;
Déboute la SARL Abessan Immobilier de l'ensemble de ses demandes
Déboute M. [X] [C] de ses autres demandes ;
Condamne la société Tiny aux dépens d'appel et à payer à M. [X] [C] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais engagés en cause d'appel.
Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président,