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13/09/2022 | FRANCE | N°19/06091

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 13 septembre 2022, 19/06091


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/06091 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OKGZ



ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 16 MAI 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS

N° RG 16/02349





APPE

LANT :



Monsieur [G] [H]

né le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représenté par Me Cécile NEBOT, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant et par Me Julie URCISSIN, avocat au barreau de ROANNE substituant M...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/06091 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OKGZ

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 16 MAI 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS

N° RG 16/02349

APPELANT :

Monsieur [G] [H]

né le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représenté par Me Cécile NEBOT, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant et par Me Julie URCISSIN, avocat au barreau de ROANNE substituant Me Géraldine PERRET de la SELARL ROBERT, avocat au barreau de ROANNE, avocat plaidant

INTIMEE :

Madame [R] [W]

née le [Date naissance 2] 1987 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Mélanie BAUDARD, avocat au barreau de BEZIERS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/016693 du 06/11/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTERVENANT FORCÉ :

Société MIC DAC, société de droit irlandais, anciennement dénommée MEDICAL INSURENCE COMPANY DESIGNATED ACTIVITY COMPANY faisant élection de domicile au cabinet de Me Denis BERTRAND avocat

[Adresse 3]

[Localité 8] - IRELAND

Représentée par Me Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER

Irrecevabilité de l'assignation en intervention forcée du 9/12/2019 par ordonnance du magistrat de la mise en état rendue le 26/01/2021

Ordonnance de clôture du 24 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 JUIN 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, conseiller

Monsieur Emmanuel GARCIA, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Hélène ALBESA

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, président de chambre, et par Madame Hélène ALBESA, greffier.

*

**

Le docteur [G] [H] a réalisé durant une hospitalisation du 8 au 10 juin 2009 une mammoplastie d'augmentation au bénéfice de [R] [W], et sur une insatisfaction de la patiente a réalisé une nouvelle opération du 20 au 22 juillet 2010.

Après un rapport d'expertise judiciaire déposé le 12 novembre 2014 relevant seulement un aléa thérapeutique, [R] [W] a fait citer le docteur [G] [H] pour rechercher sa responsabilité et l'indemnisation de ses préjudices.

Le jugement rendu le 16 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Béziers énonce dans son dispositif :

Dit que [G] [H] a commis une faute dommageable au préjudice de [R] [W] dans le cadre des deux opérations mammaires.

Condamne [G] [H] à payer à [R] [W] les sommes suivantes :

460 € au titre du déficit fonctionnel temporaire total

6000 € au titre des souffrances temporaires endurées

3000 € au titre du préjudice esthétique permanent.

Déboute [R] [W] de ses autres demandes.

Condamne [G] [H] à payer la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens compte-tenu de l'aide juridictionnelle totale au bénéfice de [R] [W].

Le jugement retient la faute du médecin dans le défaut d'information nécessaire au-delà du devis de l'intervention.

Il retient la faute médicale à l'origine de « vagues disgracieuses », en ce que les prothèses auraient dû être placées en arrière du muscle grand pectoral et non sous la peau.

La cour renvoie à la lecture des motifs du jugement sur l'appréciation de l'indemnisation du préjudice, dans laquelle il a rejeté particulièrement les demandes d'un préjudice sexuel et d'un préjudice d'agrément à défaut de preuve suffisante en lien de causalité.

[G] [H] a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 5 septembre 2019.

Par acte du 9 décembre 2019, [G] [H] a fait appeler en intervention forcée la SA Médical Insurence Company.

Une ordonnance du magistrat de la mise en état du 26 janvier 2021 a déclaré irrecevable l'assignation en intervention forcée.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 24 mai 2022.

Les dernières écritures pour [G] [H] ont été déposées le 5 octobre 2021.

Les dernières écritures pour [R] [W] ont été déposées le 30 juin 2020.

Le dispositif des écritures pour [G] [H] énonce :

Ordonner à [R] [W] d'appeler en cause sa caisse de sécurité sociale.

Infirmer la décision, et débouter [R] [W] de ses demandes.

À titre subsidiaire désigner un expert pour déterminer les responsabilités, et les préjudices.

Condamner [R] [W] à verser la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens comprenant les frais de l'expertise, dont distraction au bénéfice de l'avocat.

[G] [H] expose que sur l'assignation en référé aux fins d'expertise il a saisi son assurance qui a d'abord mandaté un conseil puis a dénié sa garantie, qu'il a pris sa retraite à l'été 2014 et n'a pas été tenu au courant des opérations d'expertise, et n'a pas non plus été touché par l'assignation au fond, de sorte qu'il n'a pas pu présenter sa défense en première instance. Il subit également en appel le défaut de diligence de son avocat qui a conduit à l'irrecevabilité de l'intervention forcée de l'assureur.

Il demande la mise en cause de l'organisme social du patient obligatoire par l'application du code de la sécurité sociale.

Il conteste la faute sur le défaut d'information, en produisant la fiche de consentement éclairé signée par la patiente le 9 avril 2009, plusieurs semaines avant l'intervention, en ajoutant qu'elle a bénéficié de deux consultations préalables.

Il conteste la faute médicale qui ne peut être établie sur la constatation de ne pas avoir obtenu le résultat escompté, alors que dans l'espèce même, l'expert judiciaire n'a retenu qu'un aléa thérapeutique, alors que la patiente n'a pas respecté la prescription du port de soutien-gorge.

Il expose que l'appréciation de l'expert d'une mauvaise indication chirurgicale de la pose des prothèses d'un volume important en position pré-pectorale au lieu de rétro-pectorale n'est appuyée sur aucune littérature médicale, alors qu'il a fait un choix validé par une école de pensée médicale dans la matière.

La cour renvoie les parties à la lecture des écritures pour la discussion sur l'évaluation des préjudices.

[G] [H] propose à titre subsidiaire une mesure d'expertise judiciaire dans la mesure où il n'a pas pu exercer une défense contradictoire dans le cadre de celle déjà ordonnée, alors que les actes étaient délivrés à l'adresse de son ancien cabinet professionnel qu'il avait quitté à sa retraite.

Le dispositif des écritures pour [R] [W] énonce :

Confirmer le jugement, sauf sur les montants d'indemnisation.

Statuant à nouveau par appel incident, condamner [G] [H] à payer les sommes suivantes :

460 € au titre du déficit fonctionnel temporaire et partiel

10 000 € au titre des souffrances endurées

6000 € au titre du préjudice esthétique

2000 € au titre du préjudice sexuel.

Condamner [G] [H] à payer la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens de première instance d'appel en ce compris les frais d'expertise, distraits au profit de l'avocat.

[R] [W] expose avoir constaté rapidement après l'intervention une différence de hauteur entre les deux seins, qu'elle avait respecté l'indication post-opératoire de port du soutien-gorge, que son docteur lui a indiqué que compte tenu du volume des prothèses elles n'auraient pas dû être placées en avant du muscle, que malgré la deuxième intervention l'évolution sera défavorable.

Elle indique que le docteur [H] n'a jamais communiqué sa nouvelle adresse après sa retraite, que son avocat était présent dans la procédure de référé, qu'il n'a pas été fourni non plus de nouvelle adresse pour l'assignation au fond, qu'elle n'est pas responsable du défaut de diligence du conseil du docteur [H].

Sur l'obligation d'information, [R] [W] soutient que le document de consentement éclairé du 9 avril 2009 a un caractère standardisé qui ne dégage pas le médecin de son obligation d'information spécifique, et dans l'espèce ne couvre pas l'obligation d'information pour la deuxième intervention, qu'il n'est pas justifié d'un délai de réflexion avec un nouveau rendez-vous de consultation à ce titre.

Sur la faute médicale, elle soutient l'exigence d'une obligation de moyen renforcé du chirurgien esthétique, s'agissant d'interventions qui n'ont pas un caractère nécessaire de santé. Elle constate que l'expert judiciaire a relevé une mauvaise indication chirurgicale.

Elle conteste l'indication par l'expert d'un aléa thérapeutique alors qu'elle considère que la prothèse a été initialement posée à l'envers comme l'a observé son médecin. En tout état de cause, la présence de plis disgracieux n'est pas un aléa thérapeutique.

La cour renvoie les parties à la lecture complète des écritures pour la discussion des montants d'indemnisation de préjudice.

MOTIFS :

Sur la mise en cause de la CPAM

Le code de la sécurité sociale indique que la victime doit appeler la caisse de sécurité sociale en déclaration de jugement commun, et la sanction énoncée du défaut d'appel en cause est la possibilité de demander la nullité du jugement pour l'organisme social ou le tiers responsable lorsqu'ils y auront intérêt.

Il en résulte que [G] [H] n'est pas fondé à demander au juge d'ordonner la mise en cause sur la base d'un texte qui ouvre une réponse distincte qui n'est pas mise en 'uvre dans cette instance.

La cour rejette la prétention.

Sur la responsabilité des dommages

Le rapport de l'expertise judiciaire ordonnée au contradictoire des parties, dont la validité des investigations techniques ne peut pas être sérieusement mise en cause du fait de l'absence du docteur [H] qui a été régulièrement convoqué par l'expert à la dernière adresse connue dans une instance en référé où il était représenté par un avocat, énonce notamment :

Les deux interventions en juin 2009 et en juillet 2010 semblent avoir été réalisées techniquement selon les données acquises de la science.

La pose de prothèses en sous-cutanée est une technique validée, mais dans le cas présent avec des prothèses de fort volume, il est admis qu'il faut mettre les prothèses non pas sous la peau, mais sous le muscle grand pectoral pour dissimuler au mieux d'éventuels plis prothétiques ; il y a donc une mauvaise indication chirurgicale.

Le fait qu'une prothèse se retourne est un aléa thérapeutique.

La pose des prothèses en avant du muscle est directement en rapport avec la présence de vagues disgracieuses.

La malposition de la prothèse ayant justifié la réintervention est un aléa thérapeutique, mais la présence de plis disgracieux résulte d'une technique chirurgicale non adaptée à la grosseur des prothèses.

La cour en déduit comme le premier juge mais avec ses motifs propres, que l'expertise judiciaire a identifié sans ambiguïté une faute médicale dans le choix d'une technique chirurgicale valide mais qui n'était pas adaptée à la pose de prothèses de fort volume sur la morphologie de cette patiente.

L'indication d'un aléa thérapeutique n'est évoquée par l'expert que sur la malposition de la prothèse qui a fait l'objet d'une reprise dans la seconde intervention du docteur [H].

Le docteur [H] ne produit aucune pièce au-delà des affirmations de ses écritures de nature à critiquer la constatation par l'expert judiciaire d'une faute médicale caractérisée par le mauvais choix de technique chirurgicale.

Par ailleurs le premier juge a retenu également une faute de défaut d'information en relevant que si un devis a été communiqué le 9 avril 2009, aucune information n'a été délivrée par le médecin.

Cependant, devant la cour, le docteur [H] produit à la date du devis un document signé par la patiente de consentement éclairé qui décrit la connaissance des risques, de sorte que les prescriptions de l'article L 6322-2 du code de la santé publique d'une information du praticien responsable des conditions de l'intervention, des risques et éventuelles conséquences et complications, accompagnée de la remise d'un devis détaillé, ont été respectées dans un délai suffisant de deux mois avant l'intervention pour permettre à la patiente de valider le choix.

Le caractère de document dactylographié préétabli du consentement éclairé n'affecte pas sa validité dès lors qu'il comporte toutes les indications nécessaires à l'évaluation des risques et la signature de la patiente qui reconnaît en avoir pris intégralement connaissance.

Pour autant, la faute médicale relevée suffit à retenir la responsabilité des dommages par le docteur [H].

Sur les préjudices

Le dispositif des écritures de [G] [H] qui limite l'objet des prétentions soumises au juge ne comporte aucune demande de réformation des montants alloués en première instance, mais seulement une demande subsidiaire de désigner à nouveau un expert judiciaire, inopérante sans critique particulière de la qualité du déroulement procédural et technique des opérations d'expertise.

[R] [W] demande en revanche par appel incident une augmentation des montants alloués, à la somme de 10 000 € au titre des souffrances endurées indemnisées à hauteur de 6000 €, à la somme de 6000 € au titre du préjudice esthétique indemnisé à hauteur de 3000 €, et l'indemnisation rejetée en première instance d'un préjudice sexuel pour lequel elle demande la somme de 2000 €.

La cour confirme par adoption des motifs pertinents du premier juge auxquels elle renvoie les parties pour une lecture complète l'appréciation des montants alloués conformes à la sécurité juridique de sa jurisprudence au titre des souffrances endurées évaluées par l'expert à 3/7, et au titre du préjudice esthétique évalué par l'expert à 2/7.

La cour note dans le rapport de l'expert judiciaire « la patiente nous dit ne pas souffrir de retentissement sexuel de cette plastie mammaire, mais nous déclare garder son soutien-gorge lors des rapports ».

Le premier juge a rejeté la prétention en relevant que la patiente n'argumentait pas dans ce domaine de préjudice. La cour constate que les écritures pour [R] [W] ne développent aucune argumentation particulière distincte à l'appui de la prétention, de sorte que la cour confirme le rejet prononcé par le premier juge.

Sur les autres prétentions

La cour confirme en conséquence du rejet des prétentions de l'appelant les condamnations prononcées par le premier juge au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est équitable de mettre à la charge de [G] [H] qui succombe dans son appel une part des frais non remboursables exposés en appel par [R] [W], pour un montant de 2500 €.

[G] [H] supportera les dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement rendu le 16 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Béziers,

Condamne [G] [H] à payer à [R] [W] la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel,

Condamne [G] [H] aux dépens de l'appel.

le greffier, le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/06091
Date de la décision : 13/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-13;19.06091 ?
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