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13/09/2022 | FRANCE | N°19/02625

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 13 septembre 2022, 19/02625


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/02625 - N° Portalis DBVK-V-B7D-ODRA







Décision déférée à la Cour :

Jugement du 26 FEVRIER 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 17/04362





APPEL

ANT :



Monsieur [S] [I]

né le [Date naissance 7] 1954

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant substitué par Me Doaä BENJABER, avocat au barreau de MONTPELL...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/02625 - N° Portalis DBVK-V-B7D-ODRA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 26 FEVRIER 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 17/04362

APPELANT :

Monsieur [S] [I]

né le [Date naissance 7] 1954

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Arnaud LAURENT de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant substitué par Me Doaä BENJABER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIMES :

Monsieur [R] [F]

né le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 13]

Représenté par Me Claire EVEZARD substituant Me Jean-Louis DEMERSSEMAN de la SELARL ACCESSIT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Benjamin NATAF, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant

OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDI CAUX (ONIAM) pris en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représentée par Me Jean-Michel CHARBIT de la SCP JURI-OC, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant non plaidant

SA MACSF prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège

[Adresse 11]

[Localité 8]

Représenté par Me Claire EVEZARD substituant Me Jean-Louis DEMERSSEMAN de la SELARL ACCESSIT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et par Me Benjamin NATAF, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant

Mutualité MSA DU LANGUEDOC Mutualité Sociale Agricole LANGUEDOC MSA - SIREN 520 335 514 (n° SS de l'affilié : 1 54 03 34 038 004) prise en la personne de son représentant en exercice, domicilié ès qualités au siège social sis

[Adresse 1]

[Localité 6]

Assignée le 24/5/19 à personne habilitée

Ordonnance de clôture du 24 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 JUIN 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, conseiller

Monsieur Emmanuel GARCIA, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Hélène ALBESA

ARRET :

- réputé contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Le 27 janvier 2014, [S] [I], qui était atteint de lombalgies bilatérales, a bénéficié d'une laminectomie, qui consiste à supprimer une ou plusieurs lames vertébrales, et d'une discectomie de L3-L4, qui consiste à supprimer une hernie discale, réalisées par le docteur [G], au sein de la clinique du Millénaire, à [Localité 13] (34).

Le 28 janvier 2014, [S] [I] a reçu une injection de Lovenox, qui est un anticoagulant, de la famille des héparines.

Dans les suites, il s'est plaint de paresthésies et de douleurs dans les membres inférieurs. En fin de journée, un scanner lombaire a révélé un hématome épidural, qui a été évacué en urgence par le docteur [G].

À 23 heures, sur prescription du docteur [R] [F], [S] [I] a reçu une nouvelle injection de Lovenox.

Dans la nuit du 28 au 29 janvier 2014, [S] [I] s'est plaint de nouvelles douleurs, d'une anesthésie du périnée et des membres inférieurs, puis d'un déficit moteur.

Le 29 janvier 2014, le docteur [G], constatant la paraplégie de [S] [I], a prescrit un bilan complet de la coagulation et un IRM, lequel a révélé l'existence d'un nouvel hématome.

A 13 heures, le docteur [P] a procédé à l'évacuation de l'hématome épidural.

Le lendemain, la motricité de [S] [I] s'est progressivement améliorée.

Le docteur [X] lui a alors prescrit une nouvelle injection de Lovenox.

Le 31 janvier 2014, l'IRM réalisée a mis en évidence une nouvelle récidive d'hématome épidural, pour lequel le docteur [G] a procédé à une troisième reprise chirurgicale.

Dans les suites, [S] [I] a constaté une récupération progressive des sensations et de la motricité.

Le 3 octobre 2014, [S] [I] a adressé à la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) du Languedoc-Roussillon une demande d'expertise.

Par avis en date du 7 octobre 2014, les docteurs [O] et [Z] ont été désignés en qualité d'experts.

A la lecture des conclusions expertales, par avis avant consolidation en date du 1er juin 2015, la CCI du Languedoc-Roussillon a considéré, d'une part, que l'accident médical non fautif dont a été victime [S] [I] ouvrait droit à la réparation des préjudices qui en découlaient au titre de la solidarité nationale, dans la limite de 50 %, d'autre part, que le comportement fautif du docteur [R] [F] engageait sa responsabilité et ouvrait droit à la réparation des préjudices qui en découlaient, dans la limite de 50 %.

L'ONIAM a adressé à [S] [I] une offre d'indemnisation transactionnelle provisionnelle, d'un montant total de 3 818,12 euros au titre des souffrances endurées et du déficit fonctionnel temporaire, pour la période allant du 31 janvier au 3 décembre 2014, qui a été acceptée et signée par ce dernier, le 22 octobre 2015, et réglée par l'ONIAM, le 17 novembre 2015.

Le 6 novembre 2015, [S] [I] a de nouveau saisi la CCI du Languedoc-Roussillon, laquelle a désigné les docteurs [O] et [Z] en qualité d'experts afin de procéder à l'évaluation définitive de ses préjudices.

Par la suite, l'ONIAM a adressé à [S] [I] une seconde offre d'indemnisation transactionnelle partielle, d'un montant 6 707,87 euros, remplacée le 22 novembre 2016 par une offre transactionnelle définitive, d'un montant total de 55 274,78 euros.

Par courrier du 20 janvier 2017, l'assureur du docteur [R] [F], la MACSF, a également adressé à [S] [I] une offre d'indemnisation transactionnelle.

Jugeant ces offres insuffisantes, par assignation du 2 février 2017, [S] [I] a saisi le tribunal de grande instance de Montpellier, siégeant en la forme des référés, afin de voir l'ONIAM et la MACSF condamnés à lui verser une indemnisation provisionnelle de 100 000 euros au titre de ses préjudices professionnels, outre les sommes proposées aux termes des deux offres contestées.

Par une ordonnance du 23 mars 2017, le juge des référés a condamné l'ONIAM à verser à [S] [I] la somme de 55 274,78 euros, correspondant au montant de l'offre définitive de l'office, ainsi que la MACSF à lui verser la somme de 102 769,75 euros, à titre provisionnel.

Par une assignation en date du 21 juillet 2017, les époux [I] ont fait assigner le docteur [R] [F] et son assureur, la MACSF, l'ONIAM et la MSA du Languedoc, aux fins de liquidation intégrale de leurs préjudices.

Le jugement rendu le 26 février 2019 par le tribunal de grande instance de Montpellier énonce dans son dispositif :

'Dit que le préjudice corporel de [S] [I] s'établit comme suit :

'Dépenses de santé actuelles : 4 668,73 euros,

'Frais divers : 653,57 euros,

'Assistance par tierce personne : 255,00 euros,

'Pertes de gains professionnels actuels : 23 486,57 euros,

'Dépenses de santé futures : 40 757,87 euros,

'Pertes de gains professionnels futurs : rejet,

'Incidence professionnelle : 4 000,00 euros,

'Logement adapté : 19 491,71 euros,

'Véhicule adapté : 4 769,70 euros,

'Déficit fonctionnel temporaire : 6 359,50 euros,

'Souffrances endurées :15 000,00 euros,

'Préjudice esthétique temporaire : 500,00 euros,

'Déficit fonctionnel permanent : 48 000,00 euros,

'Préjudice esthétique permanent : 1 500,00 euros,

'Préjudice d agrément : 10 000,00 euros,

'Préjudice sexuel : 10 000,00 euros ;

'Dit que le préjudice corporel de [S] [I] ainsi établi résulte pour partie d'un accident médical non fautif et, pour une autre, d'une faute médicale du docteur [R] [F], à hauteur de 50 % d'imputabilité chacun ;

'Condamne en conséquence in solidum le docteur [R] [F] et la MACSF à payer à [S] [I] les sommes suivantes :

'Dépenses de santé actuelles : 2 334,37 euros,

'Frais divers : 326,78 euros,

'Assistance par tierce personne : 127,50 euros,

'Pertes de gains professionnels actuels : 11 743,28 euros,

'Dépenses de santé futures : 20 378,93 euros,

'Pertes de gains professionnels futurs : rejet,

'Incidence professionnelle : 2 000,00 euros,

'Logement adapté : 9 745,85 euros,

'Véhicule adapté : 2 384,85 euros,

'Déficit fonctionnel temporaire : 3 179,75 euros,

'Souffrances endurées : 7 500,00 euros,

'Préjudice esthétique temporaire : 250,00 euros,

'Déficit fonctionnel permanent : 24 000,00 euros,

'Préjudice esthétique permanent : 750,00 euros,

'Préjudice d agrément : 5 000,00 euros,

'Préjudice sexuel : 5 000,00 euros ;

'Réserve les demandes de [S] [I] au titre des dépenses de santé futures concernant le traitement Cialis et d'hydrocolonthérapie, et au titre des dépenses de santé futures s'agissant de l'hydrocolothérapie ;

'Rappelle que la MACSF a déjà versé à titre de provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice corporel de [S] [I] la somme de 102 769,75 euros et dit que ce montant viendra en déduction des sommes ci-dessus fixées ;

'Condamne en conséquence l'ONIAM à payer à [S] [I] les sommes suivantes :

'Dépenses de santé actuelles : 2 334,37 euros,

'Frais divers : 326,78 euros,

'Assistance par tierce personne : 127,50 euros,

'Pertes de gains professionnels actuels : 11 743,28 euros,

'Dépenses de santé futures : 20 378,93 euros,

'Pertes de gains professionnels futurs : rejet,

'Incidence professionnelle : 2 000,00 euros,

'Logement adapté : 9 745,85 euros,

'Véhicule adapté : 2 384,85 euros,

'Déficit fonctionnel temporaire : 3 179,75 euros,

'Souffrances endurées : 7 500,00 euros,

'Préjudice esthétique temporaire : 250,00 euros,

'Déficit fonctionnel permanent : 24 000,00 euros,

'Préjudice esthétique permanent : 750,00 euros,

'Préjudice d agrément : 5 000,00 euros,

'Préjudice sexuel :5 000,00 euros ;

'Rappelle que l'ONIAM a déjà versé la somme de 62 911,02 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice corporel de [S] [I] et dit que ce montant viendra en déduction des sommes ci-dessus fixées ;

'Déclare irrecevables les demandes indemnitaires d'[H] [I] à l'encontre de l'ONIAM ;

'Condamne in solidum le docteur [R] [F] et la MACSF à payer à [H] [I] la somme de 5 628,80 euros en réparation de ses préjudices ;

'Condamne in solidum le docteur [R] [F], la MACSF et l'ONIAM à payer la somme de 3 000 euros aux époux [I] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

'Condamne in solidum le docteur [R] [F], la MACSF et l'ONIAM aux dépens de l'instance ;

'Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

Pour l'essentiel, sur les pertes de gains professionnels futurs, les premiers juges ont relevé que les experts ne retenaient pas d'impossibilité absolue pour [S] [I] d'exercer une activité professionnelle après consolidation, ceux-ci prévoyant uniquement un aménagement du temps de travail pour réaliser les auto-sondages vésicaux et les déplacements aux toilettes.

S'agissant de la somme de 187 614,71 euros sollicitée par [S] [I] au titre des pertes de primes et de salaires jusqu'à la date de la liquidation, estimée au 10 octobre 2018, et de 79 441,44 euros pour les arrérages à échoir jusqu'à la date de sa retraite, soit la somme totale de 267 056,15 euros, les premiers juges ont considéré que rien ne permettait d'affirmer qu'il aurait pris sa retraite de façon certaine à l'âge de 65 ans, d'autant qu'il pouvait bénéficier d'un taux plein à l'âge de 61 ans et 7 mois, soit dès le 1er novembre 2015, que, de plus, s'il avait pu être licencié pour inaptitude, le lien de causalité direct et certain avec l'accident ne pouvait être établi, le rapport du médecin du travail indiquant qu'il demeurait « apte à un poste sans participation à des réunions avec position assise prolongée, ni station debout prolongée et sans trajet avec conduite automobile », et au télétravail. Enfin, que son employeur lui avait fait la proposition d'un reclassement en qualité de chargé de missions près du directeur du développement, proposition qui avait été refusée par [S] [I].

Le tribunal en a conclu que la perte de son emploi et l'éventuelle perte de gains professionnels afférente ne pouvaient ainsi être imputées à l'accident médical, pour rejeter la demande de [S] [I].

Sur l'incidence professionnelle, les premiers juges ont retenu que le fait qu'il ait été déclaré inapte ne suffisait à caractériser l'obligation pour [S] [I] de devoir abandonner son poste en raison de l'accident et ainsi de ne pouvoir prolonger sa carrière jusqu'en 2019, de sorte que sa demande au titre de la perte de droits à la retraite a été rejetée.

Le tribunal a retenu que la seule incidence de l'accident médical en cause sur la carrière professionnelle de [S] [I] tenait à la nécessité de procéder à l'aménagement de son temps de travail, pour les nécessités décrites par les experts, et la dévalorisation en résultant, pour lui allouer à ce titre, au regard de ces éléments et de son âge au moment des faits de la cause, et de la probabilité qu'il ait poursuivi son activité au-delà de l'âge de 62 ans, la somme de 4 000 euros.

[S] [I] a relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe du 15 avril 2019.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 24 mai 2022.

Les dernières écritures pour [S] [I] ont été déposées le 1er mars 2022.

Les dernières écritures pour le docteur [R] [F] et la MACSF ont été déposées le 14 février 2022.

Les dernières écritures pour l'ONIAM ont été déposées le 11 octobre 2019.

La MSA du Languedoc, régulièrement signifiée à personne, n'a pas constitué avocat.

Le présent arrêt sera réputé contradictoire.

Le dispositif des écritures pour [S] [I] énonce, en ses seules prétentions, étant rappelé que les « dire et juger » ou encore les « donner acte » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 954 du code de procédure civile :

'Infirmer le jugement rendu le par le tribunal de grande instance de Montpellier le 26 février 2019 en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation au titre des pertes de gains professionnels futurs, limité l'incidence professionnelle à 4 000 euros et alloué à [S] [I] la somme de 4 769,70 euros au titre des frais de véhicule aménagé ;

'Statuant à nouveau,

'Débouter l'ONIAM, le docteur [R] [F] et la MACSF de leurs demandes, fins et conclusions contraires à celles de [S] [I] ;

'Juger que la liquidation des préjudices de [S] [I] interviendra en sus des préjudices dont il est demandé confirmation et avant déduction des provisions déjà perçues, tel qu'il suit :

'Perte de gains professionnels futurs : 285 590,71 euros,

'Incidence professionnelle : 166 872,37 euros,

'Frais de véhicule adapté : 7 101,30 euros ;

'Condamner le docteur [R] [F] et la MACSF à verser à [S] [I] la somme de 229 782,19 euros au titre des préjudices liés à la perte de gains professionnels futurs, à l'incidence professionnelle et aux frais de véhicule adaptés ;

'Condamner l'ONIAM à verser à [S] [I] la somme de 229 782,19 euros au titre des préjudices liés à la perte de gains professionnels futurs, à l'incidence professionnelle et aux frais de véhicule adaptés ;

'Condamner le docteur [R] [F] et la MACSF, solidairement avec l'ONIAM, à verser à [S] [I] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

'Condamner le docteur [R] [F] et la MACSF, solidairement avec l'ONIAM aux entiers dépens de l'appel.

Sur les pertes de gains professionnels futurs, [S] [I] indique que s'il n'avait pas eu son accident médical, il aurait poursuivi son activité de responsable marketing jusqu'à la fin de l'année 2019, notamment afin de financer les études coûteuses de ses enfants, que, de plus, il assumait également le remboursement d'un emprunt sur sa résidence principale, dont l'échéance est intervenue en août 2018, ce qui justifiait au surplus la nécessité de poursuivre son activité professionnelle jusqu'en 2019. Enfin, il précise que la différence d'âge avec son épouse, de neuf années, contribuait également à sa volonté de retarder son départ à la retraite, d'autant qu'il était passionné par sa profession et très investi, comme il entend en attester.

En réponse à l'argumentation des intimés, il soutient que son état de santé ne s'opposait aucunement à la poursuite de son activité professionnelle jusqu'à ses 65 ans, voire même au-delà.

S'agissant de son reclassement, [S] [I] indique que le poste proposé ne correspondait en rien aux compétences auxquelles il pouvait prétendre et que la rémunération était bien inférieure à celle dont il disposait.

Il souligne que lorsque l'inaptitude, consécutive à l'accident, est à l'origine du licenciement, il suffit de constater que la victime n'est pas apte à reprendre ses activités dans les conditions antérieures.

Sur l'incidence professionnelle, [S] [I] expose que sa fin de carrière pour cause de licenciement pour inaptitude a été vécue comme particulièrement décevante après quarante années d'ancienneté au sein de Groupama et alors qu'il gérait une équipe complète et occupait un poste très stimulant, qu'il a été forcé de tout abandonner. Il s'estime ainsi légitime à solliciter l'allocation d'une indemnité égale à 50 000 euros, outre la somme de 15 347,25 euros et de 101 525,13 euros au titre de la perte de retraite.

Enfin, [S] [I] demande la révision du poste relatif aux frais de véhicule adapté, notamment afin de tenir compte de la nécessité du surcoût lié à la boîte automatique, évalué à 1 500 euros.

Le dispositif des écritures pour le docteur [R] [F] et la MACSF énonce :

'Confirmer en totalité le jugement entrepris, sauf sur le poste aménagement du véhicule ;

'Débouter [S] [I] de ses demandes de réformation pour les postes perte de gains professionnels future et incidence professionnelle ;

'Condamner [S] [I] aux entiers dépens d'appel, avec en outre une somme de 2 900 euros pour les frais irrépétibles exposés en appel par la MACSF.

Sur les pertes de gains professionnels futurs, le docteur [R] [F] et la MACSF relèvent que [S] [I], qui sollicitait en première instance les sommes de 267 056,15 euros et 159 959,97 euros, sollicite en cause d'appel les mêmes sommes revues à la hausse, soit 285 590,71 euros et 166 872,37 euros, avec les mêmes arguments et les mêmes pièces qu'en première instance

Ils demandent en conséquence la confirmation du jugement entrepris pour les motifs retenus par les premiers juges.

Sur l'incidence professionnelle, ils rappellent que l'absence de justification de toute incidence professionnelle en dehors d'une somme limitée a été retenue par le tribunal, qui rappelait notamment que le rapport d'expertise faisait état de l'absence de conséquence liée à l'accident sur les capacités de [S] [I] à reprendre une activité professionnelle.

Ils demandent également confirmation du jugement entrepris s'agissant de ce poste.

Enfin, s'agissant des frais de véhicule adapté, ils indiquent qu'il existe effectivement un accord sur le surcoût de 1 500 euros pour l'achat d'une boîte automatique, que doit être pris en compte un renouvellement tous les cinq ans, de sorte qu'il y a lieu de procéder à une capitalisation.

Le dispositif des écritures pour l'ONIAM énonce :

'Confirmer le jugement entrepris en ce que le tribunal de grande instance de Montpellier a rejeté les prétentions indemnitaires de [S] [I] au titre de ses pertes de gains professionnels futurs ;

'Réformer le jugement entrepris sur les autres postes de préjudices reconnus à [S] [I] par le tribunal de grande instance de Montpellier ;

'Rejeter et/ou réduire les demandes indemnitaires de [S] [I], conformément aux observations développées dans les présentes ;

'Déduire de l'indemnisation mise à la charge de l'ONIAM le montant de 3 818,12 euros correspondant à la somme d'ores et déjà versée par l'office au titre de son protocole d'indemnisation transactionnelle provisionnelle ;

'Déduire de l'indemnisation mise à la charge de l'ONIAM le montant de 55 274,78 euros correspondant à la provision d'ores et déjà versée par l'office en exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Montpellier du 23 mars 2017 ;

'Rejeter la demande formulée par [S] [I] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

'Rejeter toute autre demande.

Sur les pertes de gains professionnels futurs, l'ONIAM entend rappeler que l'âge légal de départ à la retraite pour une personne née en 1954 est de 61 ans et 7 mois, que [S] [I], né le [Date naissance 7] 1954, avait atteint l'âge légal de son départ à la retraite le 6 octobre 2015, que pourtant, il prétend, sans en apporter la preuve, qu'en l'absence d'accident médical, il n'aurait pris sa retraite qu'en 2019, qu'à ce titre titre, il communique des attestations de ses proches et du directeur des ressources humaines de la société Groupama, son ex-employeur, dont il estime qu'elles ont été récemment établies aux fins de servir la cause, de sorte qu'elles ont une portée probatoire limitée.

L'ONIAM demande en conséquence la confirmation du jugement entrepris pour les motifs adoptés par les premiers juges.

Sur l'incidence professionnelle, l'ONIAM considère que [S] [I] ne justifie pas d'un préjudice de retraite et qu'il ne peut pas solliciter une somme forfaitaire complémentaire au titre de son licenciement au motif qu'il ressort du reçu pour solde tout compte qu'il a bénéficié d'indemnités en lien avec son licenciement, et notamment d'indemnités de rupture conventionnelle, à hauteur de 77 232 euros, qui n'a pas été contesté par la suite, de sorte qu'une indemnisation à ce titre conduirait à un enrichissement sans cause.

Sur les frais de véhicule adapté, l'ONIAM acquiesce sur le principe mais relève de la lecture du devis du véhicule avec boîte manuelle et de la facture du 12 juillet 2016 que le surcoût réel n'est pas de 1 500 euros mais de 917,76 euros.

L'ONIAM demande enfin la réformation de certains postes de préjudices.

MOTIFS

1. Sur les pertes de gains professionnels futurs

Les pertes de gains professionnels futurs correspondent à la perte ou à la diminution des revenus consécutive à l'incapacité permanente à compter de la date de consolidation. Elles résultent de la perte ou du changement d'emploi.

En l'espèce, il est constant, comme l'ont relevé les premiers juges, que les experts n'ont pas retenu d'impossibilité absolue pour [S] [I] d'exercer une activité professionnelle après consolidation, ceux-ci indiquant qu'il devait seulement être prévu un aménagement du temps de travail « pour réaliser les auto-sondages vésicaux et les déplacements aux toilettes, les déplacements à pieds sont ralentis par les séquelles motrices ».

Il est également constant que si [S] [I] a été licencié pour inaptitude, le rapport du médecin du travail concluait néanmoins qu'il demeurait « apte à un poste sans participation à des réunions avec position assise prolongée, ni station debout prolongée et sans trajet avec conduite automobile », et au télétravail.

Il en résulte que le lien de causalité direct et certain entre l'accident médical et la perte de son emploi ne peut être établi.

Il reste cependant à examiner la diminution des revenus consécutive à l'incapacité permanente,

Or, comme l'ont justement relevé les premiers juges, non seulement [S] [I] a refusé la proposition de reclassement en qualité de chargé de missions auprès du directeur du développement, sans qu'il ne démontre que ce poste offrait une rémunération moindre, [S] [I] se limitant à alléguer que « l'intitulé du poste exercé antérieurement (« responsable marketing ») et celui proposé dans le cadre du reclassement (« chargé de mission ») laisse aisément apparaître la considérable différence existante entre ces deux qualifications tant sur le point des responsabilités que celui de la rémunération. », mais il échoue en outre à démontrer qu'il aurait pris sa retraite de façon certaine à l'âge de 65 ans, comme il le soutient, d'autant qu'il pouvait bénéficier d'un taux plein à l'âge de 61 ans et 7 mois, les attestations versées à l'appui en cause d'appel étant insuffisantes à en faire la démonstration.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce que le tribunal a retenu que les pertes de gains professionnels futurs de [S] [I] n'étaient pas établies, pour rejeter sa demande à ce titre.

2. Sur l'incidence professionnelle

Il s'agit d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité mais les conséquences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe, imputable au dommage, ou encore du préjudice subi qui a trait à l'obligation de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.

Cette dévalorisation peut également se traduire par un nouvel emploi aussi bien rémunéré mais de moindre intérêt.

S'agissant des pertes de droits à la retraite, comme cela a été développé précédemment et retenu à juste titre par les premiers juges, le fait qu'il ait été déclaré inapte ne suffit pas à caractériser l'obligation pour [S] [I] de devoir abandonner son poste en raison de l'accident médical et ainsi de ne pouvoir prolonger sa carrière jusqu'en 2019, comme il soutenait qu'il le souhaitait, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande à ce titre.

S'agissant de la dévalorisation de la carrière professionnelle de [S] [I], il ne peut être contesté que la seule incidence de l'accident médical tenait à la nécessité de procéder à l'aménagement de son temps de travail, pour les nécessités décrites par les experts et reprises précédemment, de sorte que le jugement entrepris sera également entrepris en ce que le tribunal lui a alloué la somme de 4 000 euros à ce titre, la cour l'estimant satisfactoire en considération de ces éléments, de son âge au moment des faits de la cause,et de la probabilité qu'il ait poursuivi son activité au delà de l'âge de 62 ans.

3. Sur les frais de véhicule adapté

Les parties conviennent du calcul tel que proposé par [S] [I], à l'exception du surcoût lié à la boîte automatique, que l'ONIAM estime à la somme de 917,76 euros.

Or, au moyen de sa pièce n° 27, consistant en un devis faisant apparaître le coût du véhicule avec boîte automatique pour la somme de 32 200 euros, [S] [I] justifie bien que le surcoût est de 1 500 euros.

Il sera donc fait droit à la demande, suivant le calcul proposé, qui retient l'indice de capitalisation viager pour un homme âgé de 68 ans à la date de la liquidation, suivant le barème établi par la Gazette du Palais pour 2020, soit 13,671, et il sera alloué à [S] [I] la somme de 7 101,30 euros au titre des frais de véhicule adapté, soit la somme de 3 550,65 euros mise à la charge de chacun des intimés.

4. Sur les dépens et les frais non remboursables

Le jugement sera confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

[S] [I], qui échoue pour l'essentiel en ses prétentions, sera condamné aux dépens de l'appel.

Il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement rendu le 26 février 2019 par le tribunal de grande instance de Montpellier, sauf en ce qu'il a :

'condamné in solidum le docteur [R] [F] et la MACSF à payer à [S] [I] la somme de 2 384,85 euros au titre du véhicule adapté,

'condamné l'ONIAM à payer à [S] [I] la somme de 2 384,85 euros au titre du véhicule adapté ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

CONDAMNE in solidum le docteur [R] [F] et la MACSF à payer à [S] [I] la somme de 3 550,65 euros au titre du véhicule adapté ;

CONDAMNE l'ONIAM à payer à [S] [I] la somme de 3 550,65 euros au titre du véhicule adapté ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables d'appel ;

CONDAMNE [S] [I] aux dépens de l'appel.

le greffier le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/02625
Date de la décision : 13/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-13;19.02625 ?
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