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08/09/2022 | FRANCE | N°17/03443

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 08 septembre 2022, 17/03443


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 08 SEPTEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/03443 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NGYL



ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 07 FEVRIER 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 14/02298





APPELANTE :



Madame [S] [E] [I] [Z]

née

le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIMEES :
...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 08 SEPTEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/03443 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NGYL

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 07 FEVRIER 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 14/02298

APPELANTE :

Madame [S] [E] [I] [Z]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

Madame [L] [Y] épouse [G]

née le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Yann LE TARGAT de la SEP ALAIN ARMANDET ET YANN LE TARGAT, avocat au barreau de MONTPELLIER

Société VICTORIA A.C.R, inscrite au RCS de la Roche-sur-Yon sous le numéro 519 606 644, prise en personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Yann LE TARGAT de la SEP ALAIN ARMANDET ET YANN LE TARGAT, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 26 Avril 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 MAI 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre, chargé du rapport et M. Fabrice DURAND, Conseiller.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de Président M. Fabrice DURAND, Conseiller

Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée par ordonnance du premier président en date du 20 avril 2022

Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL

ARRET :

- contradictoire,

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Thierry CARLIER, Conseiller, faisant fonction de Président et par Mme Sabine MICHEL, Greffier.

*

**

EXPOSE DU LITIGE :

En 2006, Madame [S] [Z] a fait l'objet d'une procédure de surendettement.

Dans le cadre de la succession du père de Madame [S] [Z] décédé le [Date décès 2] 2006, il lui a été attribué une maison à [Localité 8] et un appartement à [Localité 6].

Par jugement du 21 mars 2011, le tribunal de grande instance de Toulouse a condamné Madame [S] [Z] au paiement de 26 604,12 euros à la société BNP Paribas venant au droit de la société Cetelem, dette ne faisant pas partie du plan établi par la commission de surendettement.

En exécution de ce jugement, Madame [S] [Z] s'est vue délivrer par exploit d'huissier du 6 juillet 2012 un commandement de payer aux fins de saisie-vente portant sur la somme de 43 411,38 euros dont 26 604,12 euros en principal et 15 550,11 euros au titre des intérêts, outre les frais.

Madame [S] [Z] a alors été mise en relation avec Monsieur [D] [N], négociateur assureur et crédit, salarié de la société Argence et Tixeire assurances et crédits (ATAC). Il a mis Madame [S] [Z] en contact avec Madame [L] [Y] dite [G] exerçant en nom propre comme courtier d'assurances et intermédiaire en opération bancaire, sous l'enseigne Victoria Assurances-Crédit, mais ayant aussi la qualité de gérante et d'associée unique de la SARL Victoria ACR avec une activité de marchand de biens.

Il lui a été conseillé de vendre son appartement sis à [Localité 6] avec possibilité de rachat pendant un délai de 24 mois.

Plusieurs courriers ont été échangés entre Madame [Z] et Madame [Y], avec les propositions suivantes : vente de l'appartement de [Localité 6] au prix de 100 000 euros ; versement d'une indemnité d'occupation pendant la durée du réméré; séquestre de sommes chez le notaire; simulation de crédit pour exercer la faculté de rachat.

Le 11 septembre 2012, Madame [S] [Z] a conclu avec Madame [L] [Y] un mandat de recherche de capitaux dans le cadre d'une vente avec faculté de rachat.

Un compromis de vente a été signé devant la SCP Chabirand [M] Moreau & [T], notaire associé aux Sables d'Olonne les 5 et 11 octobre 2012 entre Madame [S] [Z] et la SARL à associé unique Victoria ACR.

Par acte authentique du 30 octobre 2012 signé devant la SCP Chabirand Boizard Moreau et Kergoyant, Madame [S] [Z], représentée, a vendu avec faculté de rachat son appartement à [Localité 6] au bénéfice de la société Victoria ACR aux conditions essentielles suivantes :

- prix de vente de 100.000 euros ;

- faculté de rachat pendant 24 mois soit jusqu'au 30 octobre 2014 ;

- condition suspensive de cette faculté de rachat constituée par le paiement aux dates convenues de l'indemnité d'occupation ;

- faculté de rachat au prix de 115 000 euros dans les 6 mois, 120 000 euros dans les 12 mois, 125 000 euros dans les 18 mois et 130 000 euros dans les 24 mois ;

- prélèvement de la somme de 5 400 euros sur le prix de vente pour garantir le paiement de l'indemnité d'occupation.

Il était convenu d'un séquestre de 12 000 euros.

Par courrier du 11 mars 2013, la société Victoria ACR a mis en demeure Madame [S] [Z] de régulariser le versement de l'indemnité d'occupation pour le mois de février 2013.

Par courrier du 27 mars 2013, Madame [Y], ès qualités de gérante de la SARL Victoria ACR, a pris acte de la régularisation de l'impayé mais a fait part du non paiement des frais pour retard de paiement d'un montant de 49,75 euros.

Le 4 juillet 2013, la société Victoria ACR a fait délivrer un commandement aux fins de saisie-vente à l'encontre de Madame [Z] afin d'obtenir le règlement des indemnités d'occupation impayées.

Par courrier du 23 juillet 2013, la société Victoria ACR a mis une nouvelle fois en demeure Madame [S] [Z] afin qu'elle s'acquitte sous 48 heures de la somme de 2 563,46 euros correspondant aux indemnités d'occupation de juin et juillet 2013 outre les frais de procédure et les charges de l'appartement, la SARL Victoria ACR informant Madame [Z] d'une mesure d'expulsion et de la perte de la faculté de rachat de l'appartement.

Par courrier en date du 14 septembre 2013, Madame [Z] a indiqué avoir quitté l'appartement objet de la vente au 30 juin 2013 et avoir renoncé à sa faculté de rachat.

Le 25 septembre 2013 et sur demande de Madame [S] [Z], Maître [B], huissier de justice, a dressé un procès verbal d'état des lieux et certifié la remise des clefs par Madame [S] [Z].

Par courrier du 8 novembre 2013, la société Victoria ACR a transmis à Madame [S] [Z] un décompte général définitif lui rappelant qu'elle était débitrice de la somme de 13 804,93 euros et la société Victoria ACR proposait à Madame [S] [Z] la somme de 3 000 euros pour solde de tout compte.

Le 24 mars 2014, Maître [M] a adressé à Madame [S] [Z] un chèque de 3 476,12 euros et un chèque de 947,4 euros.

Par actes du 3, 17 et 30 juin 2014, Madame [S] [Z] a fait délivrer une assignation à l'encontre de la société Victoria ACR, Madame [L] [Y] et Maître [M] devant le tribunal de grande instance de Perpignan aux fins de les voir condamner solidairement à lui verser des dommages et intérêts.

Par assignation du 18 juin 2015, Madame [S] [Z] a fait délivrer une assignation d'appel en cause à la société ATAC et par ordonnance du 15 octobre 2015, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Perpignan a joint les deux instances.

Par jugement du 7 février 2017, le tribunal de grande instance de Perpignan a :

- mis hors de cause Monsieur [D] [N] ;

- déclaré recevable l'action de Madame [S] [Z] à l'encontre de Me [W] [M], notaire associé aux Sables d'Olonne et de la SCP Chabirand [M] Moreau et [T], notaires aux Sables d'Olonne ;

- déclaré engagée la responsabilité contractuelle de la SARL Argence et Tixeire assurances et crédits (ATAC), de Madame [L] [Y] dite [G] exerçant sous l'enseigne Victoria Assurances Crédits et de la SARL Victoria ACR envers Madame [S] [Z] ;

- déclaré engagée la responsabilité délictuelle de Maître [W] [M], notaire associé aux Sables d'Olonne et de la SCP Chabirand [M] Moreau et [T], notaires aux Sables d'Olonne envers Madame [S] [Z] ;

- déclaré abusive la clause de déchéance automatique de la faculté de rachat à défaut de paiement de l'indemnité d'occupation dans les 10 jours du terme convenu, et la clause de fixation d'une indemnité disproportionnée de 150 euros par jour en cas de maintien dans les lieux ;

- dit que ces clauses sont réputées non écrites ;

- condamné la SARL Argence et Tixeire assurances et crédits (ATAC) à payer à Madame [S] [Z] la somme de 4 000 euros au titre du préjudice financier ;

- condamné Madame [L] [Y] dite [G], exerçant sous l'enseigne Victoria assurances crédits à payer à Madame [S] [Z] la somme de 6 280 euros ;

- condamné in solidum la SARL Victoria ACR, Madame [L] [Y] dite [G], Maître [W] [M] et la SCP Chabirand [M] Moreau et [T] à payer à Madame [S] [Z] la somme de 10 400 euros au titre du préjudice financier ;

- condamné in solidum la SARL Victoria ACR, Madame [L] [Y] dite [G] à payer à Madame [S] [Z] la somme de 5 655,48 euros au titre du préjudice financier ;

- condamné in solidum la SARL Argence et Tixeire assurances et crédits (ATAC), la SARL Victoria ACR, Madame [L] [Y] dite [G], Maître [W] [M] et la SCP Chabirand [M] Moreau et Kergoyant à payer à Madame [S] [Z] la somme de 3 000 euros au titre du préjudice moral ;

- rejeté le surplus des demandes ;

- condamné in solidum la SARL Argence et Tixeire assurances et crédits (ATAC), la SARL Victoria ACR, Madame [L] [Y] dite [G], Maître [W] [M] et la SCP Chabirand [M] Moreau et Kergoyant à payer à Madame [S] [Z] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Monsieur [D] [N] ;

- condamné in solidum la SARL Argence et Tixeire assurances et crédits (ATAC), la SARL Victoria ACR, Madame [L] [Y] dite [G], Maître [W] [M] et la SCP Chabirand Boizard Moreau et Kergoyant aux dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Le 20 juin 2017, Madame [S] [Z] a interjeté appel du jugement à l'encontre de la SARL Victoria ACR et de Madame [L] [Y] dite [G], l'appel étant limité au chef du jugement qui, rejetant le surplus des demandes, a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la SARL Victoria ACR et de Madame [Y] à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de la perte sur prix de vente.

Vu les conclusions de Madame [S] [Z] remises au greffe le 1er octobre 2021 ;

Vu les conclusions de la SARL Victoria ACR et de Madame [L] [Y] remises au greffe le 7 décembre 2021 ;

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Maître [W] [M], la SCP de notaires associés Chabirand, [M], Moreau et [T] et la SARL ATAC n'ayant pas été intimés par Madame [Z], n'ayant pas été appelés en cause et n'étant pas intervenus volontairement à l'instance d'appel, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu leur responsabilité et les a condamné à payer un certain nombre de sommes à Madame [Z] en réparation de ses préjudices.

Sur la responsabilité de Madame [Y] et de la SARL Victoria ACR:

Au préalable, il convient de rappeler que Madame [Y] exerçait en nom propre l'activité de courtier d'assurances et intermédiaire en opérations bancaires sous l'enseigne Victoria Assurances-Crédits et était également gérante de la SARL Victoria ACR qui exerçait pour sa part une activité de marchand de biens.

En l'espèce, par un courrier non daté, Madame [Y], suite à l'analyse de son dossier, a proposé à Madame [Z] une vente à réméré avec faculté pour cette dernière d'exercer le rachat de son bien, selon une somme dépendant du délai de reprise et proposant dans cette hypothèse une simulation de sortie par l'intermédiaire d'un crédit immobilier en tenant compte du montant le plus important (130 000 euros ).

Le 11 septembre 2012, Madame [Z] a signé avec la société Victoria ACR un mandat de recherche de capitaux dans le cadre d'une vente avec faculté de rachat.

L'objet du mandat confié à la société Victoria ACR était le suivant: ' Le Mandant confère au Mandataire qui l'accepte, le mandat de recherche de capitaux par l'intermédiaire d'investisseur dans le cadre d'une vente avec faculté de rachat au profit du Mandant, pour le financement du projet suivant :

- Vente avec faculté de rachat envisagée : 100 000 € ' .

Si Madame [Y] soutient que préalablement à la signature de tout engagement, elle avait pris le soin, dans le cadre d'un inventaire très détaillé, de permettre à Madame [Z] de comprendre avec exactitude les modalités du plan de financement qui lui était proposé, il convient cependant de constater :

- que contrairement à ce que soutient Madame [Y], cet inventaire a été signé par Madame [Z] le 24 septembre 2012, soit postérieurement à la signature avec la société Victoria ACR du mandat de recherche de capitaux ;

- que ni ce seul document ni même le courrier non daté adressé par Madame [Y] à Madame [Z] ne démontrent que cette dernière disposait, avant la signature du mandat de recherche, d'une information complète et précise sur le mécanisme et les modalités de la vente à réméré ; qu'en particulier, il n'est pas établi que la simulation de sortie par l'intermédiaire d'un crédit immobilier invoquée dans le courrier de Madame [Y] ait été communiquée à Madame [Z] de même que la proposition d'assurance décès-invalidité en garantie d'un capital de 130 000 euros invoquée dans un courrier en date du 3 octobre 2012 ;

Il n'est pas davantage établi que la note explicative du réméré mentionnée dans le cadre du courrier du 18 septembre 2012 adressé par la société Victoria ACR à Madame [Z] ait été communiquée à cette dernière.

Par conséquent, les éléments versés aux débats ne permettent pas de considérer que Madame [Y], en sa qualité de courtier d'assurance et d'intermédiaire en opérations bancaires, ait rempli de façon satisfaisante son obligation de conseil et d'information à l'égard de Madame [Z], totalement profane s'agissant d'une opération relativement complexe et pouvant présenter des risques et qui était en outre en situation de fragilité financière et psychologique.

En effet, lors de l'établissement du plan de financement, de la signature du mandat de recherche en septembre 2012 et de l'acte de vente le 30 octobre 2012, Madame [Z] était en arrêt maladie depuis juin 2012 pour dépression, avec simplement une brève reprise du travail du 27 septembre au 10 octobre 2012, les arrêts de travail s'étant ensuite poursuivis jusqu'en mai 2013.

Elle ne percevait donc plus que des indemnités journalières, ce qui rendait improbable, compte tenu de sa dette de 39 000 euros auprès de la BNP et de 10 689,40 euros auprès du Trésor Public, qu'elle puisse prétendre à un crédit afin d'exercer sa faculté de rachat, même, le cas échéant, après avoir apuré son surendettement, étant enfin relevé en tout état de cause que la somme de 3 079 euros retenue sur le prix de vente et correspondant au montant sequestré pour le plan de surendettement n'a pas été utilisée pour solder ce dernier, tel que cela ressort d'un courrier de Maître [M] en date du 11 février 2014.

Il n'est pas davantage démontré que Madame [Z] ait été destinataire d'une proposition de crédit, étant rappelé que la simulation de sortie par l'intermédiaire d'un crédit immobilier évoquée par Madame [Y] dans le courrier non daté n'a pas été versée aux débats et que l'inventaire du 24 septembre 2012 invoquée par Madame [Y] ne contient en aucun cas une proposition concrète de financement de son appartement par Madame [Z] par le biais d'un établissement bancaire, proposition qui ne pouvait en tout état de cause intervenir que postérieurement, étant relevé qu'il résulte du courrier du 11 mars 2013 adressé par la société Victoria ACR à Madame [Z] qu'il était bien prévu que le dossier de cette dernière soit présenté auprès des partenaires bancaires de la société Victoria pour l'obtention d'un prêt immobilier.

Le 30 octobre 2012, Madame [Z], par l'intermédiaire de Madame [Y], a vendu son appartement à la société Victoria ACR , dont Madame [Y] est la gérante et l'associée unique.

Cette vente est intervenue au prix de 100 000 euros, une faculté de rachat étant prévue pendant 24 mois, soit jusqu'au 30 octobre 2014, cette faculté de rachat étant subordonnée à l'acquittement régulier par Madame [Z] d'une indemnité d'occupation, sous peine de déchéance automatique du vendeur de sa faculté de racheter l'immeuble.

Il était également prévu que serait prélevée sur le prix de vente une somme de 5 400 euros qui serait conservée par la société Victoria ACR afin de garantir le paiement d'une partie des indemnités pendant 24 mois, délai pour exercer la faculté de rachat.

Or, par un courrier du 11 mars 2013, la société Victoria ACR dénoncait le pacte 'vente avec faculté de rachat' en mentionnant notamment :

- que le prix de vente fixé de l'appartement était nettement plus élevé que son estimation faite par un expert immobilier le 20 juillet 2012 à 150 000 euros ;

- que Madame [Z] avait pris la décision de demander son licenciement et avait fait toutes les démarches nécessaires à l'ouverture d'un bar à huitres pour le 1er avril 2013 ;

- que le prélèvement de l'indemnité d'occupation du mois de février 2013 avait été rejeté ;

Elle reprochait à Madame [Z] de lui avoir caché sciemment les changements dans sa situation personnelle et professionnelle et lui indiquait que faute de règlement de l'indemnité d'occupation dans un délai de 20 jours, il serait procédé à son expulsion par un huissier de justice et que le compte séquestre d'un montant de 12 000 euros deviendrait alors sa propriété.

Elle indiquait enfin que son dossier en l'état ne lui permettait pas de le présenter auprès de ses partenaires bancaires pour l'obtention d'un prêt immobilier.

Or, d'une part, c'est bien la société Victoria ACR qui a fait évaluer le bien, tel que cela ressort de la facture de Monsieur [U] qui a réalisé l'expertise du 20 juillet 2012.

D'autre part, aucune pièce versée aux débats ne permet d'établir que Madame [Z] aurait demandé son licenciement pour ouvrir un bar à huitres, la société Victoria ACR reconnaissant sur ce point qu'elle a pu commettre une erreur sur l'éventuel licenciement ou démission de Madame [Z] de ses fonctions d'infirmière, étant enfin relevé que la pièce n° 21 qu'elle produit aux débats ne permet nullement d'établir que Madame [Z] aurait ouvert ou aurait eu le projet d'ouvrir un bar à huitres.

Enfin, il résulte d'un courrier du 27 mars 2013 adressé par la société Victoria ACR à Madame [Z] que cette dernière avait régularisé ses deux indemnités d'occupation de retard impayées, étant rappelé que le plan de financement prévoyait au titre du compte séquestre une somme de 5 400 euros pour ' Avance complément indemnité d'occupation '.

Le 23 juillet 2013, la société Victoria ACR adressait à Madame [Z] un courrier faisant état d'un commandement du 4 juillet 2013 lui notifiant la rupture du pacte à réméré suite à un défaut de règlement de l'indemnité d'occupation du mois de juin 2013 d'un montant de 700 euros, étant observé que le commandement faisait état d'une somme de 1000 euros. Elle indiquait également que le prélèvement du 5 juillet 2013 de 700 euros avait été rejeté pour 'provision insuffisante'.

Force est de constater que contrairement à ce qu'indique le courrier du 23 juillet 2013, le commandement aux fins de saisie-vente du 4 juillet 2013 ne notifie nullement à Madame [Z] la déchéance de la faculté d'exercice de rachat mais rappelle simplement la clause insérée dans la convention d'occupation précaire.

Le courrier du 23 juillet 2013 ajoutait qu'une mesure d'expulsion allait être demandée au tribunal de grande instance de la Roche sur Yon et que Madame [Z] avait perdu la faculté de rachat de son appartement qui appartenait désormais à la société Victoria ACR, la somme de 12 000 euros sequestrée étant conservée par ses soins.

Par conséquent, il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Victoria ACR a rompu abusivement la vente avec faculté de rachat en faisant d'une part état d'arguments fallacieux (estimation de l'immeuble, prétendu licenciement et prétendu projet d' ouverture d'un bar à huitres par Madame [Z] ), d'autre part en adressant à Madame [Z] des courriers dont la teneur, contrairement à ce qu'elle soutient, était de nature à faire pression sur cette dernière pour qu'elle renonce à sa faculté de rachat, ce qu'elle a fait, Madame [Z] adressant le 14 septembre 2013 un courrier à Madame [G] lui demandant de bien vouloir lui indiquer à qui elle devait remettre les clés du bien qu'elle venait de perdre ' à son grand regret' et de cesser toute procédure à son encontre.

L'examen des différentes correspondances démontre que la société Victoria ACR a profité de la fragilité psychologique de Madame [Z] et de quelques incidents de paiement pour mettre en échec la vente à réméré, étant rappelé que Madame [Z] avait régularisé deux indemnités d'occupation impayées et que les sommes consignées étaient en tout état de cause suffisantes au paiement des indemnités d'occupation, ces incidents de paiements ayant manifestement servi de prétexte à la SARL Victoria ACR pour rompre le pacte de réméré, alors que cette dernière n'ignorait pas la situation financière précaire de Madame [Z] et que toute faculté de rachat de son bien était illusoire, alors même que les sommes destinées à l'apurement du surendettement étaient restées séquestrées.

Par conséquent, Madame [Y], qui a manqué à son obligation de conseil et d'information en sa qualité de courtier d'assurances et d'intermédiaire en opérations bancaires et la SARL Victoria ACR , qui a rompu abusivement la vente avec faculté de rachat ont toutes deux commis des fautes engageant leur responsabilité contractuelle envers Madame [Z] et ont contribué ensemble aux préjudices subis par cette dernière et, en premier lieu, à son impossibilité de pouvoir apurer son endettement et racheter son appartement.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les préjudices :

Sur la perte sur le prix de vente :

Madame [Z] expose que l'immeuble de [Localité 6] a été évalué par Madame [G] à la somme de 100 000 euros alors même qu'il en valait, selon l'estimation de l'expert mandaté par Madame [G] et la société Victoria ACR en juillet 2012, 150 000 euros.

Elle conclut que Madame [G] l'a privé de 50 000 euros sur le prix de vente.

La société Victoria ACR et Madame [Y] font valoir que Madame [Z] connaissait la valeur du bien évalué lors de la succession du père de Madame [Z] à 130 000 euros, que Madame [Z] aurait en tout état de cause été obligée de racheter le bien au prix de 150 000 euros et qu'elle n'a donc pas perdu 50 000 euros, enfin que le prix était inférieur à ce montant, le bien ayant été vendu en 2016 au prix de 135 000 euros.

D'une part, la circonstance que le bien ait été évalué, lors du partage successoral intervenu en 2007, à la somme de 130 000 euros, ne permettait pas à Madame [Z] de connaître la valeur de l'appartement cinq ans après, le marché de l'immobilier s'étant en outre passablement ralenti après la crise financière de 2008, Madame [Z] n'étant pas en tout état de cause une experte en immobilier et se trouvant en outre, au moment de la signature du mandat de recherche et de la vente à réméré, en situation de fragilité psychologique.

Il ressort par ailleurs des pièces versées aux débats que Madame [Z] n'a eu connaissance de l'expertise évaluant le bien à 150 000 euros qu'à partir du courrier de la société Victoria du 11 mars 2013.

D'autre part, Madame [Y] et la société Victoria ACR ont incontestablement privé Madame [Z] d'une somme de 50 000 euros sur le prix de vente, la sous évaluation du bien par les intimées, en contradiction avec les conclusions de leur propre expert, ayant permis à la société Victoria ACR et à sa gérante, Madame [Y], de racheter l'appartement à un moindre prix, tout en ne pouvant ignorer que la faculté de rachat était illusoire.

Enfin, Madame [Y] et la société Victoria ne versent aux débats aucune pièce permettant d'établir que l'appartement ne se serait vendu en 2016 qu'au prix de 135 000 euros.

Compte tenu de ces éléments, Madame [L] [Y] et la SARL Victoria ACR seront condamnées in solidum à payer à Madame [S] [Z] la somme de 50 000 euros au titre de la perte sur le prix de vente.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les honoraires de Madame [Y] :

Il résulte de la facture du 25 octobre 2012 des honoraires ' Mandat de recherche de capitaux' d'un montant de 6 280 euros, ces honoraires correspondant exclusivement au recueil et à la transmission par Madame [Y] de la demande de recherche de capitaux à une entité de marchand de biens, en l'occurence la propre société de Madame [Y].

Comme l'a relevé le tribunal, ces honoraires sont totalement injustifiés alors que Madame [Y] s'est contentée de transmettre la demande de recherche de capitaux à la société dont elle était la gérante et l'unique associée.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné Madame [L] [Y], exerçant à titre personnel sous l'enseigne Victoria ACR, à payer à Madame [S] [Z] la somme de 6 280 euros.

Sur les sommes séquestrées non restituées :

L'ensemble des sommes séquestrées s'élève à la somme de 20 479 euros, soit 12 000 euros au titre du compte séquestre notaire, 5 400 euros au titre du compte avance indemnité d'occupation et 3 079 euros au titre du compte surendettement.

Il a été remboursé en mars 2014 à Madame [Z] la somme de 4 423,52 euros.

Le tribunal a justement retenu que la différence, soit 16 055,48 euros, correspondait à la part du prix de vente versée par la SARL Victoria ACR, acquéreur, et qui lui est revenue après déconsignation.

Contrairement à ce que soutiennent les intimées, le tribunal n'a pas motivé leur condamnation à restituer les sommes sequestrées par l'existence de clauses abusives insérées par le notaire mais bien en raison du préjudice subi par Madame [Z] résultant des agissements de la SARL Victoria ACR et de [L] [Y].

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné à ce titre in solidum la SARL Victoria ACR et Madame [Y] à payer à Madame [Z] la somme de 16 055,48 euros ( 10 400 euros + 5 655 euros ).

Sur les frais au titre de l'expertise immobilière :

En l'espèce, il n'est pas démontré que l'expertise immobilière du 20 juillet 2012 évaluant le bien à 150 000 euros ait été remise à Madame [Z] au moment de la proposition de vente à réméré ni lors de la signature de la vente le 30 octobre 2012, une copie de l'expertise lui ayant seulement été communiquée par le courrier du 11 mars 2013 dénonçant le pacte de vente avec faculté de rachat.

Par conséquent, rien ne justifie que le coût de cette expertise, dont Madame [Z] n'a pu prendre connaissance en temps utile, lui soit facturé.

La SARL Victoria ACR et Madame [L] [Y] seront donc condamnées in solidum à payer à Madame [S] [Z] la somme de 1 176,43 euros au titre de l'expertise immobilière.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur le préjudice moral :

Le jugement a retenu à juste titre que Madame [Z], en raison du comportement des professionnels étant intervenus dans le cadre de l'opération litigieuse, a vendu son appartement dans des conditions désastreuses, sans qu'il soit établi qu'elle ait pu solder ses dettes ni racheter son bien.

Elle a donc subi un préjudice moral incontestable, alors même qu'elle était déjà en arrêt maladie pour dépression.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la SARL Victoria ACR et Madame [L] [Y] au paiement de la somme de 3000 euros au titre de son préjudice moral.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté Madame [S] [Z] de ses demandes au titre de la perte sur le prix de vente et au titre des frais de l'expertise immobilière ;

Statuant à nouveau,

Condamne in solidum Madame [L] [Y] et la SARL Victoria ACR à payer à Madame [S] [Z] la somme de 50 000 euros au titre de la perte sur le prix de vente ;

Condamne in solidum la SARL Victoria ACR et Madame [L] [Y] à payer à Madame [S] [Z] la somme de 1 176,43 euros au titre de l'expertise immobilière ;

Condamne in solidum la SARL Victoria ACR et Madame [L] [Y] aux entiers dépens d'appel ;

Condamne in solidum la SARL Victoria ACR et Madame [L] [Y] à payer à Madame [S] [Z] la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour ses frais engagés en appel.

Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 17/03443
Date de la décision : 08/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-08;17.03443 ?
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