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08/09/2022 | FRANCE | N°16/06630

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 08 septembre 2022, 16/06630


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 08 SEPTEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 16/06630 - N° Portalis DBVK-V-B7A-MZR3



ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 28 JUILLET 2016

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARCASSONNE

N° RG 14/01759





APPELANTE :



SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU B

ATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (SMABTP), immatriculée au RCS de PARIS sous le N° 775 684 764 , prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par ...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 08 SEPTEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 16/06630 - N° Portalis DBVK-V-B7A-MZR3

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 28 JUILLET 2016

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARCASSONNE

N° RG 14/01759

APPELANTE :

SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (SMABTP), immatriculée au RCS de PARIS sous le N° 775 684 764 , prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Stéphane CABEE de la SCP CABEE-BIVER-SPANGHERO, avocat au barreau de CARCASSONNE, substitué par Me Gilles BIVER, avocat au barreau de CARCASSONNE

INTIMEE :

EPIC SNCF RESEAU, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 1],

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Thierry BERGER, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Julie DE LA CRUZ, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 23 Novembre 2021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 MAI 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre et M. Fabrice DURAND, Conseiller, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de Président M. Fabrice DURAND, Conseiller

Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée par ordonnance du premier président en date du 20 avril 2022

Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL

ARRET :

- contradictoire,

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Thierry CARLIER, Conseiller, faisant fonction de Président et par Mme Sabine MICHEL, Greffier.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

Selon bon de commande établi le 10 octobre 2011, la SA SNCF Réseau (ci-après dénommée « SNCF ») a confié à la SAS Colas Rail des travaux de remplacement de traverses et de bois d'appareil dans diverses gares de l'unité de production de [Localité 7] selon description figurant dans la notice jointe et au prix de 304 454 euros HT.

La SAS Colas Rail a souscrit auprès de la SMABTP une police d'assurance de responsabilité civile couvrant les dommages survenant durant ces travaux.

Le 7 décembre 2011, le conducteur de travaux de la SAS Colas Rail a endommagé un support en béton de tringle d'appareil CB lors d'une opération de dégarnissage réalisée à [Localité 6].

Par courrier recommandé du 11 janvier 2012 reçu le 13 janvier 2012, la SNCF a notifié à la SAS Colas Rail que le sinistre était en cours d'estimation et que le montant du dommage (remise en état des installations endommagées et coût d'intervention des agents SNCF sur site) était évalué à un montant inférieur à 15 000 euros.

Les travaux de remise en état de la ligne étaient réalisés par la SNCF courant mars 2012.

Le 12 juillet 2012, la SNCF demandait à la SAS Colas Rail de l'indemniser pour ce sinistre à hauteur de 46 085,60 euros selon décompte « établi conformément au protocole d'évaluation des dommages causés par des tiers aux biens ferroviaires du 1er juillet 2005 conclu entre la SNCF et la Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA) et le Groupement des entreprises mutuelles d'assurance (GEMA). »

La SNCF adressait à la SAS Colas Rail une lettre de rappel le 26 mars 2013 puis un courrier le 27 juin 2013 valant dernière mise en demeure avant saisine de la juridiction compétente.

Le 19 juillet 2013, la SAS Colas Rail faisait part à la SNCF de son étonnement quant au montant élevé qui lui était réclamé et l'informait de ce qu'elle mandatait la SAS Saretec Grands Risques pour évaluer le montant du dommage.

Le rapport d'analyse établi le 7 octobre 2013 par la SAS Saretec Grands Risques évaluait le coût total des travaux de réparation à la somme de 6 316,86 euros HT.

La SNCF maintenait sa position aux termes d'un dernier courrier de mise en demeure adressé le 26 février 2014 à la SAS Colas Rail.

Par acte d'huissier du 24 octobre 2014, la SNCF a fait assigner la SMABTP, assureur de responsabilité civile de la SAS Colas Rail, en paiement de la somme de 46 085,60 euros HT en réparation du préjudice subi.

Par jugement du 28 juillet 2016, le tribunal de grande instance de Carcassonne a :

' condamné la SMABTP à payer à la SNCF la somme de 46 085,60 euros à titre de dommages-intérêts ;

' condamné la SMABTP à payer à la SNCF la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

' débouté les parties du surplus de leurs prétentions ;

' condamné la SMABTP aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration au greffe du 26 août 2016, la SMABTP a relevé appel total du jugement à l'encontre de la SA SNCF Réseau.

Vu les dernières conclusions de la SMABTP remises au greffe le 27 avril 2021 ;

Vu les dernières conclusions de la SA SNCF Réseau remises au greffe le 26 avril 2021 ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 novembre 2021.

MOTIFS DE L'ARRÊT

La SMABTP soutient que l'action engagée par la SA SNCF Réseau n'est pas recevable dans la mesure où cette dernière n'a pas fait application des dispositions contenues dans le « protocole d'évaluation des dommages consécutifs à des accidents causés par des tiers aux biens ferroviaires » conclu en 2005 et dans le règlement d'application pratique (RAP) qui lui est annexé.

La SNCF s'oppose à cette fin de non recevoir en faisant valoir que l'action directe qu'elle exerce sur le fondement de l'article L. 124-3 du code des assurances n'est pas soumise au protocole et au RAP précités. Elle soutient également que ce protocole se limite à définir la méthodologie utilisée pour évaluer le dommage et ne saurait aucunement limiter le droit pour la SNCF d'agir en justice contre l'assureur de l'entreprise responsable d'un dommage.

A titre liminaire, et en réponse à la critique opposée par la SNCF sur ce point, il est rappelé que la SMABTP est recevable à soulever cette fin de non recevoir pour la première fois en cause d'appel.

Le présent sinistre entre dans le champ d'application du « protocole d'évaluation des dommages consécutifs à des accidents causés par des tiers aux biens ferroviaires » signé les 16, 20 et 24 juin 2005 entre la SNCF et les deux fédérations d'entreprises d'assurance la FFSA et le GEMA dont était membre la SMABTP à la date de la signature.

Ce protocole est entré en vigueur le 1er juillet 2005 et s'impose aux parties sans que les procédures judiciaires engagées pour la détermination des responsabilités ne puissent faire échec à son application (article 1-1-4).

Ce protocole a précisément pour but de favoriser le règlement amiable des litiges et d'éviter dans la mesure du possible l'engagement de procédure judiciaire entre les parties.

L'article 2-2 du protocole stipule que « La SNCF doit ménager à l'assureur, ou à l'expert que ce dernier aura désigné, les moyens de procéder de manière contradictoire à :

' la constatation des dommages,

' la détermination des opérations nécessaires (acheminement, remise en état...),

' l'évaluation ferme et définitive des délais nécessaires pour chaque opération,

' l'évaluation du préjudice. »

L'article 2-4 ajoute : « Afin de limiter le contentieux, les parties s'engagent, avant de saisir la juridiction compétente, à épuiser toutes les voies de recours amiables en tentant de parvenir à une solution du litige dans le cadre de la procédure d'escalade prévue au RAP. »

Ce protocole institue donc une procédure obligatoire et préalable à la saisine du juge judiciaire dont le non respect est sanctionné par une fin de non recevoir.

Les moyens soulevés par la SNCF sont inopérants dans la mesure où le protocole qu'elle a signé avec les deux fédérations d'entreprises d'assurance concerne en premier lieu l'action directe que la SNCF est susceptible d'exercer à l'encontre de l'assureur en responsabilité civile d'une entreprise impliquée dans la survenue d'un dommage aux biens ferroviaires. L'article L. 124-3 du code des assurances n'exclut aucunement le protocole mais en constitue au contraire le domaine d'application privilégié.

Par ailleurs, l'examen des clauses du protocole et du RAP montre que l'ensemble de ces dispositions ne se limitent pas à définir une méthodologie d'évaluation du dommage mais établissent un cadre procédural précis et obligatoire destiné à favoriser l'obtention d'une solution amiable entre les parties.

Il ressort en premier lieu des pièces versées au dossier que la SNCF a omis d'informer la SMABTP de la survenue du sinistre ainsi que l'exige l'article 2-1-1 du RAP. En effet, l'information de la SAS Colas Rail par courrier de la SNCF du 11 janvier 2012 ne vaut pas information de l'assureur, contrairement à la position soutenue par la SNCF dans ses écritures.

Dans son courrier du 11 janvier 2012, la SNCF a informé la SAS Colas Rail de ce que le coût de réparation du sinistre serait inférieur à 15 000 euros et autorisait donc la SNCF à entreprendre immédiatement les travaux de remise en état des biens endommagés conformément à l'article 2-2-2 du RAP.

Le coût de réparation a ensuite été fixé à la somme de 46 085,60 euros par la SNCF dans un courrier adressé le 12 juillet 2012 à la SAS Colas Rail qui ne précise aucune raison susceptible d'expliquer la sous évaluation manifeste du coût initialement estimé par la SNCF à un montant inférieur à 15 000 euros.

Il est donc établi que la SNCF n'a pas respecté les stipulations du protocole et a fait obstacle à l'application des dispositions du paragraphe 2-2-3 du RAP en sous estimant, sans motif légitime et avec un écart très important par rapport au montant définitif, le coût de réparation dans le but de bénéficier de la procédure simplifiée instituée par l'article 2-2-2 du RAP.

La SNCF a ainsi fait obstacle à la mise en 'uvre de l'expertise contradictoire prévue par l'article 2-2-3-1 du RAP mais aussi en cas de désaccord, à la désignation d'un tiers expert figurant sur la liste commune de l'annexe 4-1 conformément à l'article 2-2-3-2 du RAP.

La violation par la SNCF des dispositions précitées relatives à l'information de l'assureur, à la mise en oeuvre de l'expertise contradictoire et à l'intervention du tiers expert a fait directement obstacle à la mise en 'uvre des dispositions de l'article 2-4 du RAP relatif au règlement des litiges et à la procédure d'escalade.

En effet, la tentative de règlement amiable et la procédure d'escalade ont été rendus impossibles en l'espèce du fait de l'absence d'expertise contradictoire et du défaut d'information de l'assureur.

En l'absence de réalisation des deux expertises contradictoires successives prévues par le protocole et sans information de l'assureur, les courriers adressés par la SNCF directement à la SAS Colas Rail ne constituent pas des démarches régulières opposables à la SMABTP pour établir la recherche d'une issue amiable au litige conformément au protocole signé le 1er juillet 2005.

Il en ressort que la SNCF a saisi le tribunal de grande instance de Carcassonne avant d'avoir épuisé toutes les voies de recours dans le cadre de la procédure d'escalade obligatoire qui lui imposait préalablement la mise en 'uvre d'une première expertise contradictoire suivie le cas échéant de l'intervention d'un tiers expert habilité.

Le recours formé par la SNCF contre la SMABTP est par conséquent irrecevable.

Le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions et la SA SNCF Réseau sera condamnée à supporter les entiers dépens et à payer à la SMABTP la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable l'action exercée par la SA SNCF Réseau contre la SMABTP ;

Met à la charge de la SA SNCF Réseau les entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Cabee-Biver-Spanghero conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la SA SNCF Réseau à payer à la SMABTP une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs plus amples demandes.

Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 16/06630
Date de la décision : 08/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-08;16.06630 ?
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