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07/09/2022 | FRANCE | N°18/00912

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 07 septembre 2022, 18/00912


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre sociale



ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/00912 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NZ7A



ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 27 JUILLET 2018 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE PERPIGNAN - N° RG F 15/00363





APPELANTE :



SASU MUST [Adresse 1],



représentée par Me [R] [B], ès qualité de Mandataire ad'hoc de la Société MUST

[Adresse 3]

non représentée, assignée en intervention forcée à personne morale le 04/11/2021





INTIMEES :



Madame [V] [O]

[Adresse 6]
...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/00912 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NZ7A

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 27 JUILLET 2018 du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE PERPIGNAN - N° RG F 15/00363

APPELANTE :

SASU MUST [Adresse 1],

représentée par Me [R] [B], ès qualité de Mandataire ad'hoc de la Société MUST

[Adresse 3]

non représentée, assignée en intervention forcée à personne morale le 04/11/2021

INTIMEES :

Madame [V] [O]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Sophie VILELLA, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, subsituée par Me RICHAUD, avocat au barreau de Montpellier

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 4] UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Delphine CLAMENS-BIANCO de la SELARL CHATEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

substitué par Me PANIS, avocat au barreau de Montpellier, substitué par Me SAINT-MARTIN, avocat au barreau de Montpellier

Ordonnance de clôture du 16 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 JUIN 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Pascal MATHIS, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Pascal MATHIS, Conseiller, faisant fonction de président de l'audience

Madame Florence FERRANET, Conseillère

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL

ARRET :

- Réputé contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Pascal MATHIS, Conseiller, faisant fonction de président de l'audience et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.

*

**

EXPOSÉ DU LITIGE

L'EURL MUST a embauché Mme [V] [O] suivant contrat de travail à durée déterminée du 26 septembre 2014 en qualité de coiffeuse pour une durée de trois mois. La salariée a bénéficié d'un contrat de travail à durée indéterminée le 15 décembre 2014.

La salariée a été licenciée pour faute grave par lettre du 16 avril 2015 ainsi rédigée :

« Nous vous avons reçue le 10 avril 2015 à 10h00 pour l'entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre. Malgré les explications que vous nous avez fournies, nous avons décidé de vous licencier. Ainsi que nous vous l'avons exposé lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants :

' Vous avez apostrophé Mme [X] devant votre cliente assise en face de son miroir pour lui faire des reproches sur la qualité de son travail et ce à voix haute afin que les autres clients en profitent.

' Selon vos propos tenus à Mme [X] [N], « Ce n'est pas la peine de crier haut et fort que tu es la patronne, ça se voit » ! sur un ton des plus irrespectueux.

' Vos allégations dites à vos clients(es) fort et clair sur le fait que vous gagnez plus d'argent au chômage qu'à travailler'

' Votre attitude générale et le fait que vous ne cessez de raconter votre vie dans les moindres détails aux clients(es) présentes alors que nous vous avons expressément demandé de cesser tant pour vous protéger que pour arrêter d'ennuyer les clients(es) présents(es).

' Vous n'acceptez aucune demande d'explication par votre hiérarchie s'agissant de votre attitude mais pire, vous vous permettez de crier dessus oubliant ainsi que vous n'êtes ni la propriétaire, ni la responsable du salon mais simplement une employée.

Tous ces faits vous placent dans une position d'insubordination qui nuit gravement au bon déroulement de l'activité de l'établissement. C'est un refus de l'autorité qui s'accompagne d'un comportement difficile et de difficultés relationnelles. Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise. Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture. Nous vous signalons à cet égard qu'en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période pendant laquelle nous vous avons mis à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé. Le contrat que vous avez signé avec notre entreprise le 15/12/2014 comportait une clause de non-concurrence. Nous vous dispensons expressément de l'application de cette clause. Il vous est donc permis de travailler pour toute entreprise de votre choix ou d'exercer toute activité de votre choix. Bien entendu, dans ces conditions, l'indemnité compensatrice de non-concurrence ne vous est pas due. Nous tenons à votre disposition un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et une attestation « employeur assurance chômage », ainsi que les sommes que nous restons vous devoir. »

Contestant son licenciement, Mme [V] [O] a saisi le 18 mai 2015 le conseil de prud'hommes de Perpignan, section commerce, lequel, par jugement de départage rendu le 27 juillet 2018, a :

dit qu'aucune faute grave n'a été commise par la salariée dans l'exécution de son contrat de travail ;

dit que la période de mise à pied à titre conservatoire ne repose sur aucun fondement valable ;

dit que la rupture du contrat de travail n'est pas plus justifiée par l'existence d'une cause réelle et sérieuse ;

requalifié la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

condamné l'employeur à verser à la salariée les sommes suivantes :

'   971,97 € à titre de remboursement des jours de mise à pied ;

'     97,20 € au titre des congés payés y afférents ;

'9 720,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

'1 620,00 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

'   162,00 € au titre des congés payés y afférents ;

débouté la salariée du surplus de ses demandes ;

ordonné à l'employeur de remettre les bulletins de paie, le certificat de travail, l'attestation Pôle Emploi ainsi que le bulletin de paie du préavis dûment rectifiés dans les plus brefs délais à la salariée ;

condamné l'employeur aux entiers dépens ;

condamné l'employeur à verser à la salariée la somme de 700 € au titre des frais irrépétibles.

Cette décision n'a pas été notifiée régulièrement à l'EURL MUST, devenue SASU MUST, laquelle en a dès lors régulièrement interjeté appel suivant déclaration du 12 septembre 2018.

Le tribunal de commerce de Perpignan a placé la SASU MUST en liquidation judiciaire suivant jugement du 22 mai 2019. La procédure collective a été clôturée pour insuffisance d'actif le 29 juillet 2020 et suivant ordonnance du 27 octobre 2021 le président du tribunal de commerce de Perpignan a désigné Maître [R] [B] en qualité de mandataire ad hoc de la SASU MUST.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 16 mai 2022.

Bien que régulièrement assignée en qualité de mandataire ad hoc de la SASU MUST, Maître [R] [B] n'a pas constitué avocat.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 22 novembre 2021 aux termes desquelles Mme [V] [O] demande à la cour de :

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre du paiement des heures supplémentaires, de l'indemnité de congés payés sur le paiement des heures supplémentaires et au titre de l'indemnité de l'article L. 8223-1 ;

le confirmer pour le surplus ;

prononcer l'annulation de la mise à pied ;

dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

fixer sa créance à hauteur des sommes suivantes :

'11 869,92 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

'     958,41 € bruts au titre du remboursement des jours de mise à pied ;

'  1 978,32 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

'     293,67 € bruts au titre de l'indemnité de congés payés sur les jours de mise à pied et le préavis ;

'  2 149,92 € bruts à titre de paiement des heures supplémentaires ;

'     214,99 € bruts au titre des congés payés y afférents ;

'11 869,92 € nets au titre de l'indemnité de l'article L. 8223-1 ;

ordonner au mandataire ad hoc de l'employeur de lui délivrer le certificat de travail, l'attestation Pôle Emploi, les bulletins de paie rectifiés ainsi que le bulletin de paie du préavis ;

condamner le mandataire ad hoc de l'employeur aux frais d'instance, de notification et d'exécution s'il y a lieu ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 16 décembre 2021 aux termes desquelles l'AGS, CGEA de [Localité 4], demande à la cour de :

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;

dire le licenciement pour faute parfaitement justifié et régulier ;

débouter la salariée de ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail ;

débouter la salariée de sa demande au titre de la mise à pied ;

confirmer le jugement attaqué pour le surplus ;

débouter la salariée de ses demandes au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé ;

constater que la garantie de l'AGS est plafonnée toutes créances avancées pour le compte du salarié à l'un des trois plafonds définis par l'article D. 3253-5 du code du travail et qu'en l'espèce, c'est le plafond 5 qui s'applique ;

exclure de la garantie AGS les sommes éventuellement fixées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens et astreinte ;

dire que toute créance sera fixée en brut et sous réserve de cotisations sociales et contributions éventuellement applicables, conformément aux dispositions de l'article L. 3253-8 in fine du code du travail ;

lui donner acte de ce qu'elle revendique le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan des conditions de la mise en 'uvre du régime d'assurance de créances des salariés que de l'étendue de ladite garantie.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur les heures supplémentaires et les congés payés y afférents

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient à la salariée de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

La salariée sollicite la somme de 2 149,92 € bruts à titre de paiement d'heures supplémentaires outre celle de 214,99 € bruts au titre des congés payés y afférents selon le décompte suivant :

' octobre 2014 : 20 heures au taux majoré de 25 %, soit 20 × 13,10 € = 262,075 € [sic] ;

' novembre 2014 : 30h30 au taux majoré de 25 %, soit 30,5 × 13,10 € = 399,66 € [sic] ;

' décembre 2014 : 36 heures, soit 32 heures au taux majoré de 25 %, soit 32 × 13,10 € = 419,20 € et 4 heures au taux majoré de 50 %, soit 4 × 15,72 € = 62,90 € [sic], soit au total, 482,10 € ;

' janvier 2015 : 28h30 au taux majoré de 25 %, soit 28,5 × 13,10 € = 370,73 € [sic] ;

' février 2015 : 23 heures au taux majoré de 25 %, soit 23 × 13,10 € = 301,30 € ;

' mars 2015 : 25h30 au taux majoré de 25 %, soit 25,5 × 13,10 € = 334,05 € ;

soit un total de 163h30 non-rémunérées, pour une somme de 2 149,92 € bruts.

Au soutien de sa demande la salariée produit, outre le témoignage de Mme [I], un listing indiquant pour chaque jour, le temps travaillé et non-rémunéré sans préciser l'heure d'embauche ni l'heure de fin de travail.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur, et en l'espèce à l'AGS, d'y répondre utilement.

L'AGS reproche à la salariée de ne pas démontrer que l'employeur avait donné son accord implicite à la réalisation des heures supplémentaires alors qu'elle se serait comporté au fur et à mesure comme responsable du salon de coiffure faisant ainsi preuve d'un excès de zèle.

La cour retient tout d'abord que la salariée ne travaillait pas en autonomie mais au sein d'un salon de coiffure, en qualité de coiffeuse, et qu'ainsi l'employeur ne pouvait ignorer son activité horaire et a dès lors implicitement donné son accord à cette dernière faute de l'avoir critiquée durant l'exécution du contrat de travail. L'AGS ne produit aucun élément justifiant du temps de travail effectivement accompli par la salariée. En conséquence, il sera fait droit à la demande de cette dernière, en l'absence de tout élément contraire relatif aux heures accomplies, après toutefois correction des erreurs de calcul qui l'affecte.

Ainsi, le décompte retenu par la cour est le suivant :

' octobre 2014 : 20 heures au taux majoré de 25 %, soit 20 × 13,10 € = 262,00 € ;

' novembre 2014 : 30h30 au taux majoré de 25 %, soit 30,5 × 13,10 € = 399,55 € ;

' décembre 2014 : 36 heures, soit 32 heures au taux majoré de 25 %, soit 32 × 13,10 € = 419,20 € et 4 heures au taux majoré de 50 %, soit 4 × 15,72 € = 62,88 €, soit au total, 482,08 € ;

' janvier 2015 : 28h30 au taux majoré de 25 %, soit 28,5 × 13,10 € = 373,35 € ;

' février 2015 : 23 heures au taux majoré de 25 %, soit 23 × 13,10 € = 301,30 € ;

' mars 2015 : 25h30 au taux majoré de 25 %, soit 25,5 × 13,10 € = 334,05 € ;

soit un total de 163h30 non-rémunérées, pour une somme de 2 152,33 € bruts qui sera nécessairement ramenée à la somme réclamée de 2 149,92 € bruts outre celle de 214,99 € bruts au titre des congés payés y afférents.

2/ Sur l'indemnité pour travail dissimulé

La salariée se plaint de dissimulation d'emploi et réclame la somme de 11 869,92 € nets au titre de l'indemnité de l'article L. 8223-1 du code du travail.

Mais il n'apparaît pas que l'employeur ait volontairement dissimulé une partie de l'activité de la salariée. Dès lors, cette dernière sera déboutée de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.

3/ Sur la cause du licenciement

Il appartient à l'employeur qui justifie une mesure de licenciement par une faute grave de rapporter la preuve des griefs adressés à la salariée dans la lettre de licenciement dont les termes fixent les limites du litige.

En l'espèce, le mandataire ad hoc de l'employeur n'a pas comparu, mais l'employeur avait conclu le 12 décembre 2018 en produisant des pièces qui ont été communiquées à la salariée et à l'AGS qui toutes deux les citent et qui sont dès lors dans le débat. Il s'agit des témoignages suivants :

' Mme [L] [E] :

« Alors que Mme [N] [X] venait de me poser ma couleur et que je patientais aux côtés de Mme [V] [O] et de sa cliente, j'entendis les propos ahurissants que Mme [O] tenait à cette dernière. ['] Outre l'attitude et la posture hautaine, les réponses de Mme [O] étaient négatives et faites de manière à faire profiter l'ensemble du salon. Bien qu'il soit difficile de décrire toute la conversation et l'attitude affichée par Mme [V] [O], prenons l'exemple suivant : à une question posée sur les futurs jours de congé du salon, Mme [O] s'est permis de répondre : « je ne sais pas si le salon sera encore ouvert l'année prochaine et si moi je serai encore là d'ailleurs » sur un ton d'une condescendance inadmissible qui ne laissait aucune équivoque. Sentant le malaise de la cliente, Mme [X] est alors intervenue pour répondre correctement à la dame. Fidèle cliente de Mme [N] [X] et connaissant le statut de Mme [V] [O], je témoigne, car je trouve inadmissible, moi-même étant employée, qu'on puisse s'octroyer le droit de se comporter de cette manière. Il apparaît très clair pour moi que Mme [V] [O] a transgressé outrageusement son statut de simple salariée vis-à-vis de sa direction. »

' Mme [A] [D] :

« en effet, de mon point de vue, Mme [O] a fait preuve de fréquents et brusques changements d'humeur et de caractère, ce comportement ayant commencé à vraiment se démontrer lors de l'arrivée de Mme [X] [N], notre patronne, au sein de [Localité 8]. À partir de l'arrivée de Mme [X], avec qui j'avais eu l'occasion de travailler auparavant dans de très bonnes conditions sur le site de [Localité 7], le comportement de Mme [O] a commencé à présenter certains changements et l'ambiance a débuté, de mon point de vue, à devenir tendue, nous amenant à de mauvaises conditions de travail. Mme [O] a dès lors fait preuve d'un esprit non professionnel avec ses supérieurs et ce même par-devant la clientèle de l'entreprise. »

' Mme [T] [Y] [M] :

« Travaillant à ses côtés pendant quasiment quatre mois, j'ai pu constater au quotidien ses curieux sauts d'humeur souvent inadaptés que ce soit vis-à-vis de la clientèle que de la direction. Alors que M. [K] [W] s'est toujours comporté de manière plus que correcte vis-à-vis de ses employées, Mme [O] ne pouvait s'empêcher de dénigrer systématiquement et souvent auprès de la clientèle présente chaque fait et geste. J'ai pu constater qu'elle profitait et abusait de la gentillesse et la confiance de M. [K] [W]. »

' Mme [S] [P] :

« je me suis rendue au salon MUST début novembre 2014 où j'ai été accueillie par Mme [V] [O] de manière choquante. En tant qu'ancienne commerçante, jamais je n'ai vu une attitude et un comportement si peu professionnel à l'égard de la clientèle. Outre un langage vulgaire et des commentaires incessants sur ses états d'âmes et aventures amoureuses, c'est l'attitude hautaine qui était la plus choquante. Jamais je n'ai reçu un tel accueil dans un salon de coiffure, qui est plus est, son comportement et sa manière de s'exprimer vis-à-vis de ses collègues de travail laissaient penser qu'elle était la patronne des lieux. C'est en appelant le salon de [Localité 7] que j'ai compris qu'elle n'était qu'une salariée d'où mon témoignage. ['] A refusé de me coiffer n'ayant pas de rendez-vous et ne m'a pas proposé de rendez-vous. Là encore, c'est la manière inadmissible qui surprend. Pour reprendre ses propres termes : « j'ai autre chose à faire que de vous coiffer, j'ai mes rendez-vous, on verra après si ça vous plaît d'attendre ! » Si la direction n'avait pas changé le personnel, jamais je ne serais revenue dans ce salon. »

' Mme [Z] [H] :

« Un matin de mars. Je ne sais plus la date. Pour une couleur non marque, Mme [O] [V] a été très dure en paroles vis-à-vis de sa patronne devant la clientèle. »

La salariée conteste ces éléments notamment en expliquant qu'ils ne sont pas datés ou qu'ils sont antérieurs de plus de deux mois à l'engagement de la procédure de licenciement. En sens inverse, elle produit une attestation de Mme [I] qui atteste s'être :

« rendue plusieurs fois depuis son ouverture au salon de coiffure « The Must ». J'étais devenue une cliente fidèle, ma coiffeuse attitrée était [V], la 1re fois où j'y suis allée, [N] me l'a présentée comme future gérante du salon disant qu'ils projetaient avec son mari d'en ouvrir plusieurs et qu'il lui fallait des gens de confiance. En cette période l'ambiance était sereine' La deuxième fois où j'y suis allée, [V] était seule avec une autre coiffeuse le travail se faisait dans la bonne humeur. J'ai pris RDV un jeudi de février à 13 heures, je suis arrivée à 12h30, [N] et [V] travaillaient sans relâche, oubliant toute pause, (la deuxième coiffeuse de ma deuxième visite n'était plus là. [N] m'a dit ne l'avoir pas gardée, car elle ne convenait pas au salon. Cette dernière était d'un certain âge et avait été remplacée par une jeune femme. J'ai été présente dans le salon de 12h30 à 18h30, rejointe par mes filles et mon petit-fils, moi ayant demandé mèches-couleur coupe brushing' et là j'ai constaté des choses plus ou moins bizarres. Vers 15 h [N] est allée grignoter, quand [V] a voulu faire pareil, [N] y est allée derrière, [V] est revenue, le visage fermé, contrariée' je lui ai demandé si cela allait elle m'a répondu ça va ; mais semblait toute triste. J'y ai dit [N] est bizarre et pour la défendre elle m'a dit non. Plus tard pour économiser son dos, [V] a pris un plateau à roulettes, tout à coup j'ai vu ce plateau tiré très violemment par [N]' [V] essayant de le retenir, j'ai fait oups' [N] m'a dit qu'elle n'en avait pas besoin ils ne sont pas prévus pour cela. Pour moi [V] est une coiffeuse très compétente, à l'écoute de la clientèle, souriante. Beaucoup de clients qui ont appelé dans l'après-midi ont demandé un rendez-vous avec elle. Je suis retournée au salon prendre rendez-vous y a quinze jours, [N] m'a dit que [V] était en congé. J'y suis retournée elle m'a dit qu'elle était malade. Sachant ou elle habitait je suis passée voir [V], qui m'a alors annoncé qu'elle allait être licenciée et les motifs invoqués. Ces derniers étant pour moi faux j'établis cette attestation en toute connaissance pour valoir ce que de droit. »

La salariée ajoute qu'une salariée du salon, Mme [F] [J], atteste des responsabilités qui lui avaient été confiées et du comportement caractériel de Mme [N] [X]. Elle affirme qu'elle n'a jamais manifesté d'insubordination mais qu'elle a au contraire souffert, sans jamais se plaindre, du comportement lunatique et despotique de Mme [N] [X].

L'AGS soutient que la faute grave est bien constituée en reprenant les témoignages produits par l'employeur.

La cour retient que l'employeur, qui ne date pas précisément les faits reprochés à la salariée, produit des témoignages incriminant son attitude dès son embauche avec une aggravation à compter de l'arrivée de Mme [N] [X] au mois de février 2015. Pourtant, il apparaît qu'après un contrat de travail à durée déterminée de trois mois, il a accordé à la salariée, le 15 décembre 2014, un contrat de travail à durée indéterminée et que ni dans le cadre du premier ni dans le cadre du second il n'a usé de son pouvoir de direction pour interpeller la salariée sur son comportement ni de son pouvoir disciplinaire pour, à minima, l'avertir loyalement qu'elle commettait ainsi à ces yeux une faute disciplinaire. Au vu de l'ensemble des éléments rapportés et ainsi discutés, il n'apparaît pas que la salariée ait commis une faute grave s'opposant à la poursuite de son contrat de travail et pas plus que le licenciement soit fondé sur une cause réelle et sérieuse.

4/ Sur la mise à pied conservatoire et les congés payés y afférents

La salariée sollicite la somme de 958,41 € bruts au titre du remboursement des jours de mise à pied conservatoire outre les congés payés y afférents. Le licenciement étant infondé, il sera fait droit à cette demande pour le montant sollicité qui n'est pas discuté par l'AGS et qui sera augmenté de la somme de 95,84 € au titre des congés payés y afférents.

5/ Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents

La salariée réclame la somme de 1 978,32 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis d'un mois outre les congés payés y afférents. Le licenciement étant privé de cause réelle et sérieuse, il sera fait droit à sa demande pour le montant sollicité qui, comme précédemment, n'est pas contesté en son calcul par l'AGS et qui sera augmenté de la somme de 197,83 € au titre des congés payés y afférents.

6/ Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La salariée était âgée de 48 ans au temps du licenciement et elle bénéficiait d'une ancienneté de 7 mois. Elle a retrouvé un emploi en qualité de coiffeuse qualifiée du 4 novembre 2015 au 29 février 2016 et encore en qualité de coiffeuse mixte du 16 novembre 2016 au 31 décembre 2016 puis de juin à août 2017 en qualité de vendeuse et de coiffeuse pour la deuxième quinzaine de décembre 2017, année durant laquelle elle a obtenu un diplôme de conseiller funéraire. La salariée a retrouvé un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de coiffeuse à compter du 21 mars 2018.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, son préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme équivalente à trois mois de salaire, soit 3 × 1 978,32 € = 5 934,96 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

7/ Sur les autres demandes

L'AGS sera tenue dans les limites légales et réglementaires de sa garantie.

Le mandataire ad hoc de l'employeur délivrera à la salariée un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et le bulletin de paie du préavis conformes au présent arrêt.

Il convient d'allouer à la salariée la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de la liquidation judiciaire de l'employeur.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

dit qu'aucune faute grave n'a été commise par Mme [V] [O] dans l'exécution de son contrat de travail ;

dit que la période de mise à pied à titre conservatoire ne repose sur aucun fondement valable ;

dit que la rupture du contrat de travail n'est pas plus justifiée par l'existence d'une cause réelle et sérieuse ;

requalifié la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'infirme pour le surplus.

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [V] [O] de sa demande relative à une dissimulation d'emploi.

Fixe la créance de Mme [V] [O] sur la liquidation judiciaire de la SASU MUST aux sommes suivantes :

2 149,92 € bruts à titre de paiement d'heures supplémentaires ;

214,99 € bruts au titre des congés payés y afférents ;

958,41 € bruts au titre du remboursement des jours de mise à pied conservatoire ;

95,84 € bruts au titre des congés payés y afférents ;

1 978,32 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

197,83 € au titre des congés payés y afférents ;

5 934,96 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dit que l'AGS, CGEA de [Localité 4], devra garantir par application des dispositions de l'article L. 3253-8 du code du travail le paiement des sommes fixées dans la limite du plafond prévu aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du même code du travail sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles pour procéder au paiement.

Dit que Maître [R] [B], en qualité de mandataire ad hoc de la SASU MUST, délivrera à Mme [V] [O] un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et le bulletin de paie du préavis conformes au présent arrêt.

Fixe la créance de Mme [V] [O] sur la liquidation judiciaire la SASU MUST concernant les frais irrépétibles de première instance et d'appel à la somme de 1 500 €.

Dit que les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de la liquidation judiciaire de la SASU MUST.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18/00912
Date de la décision : 07/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-07;18.00912 ?
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