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06/09/2022 | FRANCE | N°19/02297

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 06 septembre 2022, 19/02297


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 06 SEPTEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/02297 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OC5Z



ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 12 MARS 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 17/02787





A

PPELANTS :



Madame [R] [S] épouse [K]

née le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 8] (75)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Sylvain DONNEVE de la SCP DONNEVE - GIL, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substitué sur l'audience...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 06 SEPTEMBRE 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/02297 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OC5Z

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 12 MARS 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 17/02787

APPELANTS :

Madame [R] [S] épouse [K]

née le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 8] (75)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Sylvain DONNEVE de la SCP DONNEVE - GIL, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substitué sur l'audience par Me Fiona GIL, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

Maître [O] [M] ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de l'EURL [S]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Sylvain DONNEVE de la SCP DONNEVE - GIL, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES substitué sur l'audience par Me Fiona GIL, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

INTIMEES :

S.A.S. VOLO représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social

RN 9

CENTRE COMMERCIAL INTERMARCHE

[Localité 5]

Représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué sur l'audience par Me Christian COUVRAT, avocat au barreau de PARIS

SNC VALLESPIR prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 7]

[Adresse 9]

[Localité 2]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué sur l'audience par Me Jean-Pierre BURAVAN, avocat au barreau de TARASCON

Ordonnance de clôture du 07 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 MAI 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

Monsieur Emmanuel GARCIA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL

ARRET :

- contradictoire,

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Sabine MICHEL, greffier.

*

**

Par acte du 29 février 2008, la SNC Vallespir a consenti à l'EURL [S] une cession de droit au bail de locaux pour une activité de coiffure dans la galerie marchande d'un centre commercial Intermarché exploité par la SAS Volo.

Dans la nuit du 26 au 27 août 2014, un incendie à l'origine indéterminée a détruit une partie du centre commercial et notamment le local exploité par l'EURL [S].

La SNC Vallespir a notifié par lettre recommandée du 30 octobre 2014 la résiliation de plein droit du bail commercial en application de l'article 1722 du code civil.

Par jugement du 21 janvier 2015, le tribunal de commerce a placé l'EURL [S] en liquidation judiciaire.

Une expertise solidité réalisée par le bureau SOCOTEC a déposé un rapport daté du 15 décembre 2014.

Une expertise judiciaire a été ordonnée en référé par le liquidateur et la gérante [R] [S] à titre personnel pour rechercher les causes de l'incendie et déterminer l'étendue des désordres au contradictoire de la SAS Volo et la SNC Vallespir. L'expert a déposé son rapport le 21 décembre 2015.

L'EURL [S] et son mandataire liquidateur, et [R] [S] à titre personnel, ont saisi le tribunal de commerce de Perpignan pour obtenir la condamnation de la SAS Volo et la SNC Vallespir à indemniser leur préjudice, résultant pour la première de la perte du fonds de commerce, pour la deuxième de la perte de revenus consécutive à la cessation totale de son activité.

Par jugement du 14 février 2017, le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent au bénéfice du tribunal de Grande instance.

Par acte du 27 juillet 2017, l'EURL [S] et son mandataire judiciaire, et [R] [S], ont assigné la SAS Volo et la SNC Vallespir devant le tribunal de grande instance de Perpignan, pour faire constater que l'incendie avait pour origine l'installation électrique du centre commercial, sur laquelle était intervenue quelques heures avant un employé de la SAS Volo sans habilitation et sans prendre les mesures de sécurité nécessaires, que le bail commercial n'était pas résilié de plein droit en l'absence de destruction des locaux par l'incendie.

Le jugement rendu le 12 mars 2019 par le tribunal de grande instance de Perpignan énonce dans son dispositif :

Déboute la SAS Volo et la SNC Vallespir de la fin de non-recevoir pour défaut d'intérêt et de qualité à agir.

Dit irrecevable en son action [R] [S] pour défaut d'un intérêt et d'une qualité à agir.

Déboute la SNC Vallespir de la fin de non-recevoir qui résulterait d'une clause de renonciation à tout recours.

Constate que l'origine de l'incendie est accidentelle.

Dit que le régime spécifique de la communication d'incendie de l'article 1384 alinéa 2 du Code civil est applicable, et non pas l'article 1382.

Déboute l'EURL [S] représentée par son liquidateur de son action en responsabilité et en indemnisation pour la perte de son fonds de commerce à l'encontre de la SAS Volo en l'absence de faute prouvée au titre de l'article 1384 du Code civil.

Déboute l'EURL [S] représentée par son liquidateur de son action à l'encontre de la SNC Vallespir pour manquement à son obligation de délivrance et de jouissance paisible.

Dit que la chose louée a été détruite en totalité par cas fortuit entraînant la résiliation de plein droit au sens de l'article 1722 du Code civil.

Déboute l'EURL [S] représentée par son liquidateur de la demande d'indemnisation de la valeur vénale de son fonds de commerce.

Condamne l'EURL [S] représentée par son liquidateur aux dépens.

Rejette les demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement retient la qualité à agir de locataire de l'EURL [S] représentée par son liquidateur, et l'intérêt à agir sur la contestation de la résiliation de bail, que la clause du bail que le preneur fera son affaire personnelle de tous dégâts ou troubles causés par des tiers ne permet pas au bailleur de s'affranchir de l'examen du bien-fondé de la résiliation du bail dont il a pris l'initiative.

En revanche, [R] [S] est irrecevable à demander l'indemnisation d'un préjudice de l'EURL [S] qui a la personnalité morale

Le jugement observe que l'expert judiciaire déclare sans être sérieusement critiqué que la cause de l'incendie est imputable à un court-circuit accidentel.

Il retient qu'une faute du préposé de la société Volo qui a pris l'initiative de réarmer ce jour-là le disjoncteur général sans avoir d'habilitation particulière, en lien de causalité avec l'incendie, n'a pas été établie par l'expertise judiciaire, de sorte que l'origine du sinistre reste incertaine.

Il écarte le fondement d'une indemnisation par la SNC Vallespir d'un défaut de délivrance et de jouissance paisible dans l'application spécifique de l'article 1722 du Code civil sur les conséquences de la destruction totale ou partielle des locaux loués.

Il retient contrairement à l'expertise judiciaire que le rapport de la SOCOTEC établit clairement la menace d'effondrement qui a justifié le choix de la SNC Vallespir de procéder à la démolition complète du centre commercial pour la sécurité des personnes et des biens, et en application de l'article 1722 du Code civil de procéder à la résiliation de plein droit du bail de la chose louée détruite.

L'EURL [S] représentée par son liquidateur et [R] [S] ont relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 3 avril 2019.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 7 février 2022.

Les dernières écritures pour l'EURL [S] représentée par son liquidateur et pour [R] [S] ont été déposées le 18 novembre 2019.

Les dernières écritures pour la SAS Volo ont été déposées le 25 septembre 2019.

Les dernières écritures pour la SNC Vallespir ont été déposées le 29 août 2019.

Le dispositif des écritures pour l'EURL [S] représentée par son liquidateur et [R] [S] énonce en termes de prétention :

Réformer la décision en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'action de [R] [S], et rejeté les demandes de l'EURL [S] représentée par son liquidateur à l'encontre de la SAS Volo et la SNC Vallespir.

Condamner in solidum la SAS Volo et la SNC Vallespir à verser la somme de 56 936,75 € correspondant à la valeur vénale du fonds de commerce en réparation des préjudices subis par les fautes respectivement délictuelles et contractuelles.

Condamner in solidum la SAS Volo et la SNC Vallespir à verser la somme de 100 000 € à [R] [S] en réparation de son préjudice propre découlant de la perte de revenus qu'elle tirait de l'activité.

Les condamner à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 6000 € au mandataire liquidateur de l'EURL [S], et la somme de 6000 € à [R] [S], et aux dépens.

L'EURL [S] expose que la garantie d'assurance lui a été refusée au motif de la résiliation de plein droit pour cessation totale d'activité, que l'expertise judiciaire a établi que l'incendie provenait d'un défaut de protection d'une ligne électrique de l'installation relevant de la compétence de la SAS Volo en vertu du bail commercial, à la suite de l'enclenchement des disjoncteurs par un employé de cette société sans habilitation ni mesures de sécurité élémentaires, en relevant que l'établissement n'avait pas été directement affecté sans menace d'effondrement sur cette partie du bâtiment.

Il en résulte la responsabilité de la SAS Volo, et celle de la SNC Vallespir en l'absence des conditions de résiliation de plein droit, et donc en l'absence de garantie de jouissance paisible.

Elle demande la confirmation du rejet des fins de non-recevoir, en indiquant notamment que la contestation de la destruction totale des locaux rend sans objet la fin de non-recevoir invoquée par la société Volo du fait d'une résiliation de plein droit qui lui enlèverait la qualité de locataire, et que la clause du bail de renonciation à tout recours en cas de dégâts des eaux n'exonère pas le bailleur de l'examen du bien-fondé de la résiliation du bail dont il a pris l'initiative.

[R] [S] soutient que son préjudice est fondé sur la responsabilité délictuelle à l'égard du tiers au contrat de bail commercial, que la résiliation fautive du contrat de bail est à l'origine de la perte de revenus.

La locataire et sa gérante soutiennent la faute délictuelle, au sens d'un comportement négligent à l'origine du sinistre, relevée par l'expertise d'un défaut de vérification suffisante et régulière de l'installation électrique et de l'intervention intempestive du préposé.

Elles font observer que sans l'intervention du préposé sur le disjoncteur l'arrêt de l'alimentation électrique n'aurait pas pu générer l'incendie.

Elles demandent de constater que le local n'a pas été détruit par l'incendie mais le choix volontaire de la SNC Vallespir qui ne s'imposait pas, de sorte que le bail commercial n'était pas résilié de plein droit, et que la perte du droit au bail relève directement de la responsabilité de la SNC Vallespir qui a manqué à ses obligations contractuelles, notamment de délivrance et de jouissance paisible.

Elles soutiennent que même le rapport SOCOTEC ne conclut pas à une menace certaine d'effondrement, ni la nécessité absolue de destruction du centre commercial dans la zone des locaux de son activité.

Elles soutiennent que le bailleur ne peut pas invoquer la jurisprudence de l'importance des frais de reconstruction alors que des travaux de remise en état auraient été seulement nécessaires.

Elles soutiennent pour l'appréciation du préjudice que l'EURL [S] était bien propriétaire du fonds de commerce avec le bénéfice d'un bail commercial et d'une clientèle propre.

Le dispositif des écritures pour la SAS Volo énonce :

A titre principal, réformer le jugement et dire que l'EURL [S] est irrecevable à agir faute d'un intérêt et d'une qualité, et confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré [R] [S] irrecevable à agir faute de preuve d'un intérêt et d'une qualité personnelle.

A titre subsidiaire, confirmer le jugement.

Condamner l'EURL [S] à verser une somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens dont le recouvrement sera effectué conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La SAS Volo soutient que l'EURL [S] n'est plus propriétaire de son fonds de commerce depuis la résiliation de plein droit pour destruction totale des locaux en application de l'article 1722 du Code civil qui exclut tout paiement d'indemnités, de sorte qu'elle n'a plus ni intérêt ni qualité à agir en indemnisation de la perte de son droit au bail.

Elle indique que l'assureur AXA a précisé dans l'instance en référé que la garantie connexe de perte de valeur vénale du fonds de commerce a été indemnisée.

Au subsidiaire elle demande à la cour d'adopter les motifs pertinents des premiers juges.

Elle indique que son employé a toujours contesté les manipulations qui lui sont attribuées par l'enquête pénale sur le circuit électrique, que l'expertise judiciaire n'a établi aucune certitude sur les causes de l'incendie.

Elle indique que la perte éventuelle du fonds de commerce relève de la seule décision de résiliation de plein droit du bail qui n'est pas imputable à la société Volo, que l'exploitant dans une galerie d'un centre commercial ne rapporte pas la preuve d'un préjudice de perte de clientèle propre.

La société Volo expose que le rapport du locataire exploitant avec le propriétaire des murs ne relève pas des dispositions de l'article 1384 du Code civil, mais de celles de l'article 1733 qui retient la responsabilité du locataire des locaux incendiés.

Le dispositif des écritures pour la SNC Vallespir énonce en termes de prétention :

Confirmer le jugement déféré, sauf sur le rejet des moyens d'irrecevabilité.

Condamner l'EURL [S] à payer la somme de 4000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens y compris les frais d'expertise distraits au profit de l'avocat.

La SNC Vallespir expose que le bail mentionne que le preneur renonce à tout recours en responsabilité contre le bailleur pour toutes circonstances, avec par ailleurs une obligation d'assurance en cas d'incendie.

Elle soutient que l'action n'a été engagée qu'en raison d'une indemnisation prétendue insuffisante de la garantie d'assurance.

Elle demande en subsidiaire la confirmation des motifs pertinents du premier juge.

Elle soutient que la démolition des locaux et de l'ensemble du centre commercial était nécessaire en raison du risque d'effondrement et du danger pour tous les occupants des lieux, que l'ingénieur de la SOCOTEC a noté concernant la zone du local en cause que les désordres observés montrent que les structures ont subi des échauffements très importants qui ont pu diminuer leurs propriétés mécaniques de sorte que les portiques n'assurent plus leur stabilité et que la solidité du plancher n'est plus assurée, qu'un complément de l'expertise considère que les structures de la zone ont été détériorées de manière irréversible.

Elle soutient au subsidiaire que le préjudice ne peut pas être égal à la valeur du fonds de commerce qui n'existe pas selon les stipulations contractuelles de l'acte de cession du 29 février 2008 compte tenu de la spécificité d'une galerie marchande.

Elle ajoute que la jurisprudence assimile à la perte totale de la chose louée l'impossibilité de jouissance et d'usage, ou un coût de travaux nécessaires exorbitant par rapport à la valeur vénale du fonds, qu'il faut rappeler que le fonds de commerce se situe dans une galerie marchande dont l'exploitation est entièrement dépendante de la poursuite de celle du magasin principal Intermarché.

Elle soutient que la gérante n'est pas fondée à réclamer une indemnisation personnelle à son encontre, que par ailleurs la réalité des préjudices réclamés n'est pas rapportée, que l'éventuelle responsabilité de la société Volo serait de nature à écarter la sienne, que la jouissance paisible n'a été interrompue que par l'incendie d'origine accidentelle.

MOTIFS

Sur les fins de non-recevoir

La cour adopte les motifs pertinents du premier juge qui ne font pas l'objet de critiques sérieusement argumentées pour retenir la qualité et l'intérêt à agir du locataire commercial dans un litige sur la résiliation de son bail, dont il conteste justement la validité.

La cour considère comme le premier juge que la mention dans l'avenant au bail de sous-location que le preneur fera son affaire personnelle de tous dégâts causés aux lieux loués, et se pourvoira directement contre les auteurs sans que le bailleur puisse être recherché, ne caractérise pas une clause sans équivoque de renonciation du preneur à contester le bien-fondé de la notification de la résiliation de plein droit du bail pour un motif de destruction totale.

La cour infirme en revanche le premier juge en ce qu'il a rejeté la qualité et l'intérêt à agir de [R] [S], alors qu'elle est fondée à pouvoir prétendre à un préjudice propre de perte de revenus dans sa qualité de gérante détentrice des parts de l'EURL [S] du fait de la résiliation du bail commercial qu'elle conteste, même si elle n'est pas partie contractante du bail.

Sur la résiliation du bail

L'article 1722 du Code civil dispose que le bail est résilié de plein droit si la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, sans qu'il y ait lieu à aucun dédommagement.

Le bailleur cédant du droit au bail a fondé sur ces dispositions la résiliation de plein droit du bail par lettre du 30 octobre 2014, pour le motif énoncé que dans le cadre de l'incendie il ressort du rapport d'expertise solidité que le bâtiment doit être entièrement démoli.

Le rapport d'avis technique visé par la lettre de résiliation, établi le même jour 30 octobre 2014 par l'agence SOCOTEC, indique en conclusion que sur la partie de la galerie examinée, 80 % des structures ont subis des dommages manifestement irréversibles, et 20 % présentent des traces d'échauffement de nature à modifier irréversiblement les caractéristiques mécaniques de l'acier.

L'avis précise que les portiques n'assurent plus la stabilité des structures, la solidité du plancher n'est plus assurée, les bacs aciers ont subi des dommages qui ne permettent pas de garantir leur étanchéité et leur pérennité.

Le rapport d'avis complémentaire du même technicien à la suite d'une nouvelle visite le 10 décembre 2014, notamment pour examiner les parties d'ouvrages qui n'étaient pas visibles lors de la première intervention, sur la zone 3 où se situe le local d'activité de l'EURL [S], constate la même situation irréversible, et précisément sur la partie boutique concernant les coques qui assurent la stabilité d'ensemble de la structure.

La cour en déduit la preuve suffisante d'une situation de péril équivalente à la condition de destruction totale d'application de l'article 1722 du Code civil, en ce que la démolition de l'ensemble du bâtiment était devenue nécessaire en raison des risques mis en évidence pour la sécurité des usagers de la galerie.

L'indication affirmée dans le rapport de l'expertise judiciaire que « la notion de péril imminent n'est en aucun cas avérée », que le rapport SOCOTEC ne répondrait pas à la certitude d'une menace d'effondrement et de nécessité de démolition, ne remet pas sérieusement en cause la validité technique de l'appréciation d'un péril imminent rendant nécessaire la démolition et la reconstruction, alors que l'expert judiciaire n'a pas souhaité donner une suite favorable à la demande dans un dire du 7 décembre 2015 du conseil de la SNC Vallespir de faire intervenir un ingénieur dans un domaine technique qui n'est pas sa spécialité pour répondre à la question, et que l'ingénieur SOCOTEC fait une réponse circonstanciée à l'appréciation divergente de l'expert dans un courrier du 2 décembre 2015 pour confirmer son appréciation technique du 30 octobre et du 10 décembre 2014.

Le caractère de cas fortuit de l'origine de l'incendie, également condition d'application de l'article 1722 du Code civil, résulte de l'absence de preuve certaine d'une faute d'un tiers qui serait la cause déterminante du sinistre.

La cour renvoie les parties à la lecture des motifs pertinents particulièrement circonstanciés du premier juge pour constater le défaut de lien certain de causalité avec une erreur invoquée de manipulation du disjoncteur par un employé de la SAS Volo, ou avec un défaut d'entretien des installations électriques, qui n'ont pu ni l'un ni l'autre être mis en évidence par l'expertise judiciaire.

La cour en déduit que l'EURL [S] n'apporte pas la preuve suffisante de la faute d'un tiers au sens de l'application du deuxième alinéa de l'article 1242 du Code civil, et par conséquent la confirmation de la validité de la signification de la résiliation de plein droit dans un cas fortuit, dans la relation contractuelle avec la SNC Vallespir.

La faute délictuelle imputée par l'EURL [S] à la SAS Volo dans un défaut d'entretien suffisant des installations électriques n'est pas non plus fondée en lien certain de causalité avec le sinistre par les débats et notamment les expertises réalisées.

Il en résulte en application de l'article 1722 du Code civil l'absence de droit à dédommagement.

L'EURL [S] n'est pas davantage fondée comme l'énonce à juste titre le premier juge à réclamer une indemnisation pour défaut de délivrance conforme de la chose louée alors que la jouissance paisible a été assurée jusqu'au sinistre incendie.

L'absence de preuve d'une faute contractuelle de la SNC Vallespir, d'une faute délictuelle de la SAS Volo en lien de causalité avec la résiliation du bail commercial ne permet pas de retenir à l'égard de l'une ou de l'autre une responsabilité d'un préjudice de [R] [S].

Sur les autres prétentions

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais non remboursables exposés en appel.

L'EURL [S] représentée par son mandataire judiciaire supportera les dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe ;

Confirme le jugement rendu le 12 mars 2019 par le tribunal de grande instance de Perpignan ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;

Condamne l'EURL [S] aux dépens de l'appel.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/02297
Date de la décision : 06/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-06;19.02297 ?
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