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07/07/2022 | FRANCE | N°16/04558

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 07 juillet 2022, 16/04558


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 7 JUILLET 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 16/04558 - N° Portalis DBVK-V-B7A-MVZA



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 03 mai 2016

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 15/01801





APPELANTE :



Madame [P] [D]

née le 19 Novembre 1965 à ORAN

de nationalité Française

[

Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jean-Pierre BERTHOMIEU de la SELARL MBA & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIMES :



Monsieur [J] [O]

SIRET 327 778 502

de nationalité Française

[Adresse 3...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 7 JUILLET 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 16/04558 - N° Portalis DBVK-V-B7A-MVZA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 03 mai 2016

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 15/01801

APPELANTE :

Madame [P] [D]

née le 19 Novembre 1965 à ORAN

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jean-Pierre BERTHOMIEU de la SELARL MBA & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :

Monsieur [J] [O]

SIRET 327 778 502

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Frédéric VERINE de la SCP TRIAS, VERINE, VIDAL, GARDIER LEONIL, avocat au barreau de MONTPELLIER

SA GAN ASSURANCES

RCS de PARIS n°542 063 797, prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES-SENMARTIN ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Me Jérémy ROUSSEL, avocat au barreau de MONTPELLIER

SA MUTUELLE DU MANS ASSURANCES IARD

RCS LE MANS n°440 048 882, prise en la personne de son représentant légal en exercice demeurant et domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Frédéric VERINE de la SCP TRIAS, VERINE, VIDAL, GARDIER LEONIL, avocat au barreau de MONTPELLIER

SAS IDESKO

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Non représentée - signification délivrée par procès verbal de recherches infructueuses du 20/09/2016

Ordonnance de clôture du 22 Mars 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 AVRIL 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre, chargé du rapport et M. Fabrice DURAND, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre

M. Fabrice DURAND, Conseiller

Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée par ordonnance du premier président du 1er décembre 2021

Greffier, lors des débats : Mme Camille MOLINA

ARRET :

- rendu par défaut.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour fixée au 16 juin 2022 prorogée au 7 juillet 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

Le 8 septembre 2006, Madame [P] [D] a passé un marché de travaux d'un montant de 2 982,82 euros avec la SAS Idesko portant sur la remise en état de la climatisation de son cabinet médical, sous la maîtrise d''uvre de Monsieur [J] [O].

Cette climatisation s'étant trouvée hors d'usage en novembre 2007, Madame [P] [D] a obtenu du juge des référés la désignation, par ordonnance du 13 novembre 2008, de Monsieur [S] en qualité d'expert. Ce dernier a déposé son rapport le 18 mars 2010.

Par exploits d'huissier des 3, 4, 5 et 15 mars 2015, Madame [P] [D] a assigné la SAS Idesko et son assureur la SA Gan Assurances ainsi que Monsieur [J] [O] et son assureur la compagnie Mutuelles du Mans Assurances Iard en paiement de la somme de 168 466,80 euros sur le fondement de l'article 1792 du code civil.

Par jugement en date du 3 mai 2016, le tribunal de grande instance de Montpellier a :

- fixé au 7 juin 2008 la date de réception des travaux litigieux par Madame [P] [D] ;

- condamné Monsieur [J] [O], la compagnie Mutuelles du Mans Assurances Iard, la SAS Idesko et la SA Gan Assurances à payer in solidum à Madame [P] [D] avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement la somme de 18 000 euros au titre des travaux de réparation, la somme de 9 400 euros au titre du préjudice financier, ainsi qu'à supporter les dépens comprenant ceux du référé expertise n°08/31784 ;

- rejeté toute autre demande ;

- dit que dans les rapports entre codébiteurs in solidum, les sommes seront supportées par parts égales par les deux compagnies d'assurance qui se devront garantie pour moitié.

Madame [P] [D] a interjeté appel de ce jugement le 10 juin 2016 à l'encontre de la SAS Idesko et de son assureur la SA Gan Assurances, de Monsieur [J] [O] et de son assureur la compagnie Mutuelles du Mans Assurances Iard.

La SAS Idesko n'ayant pas constitué avocat dans le délai prévu à l'article 902 du code de procédure civile, Madame [P] [D] lui a fait signifier la déclaration d'appel ainsi que ses conclusions le 20 septembre 2016 mais les recherches effectuées par l'huissier de justice sont demeurées infructueuses.

Vu les conclusions de Madame [P] [D] remises au greffe le 8 juin 2021 ;

Vu les conclusions de la SA Gan Assurances remises au greffe le 16 avril 2021 ;

Vu les conclusions de Monsieur [J] [O] et de la SA Mutuelle du Mans Assurances Iard remises au greffe le 18 janvier 2022 ;

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur le désistement de l'appel interjeté par Madame [D] à l'encontre de la SAS Idesko :

Madame [D] se désiste de son appel dirigé contre la SAS Idesko, en liquidation judiciaire selon jugement du tribunal de commerce de Nîmes en date du 8 novembre 2011.

Sur la réception :

Le Gan fait valoir que Madame [D], par procès-verbal du 2 novembre 2006, a refusé de réceptionner le lot climatisation confié à la société Idesko et que ce procès-verbal ne saurait valoir réception des travaux, le Gan ne pouvant donc voir sa garantie engagée au titre de la responsabilité décennale.

En l'espèce, il convient de constater que si le procès-verbal du 2 novembre 2006 fait état d'une liste de réserves, ces dernières n'ont aucun lien avec les défaillances de l'installation survenues postérieurement, étant rappelé que l'installation a fonctionné sans désordre significatif jusqu'à la casse du compresseur le 7 juin 2008.

La liste de réserves concerne notamment l'absence de notice d'entretien et d'utilisation du matériel, l'absence d'attestation de contrôle d'étanchéité, de document de mise en route, de document sur les caractéristiques techniques des grilles de décompression.

Par conséquent, lors de l'établissement du procès-verbal du 2 novembre 2006, aucun désordre affectant le fonctionnement de l'installation litigieuse n'était encore apparu et n'avait fait l'objet de réserves.

Dans ces conditions, l'absence d'attestation d'assurance décennale sur la climatisation dans le tertiaire mentionnée dans le cadre des réserves ne justifiait pas un refus de réception, alors même que l'installation fonctionnait et que Madame [D] recevra le 29 février 2008 l'attestation originale demandée avec comme couverture : électricien, chauffagiste, y compris chauffe eau solaire individuel, climaticien.

Ce refus de réception, conseillé au maître de l'ouvrage par Monsieur [O], démontre en réalité l'incompétence de ce dernier dans son rôle de maître d'oeuvre relevée par l'expert et en particulier un manquement à son devoir de conseil alors même qu'à l'évidence, le refus de réception faisait perdre à Madame [D] la garantie légale et que l'absence de l'attestation décennale, qui avait en outre fait l'objet d'une réserve, pouvait toujours être sanctionnée même en l'absence de réserve sur ce point et ne faisait en tout état de cause pas obstacle à la réception de l'ouvrage.

Par conséquent, le refus de réception mentionné sur le procès-verbal résulte d'un conseil erroné donné par le maître d'oeuvre à sa cliente et ne remet pas en cause la volonté de cette dernière d'accepter l'ouvrage, aucune des réserves mentionnées ne concernant le fonctionnement de l'installation que Madame [D] a par la suite utilisé jusqu'au 7 juin 2008.

Enfin, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le marché de travaux signé entre la SAS Idesko et Madame [D] mentionne expressément que le présent marché est soumis aux dispositions de la norme NF P 03-001 applicable aux travaux de bâtiment faisant l'objet de marchés privés.

Or, l'article 17-2-6 de la norme mentionne que « Le refus de réception ne peut être motivé que par l'inachèvement des ouvrages ou par un ensemble d'imperfections équivalant à un inachèvement nécessitant des reprises d'ouvrages. Les motifs du refus de réception doivent être indiqués au procès-verbal ».

Il en résulte que la simple absence d'une attestation d'assurance ne peut donc motiver un refus de réception.

Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de dire que l'ouvrage litigieux a été réceptionné expressément le 2 novembre 2006.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la prescription de l'action de Madame [D] :

Les Mma soutiennent que la climatisation dont il s'agit est un élément d'équipement dissociable qui ne peut donc faire l'objet que d'une garantie de bon fonctionnement de deux ans et que l'action, l'instance et les demandes de Madame [D] formulées par assignation du 4 mars 2015, soit presque cinq ans après l'expiration du délai dont elle disposait pour ce faire seraient irrecevables pour cause de prescription.

Il n'est pas contesté par Madame [D] que l'installation de climatisation/chauffage litigieuse constitue bien un élément d'équipement dissociable relevant des dispositions de l'article 1792-3 du code civil.

Il est constant que les éléments d'équipement dissociables couverts par l'article 1792-3 du code civil ne doivent pas rendre l'ouvrage impropre à sa destination.

Dans le cas contraire, seules les dispositions des articles 1792 et 1792-4-3 du code civil ont vocation à s'appliquer, l'action en responsabilité contre les constructeurs se prescrivant par dix ans à compter de la réception des travaux.

En l'espèce, il résulte du rapport d'expertise que l'installation de chauffage/rafraichissement est impropre à sa destination, l'expert indiquant qu'avec les matériels mis en place, il est impossible de chauffer ou de rafraichir les locaux.

Les désordres affectant l'installation litigieuse relèvent donc des dispositions de l'article 1792 du code civil qui disposent « Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipements, le rendent impropre à sa destination » et de l'article 1792-4-3 du code civil aux termes duquel les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous traitant se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux, le jugement étant confirmé de ce chef.

La réception étant intervenue le 2 novembre 2006 et Madame [D] ayant assigné les constructeurs et leurs assureurs les 3, 4 et 15 mars 2015, son action n'est pas forclose, étant rappelé que le délai de la garantie décennale est un délai de forclusion et non de prescription.

Il convient donc de débouter les Mma de leur fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action de Madame [D].

Sur la responsabilité de la SAS Idesko et la garantie du Gan :

L'expert relève que la société Idesko n'a pas fait preuve du professionnalisme auquel on aurait pu s'attendre, soulignant que l'installation litigieuse est un condensé de toutes les erreurs qu'il faut éviter de faire :

* aucune vérification des matériels installés avant travaux ;

* aucun calcul thermique ;

* aucun esprit critique sachant que ces installations étaient destinées à un cabinet médical ;

* pas de photos, pas de dossier technique ;

*pas d'essais, pas de vérifications.

Il conclut en indiquant que la mise en oeuvre de l'installation, qu'il s'agisse de l'étage ou du RDC, n'est pas digne d'un professionnel et que l'installation est impropre à sa destination.

Sur ce point, le Gan ne peut soutenir qu'il s'agissait uniquement de la remise en état d'une installation existante et qu'aucun diagnostic ni étude technique n'avait été demandé à cette dernière alors même qu'en sa qualité de professionnelle, la société Idesko ne pouvait réaliser cet ouvrage sans respecter les règles de base les plus élémentaires, l'expert relevant que le groupe extérieur ne pouvait pas fonctionner en l'état et que l'unité intérieure ne pouvait pas fonctionner selon le mode retenu et mis en oeuvre.

Par conséquent, il y a lieu de retenir la responsabilité décennale de la SAS Idesko, assurée par le Gan.

Sur la garantie du Gan :

Il résulte des conditions particulières de la police Gan à effet du 1er  janvier 2002, applicables aux années 2002 à 2006, que l'assuré déclare exercer exclusivement le métier d'électricien, l'article 5 précisant que dans le cadre du métier d'électricien, l'assuré déclare poser des appareils indépendants de climatisation réversible chez des particuliers exclusivement.

Si le Gan soutient que l'activité déclarée visait exclusivement l'installation d'une climatisation à usage domestique et non pas une installation à usage commercial ou tertiaire, force est de constater que ni les conditions particulières à effet au 1er janvier 2002, ni même les conditions particulières à effet au 1er janvier 2007 ne conditionnent la garantie à un usage particulier ou à une activité particulière mais simplement à la circonstance que la climatisation soit installée exclusivement chez un particulier, ce qui est le cas en l'espèce, s'agissant de l'installation d'un système de climatisation dans l' appartement de Madame [D], nonobstant le fait que ce dernier constitue le siège de son activité professionnelle.

Par conséquent, le Gan sera condamné à garantir son assurée au titre de la responsabilité civile décennale.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la responsabilité de Monsieur [O] :

Il ressort de la facture de Monsieur [O] versée aux débats que ce dernier avait pour missions l'établissement des marchés d'entreprise et la direction et la surveillance des travaux, l'expert indiquant également qu'il avait une mission de concepteur du projet et de conseil et d'assistance auprès du maître de l'ouvrage.

Or, il ressort du rapport d'expertise que Monsieur [O], qui reconnaît n'avoir aucune compétence technique en matière de climatisation, n'a jamais assuré une mission de maîtrise d'oeuvre, ce qui a contraint Madame [D] à faire appel à Monsieur [R] en qualité d'assistant technique.

Monsieur [O] ne peut donc sérieusement prétendre s'exonérer de toute responsabilité en reportant cette dernière sur Monsieur [R] et la société Idesko alors qu'il a accepté une mission pour laquelle il n'avait aucune compétence, l'expert précisant en outre que Monsieur [R] n'a jamais assuré une mission de maîtrise d'oeuvre sur cette opération, ajoutant que « l'ignorance en matière de génie climatique de Monsieur [O] et sa démission totale devant Monsieur [R] ne propulsent pas ce dernier en qualité de maître d'oeuvre ».

Il ressort du rapport d'expertise que Monsieur [O] :

- n'a rédigé aucun cahier des charges techniques concernant le lot chauffage rafraîchissement ;

- n'a pas demandé à l'entreprise un dossier technique sur lequel s'appuyer

- n'a pas eu de regard critique sur les installations et les matériels mis en place, sachant que ces installations étaient destinées à un cabinet médical ;

- n'a pas les compétences en génie climatique et n'a pas fait appel à un BET spécialisé ;

Si Monsieur [O] soutient encore que l'installation a cessé de fonctionner en 2008 du fait de la casse du compresseur du groupe extérieur sur lequel il n'avait pas été prévu d'intervenir, il résulte du rapport d'expertise qu'en tout état de cause, avec les matériels mis en place, il était impossible de chauffer ou de rafraichir les locaux, l'ouvrage ayant été réalisé sans calculs, sans études, sans spécifications techniques et sans essais, l'expert concluant que le groupe extérieur ne pouvait pas fonctionner en l'état et que l'unité intérieure ne pouvait pas non plus fonctionner selon le mode retenu et mis en oeuvre.

Compte tenu de ces éléments, il convient de retenir la responsabilité décennale de Monsieur [O] assuré par les Mma, ces derniers ne contestant pas leur garantie.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les préjudices :

Sur les travaux de reprise :

L'expert expose que le groupe extérieur est hors d'usage et que les installations intérieures ne peuvent pas fonctionner en l'état, concluant que les installations doivent êtres refaites totalement et estimant les travaux de reprise à la somme de 18 000 euros TTC, sur la base d'un devis de la société Hitachi.

Si le Gan soutient que les travaux de reprise prévus par l'expert consistent en une réelle amélioration de l'ouvrage, il convient de rappeler que l'expert conclut à la nécessité de reprendre totalement les installation et que Madame [D] est bien fondée à solliciter la réparation intégrale de son préjudice, la différence entre le coût initial du marché et celui des travaux de reprise étant exclusivement imputable à l'incompétence du maître d'oeuvre et à l'absence de professionnalisme de la SAS Idesko.

Le montant des travaux de reprise sera donc fixé à la somme de 18 000 euros TTC que Monsieur [O], la SA Mma Iard et le Gan seront condamnés in solidum à payer à Madame [D], le jugement étant confirmé de ce chef, étant cependant précisé que plus aucune demande n'est présentée en appel par le maître de l'ouvrage à l'encontre de la SAS Idesko, en liquidation judiciaire.

Sur les dépenses complémentaires :

D'une part, la somme de 1 794 euros TTC réglée à Monsieur [R] relève des frais irrépétibles.

D'autre part, la facture versée aux débats portant sur l'achat de radiateurs électriques pour un montant de 169 euros est totalement illisible et inexploitable.

Les demandes présentées à ce titre seront donc rejetées.

En revanche, Madame [D] justifie avoir acquis une climatisation provisoire pour un montant de 699 euros, tel que cela ressort d'une facture Vial Menuiseries du 26 août 2008.

Monsieur [O], la SA Mma Iard et le Gan seront donc condamnés in solidum à payer à Madame [D] la somme de 699 euros à ce titre.

Sur les pénalités de retard :

L'expert expose que la norme NF P 03-001 applicable au marché limite le montant des pénalités de retard à 5 % du montant du marché, soit en l'espèce la somme de 124,70 euros HT.

Le retard est imputable selon l'expert à Monsieur [O] qui n'a pas réalisé de planning et n'a pas averti la société Idesko d'une éventuelle dérive. Il conclut que si Monsieur [O] avait réalisé son contrat de maîtrise d'oeuvre tel que prévu à son marché, ces dérives et les modifications de dernières minutes n'auraient certainement pas eu lieu.

Compte tenu de ces éléments, Monsieur [O] et son assureur les Mma seront condamnés in solidum à payer à Madame [D] la somme de 124,70 euros HT au titre des pénalités de retard, le jugement étant infirmé de ce chef.

Sur la perte locative :

L'expert évalue la valeur locative de l'étage d'une surface de 42 m² à 286 euros TTC charges comprises, précisant que les dysfonctionnements survenus au rez-de-chaussée ont empêché Madame [D] de louer les lieux pendant une durée de 38 mois.

Madame [D] produit aux débats une attestation immobilière évaluant la valeur locative dans une fourchette de 980 à 1 050 euros mensuels, l'expert validant la somme de 1 000 euros mensuelle.

Il y a donc lieu de retenir une valeur locative de 1 000 euros TTC et de condamner in solidum Monsieur [O], les Mma et le Gan à payer à ce titre à Madame [D] la somme de 38 000 euros (1 000 euros x 38 mois).

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la perte d'exploitation :

D'une part, s'agissant de l'arrêt d'activité pendant les trois semaines de travaux de réparation, il résulte du rapport d'expertise que ces derniers peuvent être réalisés en horaires décalés, l'expert précisant que les activités de Madame [D] ne seront pratiquement pas réduites.

Par conséquent, la demande présentée à ce titre à hauteur de 6 900 euros par Madame [D] sera rejetée, le jugement étant infirmé de ce chef.

Par ailleurs, il résulte des déclarations de revenus de Madame [D] que la panne de l'installation de chauffage/ climatisation a bien affecté le chiffre d'affaire de son cabinet qui est passé de 105 885 euros en 2007 à 60 421 euros en 2008 et à 89 564 euros en 2009 suite à la panne de l'installation avant de revenir à 110 696 euros en 2010.

L'expert a constaté une baisse de revenus de 45 464 euros (105 885 euros - 60 421 euros ).

Il y a donc lieu de condamner in solidum Monsieur [O], les Mma et le Gan à payer à Madame [D] la somme de 45 464 euros au titre de la perte d'exploitation.

Sur le préjudice de jouissance et le préjudice moral :

En l'espèce, le Gan fait valoir que la définition contractuelle du dommage immatériel ne recouvre que les préjudices d'ordres pécuniaires, ce qui n'est pas le cas d'un préjudice de jouissance.

Il résulte en effet des définitions préalables mentionnées dans les conditions générales du contrat assurance responsabilité civile décennale du Gan que le dommage immatériel est défini comme « Tout préjudice pécuniaire résultant de la privation d'un droit, de l'interruption d'un service rendu par une personne ou par un bien meuble ou immeuble, ou de la perte d'un bénéfice et qui est la conséquence directe d'un dommage matériel garanti ».

Force est de constater que le préjudice de Madame [D], à savoir les troubles dans la jouissance de l'immeuble causés par la défaillance du système de chauffage, ne constitue pas un dommage pécuniaire et n'est donc pas couvert pas la garantie du Gan.

La demande présentée à ce titre à l'encontre du Gan sera donc rejetée.

En revanche, l'assureur de Monsieur [O] ne conteste pas garantir le préjudice de jouissance au titre des préjudices immatériels consécutifs.

Si Madame [D] a incontestablement subi un préjudice de jouissance pendant deux ans résultant du dysfonctionnement de l'installation litigieuse et des répercussions que ces dysfonctionnements ont eu sur sa situation professionnelle, elle ne justifie en revanche aucunement d'un préjudice moral distinct de son préjudice de jouissance.

En tout état de cause, elle ne justifie pas que son préjudice de jouissance pourrait être évalué à 800 euros par mois, son préjudice pouvant être raisonnablement ramené à 200 euros par mois, soit 4 800 euros sur une période de deux ans.

Monsieur [O] et son assureur les Mma seront donc condamnés à payer à ce titre à Madame [D] une somme de 4 800 euros , le jugement étant infirmé de ce chef.

Sur les franchises :

Le Gan est bien fondé à opposer sa franchise s'agissant des préjudices immatériels, soit 10 % du coût du sinistre avec un minimum de 5 x l'indice BT01 et un maximum de 20,5 x ledit indice.

Par ailleurs, la SA Mma Assurances Iard est bien fondée à se prévaloir de l'application de la franchise au titre des dommages immatériels consécutifs, à savoir 10 % avec un minimum de 475 euros et un maximum de 2 375 euros ;

Sur le partage de responsabilité entre Monsieur [O] et la SAS Idesko :

Il ressort des pièces versées aux débats et des constatations de l'expert que le maître d'oeuvre, Monsieur [O], qui a reconnu n'avoir aucune compétence technique en matière de climatisation, a cependant accepté la mission de maîtrise d'oeuvre et a été totalement défaillant pour assurer cette dernière, ce qui justifie un partage de responsabilité par moitié avec l'entreprise Idesko qui a réalisé une mise en oeuvre sans tenir compte de l'état des matériels existants ni de la destination des locaux et n'a procédé à aucun essai ni à aucune vérification.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a fixé au 7 juin 2008 la date de réception des travaux et condamné Monsieur [J] [O], la SAS Idesko et leurs assureurs respectifs à payer à Madame [P] [D] la somme de 9 400 euros au titre du préjudice financier ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Constate que Madame [P] [D] se désiste de son appel à l'encontre de la SAS Idesko ;

Dit que l'ouvrage litigieux a fait l'objet d'une réception expresse le 2 novembre 2006 ;

Déboute la SA Mma Iard de sa fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action de Madame [P] [D] ;

Condamne in solidum Monsieur [J] [O], la SA Mma Assurances Iard et la SA Gan Assurances à payer à Madame [P] [D] la somme de 18 000 euros TTC au titre des travaux de reprise, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du code civil ;

Condamne in solidum Monsieur [J] [O], la SA Mma Assurances Iard et la SA Gan Assurances à payer à Madame [P] [D] la somme de 699 euros au titre de la climatisation provisoire ;

Condamne in solidum Monsieur [J] [O] et la SA Mma Assurances Iard à payer à Madame [P] [D] la somme de 124,70 euros HT au titre des pénalités de retard ;

Condamne in solidum Monsieur [J] [O], la SA Mma Assurances Iard et la SA Gan Assurances à payer à Madame [P] [D] la somme de 38 000 euros au titre de la perte de loyers ;

Condamne in solidum Monsieur [J] [O], la SA Mma Assurances Iard et la SA Gan Assurances à payer à Madame [P] [D] la somme de 45 464 euros au titre de la perte d'exploitation ;

Condamne Monsieur [J] [O] et la SA Mma Assurances Iard à payer à Madame [P] [D] une somme de 4 800 euros au titre du préjudice de jouissance ;

Déboute Madame [P] [D] de sa demande présentée à l'encontre de la SA Gan Assurances au titre du préjudice de jouissance ;

Déboute Madame [P] [D] de ses demandes présentées au titre de la somme de 1 794 euros TTC réglée à Monsieur [R] et au titre de l'achat de radiateurs électriques pour un montant de 169 euros ;

Déboute Madame [P] [D] de sa demande au titre de l'arrêt d'activité pendant les travaux de reprise ;

Dit que la SA Gan Assurances est bien fondée à opposer sa franchise s'agissant des préjudices immatériels, soit 10 % du coût du sinistre avec un minimum de 5 x l'indice BT01 et un maximum de 20,5 x ledit indice ;

Dit que la SA Mma Assurances Iard est bien fondée à se prévaloir de l'application de la franchise au titre des dommages immatériels consécutifs, à savoir 10 % avec un minimum de 475 euros et un maximum de 2 375 euros ;

Condamne in solidum Monsieur [J] [O], la SA Mma Assurances Iard et la SA Gan Assurances aux entiers dépens d'appel ;

Condamne in solidum Monsieur [J] [O], la SA Mma Assurances Iard et la SA Gan Assurances à payer à Madame [P] [D] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour ses frais engagés en première instance et en appel ;

Dit que dans les rapports entre codébiteurs, les condamnations aux frais irrépétibles et aux dépens seront partagées par moitié.

Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 16/04558
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;16.04558 ?
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