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28/06/2022 | FRANCE | N°21/06777

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 28 juin 2022, 21/06777


AFFAIRE :



[N]

[G] VEUVE [N]

[N]

[G]



C/



S.A.S LES LABORATOIRES SERVIER

CPAM DES BOUCHES DU RHONE



















































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 28 JUIN 2022





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06777 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PG5V





Décisions déférées à la Cour ;



Arrêt de Cour de Cassation de PARIS en date du 06 Octobre 2021, enregistrée sous le n° 607 F-D qui casse et annule partiellement l'arrêt de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE du 23 Janvier 2020, enregistrée sous le n°18/20631 statuant sur l'appel du jugement du Tribunal de Grande...

AFFAIRE :

[N]

[G] VEUVE [N]

[N]

[G]

C/

S.A.S LES LABORATOIRES SERVIER

CPAM DES BOUCHES DU RHONE

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 28 JUIN 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06777 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PG5V

Décisions déférées à la Cour ;

Arrêt de Cour de Cassation de PARIS en date du 06 Octobre 2021, enregistrée sous le n° 607 F-D qui casse et annule partiellement l'arrêt de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE du 23 Janvier 2020, enregistrée sous le n°18/20631 statuant sur l'appel du jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE, en date du 26 Novembre 2018, enregistrée sous le n° 17/06370

Vu l'article 1037-1 du code de procédure civile ;

DEMANDEURS A LA SAISINE:

Monsieur [M] [N] Es-nom et es-qualité d'ayant droit de M. [I] [N]

né le 26 Août 1958 à [Localité 12] (13)

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 4]

Représenté par Me Emily APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Joseph CZUB, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE, avocat plaidant

Madame [P] [G] veuve [N] Es-nom et es-qualité d'ayant droit de M. [I] [N]

née le 03 Avril 1934 à [Localité 13] (30)

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représentée par Me Emily APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Joseph CZUB, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE, avocat plaidant

Madame [S] [N] Es-nom et es-qualité d'ayant droit de M. [I] [N]

née le 27 Août 1999

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 4]

Représentée par Me Emily APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Joseph CZUB, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE, avocat plaidant

Madame [L] [G] épouse [B] Es-nom et es-qualité d'ayant droit de M. [I] [N]

née le 30 Septembre 1944 à [Localité 10] (43)

de nationalité Française

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 2]

Représentée par Me Emily APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Joseph CZUB, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE, avocat plaidant

DEFENDERESSES A LA SAISINE

S.A.S LES LABORATOIRES SERVIER prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentée par Me Iris RICHAUD, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Fanny LAPORTE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Camille AUVERGNAS, avocat au barreau de PARIS substituant Me Nathalie CARRERE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE représentée par son directeur en exercice domicilié es-qualité au siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Assignée à personne habilitée le 7 décembre 2021

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 02 MAI 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 MAI 2022,en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Audrey VALERO,

ARRET :

- Réputé contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre et par Madame Audrey VALERO, greffier.

*

* *

EXPOSÉ DU LITIGE

Sur prescription de son médecin généraliste et à compter de l'année 2000, [I] [N] a pris du « Mediator » des laboratoires Servier, pour soigner des troubles métaboliques sans diabète.

Dès 2003, il s'est plaint d'une gêne respiratoire. Lors d'une échographie réalisée le 24 juin 2003, il a été décelé une insuffisance aortique et une insuffisance mitrale, de grade III.

A partir de 2005, la capacité d'effort de [I] [N] s'est considérablement réduite et les derniers examens réalisés ont révélé une importante aggravation.

Par ordonnance de référé du 29 mars 2011, le docteur [O] a été désigné en qualité d'expert et celui-ci a déposé son rapport le 4 octobre 2011.

A la suite de l'expertise, 1'état de santé de [I] [N] s'est encore aggravé.

Par ordonnance de référé du 2 avril 2013, une expertise complémentaire a été ordonnée afin d'évaluer l'aggravation de son état de santé et les conséquences dommageables.

[I] [N] est décédé le 8 juillet 2013.

Par ordonnance du 18 février 2014, la mission de l'expert a été complétée pour connaître les causes de la mort. L'expert a déposé son rapport le 24 juillet 2014.

Par acte d'huissier du 26 octobre 2017, [M] [N], son fils, [P] [G], sa veuve, [S] [N], sa petite-fille et [L] [G], épouse [B], sa belle-s'ur, ont fait citer les laboratoires Servier et la CPAM des Bouches-du-Rhône devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence.

Le jugement rendu le 26 novembre 2018 par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence énonce dans son dispositif :

Rejette la demande des laboratoires Servier tendant au rabat de l'ordonnance de clôture ;

Déclare le présent jugement commun à la CPAM des Bouches-du-Rhône ;

Dit que le lien de causalité entre la prise de Mediator et la valvulopathie développée par [I] [N] est démontré ;

Dit que le lien de causalité entre la prise de Mediator et le décès de [I] [N] n'est pas démontré ;

Déclare les laboratoires Servier responsables de la valvuloptahie développée par [I] [N] sur le fondement des articles 1245 et suivants du code civil ;

Dit que les laboratoires Servier ne sont pas responsables du décès de [I] [N] ;

Déboute les consorts [N] de leur demande présentée au titre de leur préjudice d'accompagnement (préjudice moral, frais d'obsèques et préjudice économique de madame [N]) ;

Condamne les laboratoires Servier à payer à [P] [G], veuve [N], et à [M] [N], au titre de l'action successorale, les sommes de :

6 193,56 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel,

39 750,00 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

18 000,00 euros au titre des souffrances endurées,

5 918,40 euros au titre de l'assistance par tierce personne ;

Déboute les consorts [N] de leur demande au titre du préjudice d'agrément et du préjudice moral ;

Déboute les consorts [N] de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Condamne les laboratoires Servier à payer à la CPAM des Bouches-du-Rhône :

la somme de 4 254,00 euros en remboursement des sommes par elle payées à la victime ou pour son compte,

outre l'indemnité forfaitaire calculée selon les dispositions de l'article L. 376-l du code de la sécurité sociale, pour la somme de 1 066,00 euros,

et la somme de 650,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne les laboratoires Servier à payer aux consorts [N] la somme de 5 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ;

Condamne les laboratoires Servier aux dépens, en ce compris les frais d'expertise, distraits au profit de maître Joseph Czub, avocat.

Sur la responsabilité des laboratoires Servier et au visa des articles 1245 et suivants du code civil, le tribunal a retenu comme étant constant le fait que, sur prescription médicale, [I] [N] avait pris du Mediator de décembre 2000 à novembre 2009 et qu'il avait présenté une valvulopathie aortique et mitrale dès 2003.

En lecture des rapports des docteurs [O], [A], [Y] et [E], ce dernier en sa qualité de sapiteur du docteur [O], les premiers juges ont retenu que le lien de causalité entre la prise du Mediator et les insuffisances aortique et mitrale était établi, et que, par conséquent, la responsabilité des laboratoires Servier était engagée, sans qu'ils ne puissent s'en exonérer, mais que, toutefois, [I] [N] présentait une fibrose pulmonaire et que la responsabilité de l'insuffisance respiratoire en résultant dans la survenue de son décès pouvait être considérée comme prédominante, qu'il n'était pas possible de relier de façon directe et certaine cette insuffisance respiratoire à la prise de Mediator, de sorte que son décès, par arrêt cardiorespiratoire, ne pouvait lui être imputé.

En conséquence, le tribunal a condamné les laboratoires Servier à indemniser [I] [N] et ses ayants droit pour les préjudices personnels et a débouté ces derniers de leur préjudice d'accompagnement dans la mesure où il n'était pas établi que le décès de [I] [N] était imputable au Mediator.

Le 29 décembre 2018, les laboratoires Servier ont relevé appel de ce jugement.

L'arrêt rendu le 23 janvier 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence énonce dans son dispositif :

Confirme le jugement, hormis sur le montant de l'indemnisation du préjudice corporel de [I] [N] et les sommes revenant à ce titre à ses héritiers, et sur l'indemnité forfaitaire de gestion de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône ;

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Fixe le préjudice corporel global de [I] [N], imputable à la pathologie cardiaque, à la somme de 45 695,76 euros ;

Dit que l'indemnité revenant à cette victime s'établit à 78629,52 euros ;

Condamne les laboratoires Servier à payer à [P] [G], veuve [N], et [M] [N] la somme de 41 441,76 euros en réparation du préjudice corporel de [I] [N] imputable à la pathologie cardiaque ;

Condamne les laboratoires Servier à payer à [P] [G], veuve [N], [M] [N], [S] [N] et [L] [G], épouse [B], la somme de 4 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel ;

Condamne les laboratoires Servier à payer à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône les sommes suivantes :

1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion,

1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne les laboratoires Servier aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Sur la responsabilité des laboratoires Servier et en lecture des rapports des docteurs [O] et [E], la cour a retenu qu'il en résultait que le décès de [I] [N] ne pouvait être rattaché de façon directe et certaine à la prise du Médiator, de sorte que le jugement entrepris a été confirmé en ce qu'il avait retenu la responsabilité des laboratoires Servier dans les insuffisances aortique et mitrale, sans qu'ils ne puissent s'en exonérer.

Les consorts [N] ont formé un pourvoi en cassation.

L'arrêt rendu le 6 octobre 2021 par la Cour de cassation énonce dans son dispositif :

Casse et annule, mais seulement en ce qu'il dit que le lien de causalité entre la prise de médiator et le décès de [I] [N] n'est pas démontré, que la société Les laboratoires Servier n'est pas responsable du décès de [I] [N] et limite en conséquence l'indemnisation des consorts [N], l'arrêt rendu le 23 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne la société Les laboratoires Servier aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Les laboratoires Servier et la condamne à payer à Mmes [P] et [L] [G], M. [M] [N], Mme [S] [N] la somme globale de 3 000 euros.

Sur l'unique moyen et au visa de l'article 455 du code de procédure civile, qui stipule que tout jugement doit être motivé, la Cour de cassation a retenu que « Pour écarter la responsabilité de la société au titre du décès de [I] [N], l'arrêt se fonde sur les rapports de M. [O], expert judiciaire et l'avis de M. [E], sapiteur, et en déduit que le décès ne peut être rattaché de façon directe et certaine à la prise du Mediator. En statuant ainsi, sans examiner, même sommairement, l'avis médical amiable établi par Mme [J], relatif à la cause du décès de [I] [N], versé aux débats en cause d'appel par les consorts [N], la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. ».

L'affaire a été renvoyée devant la présente cour et fixée à l'audience du 9 mai 2022.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 2 mai 2022.

Les dernières écritures pour les consorts [N] ont été déposées le 21 avril 2022.

Les dernières écritures pour les laboratoires Servier ont été déposées le 27 avril 2022.

La CPAM des Bouches-du-Rhône, régulièrement assignée à personne, n'a pas constitué avocat.

Le présent arrêt rendu sera réputé contradictoire.

Le dispositif des écritures pour les consorts [N] énonce, en ses seules prétentions :

Débouter les laboratoires Servier de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a dit que le lien de causalité entre la prise de Mediator et la valvulopathie développée par [I] [N] est démontré et en ce qu'il a déclaré les laboratoires Servier responsables de la valvulopathie développée par [I] [N] sur le fondement des articles 1245 et suivants du code civil ;

Réformer le jugement de première instance en ce qu'il a notamment :

Dit que le lien de causalité entre la prise de Mediator et le décès de [I] [N] n'est pas démontré,

Dit que les laboratoires Servier ne sont pas responsables du décès de [I] [N],

Déboute les consorts [N] de leur demande présentée au titre de leur préjudice d'accompagnement (préjudice moral, frais d'obsèques et préjudice économique de madame [N]),

Déboute les consorts [N] de leur demande au titre du préjudice d'agrément et du préjudice moral,

Déboute les consorts [N] de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Minoré certaines sommes au titre de l'action successorale ;

Condamner en conséquence les laboratoires Servier à verser les sommes suivantes au titre de l'indemnisation de leurs préjudices, détaillés comme suit :

Préjudice moral résultant du décès et de l'accompagnement de la victime au cours de sa maladie (préjudice direct des ayants droits) 

pour l'épouse du défunt [P] [G], veuve [N] : 40 000 euros,

pour le fils unique du défunt [M] [N] : 35 000 euros,

pour la petite fille du défunt, [S] [N] : 10000 euros,

pour la belle-s'ur du défunt, [L] [G], épouse [B] : 3 000 euros,

Préjudices personnels au titre de l'action successorale sollicités par [P] [G], veuve [N] et [M] [N] :

déficit fonctionnel temporaire partiel (25%) du 3 juillet 2003 au 7 décembre 2009 : 15 400 euros,

déficit fonctionnel temporaire partiel (40 %) du 8 décembre 2009 au 22 septembre 2010 : 2 880 euros,

déficit fonctionnel temporaire partiel (50%) de septembre 2010 à janvier 2013 : 11 200 euros,

déficit fonctionnel temporaire partiel (60%) de janvier 2013 au 27 mai 2013 : 2 400 euros,

déficit fonctionnel permanent évalué à 80 %, comprenant l'angoisse et l'anxiété de développer la maladie : 200 000 euros,

pretium doloris évalué à 6/7 au 27 mai 2013 : 45 000 euros,

préjudice moral : 80 000 euros,

préjudice d'agrément : 50 000 euros,

frais d'obsèques : 3 673,80 euros,

tierce personne : 19 728 euros (548 jours x 2 heures x 18 euros),

préjudice économique de l'épouse [P] [G], veuve [N], issu de la perte de revenus du mari entraînant une baisse de niveau de vie pour le conjoint survivant : 15 000 euros par an durant 9 ans : 135 000 euros, et sauf à parfaire ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la juridiction n'était pas suffisamment informée sur la part imputable au Mediator dans le décès de [I] [N],

Ordonner un complément d'expertise sur ce point et mettre cette mesure sera à la charge des laboratoires Servier ;

Condamner les laboratoires Servier à verser aux concluants la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Condamner en tout état de cause les laboratoires Servier à verser aux concluants la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner les laboratoires Servier aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, et notamment la prise en charge des frais d'expertise.

Sur l'imputabilité du décès de [I] [N] à la prise de Médiator, les consorts [N] se fondent sur le rapport du docteur [J], qui fait le lien entre la cardiopathie valvulaire et la prise de Mediator mais qui se prononce aussi sur la part de responsabilité de l'insuffisance cardiaque d'origine valvulaire au décès.

Si les consorts [N] ne contestent pas que l'insuffisance respiratoire sévère a contribué au décès de [I] [N], ils considèrent toutefois que l'arrêt du Mediator n'a pas permis la régression des insuffisances valvulaires conduisant inexorablement, en l'absence de chirurgie cardiaque, vers un décès par insuffisance cardiaque terminale avec une hypertension artérielle pulmonaire post capillaire, d'origine cardiaque, combinée à une insuffisance respiratoire.

Ils considèrent ainsi que l'imputabilité du décès ne peut être attribuée en totalité à l'insuffisance respiratoire et qu'il doit être tenu compte de la participation cardiaque, évidente à son accélération.

Les consorts [N] demandent en conséquence à la cour d'infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a dit que le lien de causalité entre la prise de Mediator et le décès de [I] [N] n'était pas démontré et en ce qu'il a dit que les laboratoires Servier n'étaient pas responsables du décès de [I] [N], et proposent d'attribuer, à tout le moins à chaque organe impliqué, c'ur et poumon, une part équivalente de responsabilité de 50/50 pour la liquidation du préjudice.

Le dispositif des écritures pour les laboratoires Servier énonce, en ses seules prétentions :

Débouter les consorts [N] et [G] de leurs demandes au titre de l'action successorale, ainsi que de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le décès n'était pas imputable au traitement ;

Débouter en conséquence les consorts [N] et [G] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

Condamner les consorts [N] et [G] au paiement, à la société Les Laboratoires Servier, d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire, et avant-dire droit,

Désigner tel expert qu'il plaira avec mission de se faire remettre, préalablement à la convocation des parties, par les consorts [N] et [G] ou tout tiers, avec l'accord de ceux-ci, l'entier dossier médical de [I] [N] ;

Réserver les dépens ;

A titre plus subsidiaire, sur les préjudices,

Fixer à 8 000 euros la somme due en réparation du préjudice d'accompagnement subi par [P] [G], veuve [N] ;

Débouter [M] [N], [S] [N] et [L] [G], épouse [B], de leurs demandes au titre du préjudice d'accompagnement ;

Fixer à 24 397 euros la somme due à [P] [G], veuve [N], au titre de la perte de revenus des proches ;

Débouter les consorts [N] et [G] de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Statuer ce que de droit sur les dépens.

A titre liminaire, les laboratoires Servier relèvent que les consorts [N] reviennent sur tous les chefs du jugement rendu le 26 novembre 2018 par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence alors que le débat dont la présente cour est saisie est strictement limité à la question de savoir si le décès est imputable au traitement par Médiator et si les laboratoires Servier doivent en être tenus pour responsables et, dans l'affirmative, à l'évaluation des préjudices des ayants droit en lien avec le décès de [I] [N], de sorte que leurs considérations ayant trait à un débat autre que celui-ci sont dépourvues d'intérêt.

S'agissant du rapport du docteur [J], les laboratoires Servier soulignent en premier lieu qu'il a été sollicité hors procédure par [M] [N], qu'il n'est pas contradictoire et qu'il n'a été établi que postérieurement aux opérations d'expertise et n'a donc pas été débattu dans ce cadre, non plus qu'il a été soumis à l'expert.

En réponse à l'argument selon lequel il a été régulièrement versé aux débats, de sorte que les laboratoires Servier ont eu tout le loisir de le discuter, ils estiment que les consorts [N] font ici une confusion entre le respect du contradictoire, qui est assuré lorsqu'une pièce est versée aux débats, ce qui n'est pas ici contesté, et le caractère non contradictoire d'un avis d'expert, sollicité hors procédure et unilatéralement par l'une des parties, et non débattu contradictoirement avec ledit expert, comme c'est le cas de l'avis du docteur [J].

Les laboratoires Servier estiment que la différence est majeure et ne remet pas en cause le fait que cet avis a été régulièrement communiqué, mais soutiennent que le caractère non contradictoire de cet avis technique, qui ne peut être utilement discuté qu'entre professionnels compétents pour en connaître, à l'occasion d'une expertise contradictoire, ne peut suffire à fonder la décision de la cour, en présence de deux avis d'experts judiciaires qui lui sont contraires.

Les laboratoires Servier considèrent enfin que l'impartialité du docteur [J] est très largement sujette à caution.

Ils reprennent au final les conclusions des docteurs [O] et [E], qui ont conclu que [I] [N] présentait une fibrose pulmonaire, pathologie grave d'évolution le plus souvent fatale, et, en l'espèce, à l'origine du décès, de sorte qu'ils demandent la confirmation du jugement entrepris, en ce qu'il a écarté l'existence d'un lien de causalité entre la prise de Médiator et la survenue du décès.

MOTIFS

A titre liminaire, les laboratoires Servier rappellent à juste titre que le débat dont la cour est saisie est strictement limité à la question de savoir si le décès de [I] [N] est imputable au traitement par Médiator et la société doit en être tenue pour responsable et, dans l'affirmative, à l'évaluation des préjudices des ayants droit en lien avec le décès, de sorte que les considérations des consorts [N] ayant trait à un débat autre que celui-ci sont donc dépourvues d'intérêt.

1. Sur la responsabilité des laboratoires Servier au titre du décès de [I] [N]

Les consorts [N] fondent leur action sur l'équivalence des conditions, c'est-à-dire qu'ils demandent à la cour d'attribuer à chaque organe impliqué dans le décès de [I] [N], le poumon et le c'ur, une part de responsabilité équivalente, soit un « 50/50 ».

Or, la responsabilité civile s'encourt dès que le dommage allégué se trouve lié à la faute établie par un rapport de causalité adéquate.

Un tel rapport existe lorsque la faute a constitué un rôle véritablement perturbateur, ne laissant aux autres, même lorsqu'ils ont faiblement concouru au dommage, qu'un caractère secondaire.

Ainsi, parmi tous les facteurs possibles d'un dommage, seuls ceux qui en constituent la cause déterminante doivent être considérés comme des faits générateurs.

En l'espèce, si le docteur [J] conclut qu'il n'est pas possible « d'attribuer la totalité de l'imputabilité du décès à l'insuffisance respiratoire sans tenir compte de la participation cardiaque évidente à l'accélération du décès », la cour relève qu'elle indique préalablement qu'« il n'est pas contesté que l'insuffisance respiratoire sévère a contribué au décès de Monsieur [N] », rejoignant en cela les conclusions des autres experts.

A ce titre, le docteur [O], désigné en qualité d'expert par ordonnance de référé du 29 mars 2011, a pu indiquer dans son rapport du 24 juillet 2014, comme l'ont justement relevé les premiers juges, qu'« en ce qui concerne la cause du décès de Monsieur [N], qui est un arrêt cardio-respiratoire, la responsabilité de l'insuffisance respiratoire dans la survenue de celui-ci peut être considéré comme prédominante », de sorte que la cardiopathie valvulaire, même si elle est à imputer à la prise de Médiator, ne présente qu'un caractère secondaire.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que le lien de causalité entre la prise de Mediator et le décès de [I] [N] n'était pas démontré, écartant ainsi responsabilité des laboratoires Servier à ce titre.

2. Sur les dépens et les frais non remboursables

Les consorts [N] seront condamnés aux dépens de l'appel.

La cour constate que les laboratoires Servier ne forment aucune prétention sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe ;

CONFIRME le jugement rendu le 26 novembre 2018 par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, en ce qu'il :

Dit que le lien de causalité entre la prise de Mediator et le décès de [I] [N] n'est pas démontré ;

Dit que les laboratoires Servier ne sont pas responsables du décès de [I] [N] ;

Déboute les consorts [N] de leur demande présentée au titre de leur préjudice d'accompagnement (préjudice moral, frais d'obsèques et préjudice économique de madame [N]);

Déboute les consorts [N] de leur demande au titre du préjudice d'agrément et du préjudice moral ;

Déboute les consorts [N] de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

CONDAMNE les consorts [N] aux dépens de l'appel.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/06777
Date de la décision : 28/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-28;21.06777 ?
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