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28/06/2022 | FRANCE | N°19/04765

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 28 juin 2022, 19/04765


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 28 JUIN 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/04765 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OHUG



ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 04 JUIN 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 18/02434





APPE

LANTE :



Madame [M] [S] épouse [N]

née le 24 Août 1979 à [Localité 4] (34)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jean-Michel CHARBIT de la SCP JURI-OC, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant non plaidant







INTIMEES :


...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 28 JUIN 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/04765 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OHUG

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 04 JUIN 2019

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 18/02434

APPELANTE :

Madame [M] [S] épouse [N]

née le 24 Août 1979 à [Localité 4] (34)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jean-Michel CHARBIT de la SCP JURI-OC, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant non plaidant

INTIMEES :

SAS EUROSILICONE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Isabelle VIVIEN-LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Christel DAUDE de la SCP D'AVOCATS COSTE, DAUDE, VALLET, LAMBERT, avocat au barreau de MONTPELLIER

CPAM DE L'HERAULT prise en la personne de son directeur en exercice, domicilié es qualité au siège dudit établissement public

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Assignée à personne habilitée le 4 septembre 2019

(ordonnance de caducité le 28 novembre 2019)

Ordonnance de clôture du 19 Avril 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 MAI 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Audrey VALERO

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, greffier.

*

**

EXPOSE DES FAITS

[M] [S] a bénéficié en février 2001 de la pose d'implants mammaires en sérum physiologique dont l'un s'est rompu si bien que les deux implants ont été remplacés le 6 septembre 2002 par deux prothèses en silicone de marque ARION.

Le 30 septembre 2010 lors d'un contrôle, le médecin s'apercevait d'un percement de l'une des prothèses si bien que le 17 novembre 2010 il était procédé au changement par mesure de précaution des deux prothèses avec la mise en place de deux implants en silicone de marque EUROSILICONE type anatomique TMM1375CC.

Le 22 août 2016, un nouveau contrôle devait montrer que les deux prothèses étaient fissurées avec migration de silicone et un remplacement des prothèses avait à nouveau lieu.

Envisageant une action en responsabilité contre la SAS EUROSILICONE, [M] [S] sollicitait une mesure d'expertise.

Par ordonnance de référé en date du 11 mai 2017, une mesure d'expertise médicale confiée au docteur [L], chirurgien plasticien, était ordonnée et le rapport d'expertise était déposé le 4 septembre 2017.

Par acte en date du 27 avril 2018, [M] [S] a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de Montpellier la société EUROSILICONE pour voir juger une défectuosité du produit utilisé, pour voir déclarer la société EUROSILICONE responsable des préjudices subis et la voir condamnée à l'indemniser.

Le jugement en date du 4 juin 2019 rendu par le Tribunal de Grande Instance de Montpellier énonce:

Déboute [M] [S] de l'ensemble de ses demandes.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne [M] [S] aux dépens en ce compris les frais d'expertise.

Sur la responsabilité de la société EUROSILICONE, les juges de première instance rappellent d'abord les dispositions des anciens articles 1386-1 et suivants du code civil sur la responsabilité du producteur pour les dommages causé par un défaut de son produit.

Les juges se réfèrent au rapport d'expertise judiciaire soulignant qu'il n'est pas établi que la rupture du seul implant droit résulterait d'un défaut intrinsèque.

Ainsi, le défaut de fabrication, selon le tribunal, ne peut résulter de la seule durée écoulée entre l'implantation et le constat d'une rupture ainsi qu'il résulte de la notice remise à la patiente que les implants quels qu'ils soient ont une espérance de vie incertaine, qu'il est impossible d'estimer précisément puisqu'elle dépend de phénomènes d'usure de rapidité variable et que la durée de vie des implants ne peut en aucun cas être garantie.

Les premiers juges ajoutent que si la notion de changement obligatoire au-delà de dix ans ne se justifie plus du fait des progrès accomplis dans la conception et la fabrication des prothèses, il ne s'agit que d'une moyenne et si le risque de rupture au cours des dix premières années n'est que de 1%, un tel risque n'est nullement négligeable ce d'autant qu'il ressort de l'histoire personnelle de [M] [S] qu'elle fait partie des 1% de femmes chez lesquelles la durée de vie des produits indépendamment de leur qualité intrinsèque est inférieur à dix ans.

Enfin le jugement entrepris relève que si la brochure produite par [M] [S] fait état d'une « garantie à vie », il faut seulement en déduire que sans limitation de durée de nouveaux implants seront fournis gratuitement par EUROSILICONE en cas de rupture s'il s'agit d'implants mis en place entre janvier 2009 et février 2014 mais en aucun cas que le fabricant garantit la durée de vie en bon état de ses produits comme égale à la durée de vie de la patiente.

Le 9 juillet 2019, [M] [S] a déposé au greffe une déclaration d'appel.

La clôture de l'instruction a été ordonnée par décision en date du 19 avril 2022.

Les dernières écritures pour [M] [S] ont été déposées le 8 octobre 2019.

Les dernières écritures pour la société EUROSILICONE ont été déposées le 13 décembre 2019.

Par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 28 novembre 2019, la caducité de la déclaration d'appel à l'égard de la CPAM de l'Hérault a été prononcée, décision qui n'a pas été déférée à la cour.

Le dispositif des dernières écritures de [M] [S] énonce :

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté [M] [S] de ses demandes.

Statuant à nouveau,

Dire que la rupture intervenue au bout de six ans relève de la garantie des produits défectueux;

En conséquence,

Condamner la société EUROSILICONE à verser à [M] [S] les sommes suivantes :

- 2517,40 € au titre des frais médicaux et pharmaceutiques restés à charge,

- 5 000 € au titre des souffrances endurées,

- 7 000 € au titre du préjudice moral,

- 600 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 3 000 € au titre du préjudice sexuel ;

Condamner la société EUROSILICONE à verser la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers des dépens.

Sur la responsabilité de la société EUROSILICONE, [M] [S] soutient en substance :

- que les dispositions légales et la jurisprudence applicables aux fabricants de dispositifs médicaux établissent un principe de responsabilité sans faute aux termes de laquelle le producteur est responsable du dommage causé par le défaut de son produit,

- la rupture sous capsulaire moins de six ans après la mise en place des prothèses présentées comme étant sures en l'état d'une double paroi démontre que le produit est défectueux dans la mesure où la durée de vie des dites prothèses est inférieure à la durée de vie normale de ce type de produit qui est d'au moins dix ans,

- [M] [S] qui n'est pas une professionnelle a été trompée par la plaquette informative du laboratoire et la brochure qui précise que les implants sont couverts pour la vie du patient contre la rupture et la structure capsulaire, garantie s'appliquant à tous les implants mammaires implantés après le 1er janvier 2009, et elle aurait renoncé à choisir une telle prothèse s'il avait été clair que le laboratoire garantissait seulement la fourniture gratuite de nouveaux implants.

Sur ses préjudices, [M] [S] explique que les conséquences de la rupture ont provoqué une siliconone qui selon l'expert expose la patiente à un risque d'aggravation par inflammation des tissus au contact du gel silicone.

En tout état ce cause à cause de la rupture de la prothèse, elle a dû subir une intervention chirurgicale d'explantation.

Au-delà des préjudices corporels pour lesquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé aux écritures de l'appelante, [M] [S] développe plus particulièrement l'importance du préjudice moral subi.

Elle fait valoir qu'elle a dû faire face à une inquiétude tant au plan esthétique qu'en ce qui concerne l'inquiétude liée aux conséquences de la migration du silicone dans les tissus.

Elle ajoute que la récurrence des ruptures avec leurs conséquences sont devenues une source d'angoisse ce d'autant qu'elle ne conçoit pas de se faire enlever définitivement les prothèses ce qu'elle vivrait comme une amputation et qu'elle n'a donc pas d'autre choix que d'envisager une intervention future.

Le dispositif des dernières écritures de la société EUROSILICONE énonce :

Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamner [M] [S] au paiement de la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.

EUROSILICONE fait valoir que si la loi instaure une responsabilité de plein droit du fabricant de produits défectueux, elle oblige aussi le demandeur à rapporter la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité entre le dommage et le défaut.

Or, en l'espèce pour EUROSILICONE, cette preuve n'est pas rapportée.

Elle expose que les risques de rupture des prothèses sont tellement connus que cela fait partie des éléments d'information pour les patientes candidates à l'implantation d'une prothèse mammaire pré-remplie de gel de silicone et que ce risque a conduit l'AFSSAPS devenue l'ANSM à établir des recommandations de suivi-médical chez les personnes porteuses de ce type de prothèses dès 2004.

L'ANSM précise même que les prothèses remplies de gel silicone ont une durée de vie que l'on ne peut estimer précisément et qui ne peut être garantie et qui est en soit limitée dans le temps.

Au cas présent, EUROSILICONE ajoute que [M] [S], avant la pose de leurs prothèses, avait déjà été opérée en 2001 puis en 2004 avec la pose d'implants de marque différente et qui s'étaient rompus la première fois 3 ans après la pose et la deuxième fois 6 ans après la pose si bien que [M] [S] était parfaitement informée du risque de rupture des implants.

EUROSILICONE observe que selon l'expert judiciaire la rupture de leur implant n'est pas qualifiée de précoce eu égard à la durée de vie des implants mammaires en gel de silicone selon la littérature médicale et que par conséquent en l'absence d'une usure prématurée des implants les séquelles sont constitutives d'un aléa thérapeutique.

MOTIFS

La cour rappelle que l'appel s'entend comme la critique argumentée en droit et en fait du jugement entrepris.

Sur la responsabilité de la SAS EUROSILICONE :

C'est pertinemment que les premiers juges ont rappelé les dispositions qui régissent la responsabilité du fait des produits défectueux à savoir les articles 1245 à 1245-17 du code civil anciennement 1386-1 à 1386-18 et en particulier l'article 1245-3 (1386-4 ancien) selon lequel un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et dans cette appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.

Il est constant que la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre s'entend d'un usage normal du produit, sans abus et compte tenu des circonstances.

Par ailleurs la référence dans le texte au terme «on» renforcée par l'usage du terme «raisonnablement» impose d'apprécier le défaut selon les informations concernant tant le produit que ses conditions d'utilisation et de déterminer le degré d'attente du consommateur par référence au comportement d'un individu moyen.

Il sera rappelé que c'est à celui qui invoque la défectuosité d'un produit qu'il appartient d'en rapporter la preuve, donc en l'espèce la charge de cette preuve incombe à [M] [S].

Or c'est pertinemment que les premiers juges ont relevé que [M] [S] a estimé inutile de rapporter la preuve d'une défectuosité de ses prothèses au motif que cette défectuosité devait être déduite de leur durée de vie en bon état durant seulement six ans.

Toutefois, comme considéré à bon droit par le jugement dont appel, le défaut de fabrication de la prothèse ne peut résulter de la seule durée écoulée entre l'implantation et le constat d'une rupture et comme cela ressort tant du rapport d'expertise, que de la notice remise à la patiente les implants quels qu'ils soient ont une espérance de vie incertaine et la notion de changement obligatoire tous les dix ans, notion qui d'ailleurs ne se justifie plus au regard des progrès accomplis dans la conception des prothèses n'est qu'une durée de vie moyenne ce qui suppose des durées de vie supérieures ou inférieures.

Il sera d'ailleurs observé que les précédentes prothèses dont a été porteuse [M] [S] ont eu pour les premières une durée de vie de un an et demi et pour les secondes une durée de vie de huit ans, soit une durée de vie inférieure à la moyenne de dix ans mise en avant par l'appelante.

La décision entreprise par des motifs que la cour adopte a aussi légitimement considéré que [M] [S] ne pouvait valablement soutenir qu'à la lecture de la brochure fournie par EUROSILICONE elle avait cru que la durée de vie des prothèses EUROSILICONE était égale à la durée de vie de la patiente.

En effet si la brochure produite au débat fait certes état « d'une garantie à vie » cela signifie seulement que sans limitation de durée, de nouveaux implants sont fournis gratuitement par EUROSILICONE en cas de rupture s'il s'agit d'implant mis en place entre janvier 2009 et février 2014, la patiente conservant à sa charge les autres coûts, mais le fabriquant ne garantit aucunement que la patiente conservera les mêmes prothèses durant toute sa vie.

Aucun des articles médicaux produits par [M] [S] elle-même ne font état de ce qu'il n'existe aucun risque de rupture et l'appelante, dont il a déjà été rappelé qu'elle avait été auparavant porteuse de prothèses mammaires de marque différentes qui ont dû être remplacées avant un délai de dix ans, ne pouvait se méprendre sur la sens de la brochure remise par EUROSILICONE sur la durée de vie de ses prothèses.

En appel, [M] [S] ne produit aucun élément nouveau, ne développe aucun moyen de droit ou de fait pour une critique sérieuse de la décision querellée.

Ainsi, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a dit que [M] [S] ne rapportait pas la preuve de la défectuosité des deux implants en silicone de marque EUROSILICONE type anatomique TMM1375CC et en ce qu'il l'a en conséquence débouté de l'ensemble de ses demandes.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement dont appel sera également confirmé en ses dispositions au titre des frais irrépétibles et des dépens.

En outre, [M] [S] succombant en son appel sera condamnée à payer la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par arrêt contradictoire et rendu par mise à disposition au greffe ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Montpellier ;

Y ajoutant,

Condamne [M] [S] à payer à la société EUROSILICONE la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne [M] [S] aux dépens de la procédure d'appel.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/04765
Date de la décision : 28/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-28;19.04765 ?
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