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28/06/2022 | FRANCE | N°18/05623

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 5e chambre civile, 28 juin 2022, 18/05623


Grosse + copie

délivrées le

à































COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 28 JUIN 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/05623 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N4HV



ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 02 OCTOBRE 2018

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 17/03688





A

PPELANTE :



Madame [B] [E] (décédée le [Date décès 2] 2019)





INTIMEE :



L'EHPAD [7] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Isabelle VIVIEN-LAP...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

5e chambre civile

ARRET DU 28 JUIN 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/05623 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N4HV

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 02 OCTOBRE 2018

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER

N° RG 17/03688

APPELANTE :

Madame [B] [E] (décédée le [Date décès 2] 2019)

INTIMEE :

L'EHPAD [7] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Isabelle VIVIEN-LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Christel DAUDE de la SCP SCP D'AVOCATS COSTE, DAUDE, VALLET, LAMBERT, avocat au barreau de MONTPELLIER

PARTIE INTERVENANTE :

Monsieur [O] [X] [E], ayant droit de Mme [B] [E], décédée le [Date décès 2] 2019

né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 8] (34)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représenté par Me Vincent CADORET de la SELARL R & C AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représenté par Me Mehdi MEZOUAR, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 19 Avril 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 MAI 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Audrey VALERO

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Audrey VALERO, greffier.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

[B] [E] née le [Date naissance 3] 2020 a été admise dans l'établissement EHPAD de [7] le 17 juillet 2015, où elle a été prise en charge d'abord par le docteur [H] [N] qui partait en congé le lendemain, puis par le docteur [Z] [Y], puis a nouveau par le docteur [N] à son retour de congé, prescrivant sur un diagnostic de mycose buccale, [Z] [Y] un traitement par Daktarin, remplacé par [H] [N] par un traitement de Fungizone.

Un bilan d'hospitalisation après une chute relève un surdosage AVK pouvant être dû à la prise de Daktarin.

Par acte du 28 juin 2017, [B] [E] a fait assigner l'EHPAD de [7], le docteur [H] [N] et la CPAM aux fins d'indemnisation in solidum de son préjudice, par l'établissement pour manquement à son obligation de sécurité et de soins attentifs et consciencieux, par le médecin pour faute dans la surveillance qui a conduit notamment au surdosage AVK.

Le jugement rendu le 2 octobre 2018 par le tribunal de grande instance de Montpellier énonce dans son dispositif :

- Déboute [B] [E] de l'intégralité de ses demandes ;

- Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne [B] [E] aux dépens.

Le jugement écarte la responsabilité du docteur [H] [N] en l'absence de preuve d'une faute sur la base des investigations d'une expertise amiable qui établissent que la patiente a été vue après le premier examen de [H] [N] par un autre médecin qui a prescrit le traitement objet du litige, et alors qu'il n'est pas démontré que la fréquence des examens et les prescriptions de [H] [N] étaient inappropriées.

Le jugement écarte la responsabilité de l'établissement en relevant que les raisons de la dégradation de son état de santé dans les semaines qui ont suivi son arrivée ne permettent pas d'établir un lien de causalité certain avec des soins inappropriés, alors que les éléments versés au débat n'établissent aucune négligence particulière en lien avec l'accident qui a causé une chute et son hospitalisation.

[B] [E] a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 9 novembre 2018 à l'encontre exclusivement de l'établissement EHPAD de [7].

[B] [E] est décédée le [Date décès 2] 2019.

Son fils [O] [E] est intervenu volontairement pour reprendre l'instance en qualité d'ayant droit.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 19 avril 2022.

Les dernières écritures pour [O] [E] ont été déposées le 14 avril 2022.

Les dernières écritures pour l'établissement EHPAD de [7] ont été déposées le 3 mai 2019.

Le dispositif des écritures pour [O] [E] énonce en termes de prétention :

- Infirmer le jugement, et dire que l'établissement EHPAD de [7] a commis une faute dans les soins apportés.

- Condamner l'établissement à payer à [B] [E] la somme de 35 000 € au titre de son préjudice, et la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner l'établissement EHPAD de [7] aux dépens.

[O] [E] expose qu'à l'entrée de sa mère dans l'établissement' elle était prise en charge par le Docteur [N] qui a mis en place un traitement par AVK, que dans les premiers jours du mois d'août 2015 son fils et les infirmières ont noté des éléments de dégradation de son état, jusqu'à une chute de son lit le 14 août suivi d'une hospitalisation tardive seulement le soir à 17 heures, que le médecin urgentiste a diagnostiqué un surdosage en AVK.

Il note que l'expertise diligentée par l'assurance indique « nous ne retenons pas de faute professionnelle de la part de l'EHPAD mais un manquement en termes de soins d'hygiène et de gestion des barrières de sécurité du lit ».

Il soutient que les constatations de dégradation de son état relevées par les infirmières devaient engager un suivi plus attentif, que la chute du lit n'était pas imprévisible, que les barrières latérales de sécurité étaient insuffisantes alors qu'elle était désorientée et se levait la nuit sans aucune surveillance.

[O] [E] évalue le préjudice au vu du rapport de l'expertise amiable en raison des conséquences du défaut de diligence dans les soins, actuellement bloquée en fauteuil roulant, et au titre d'une perte de confiance dans l'établissement.

Le dispositif des écritures pour l'établissement EHPAD de [7] énonce en termes de prétentions :

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.

- À titre subsidiaire, ordonner une mesure d'expertise médicale pour rechercher un éventuel manquement, et dans ce cas déterminer les préjudices.

- À titre encore plus subsidiaire, limiter l'indemnisation à un montant de 2030 € au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 1500 € au titre des souffrances endurées, de 7500 € au titre du déficit fonctionnel permanent.

- Condamner [O] [E] à verser la somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

L'établissement EHPAD de [7] expose que la patiente est arrivée le 17 juillet 2015 avec des antécédents de grande fragilité, que la première visite du médecin traitant le 20 juillet a conclu à un bon état général, que le médecin procédait à des visites régulières, diagnostiquait le 3 août une mycose buccale et prescrivait du Daktarin, que le médecin était absent de l'établissement au moment de la chute de la patiente tombée du lit le 14 août et qu'une décision a été prise en conséquence d'hospitalisation en urgence qui relève un surdosage AVK.

Il indique que le Docteur [N] a mentionné dans le certificat du 24 septembre un arrêt des AVK dans les suites d'un dosage majeur, que le rapport d'expertise amiable à la suite d'une plainte sur la responsabilité de l'établissement dans la chute de la victime et le surdosage AVK mentionne « nous ne retenons pas de faute professionnelle caractérisée de la part de l'établissement, mais un manquement aux termes de soins de l'hygiène et gestion des barrières de sécurité du lit ».

Il soutient que la constatation d'une désorientation le 5 août s'explique par un état de démence vasculaire sans lien avec les préjudices invoqués, qu'il est erroné de prétendre qu'elle était autonome en arrivant dans l'établissement au vu de ses antécédents médicaux.

Il soutient que la chute n'a aucun lien de causalité avec un manquement du personnel, ou avec l'absence de barrière de lit alors qu'elle est tombée en se déplaçant dans la salle de bain, que la chute n'a pas entraîné de dégradation de l'état de santé, que la prescription des AVK était sous la responsabilité du médecin traitant et pas de l'établissement.

À titre subsidiaire, l'établissement propose des montants d'évaluation des préjudices.

MOTIFS

La cour observe que [B] [E] n'avait pas formé appel à l'encontre du Docteur [N] présent en première instance, de sorte que les argumentaires sur la qualité et l'opportunité des prescriptions médicales du médecin sont inopérants sur la recherche de responsabilité de l'établissement.

Il en résulte dans le contenu du débat que le seul événement sur lequel la cour doit examiner la qualité du suivi des soins apportés à la patiente dans l'organisation des services de l'établissement est la chute de son lit le 14 août 2015.

Le recueil journalier de transmissions écrites des personnels soignants porte notamment les mentions suivantes :

Le 13 août : très fatiguée ce soir ; a eu beaucoup de mal à se déplacer ; lors du coucher avait du mal à se tenir sur ses jambes; a bien dormi ne s'est pas réveillée.

Le 14 août : a refusé dans un premier temps de se lever ; chute devant son lit ; n'est plus capable de tenir sur ses jambes ; petit hématome à la lèvre supérieure gauche constaté avant le lever ; le Docteur [N] est absente le matin ; à rappeler cet après-midi ; blessures au gros orteil lors de la chute ; saignements importants mais micro plaie ; fait pansement.

Le 15 août : rentrée à 10h30 (après l'hospitalisation) ; elle a mangé ; l'infirmière passe régulièrement la voir dans l'après-midi; visite de son fils vers 17h15 et le lendemain après-midi.

Mention inscrite le 16 août sur les faits du 14 août :

numéro en urgence clinique car hématome++ sur le corps et lèvre supérieure ; Allo Docteur [N] à 15 heures ; envoyée aux urgences car hématome orteil et bras gauche.

Suivent des mentions des soins journaliers jusqu'au mois de janvier qui relatent notamment le mécontentement de la famille et de son fils et plusieurs hospitalisations.

Un document de suivi médical depuis l'entrée de [B] [E] dans l'établissement porte notamment la mention « chute avec hématome multiple dans un contexte de surdosage AVK ».

Un entretien psychologique d'entrée du 20 juillet 2015 fait état de troubles cognitifs importants, d'une grande fatigabilité, incapacité à marcher et perte d'autonomie douloureuse. Un entretien le 7 décembre 2015 avec son fils porte un échange sur la maladie d'Alzheimer et la démence vasculaire, et la réalisation de tests qui confirment l'aggravation de l'évolution des troubles cognitifs.

Le bilan de l'hospitalisation à la clinique du parc le 14 août 2015 fait mention d'une « patiente démente ».

Un rapport d'expertise médicale diligentée par l'assureur de l'établissement retient en conclusions d'une part l'absence de faute professionnelle caractérisée mais un manquement en termes de soins d'hygiène et gestion des barrières de sécurité du lit.

Le rapport explique que le Docteur [N] n'a pas pu se déplacer le jour de la chute et que l'état constaté de la patiente a été suivi du réflexe judicieux d'hospitalisation, ce qui caractérise des soins attentifs.

Nous avons pu constater dans les fiches de suivi un problème avec les barrières du lit dont la gestion n'est pas très claire.

Les documents de suivi sur le plan alimentaire et les soins nous paraissent conformes avec les obligations actuelles, excepté peut-être la gestion des barrières de sécurité du lit et les soins locaux puisqu'il a été constaté des lésions cutanées de macération.

Il ne faut pas oublier de rappeler son déménagement récent de l'établissement date où elle se trouvait très bien vers celui de [Localité 8] dans le contexte du décès de son autre fils qui s'occupait d'elle. Ces chocs psychologiques sont toujours déstabilisants à cette âge.

Madame [E] présentait un état antérieur manifeste, également compte tenu de cette déstabilisation, avec précipitation et augmentation de la perte d'autonomie.

Le premier juge a pu déduire avec pertinence de l'ensemble de ces documents que les raisons de la dégradation de l'état de santé de [B] [E] peuvent être diverses, et que la certitude du lien de causalité avec des soins éventuellement inappropriés ne peut être caractérisé.

Il constate sur le cahier de transmission la mention le 29 juillet par le médecin « RAS, juste un état général qui se dégrade ».

Dans la gestion des barrières, la décision de ne mettre plus qu'une barrière pour éviter les risques de chute d'une escalade trop haut caractérise une mesure préventive tenant compte du comportement de la patiente.

Le jugement observe avec pertinence qu'il n'est pas établi la certitude d'un lien entre la chute et la présence ou non des barrières, alors que la chute n'est pas survenue dans la nuit mais au moment de la toilette par l'aide-soignante.

Aucun élément ne permet d'établir non plus une certitude de lien de causalité entre la dégradation évolutive de la santé de la patiente et la présence de lésions cutanées de macération. La cour note le décès de la patiente près de quatre ans après l'incident du 14 août et la période de soins examinée sans qu'il soit invoqué un lien quelconque d'accélération de dégradation de l'état de santé avec les conditions d'hébergement dans l'établissement EHPAD de [7].

La cour confirme les motifs pertinents du premier juge, et déboute [O] [E] de ses prétentions.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais non remboursables exposés en première instance et en appel.

[O] [E] supportera les dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe ;

Confirme le jugement rendu le 2 octobre 2018 par le tribunal de Grande instance de Montpellier ;

Condamne [O] [E] aux dépens.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 5e chambre civile
Numéro d'arrêt : 18/05623
Date de la décision : 28/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-28;18.05623 ?
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