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23/06/2022 | FRANCE | N°21/06991

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre civile, 23 juin 2022, 21/06991


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre civile



ARRET DU 23 JUIN 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06991 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PHKV



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 NOVEMBRE 2021

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE PERPIGNAN N° RG 21/00296





APPELANTE :



Madame [Z] [U]

née le 16 Novembre 1972 à [Localité 6]
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[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me GARCIA substituant Me Julie REMEDI de la SCP BARRY-BECQUE - REMEDI, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Tot...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 23 JUIN 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06991 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PHKV

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 NOVEMBRE 2021

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE PERPIGNAN N° RG 21/00296

APPELANTE :

Madame [Z] [U]

née le 16 Novembre 1972 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me GARCIA substituant Me Julie REMEDI de la SCP BARRY-BECQUE - REMEDI, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/16371 du 15/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEE :

Madame [H] [S]

née le 04 Octobre 1959 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 10 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 MAI 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Béatrice VERNHET, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Eric SENNA, Président de chambre

Madame Myriam GREGORI, Conseiller

Madame Béatrice VERNHET, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Ginette DESPLANQUE

- lors du délibéré : Mme Laurence SENDRA

ARRET :

- Contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Eric SENNA, Président de chambre, et par Mme Laurence SENDRA, Greffier.

Suivant acte sous seing privé du 6 février 2018, Madame [H] [S] a donné à bail à Monsieur [N] [B] et Madame [Z] [U] un logement à usage d'habitation situé [Adresse 2] à [Localité 4] , moyennant un loyer mensuel de 620 €.

Monsieur [N] [B] a notifié son préavis de départ le 16 octobre 2018.

Madame [H] [S] a adressé à la locataire , le 3 juillet 2020 une mise en demeure de payer les loyers impayés soit la somme de 2326, 70 € arrêtée au 23 juin 2020, de justifier de la souscription d'une assurance couvrant les risques locatifs , de faire procéder à la réparation de la baie vitrée ainsi qu'au remplacement d'un volet roulant, et de l'autoriser à accéder au logement pour procéder à la réalisation des travaux lui incombant.

Puis, Madame [S] a fait délivrer congé à Madame [U] par acte du 13 juillet 2020 pour motifs sérieux avec effet pour le 9 février 2021.

Enfin, faute pour la locataire d'avoir libéré les lieux le 9 février 2021, Madame [S] a assigné Madame [Z] [U] le 11 février 2021 devant le juge des contentieux de la protection aux fins :

- d'entendre déclarer valable le congé délivré le 13 juillet 2020 avec effet au 11 février 2021,

- d'être autorisée à faire procéder à l'expulsion de Madame [U]

- d'obtenir sa condamnation au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant égal au loyer actuel jusqu'à son départ effectif,

- d'entendre condamner Madame [U] au paiement d'une somme de 700 € à titre de dommages-intérêts

- d'entendre condamner Madame '[U] au paiement d'une somme de 700 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ordonnance en date du 03 novembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Perpignan a:

- constaté la validité du congé délivré par Madame [S] à Madame [U] le 13 juillet 2020,

- constaté que Madame [U] est occupante sans droit ni titre du logement situé [Adresse 2] à [Localité 4] depuis le 9 février 2021

- ordonné en conséquence à Madame [U] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de 8 jours à compter de la signification de l'ordonnance,

- dit qu'à défaut de départ volontaire et de restitution des clés dans ce délai, Madame [S] pourra faire procéder à l'expulsion de Madame [U] et de tous occupants de son chef, avec l'assistance de la force publique si besoin est,

- condamné Madame [U] à payer à Madame [S] à titre provisionnel une indemnité d'occupation mensuelle à compter du 9 février 2021 et jusqu'à la libération effective des lieux,

- fixé le montant de l'indemnité d'occupation à la somme de 620 €,

- condamné Madame [U] à payer à Madame [S] à titre provisionnel la somme de 5442,79 € représentant le montant des loyers , et charges impayés à la date du 9 février 2021,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- constaté que Madame [U] est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

- condamné Madame [U] aux entiers dépens.

Madame [U] a relevé appel de cette ordonnance le 2 décembre 2021 en critiquant l'ensemble de ses dispositions , notamment la disposition l'ayant déboutée de ses demandes tendant:

- à l'octroi d'un délai de trois mois renouvelable pour quitter les lieux,

- à voir constater que le logement, objet du bail signé le 6 février 2018 est indécent,

- à l'octroi de dommages intérêts en réparation de son préjudice de jouissance à hauteur de 150 € par mois, soit depuis le 6 février 2018 la somme de 5 850 € à parfaire le jour de la décision à intervenir ,

- à la condamnation aux entiers dépens de Madame [S].

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 4 janvier 2022 , auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, elle demande à la cour:

- d'infirmer la décision entreprise

- de dire et juger nul et de nul effet, le congé délivré par Madame [S] le 13 juillet 2020

En conséquence

- de débouter Madame [S] de l'ensemble de ses demandes,

Subsidiairement,

- d'accorder un délai de trois mois renouvelable à Madame [Z] [U] pour quitter les lieux,

Reconventionnellement,

-constater que le logement objet du contrat de location est insalubre;

En conséquence,

- condamner Madame [S] au versement de justes dommages intérêts provisionnels en réparation du préjudice de jouissance subi depuis le 6 février 2018 soit la somme de 6900 € à parfaire au jour de la décision à intervenir,

- ordonner compensation entre les créances respectives des parties,

- débouter Madame [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- constater que la concluante a déposé une demande d'aide juridictionnelle

-condamner Madame [S] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 4 mai 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, Madame [S] demande à la cour de:

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions

- débouter Madame [U] de l'ensemble de ses demandes et conclusions 'frappées de contestations sérieuses' ( sic),

- l'inviter à mieux se pourvoir,

- condamner Madame [U], au paiement d'une somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- condamner Madame [U] aux entiers dépens .

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour est saisie du seul appel principal de Madame [U] qui critique l'ordonnance déférée en chacune de ses dispositions et renouvelle devant la cour les demandes reconventionnelles dont elle avait été déboutée en première instance.

(I) Sur la validité du congé et le trouble manifestement illicite.

Le juge des référés a estimé que la validité du congé délivré le 13 juillet 2020 par Madame [S] à Madame [U] ne se heurtait à aucune contestation réelle, considérant que les motifs avancés par la bailleresse pour reprendre son bien étaient sérieux.

Madame [U] conteste cette analyse. Elle rappelle que le congé qui lui a été délivré le 13 juillet 2020 invoquait trois motifs à savoir, le défaut de remise d'une attestation d'assurance locative, le fait de ne pas avoir fait procéder aux travaux de réparation de la baie vitrée et du volet roulant endommagé, et d'avoir refusé l'accès de l'appartement à la propriétaire, venue effectuer les travaux urgents d'étanchéité de la terrasse et de maintenance de la chaudière.

Elle fait valoir qu'aucun d'entre eux n'est sérieux puisqu'elle a justifié de la souscription d'une assurance couvrant les risques locatifs par lettre recommandée avec avis de réception postée le 25 juin 2020 et qu'elle ne dispose d'aucune ressource pour financer la réparation de la baie vitrée dont la dégradation est imputable à son ex compagnon, Monsieur [N] [B] pour l'avoir commise à l'occasion des violences qu'il a exercées sur elle. Enfin, elle expose que Madame [S] n'a jamais sollicité l'accès par un quelconque professionnel pour réaliser des travaux d'étanchéité. Elle expose que seul son époux, s'est présenté le 22 juin 2020 pour faire des travaux de plomberie dans la salle de bains, sans avoir prévenu de son passage de sorte qu'elle a effectivement refusé qu'il entre dans le logement, en s'expliquant à ce sujet dans un courrier recommandé du 25 juin 2020. Madame [U] affirme qu'elle a recours chaque année à Monsieur [C] pour l'entretien de la chaudière.

Enfin, elle explique qu'il est prétendu dans la décision qu'elle n'a pas réglé l'ensemble des loyers et charges depuis de nombreux mois, bien que cela n'apparaisse pas dans le cadre du congé, et qu'aucune demande ne soit présentée de ce chef dans l'acte introductif d'instance.

Pour autant, elle soutient que Madame [S] ne justifie pas du montant des charges réclamées , et qu'elle a continué de percevoir en tout état de cause les allocations logement qui lui sont versées directement par la caisse d'allocations familiales.

Madame [S] demande à la cour de confirmer la décision du premier juge en rappelant que l'occupation d'un immeuble par une personne qui ne dispose d'aucun droit ni titre occasionne un trouble manifestement illicite, qui autorise le juge des contentieux de la protection à prescrire toutes les mesures conservatoires et de remise en état qui s'imposent pour le faire cesser sur le fondement de l'article 835 du Code de procédure civile.

Elle expose que le congé délivré à Madame [U] ne visait pas trois mais cinq motifs sérieux des lorsqu'il faisait expressément référence à la mise en demeure adressée par lettre recommandée , quelques jours auparavant, laquelle lui demandait également d'autoriser l'accès au logement non seulement pour les travaux d'étanchéité en terrasse mais également pour l'entretien de la chaudière et surtout de procéder au règlement des loyers et charges impayés à hauteur de 2 326, 70 €.

Elle convient de la production par la locataire d'une attestation d'assurance mais fait valoir que la réparation de la baie vitrée, qui serait le fait de son ex compagnon , lui incombe totalement . Par ailleurs s'agissant du volet roulant, dont la locataire affirme qu'il était défectueux à son entrée dans les lieux, elle invite la cour à se reporter à l'état des lieux d'entrée. Madame [S] précise par ailleurs qu'un dysfonctionnement lui a bien été signalé par Madame [U] dans le premier mois de location mais qu'elle a immédiatement fait procéder à la réparation.

Madame [S] soutient encore que le plombier en charge de l'entretien de la chaudière n'a pu faire son travail et qu'il en est de même pour les travaux d'étanchéité.

Enfin, elle observe que le congé visait aussi l'arriéré locatif puisqu' il se référerait expressément à la mise en demeure préalable, qu'elle a tenté de mettre en 'uvre une procédure de conciliation qui n' a pas abouti, faute pour Madame [U] de s'être présentée devant le conciliateur et d'avoir fait connaître ses doléances.

Elle ajoute qu' à la date de prise d'effet du congé , Madame [U] était débitrice d'une somme de 5442,79 € au titre des loyers et charges après régularisation et qu'elle n'a depuis lors effectué aucun règlement.

Selon l'article 835 du Code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence, peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le second alinéa ajoute que dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il incombe en conséquence à la cour, statuant en référé, de s'assurer de l'existence d'un trouble manifestement illicite,justifiant l'expulsion des lieux de Madame [U], ce qui implique un examen des motifs avancés par Madame [S] pour justifier du congé délivré à sa locataire le 13 juillet 2020.

Selon les dispositions d'ordre public de l'article 15 -1 de la loi du 6 juillet 1989, qui régissent le bail signé des parties, le bailleur peut donner congé au preneur, au terme de la convention conclue pour une durée au moins égale à trois ans, en justifiant soit de sa décision de reprendre le bien ou de vendre le logement , soit pour un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant.

Le texte précise qu'à peine de nullité le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et respecter un préavis de six mois à l'expiration duquel le locataire est déchu de tout titre d'occupation des locaux loués.

Il en découle que seuls les motifs énoncés dans le congé signifié à Madame [U] le 13 juillet 2020 doivent être pris en considération en dépit du renvoi opéré par cet acte à la mise en demeure également signifiée à la locataire par huissier le 03 juillet 2020, laquelle visait aussi le défaut de paiement des loyers.

Sous réserve des limites ainsi retenues, la cour observe que si Madame [U] a effectivement justifié de la souscription d'une assurance pour couvrir les risques locatifs depuis la signature du bail jusqu'en 2021, les explications qu'elle donne pour se soustraire à son obligation légale (telle que définie à l'article 7 c) de la loi du 06 juillet 1989 ) de répondre des dégradations et pertes survenues pendant la durée du contrat ne sont pas sérieuses.

En effet, l 'imputabilité des dégradations de la baie vitrée à son ex compagnon dans le contexte de violences dont elle aurait été victime , n'est nullement établie par les procès verbaux de dépôt de plainte qu'elle verse aux débats, et, s'agissant du volet roulant de la baie vitrée , Madame [S] démontre par la production d'une facture datée du 07 mars 2018, avoir fait procéder à sa réparation par la SARL Torredemer, pour un coût de 242 €, de sorte que la détérioration du volet, décrit comme étant «'cassé'» dans le rapport postérieur de l'ARS produit par Madame [U], est bien le fait des locataires.

Enfin, l'attestation délivrée par Monsieur [C], chauffagiste, le 1er octobre 2019 confirme le refus par la locataire de laisser l' accès au logement à l'artisan mandaté par la bailleresse pour réaliser les travaux d'entretien de la chaudière et les affirmations de Madame [U] venue prétendre, prendre chaque année, en charge cet entretien auprès du même artisan ne sont étayées d'aucune preuve.

La cour observe d'ailleurs que cette pratique serait contraire au contrat de bail qui prévoit expressément en page 4 paragraphe IX, que cet entretien qui incombe au locataire sera effectué par le propriétaire, une fois par an, et répercuté dans les charges locatives.

Ainsi, en définitive, aucun des moyens opposés par Madame [U] pour contester la validité du congé n'est réellement fondé de sorte que son obligation d'avoir à quitter le logement dans les six mois de sa signification n'est pas sérieusement contestable.

Or, en se maintenant dans les lieux au-delà du délai de six mois qui lui était imparti, Madame [U] devenue occupante sans droit ni titre, est à l'origine d'un trouble manifestement illicite auquel le juge des référés doit mettre un terme en ordonnant toute mesure appropriée.

Dans ces conditions, il convient de confirmer la décision du juge des contentieux de la protection qui lui a ordonné de quitter les lieux , autorisé son expulsion à défaut de départ volontaire et qui l'a condamnée,à titre provisionnel au paiement d'une indemnité d'occupation de 620 € par mois, jusqu'à la libération effective des lieux.

(II) Sur les autres demandes principales critiquées

Au terme de sa déclaration d'appel, Madame [U] a critiqué toutes les dispositions de l'ordonnance rendue par le juge des contentieux de la protection, et a conclu au dispositif de ses dernières conclusions récapitulatives au débouté de Madame [S] sur l'ensemble de ses demandes .

En conséquence, la cour se trouve saisie de la disposition de l'ordonnance ayant condamné Madame [U] au paiement de la somme de 5442,79 € correspondant au montant des loyers et des charges impayés , arrêtés à la date du 9 février 2021.

Madame [U] soutient en page 7 de ses écritures ' qu'il a été prétendu qu'elle n'avait pas réglé ses loyers depuis de nombreux mois, bien que ce point n'ait fait l'objet d'aucune mention dans le congé, ni de la moindre demande au terme de l'acte introductif d'instance devant le premier juge.

Pour autant, Madame [U], revenant sur ce moyen dans ses propres conclusions, précise que la bailleresse a continué de percevoir les allocations logement directement de la Caisse d'allocations familiales à hauteur de 408 €, puis de 409 € par mois de l'année 2019 à l'année 2001, et qu'elle n'a jamais justifié des charges réclamées. Forte de ces observations, elle demande sur ce fondement la nullité du congé.

Madame [S] soutient que le congé faisait référence à la mise en demeure préalablement adressée à la locataire de sorte que la question des loyers impayés est bien au coeur du litige.

Elle fait valoir que ces problèmes ont également motivé la mise en oeuvre d'une conciliation, qui n'a malheureusement pas abouti. Elle ajoute que Madame [U] ne conteste pas l'existence de cet arriéré puisqu'elle indique dans son courrier recommandé du 25 juin 2020 qu'elle n'est pas en capacité de verser la part de loyer restant à sa charge . Elle que la dette locative s'élevait à la somme de 5 442,79 € au 9 février 2021, et que la locataire, toujours dans les lieux, n'a pas versé le moindre centime depuis lors.

Elle demande en conséquence à la cour de condamner Madame [U] au paiement de cette somme.

La cour retient en premier lieu que même si le congé délivré à Madame [U] le 13 juillet 2020 ne porte effectivement aucune mention de la dette locative, cette circonstance n'a aucune incidence sur la validité du congé, apprécié au regard des autres motifs invoqués par la bailleresse, ainsi que cela ressort des motifs ci dessus exposés.

En second lieu, la cour constate que même si le premier juge, a condamné Madame [U] au paiement provisionnel des loyers et charges impayés au 9 février 2021,alors qu'aucune demande n'avait été formée de chef par Madame [S] devant le premier juge, l'appelante n'a pas soulevé l'irrecevabilité de cette nouvelle prétention devant la cour, qui n'est pas tenue de la soulever d'office.

Au fond, Madame [S] produit le décompte de la créance locative, arrêtée au 9 février 2021, date de prise d'effet du congé, duquel il ressort qu'à cette date, et déduction faite des allocations logement directement versées par la caisse d'allocations familiales les arriérés de loyer s'élevaient à la somme de 4005,99 € avant régularisation des charges et à 5 442, 79 € après régularisation des charges des trois années écoulées.

Madame [U], ne conteste pas la dette dans son principe, qu'elle reconnaît dans son courrier du 25 juin 2020 ne pas être en capacité de régler mais critique en revanche son montant. Elle n'apporte cependant aucune preuve de paiement alors que cette charge lui incombe en vertu de l'article 1353 du Code civil en ce qui concerne, au moins les loyers proprement dits dont le montant ne peut pas être sérieusement contesté .

Dans ces conditions, il convient de réformer l'ordonnance entreprise en condamnant Madame [U] à verser à Madame [S] la somme de 4005,99 € à titre provisionnel correspondant au montant des loyers impayés au 09 février 2021, qui n'est pas sérieusement contestable au regard des dispositions de l'article 839 alinéa 2 du Code de procédure civile.

( III) Sur les demandes reconventionnelles.

a) Sur la demande de dommages intérêts en réparation du préjudice de jouissance

Madame [U] soutient devant la cour, comme elle l'avait déjà développé devant le premier juge que le logement, objet du contrat de bail, était insalubre, en ce qu'il présente une absence totale de ventilation mécanique, d'isolation, de porte d'entrée sécurisée, et certaines non conformités en ce qui concerne l'installation électrique et la plomberie. Le juge des contentieux de la protection qui a analysé ce moyen comme «une demande de contestation sérieuse ( sic..) «' a débouté l'intéressée en estimant que Madame [U] ne versait aux débats aucun élément de preuve permettant de démontrer le caractère insalubre du logement qu'elle occupe tojours.

Madame [U] rappelle à la cour, qu' elle avait pourtant remis au juge le rapport établi par l'ARS le 9 juin 2021 sur la demande des tous les locataires de l'immeuble , rapport qui mettait déjà en évidence, tous ces dysfonctionnements et d'autres problèmes liés à une forte humidité et à la présence de moucherons et de rongeurs. Elle explique qu'à la suite de ce rapport le préfet a rendu un arrêté d'insalubrité le 02 septembre 2021 qui a été remis au juge au cours de son délibéré. Elle estime que la bailleresse n'a pas respecté ses obligations de délivrance d'un logement en bon état d'usage, la privant ainsi de la paisible jouissance du logement et que cette situation lui a occasionné un préjudice de jouissance important dont elle réclame réparation à hauteur de 6900 €,soit 150 € par mois depuis son entrée dans les lieux , arrêté au 31 décembre 2021.

Madame [S] s'oppose à cette prétention en faisant valoir que Madame [U] n'a saisi l'ARS que pour les besoins de la cause, et après l'introduction de la demande devant le premier juge.

Elle soutient par ailleurs que certains des désordres relevés dans le rapport de l'ARS et l'arrêté préfectoral sont directement imputables à la locataire qui a commis de nombreuses dégradations, dont la cour pourra se convaincre en reprenant l'état des lieux d'entrée. Madame [S] explique encore qu'elle n'a pas pu entrer dans le logement pour effectuer les travaux, en raison de l'opposition de sa locataire et qu'en tout état de cause, l'arrêté préfectoral étant postérieur à la fin du bail, elle ne peut plus revendiquer une quelconque obligation ou règlement, étant devenue occupante sans droit ni titre. Madame [S] observe enfin que Madame [U], sans droit ni titre depuis le 12 février 2021 n'a pas tenté de se reloger avant la prise d'effet du congé puisque qu'elle n'a effectué sa demande de logement social que le 26 février 2021.

La cour considère que même si le rapport de l'ARS ainsi que l'arrêté préfectoral d'insalubrité mettent bien en évidence l'existence de certains désordres présentant un danger pour la santé et la sécurité des personnes, ces éléments ne sont pas suffisants au regard des dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile précité, pour rendre non sérieusement contestable l'obligation d'avoir à les réparer et ni justifier l'octroi d'une indemnisation provisionnelle. En effet, d'une part, certains d'entre eux sont imputables aux locataires ( comme la dégradation du volet roulant du séjour ) et, d'autre part, il est avéré que Madame [U] a interdit l'accès du logement au propriétaire ou à l'artisan mandaté par lui pour effectuer certains travaux dont le but était précisément de vérifier et traiter les problèmes l'étanchéité et d'assurer l'entretien de la chaudière à gaz, de sorte qu'elle a contribué au moins partiellement au dommage dont elle réclame la réparation. Mais encore, si tant est que certains équipements du logement aient exposé Madame [U] à un danger portant atteinte à sa santé ou à sa sécurité, force est de constater qu'elle n' a entendu s'en prévaloir que postérieurement à la saisine du premier juge, ce qui ne l'a pas empêchée de se maintenir dans les lieux, sans droit ni titre depuis le 12 février 2020, et encore à ce jour, alors même qu'un logement social plus grand , de type 3 lui a été attribué par l'office public de l'habitat des Pyrénées orientales, le 20 décembre 2021.

Dans ces conditions, il convient de confirmer la décision du juge des contentieux de la protection qui l'a déboutée de ce chef, et l'a renvoyée à se pourvoir au fond.

b) Sur la demande de délais pour quitter les lieux

Le juge des contentieux de la protection a également débouté Madame [U] de sa demande tendant à l'octroi de délais supplémentaires de trois mois renouvelables pour quitter les lieux.

Madame [U] réitère cette demande devant la cour, en soutenant qu'elle se trouve en situation de grande précarité, rappelant que ses deux enfants mineurs sont toujours placés, et que contrairement au motif énoncé par le premier juge elle règle bien une partie de son loyer par l'intermédiaire de la caisse d'allocations familiales qui verse directement l'indemnité logement à la bailleresse.

Madame [S] s'oppose à cette demande, estime que Madame [U] a déjà bénéficié des plus larges délais pour quitter le logement, et qu'elle n'a pas mis ce temps à profit pour régulariser sa situation.

L'article L 412-3 du code des procédures civiles d'exécution énonce que le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux d'habitation ou de locaux à usage professionnel , dont l'expulsion a été judiciairement ordonnée, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales sans que ces occupants aient à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation . Le dernier alinéa de ce texte précise que cette disposition n'est pas applicable, notamment lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L 442-1 du Code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet, du fait du locataire.

Au cas d'espèce, la cour observe que Madame [U] ne démontre pas en quoi son relogement ne peut pas avoir lieu dans des conditions normales alors qu'il ressort au contraire du courrier que lui a adressé l'office de l'habitat des Pyrénées Orientales, le 20 décembre 2021 qu'un logement social de type trois lui a été attribué sur la même commune au sein de la résidence «'[Localité 3]'» à compter du mois de janvier 2022.

Dans ces conditions, il convient de la débouter de la demande formée de ce chef.

( IV )Sur la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [S] l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a du engager devant la cour pour assurer la représentation de ses intérêts légitimes. Une somme de 300 € lui sera allouée de ce chef .

(V) Sur les dépens.

Madame [U], qui succombe majoritairement devant la cour sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Réforme l'ordonnance rendue le 03 novembre 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Perpignan en ce qu'elle a condamné Madame [Z] [U] à verser à Madame [H] [S] la somme de 5442,79 € au titre des loyers et charges à la date du 9 février 2021

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- Condamne Madame [Z] [U] à verser à Madame [H] [S] la somme de 4005, 99 € à titre provisionnel correspondant au montant des loyers impayés au 09 février 2021.

- Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses autres dispositions critiquées.

-Condamne Madame [Z] [U] à verser à Madame [H] [S] la somme de 300 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

-Condamne Madame [Z] [U] aux entiers dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/06991
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;21.06991 ?
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