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23/06/2022 | FRANCE | N°21/06791

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre civile, 23 juin 2022, 21/06791


Grosse + copie

délivrées le

à





























COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre civile



ARRET DU 23 JUIN 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06791 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PG6R



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 OCTOBRE 2021

PRESIDENT DU TJ DE MONTPELLIER N° RG 21/31062





APPELANTS :



Monsieur [B] [SY]

né le [

Date naissance 3] 1953 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Florent CLAPAREDE, avocat au barreau de MONTPELLIER



Madame [C] [SY]

née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adre...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 23 JUIN 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06791 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PG6R

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 OCTOBRE 2021

PRESIDENT DU TJ DE MONTPELLIER N° RG 21/31062

APPELANTS :

Monsieur [B] [SY]

né le [Date naissance 3] 1953 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Florent CLAPAREDE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Madame [C] [SY]

née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Florent CLAPAREDE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur [X] [NW]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représenté par Me Corinne FERRER, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 09 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 MAI 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Eric SENNA, Président de chambre

Madame Myriam GREGORI, Conseiller

Madame Nelly CARLIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Laurence SENDRA

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Eric SENNA, Président de chambre, et par Mme Laurence SENDRA, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE :

[B] et [C] [SY] sont propriétaires d'une résidence sise [Adresse 5], dénommée '[Adresse 9]' où ils exploitent des chambres d'hôte et un gîte touristique.

[X] [NW] est propriétaire d'une parcelle voisine non construite située en contrebas de la propriété des époux [SY].

[B] et [C] [SY] se plaignant de nuisances notamment sonores et olphactives émanant d'un poulailler édifié par leur voisin, ils ont fait assigner [X] [NW] , sur le fondement des articles 835 et suivants du code de procédure civile, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Montpellier, par exploit d'huissier du 25 juin 2021, afin principalement d'obtenir sa condamnation à :

- cesser immédiatement l'exploitation de son poulailler et à évacuer le cheptel situé chemin de Gaste Ferré à St Jean de la Blaquiere dès la signification de l'ordonnance à venir, et sous astreinte, pendant 3 mois, de 500 € par infraction constatée par huissier,

- à remettre en état les lieux, notamment en enlevant les déjections qui recouvrent le sol de la parcelle dans les 8 jours suivants la signification de l'ordonnance à venir et sous astreinte, pendant 3 mois, de 500 € par infraction constatée par huissier.

Par ordonnance en date du 7 octobre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Montpellier a :

- dit n'y avoir lieu à référé ;

- renvoyé [B] [SY] et [C] [SY] à mieux se pourvoir ;

- condamné [B] [SY] et [C] [SY] à payer la somme de 600 € à [X] [NW] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté la demande formulée par [B] et [C] [SY] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné [B] et [C] [SY] aux dépens.

[B] et [C] [SY] ont relevé appel de cette ordonnance par déclaration du 24 novembre 2021.

L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 16 mai 2022.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées par la voie électronique le 2 mai 2022, et auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, [B] et [C] [SY] demandent à la Cour :

'' d'écarter des débats les pièces déposées par Monsieur [NW];

'' d'infirmer l'ordonnance du 7 octobre 2021 dans toutes ses dispositions ;

'' Statuant à nouveau :

- de condamner Monsieur [X] [NW] à cesser immédiatement l'exploitation de son poulailler, et à évacuer le cheptel situé [Adresse 7], dès signification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 500 € par infraction constatée selon procès-verbal d'huissier, et ce durant une première période de 3 mois ;

- de condamner Monsieur [X] [NW] à remettre en état les lieux, notamment en enlevant les déjections qui recouvrent le sol de la parcelle, dans les huit jours suivant la signification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 500 € par infraction constatée selon procès-verbal d'huissier, et ce durant une première période de 3 mois ;

- de condamner Monsieur [X] [NW] à verser à Monsieur et Madame [SY] la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de le condamner également aux entiers dépens de première instance et d'appel.

[X] [NW] a constitué avocat le 21 décembre 2021. Il n'a cependant fait signifier aucune conclusion au greffe de la Cour.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 mai 2022.

MOTIFS :

Il convient en préliminaire de rappeler que l'intimé n'ayant pas conclu, il est réputé, en l'absence de toute conclusion, s'être approprié les motifs de la décision entreprise en application de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile.

Par ailleurs, l'intimé n'ayant remis à la Cour aucune pièce, il n'y a pas lieu d'écarter ses pièces, ainsi que le sollicitent les appelants.

Sur l'existence du trouble manifestement illicite

Aux termes de l'article 835 du Code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux et de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remises en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L'application de ces dispositions n'est pas subordonnée à la preuve de l'urgence de la mesure sollicitée ni à la preuve de l'absence de contestation sérieuse.

Le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

En l'espèce, [B] et [C] [SY] font valoir que Monsieur [NW] a édifié courant août 2020 un poulailler situé en contrebas de leur propriété et qu'ils subissent depuis cette date des nuisances olfactives et sonores provenant de cette installation, nuisances constitutives de troubles anormaux de voisinage. Ils invoquent également le non-respect par Monsieur [NW] des règles d'hygiènes et de salubrité édictées par le règlement sanitaire départemental dans le cadre de la détention des animaux. Ils soutiennent que ces troubles leur causent un préjudice dans le cadre de leur exploitation de chambres d'hôtes et de gîte en ce qu'ils ne leur permettent pas d'offrir à leurs locataires la jouissance paisible de leur bien immobilier.

Il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements, ce droit étant donc limité à l'obligation qu'a le propriétaire à ne causer à la propriété d'autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage.

Le trouble anormal d'un voisinage peut être caractérisé en l'absence de toute infraction aux réglements et doit être apprécié en fonction de l'environnement dans lequel il se produit, ainsi qu'en fonction de son intensité et de sa durée, étant précisé qu'il incombe aux demandeurs d'apporter la preuve de l'anormalité de ce trouble qui doit excéder les inconvénients normaux du voisinage avec l'évidence requise en référé.

Il est établi par les pièces produites par les appelants, que Monsieur [NW] a, en effet, édifié un poulailler d'une longueur de 7 mètres à une distance d'environ 26 mètres depuis la terrasse du gîte des époux [SY], côté sud de leur terrain et d'environ 15 mètres depuis le portail d'accès à leur propriété, ainsi qu'il résulte des relevés effectués par l'huissier de justice dans son procès-verbal du 8 décembre 2021.

Il est établi également que ce poulailler dénombrait 11 volailles suivant procès-verbal de constat d'huissier du 1er mars 2021 et 27 volailles suivant le constat précité établi le 8 décembre 2021, ces volailles étant constituées en majorité de pintades et de poules.

Les appelants produisent également plusieurs attestations régulières en la forme établies par des clients de leur exploitation témoignant de la présence d'odeurs nauséabondes et de nuisances sonores provenant de ce poulailler, la réalité de ces troubles n'étant donc pas contestable.

Il ressort de l'ensemble de ces attestations que ce soient celles déjà produites devant le premier juge que celles nouvelles produites devant la Cour que ces nuisances ont été ressenties à plusieurs périodes de l'année du printemps à l'automne ou début de l'hiver depuis le mois de décembre 2020 à novembre 2021.

Néanmoins, il convient de relever que la plupart des témoins ne font qu'évoquer des 'nuisances olfactives incommodantes ' ([K] [W]), seulement 'nauséabondes' ou 'très nauséabondes' ( [G] [P], [L] [U], [BJ] [N], [H] [J], [V] [F]), 'des odeurs qui remontent'([O] [H]), 'des odeurs désagréables' ( [YJ] [T], [A] [ON]), 'de très mauvaises odeurs, déplaisantes, incommodes' ([S] [IK]) ou de simples ' mauvaises odeurs' ([S] [IK]).

S'agissant des nuisances sonores, il est invoqué des 'nuisances sonores ou cris de volailles incommandants' ([K] [W], [A] [ON] ), seulement 'des cris de poules et de coq', 'des criaillements' ou 'des piaillements' ([A] [Z], [R] [E], [I] [U]) ou des 'nuisances sonores occasionnées par le bruit fait par les pintades' ou 'le bruit des pintades' ([D] [UH], [O] [H]).

Ainsi le seul ressenti d'odeurs désagréables ou incommodantes ne saurait caractériser le caractère excessif que doit revêtir un trouble anormal de voisinage. Il en est de même des nuisances sonores, dont le caractère excessif ne résulte pas des témoignages précités.

Seuls quelques témoins font état 'd'odeurs immondes de fiente' ou 'pestilentielles', les empêchant de se promener sur le chemin longeant la propriété ou de profiter pleinement de la terrasse ([A] [Z], [R] [E], [H] [J]), ' d'odeurs insupportables' pour passer un séjour agréable et paisible ([I] [U]) ou 'd'odeur infecte et bruit permanent des cris de volailles' lui ayant fait renoncer à son séjour ([M] [Y]) ou 'de cris très fréquents, très bruyants et particulièrement insupportables à entendre ' ([V] [F]).

Cependant, et outre la tolérance de chaque individu aux odeurs et aux bruits, il convient de relever, même si l'exploitation des époux [SY] a débuté antérieurement à l'édification du poulailler de Monsieur [NW] que les époux [SY] louent des chambres d'hôtes et un gîte en pleine zone rurale, ce que leurs clients ne sauraient ignorer en réservant ce type d'hébergement recherché justement pour sa proximité avec le monde rural et que le poulailler de Monsieur [NW] ne peut être considéré comme un élevage industriel puisqu'il comporte entre une dizaine et une vingtaine de volailles, la taille de son activité située, en outre à 30 mètres de la terrasse du gîte, ne pouvant donc être considérée comme manifestement démesurée. Dés lors, il ne peut être considéré à la lumière de ces seuls témoignages que les nuisances émanant de ce poulailler, s'agissant d'une installation courante dans les campagnes, excèdent les désagréments normaux en milieu rural.

En dehors d'autres éléments plus probants, il n'est en conséquence, pas établi avec l'évidence requise en référé que les troubles invoqués par les appelants excéderaient les inconvénients normaux du voisinage.

C'est, donc, à bon droit que le premier juge a dit n'y avoir lieu à référé en l'absence de trouble manifestement illicite résultant d'un trouble anormal de voisinage.

Par ailleurs, il n'est pas établi l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de la violation de l'article 26 du règlement sanitaire départemental de l'Hérault du 9 mai 1979, article concernant l'interdiction d'élever et d'entretenir des animaux dans les habitations, leurs dépendances ou leurs abords et donc non applicable en l'espèce, dés lors que le poulailler de Monsieur [NW] est installé sur sa propriété, parcelle de terrain non construite, ne constituant pas son habitation, ni une dépendance ou les abords de celle-ci.

Il n'est pas établi davantage avec l'évidence requise en référé, et pour les mêmes motifs que ceux développés dans le cadre de du trouble anormal de voisinage, la violation manifeste de l'article R 1334-31 du code de la santé publique relatif à l'atteinte à la tranquillité du voisinage et de l'article R 421-14 du code rural relatif aux exigences de la sécurité et de l'hygiène publiques, les pièces produites ne permettant pas de caractériser un manquement manifeste à ces règles.

Il convient donc de confirmer l'ensemble des dispositions de l'ordonnance de référé du 7 octobre 2021 qui a dit n'y avoir lieu à référé concernant l'intégralité des demandes formées par les époux [SY].

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

La demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile formée en cause d'appel par les appelants qui sucombent en leurs prétentions sera rejetée.

Pour les mêmes motifs, ils supporteront la charge des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ,

- rejette la demande formée par [B] et [C] [SY] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne [B] et [C] [SY] aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/06791
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;21.06791 ?
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