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23/06/2022 | FRANCE | N°17/02728

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 23 juin 2022, 17/02728


Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 23 JUIN 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/02728 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NFGR



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15 mai 2015

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE

N° RG 12/00747





APPELANTS :



Monsieur [B] [R]

né le 09 Mars 1979 à [Localité 11] ([Localité 11])

de nationalité Française

[Adres

se 1]

[Localité 3]

et

Madame [S] [V]

née le 30 Mai 1983 à [Localité 12] ([Localité 12])

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 2]



Représentés par Me Hugues MOULY de la SCP HABEAS AVOCATS E...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 23 JUIN 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/02728 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NFGR

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 15 mai 2015

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE

N° RG 12/00747

APPELANTS :

Monsieur [B] [R]

né le 09 Mars 1979 à [Localité 11] ([Localité 11])

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

et

Madame [S] [V]

née le 30 Mai 1983 à [Localité 12] ([Localité 12])

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentés par Me Hugues MOULY de la SCP HABEAS AVOCATS ET CONSEILS, avocat au barreau de NARBONNE

INTIMEES :

Madame [X] [K]

née le 16 Avril 1973 à [Localité 10] ([Localité 10])

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Rémy GARCIA de la SELARL SELARL ACCORE AVOCATS, avocat au barreau de NARBONNE

SA NATIO ASSURANCES

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentée par Me Serge MEGNIN de la SCP DE MARION-GAJA-LAVOYE-CLAIN-DOMENECH-MEGNIN, avocat au barreau de CARCASSONNE

Ordonnance de clôture du 15 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 MARS 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Fabrice DURAND, Conseiller, chargé du rapport et Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre

M. Fabrice DURAND, Conseiller

Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée par ordonnance du premier président du 1er décembre 2021

Greffier, lors des débats : Mme Camille MOLINA

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour fixé au 12 mai 2022 prorogé au 16 juin 2022 puis au 23 juin 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

A la requête de son propriétaire la SARL Immo 11 Services, l'immeuble cadastré section AE n°[Cadastre 9] sis [Adresse 4] (11) a été placé sous le régime de la copropriété aux termes d'un état descriptif de division et d'un règlement reçus le 2 février 2010 par acte authentique de Me [W], notaire à [Localité 2].

La SARL Immo 11 Services a ensuite vendu les 5 lots (4 appartements et 1 garage) de cette copropriété à des particuliers dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler une « vente d'immeuble à la découpe ».

M. [M] [L], par ailleurs associé de la SARL Immo 11 Services, était alors syndic bénévole de la copropriété.

Le 18 juin 2010, La SARL Immo 11 Service a vendu à M. [B] [R] et à Mme [S] [V] un appartement situé au troisième étage formant le lot n°5 de cet immeuble au prix de 84 000 euros.

Peu de temps après leur acquisition, M. [R] et Mme [V] faisaient réaliser d'importants travaux de réhabilitation de leur appartement par M. [O] [H] (exerçant sous le nom commercial JCB Rénovation), la SARL Isiome et la SARL Altis Habitat.

Ces travaux ont donné lieu à un litige entre les maîtres d'ouvrage et les trois entreprises qui a fait l'objet d'un protocole transactionnel signé le 4 octobre 2010.

L'exécution de ce protocole n'ayant pas satisfait M. [R] et Mme [V], ces derniers ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Narbonne qui a ordonné le 11 janvier 2011 une expertise confiée à M. [J] [Z]. Ce litige est pendant devant le tribunal judiciaire dans le cadre d'un dossier distinct.

La SA Nation Assurance est l'assureur multirisques habitation de M. [R] et de Mme [V].

Le 24 novembre 2010, la SARL Immo 11 Services a vendu à Mme [X] [K], par l'entremise de la SARL CCI Orphéa, un appartement formant le lot n°4 de la même copropriété et situé au deuxième étage, sous l'appartement de M. [R] et de Mme [V], au prix de 90 000 euros, outre une commission de 6 000 euros pour l'agent immobilier.

Outre divers autres désordres moins graves, Mme [K] voyait apparaître, suite à un important orage survenu le 31 décembre 2010, des infiltrations d'eau au niveau du plafond et des murs de son appartement semblant provenir du lot privatif situé au-dessus.

Par actes d'huissier des 1er, 2 et 3 février 2011 et du 9 mars 2011, Mme [K] a fait assigner devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Narbonne la SARL Immo 11 services, M. [R] et Mme [V], la SARL CCI Orphéa et M. [M] [L] ès qualités de syndic bénévole de l'immeuble aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire

M. [R] et Mme [V] appelaient en cause leur assureur la SA Natio Assurance et la SA Axa, gestionnaire de Natio Assurances.

Par ordonnance du 19 avril 2011, le juge des référés ordonnait une expertise confiée à M. [J] [Z].

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 11 octobre 2011.

Par actes d'huissier du 14 mars 2012, Mme [K] a fait assigner les mêmes les parties devant la juridiction du fond aux fins d'obtenir l'indemnisation du préjudice subi.

Par jugement du 15 mai 2015, le tribunal de grande instance de Narbonne a :

' rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture ;

' rejeté la demande d'annulation de la vente du 24 novembre 2010 ;

' condamné M. [R] et Mme [V] à payer la somme de 12 010,35 euros à Mme [K] à titre de dommages-intérêts ;

' condamné M. [R] et Mme [V] à payer les dépens de l'instance (concernant leur propre contentieux) en ce compris les frais d'expertise et la somme de 2 000 euros à Mme [K] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' dit que la SA Natio Assurance devait sa garantie à M. [R] et à Mme [V] ;

' condamné Mme [K] à payer à Me [A] administrateur ad hoc de la SARL Immo 11 Services et à la SARL CCI Orphéa les dépens exposés et une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à chacun ;

' dit que les sommes liquidées au profit de la SARL CCI Orphéa seraient versées à la procédure de redressement judiciaire ;

' condamné Mme [K] aux dépens concernant les autres parties mises en cause au dossier ;

' rejeté toute autre demande.

Par déclaration au greffe du 15 mai 2017, M. [R] et Mme [V] ont relevé appel du jugement à l'encontre de la SA Natio Assurance et de Mme [X] [K].

Cet appel est cantonné « à ce que le tribunal a fait droit aux demandes de Mme [K] et n'a pas condamné Natio Assurances à relever et garantir les appelants de toutes condamnations ».

Vu les dernières conclusions de M. [R] et de Mme [V] remises au greffe le 28 juillet 2017 ;

Vu les dernières conclusions de Mme [K] remises au greffe le 26 septembre 2017 ;

Vu les dernières conclusions de Natio Assurance remises au greffe le 27 septembre 2017 ;

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur le bien-fondé de l'action exercée par Mme [K] contre M. [R] et Mme [V]

Il est par principe loisible à chacun d'exercer son droit de propriété « de la manière la plus absolue, pourvu qu'on en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements ».

Cependant, ce droit de propriété dont l'article 544 du code civil proclame le caractère absolu, peut se voir tempérer ou limiter dans certaines situations, notamment lorsque son exercice conduit à imposer à autrui un trouble anormal de voisinage.

L'action exercée par Mme [K] sur ce fondement est parfaitement autonome au regard des rapports juridiques existant entre les parties et le syndicat des copropriétaire et par rapport au litige en cours entre M. [R] et Mme [V] et les entreprises chargées des travaux à l'origine du trouble.

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que l'eau infiltrée dans l'appartement de Mme [K] provient de l'appartement de M. [R] et de Mme [V] où elle a pénétré en raison d'un rupture d'étanchéité du toit de l'immeuble causée par la rupture d'une poutre intervenue lors des travaux réalisés M. [R] et Mme [V] dans leur lot privatif.

La réalisation des travaux incriminés résulte d'une décision des copropriétaires M. [R] et Mme [V] et ces travaux ont entraîné un trouble majeur pour Mme [K] dont l'appartement a subi des infiltrations d'eau.

Contrairement au moyen développé par les appelants en ce sens, le fait que l'entrée d'eau trouve son origine dans une partie commune n'enlève rien au fait que ce sont les agissements de M. [R] et de Mme [V], en leur qualité de copropriétaire d'un lot voisin, et l'intervention des locateurs d'ouvrage pour le compte de ces derniers qui ont provoqué la rupture des parties communes (poutre et toiture), cette rupture constituant la cause directe et exclusive du sinistre subi par Mme [K].

Cette responsabilité objective de M. [R] et de Mme [V] pour trouble anormal de voisinage existe indépendamment des recours dont ils disposent à l'encontre de leurs locateurs d'ouvrage.

Ainsi, et sans qu'il soit besoin d'établir une quelconque faute à l'encontre de M. [R] et de Mme [V], ces derniers ont causé à Mme [K] un trouble anormal de voisinage dont ils doivent réparation.

Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

Sur les demandes indemnitaires formées par Mme [K]

Dans ses écritures d'appel, Mme [K] sollicite la confirmation du jugement qui a condamnée M. [R] et Mme [V] à lui verser une indemnité de 12 010,35 euros en réparation des divers chefs de préjudice.

En cause d'appel, M. [R] et Mme [V] ne contestent pas cette évaluation du coût des travaux de reprise du plafond et des cloisons par l'expert judiciaire qui a validé le devis de l'entreprise [N] [D] à hauteur de 7 371,65 euros TTC.

Le préjudice matériel subi par Mme [K] est donc retenu à hauteur de 7 371,65 euros TTC.

Il ressort par ailleurs du rapport d'expertise que Mme [K] a subi un préjudice de jouissance du fait des infiltrations d'eau dans son appartement. Cependant, à défaut de justificatif plus précis versé aux débats sur l'ampleur de ce préjudice, celui-ci sera indemnisé sur la base de 200 euros par mois.

Cette indemnisation sera accordée pour la période ayant couru entre le 1er janvier 2011 et le 14 janvier 2013, date à laquelle le contrôleur technique Socotec a examiné l'immeuble et conclu à un risque de péril imminent, soit :

25 mois x 200 euros/mois = 5 000 euros

Le montant total de ce préjudice s'élève à 12 371,65 euros, cependant la cour d'appel n'est pas autorisée à statuer ultra petita.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a condamné M. [R] et Mme [V] à verser la somme de 12 010,35 euros à Mme [K], conformément à ses demandes.

Sur la garantie de l'assureur Natio Assurance

M. [R] a souscrit le 29 avril 2010 auprès de Natio Assurance une police multirisques habitation.

Ce contrat garantie les dommages consécutifs à l'incendie et événements assimilés, événements climatiques, catastrophes naturelles et attentats, catastrophes technologiques, dégâts des eaux, vol et vandalisme, bris de glaces et séjour voyage.

Cette police comporte également une assurance de responsabilité civile « vie privée » et « immeuble ».

Cependant, ainsi que le soutient exactement la SA Natio Assurance, cette police d'assurance de responsabilité civile ne s'applique pas aux « bâtiments en cours de construction ou de démolition » (page 4 des conditions générales) et elle exclut en outre « les dommages résultant d'obligations contractuelles non bénévoles » (page 16 des conditions générales).

En l'espèce, l'ampleur des travaux entrepris par M. [R] et Mme [V] et la nature des interventions des entreprises qui ont détruit non seulement le second oeuvre de leur lot privatif mais aussi des éléments de structure de l'immeuble doivent être qualifiés de travaux de démolition et de construction de bâtiment.

Par ailleurs, il n'est pas contesté que ces travaux ont été réalisés à titre onéreux dans le cadre de marchés passés avec plusieurs entreprises de bâtiment.

La garantie de ces dommages est donc exclue par le contrat d'assurance.

En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la SA Natio Assurance à garantir M. [R] et Mme [V] de leur condamnation à indemniser Mme [K].

Sur les demandes accessoires,

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

M. [R] et Mme [V] seront tenus de supporter les entiers dépens d'appel et condamnés à payer à Mme [K] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure pour les frais supportés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celle ayant condamné la SA Natio Assurances à relever et garantir M. [B] [R] et Mme [S] [V] de leur condamnation ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé,

Déboute Mme [X] [K], M. [B] [R] et Mme [S] [V] de leurs demandes formées contre la SA Natio Assurance ;

Y ajoutant,

Dit que M. [B] [R] et Mme [S] [V] seront tenus aux entiers dépens d'appel ;

Condamne M. [B] [R] et Mme [S] [V] à payer à Mme [X] [K] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Déboute les parties de leurs plus amples demandes.

Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 17/02728
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;17.02728 ?
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