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22/06/2022 | FRANCE | N°18/00663

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 22 juin 2022, 18/00663


Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre sociale



ARRET DU 22 JUIN 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/00663 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NW2L



ARRET N°



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 16 MAI 2018

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN - N° RG 16/00392





APPELANT :



Monsieur [P] [B]

né le 0

8 Avril 1977 à TUNISIE

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Maître Corine SERFATI-CHETRIT de la SCP D'AVOCATS SERFATI-CHETRIT, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES







INTIMEE :



Association SOLIDA...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 22 JUIN 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/00663 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NW2L

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 16 MAI 2018

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN - N° RG 16/00392

APPELANT :

Monsieur [P] [B]

né le 08 Avril 1977 à TUNISIE

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Maître Corine SERFATI-CHETRIT de la SCP D'AVOCATS SERFATI-CHETRIT, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

INTIMEE :

Association SOLIDARITE PYRENEES VENANT AUX DROITS DE L '*

ASSOCIA TION ETAPE SOLIDARITE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Maître Isabelle PALLURE, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, substituée par Maître Yann GARRIGUE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 26 Octobre 2021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 MAI 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline CHICLET, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Caroline CHICLET, Conseiller, faisant fonction de Président,

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

Greffière lors des débats : Madame Isabelle CONSTANT

ARRET :

- Contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Madame Caroline CHICLET, Conseiller, et par Madame Isabelle CONSTANT, Greffière.

*

**

EXPOSE DU LITIGE :

Après avoir été engagé par l'association Etape Solidarité devenue Solidarité Pyrénées dans le cadre d'un contrat à durée déterminée à compter du 25 septembre 2008 en qualité d'agent d'accueil/veilleur, [P] [B] a signé un contrat à durée indéterminée à temps complet à effet au 1er avril 2009.

Par avenant du 17 mars 2014, ses fonctions d'agent d'accueil et de surveillant/veilleur de nuit remplaçant (durant les absences maladie, formation et congé des surveillants/veilleurs de nuit en poste) lui ont valu de percevoir une rémunération de 1.693,28 € bruts correspondant au groupe 3, indice 452,75 de l'accord d'entreprise.

Le 22 mars 2016 [P] [B] a été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 30 mars 2016 avec mise à pied conservatoire.

Il a été licencié pour faute grave par une lettre du 1er avril 2016.

Le salarié a saisi le conseil des prud'hommes de Perpignan le 5 juillet 2016 pour contester cette décision et obtenir la réparation de ses préjudices ainsi que l'application de ses droits.

Par jugement du 16 mai 2018, ce conseil a :

- dit que le licenciement notifié pour faute grave est justifié ;

- débouté [P] [B] de l'ensemble de ses demandes ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour l'une ou l'autre des parties ;

- condamné [P] [B] aux dépens.

Le 25 juin 2018, [P] [B] a relevé appel total de ce jugement.

A l'audience du 16 novembre 2021, la cour a relevé d'office le moyen tiré de l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel en ce qu'elle ne vise pas les chefs du jugement critiqués et a ordonné le renvoi contradictoire de l'affaire à l'audience du 17 mai 2022 à 14h00, sans révocation de la clôture, pour permettre aux parties de présenter leurs observations sur ce point en invitant, par écrit, l'appelant à conclure avant le 31 janvier 2022 et l'intimée avant le 31 mars 2022.

Aucune des parties n'a conclu après cette décision de renvoi.

Vu les conclusions de [P] [B] remises au greffe le 21 septembre 2018 ;

Vu les conclusions de l'association Solidarité Pyrénées remises au greffe le 10 décembre 2018 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 26 octobre 2021 ;

MOTIFS :

Sur l'effet dévolutif de l'appel :

En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret no 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En l'espèce, si la déclaration d'appel du 25 juin 2018 ne sollicite pas la réformation ni l'annulation du jugement et ne vise pas davantage expressément les chefs du jugement critiqués puisqu'elle se borne à indiquer en objet : 'appel total', la dévolution s'est tout de même opérée pour le tout puisque le litige est indivisible.

En effet, les demandes dont a été saisi le conseil des prud'hommes se limitent à voir juger que le licenciement pour faute grave est sans cause réelle et sérieuse et à voir allouer au salarié les seules créances salariales (préavis et congés payés y afférents) et indemnités (indemnité légale et dommages-intérêts pour licenciement abusif) subséquentes ; l'exécution conjointe de décisions distinctes auxquelles le litige donnerait lieu serait ainsi matériellement impossible puisque les demandes en paiement dépendent toutes, exclusivement, du bien fondé du licenciement pour faute grave.

La dévolution de l'acte d'appel s'étant opérée pour le tout du fait de l'indivisibilité du litige, c'est par suite d'une erreur que la cour a relevé d'office l'absence d'effet dévolutif de l'appel.

Sur le bien fondé du licenciement :

[P] [B] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a dit le licenciement justifié et l'a débouté de ses prétentions. Il demande à la cour de dire le licenciement pour faute grave sans cause réelle et sérieuse et de condamner l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

- 3.568 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 365,80 € bruts au titre des congés payés y afférents,

- 785,68 € bruts à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire,

- 78,56 € bruts au titre des congés payés y afférents,

- 2.563 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 15.237 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif.

L'association Solidarité Pyrénées conclut à la confirmation du jugement.

L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige. Les motifs avancés doivent être précis et matériellement vérifiables, des motifs imprécis équivalant à une absence de motif. Le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c'est-à-dire être fondé sur des faits exacts, précis, objectifs et revêtant une certaine gravité.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et qui justifie, le cas échéant, une mise à pied conservatoire.

Alors que la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'incombe pas particulièrement à l'une ou l'autre des parties, il revient en revanche à l'employeur d'apporter la preuve de la faute grave qu'il reproche au salarié.

S'il subsiste un doute concernant l'un des griefs invoqués par l'employeur ayant licencié un salarié pour faute grave, il profite au salarié.

Lorsque que les faits sont établis mais qu'aucune faute grave n'est caractérisée, le juge du fond doit vérifier si les faits initialement qualifiés de faute grave par l'employeur constituent ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En l'espèce, [P] [B] a été licencié par une lettre du 1er avril 2016 en ces termes:

'Monsieur,

Au cours de l'entretien préalable du 30 Mars 2016, je vous ai, demandé de vous expliquer sur vos pratiques qui enfreignent les obligations découlant de votre contrat de travail, à savoir :

Dans la nuit du 7 Mars 2016, vous avez été confronté à une situation d'urgence vitale d'un usager, M. [V], je vous cite :« enfermé au WC il dormait, la tête en sang et a vomi partout... '' Vous n'avez pas alerté les secours, point essentiel du protocole n°5 : « gestion des urgences vitales '' qui demande d'alerter les secours, ni respecté la note de l'infirmière du 18 Février dans le cahier de liaison, qui précise particulièrement pour M. [V] d'alerter les secours afin qu'il ait une évaluation médicale.

Vous avez pourtant avec vos collègues, bénéficié d'une formation aux premiers secours confirmée par un diplôme le 29/10/2015 ; vous deviez savoir que les vomissements peuvent être dus à un traumatisme crânien, dans ce cas sans soins appropriés faute d'avoir alerté les secours les conséquences auraient pu être fatales pour cet usager.

Vous n'avez pas non plus informé de cette situation, comme vous deviez le faire (protocole n°5) la personne d'astreinte, qui vous aurait demandé d'alerter les secours.

D'autres faits s'ajoutent :

- Le 13 Mars, vous perdez les clés de l'infirmerie, avec les conséquences qu'on peut imaginer si elles venaient à être en possession d'un usager.

- Le 14 Mars l'infirmière trouve dans le réfrigérateur de l'infirmerie (contenant médicaments et autres produits à usage médical) un fromage que vous y avez déposé (la salle du personnel est pourtant équipée d'un réfrigérateur). Ce fait pose une question du respect des règles d'hygiène, n'avez-vous pas reçu à ce sujet formation et consignes '

-J'ai essayé toute la journée du 22 Mars de vous joindre par téléphone, non seulement il était sur répondeur, mais n'enregistrait même pas les messages. Lors de notre entretien du 3 mars 2016, avec la directrice, nous avions parlé ensemble de ce problème que vous deviez rapidement résoudre (vous savez qu'en cas d'urgence de service vous devez pouvoir être joignable, 3 semaines plus tard ce n'était toujours pas réglé) nous avons aussi parlé de vos retards réguliers dont certains vous avaient déjà valu avertissements et observations.

L'employeur constate que malgré les formations dispensées par l'association, les réunions hebdomadaires de l'équipe d'accueillant, les divers entretiens avec la direction, vous ne prenez pas l'attitude professionnelle nécessaire et exigée, vos pratiques révèlent d'un manque récurrent de sérieux. Pour les fonctions qui sont les vôtres et qui demandent d'être souvent seul en poste, l'employeur ne peut plus vous faire confiance et vous confier la sécurité des personnes et des biens au sein de sa structure d'accueil.

Lors de l'entretien du Mercredi 30 Mars en présence de M. [G] [M], vous vous êtes expliqué. Vos explications ne nous ont pas convaincus.

Le non respect du protocole n°5 et des consignes de l'infirmière,

constitue une FAUTE GRAVE, votre manque de sérieux, rend impossible la poursuite de votre activité professionnelle au sein de l'Association Etape Solidarité. Constatant ces violations des obligations de votre contrat de travail, l'employeur est contraint d'y mettre fin.

Par la présente il vous est donc notifié votre licenciement sans préavis ni indemnité de rupture. Vous ne ferez plus parti du personnel de l'Association à la date de présentation à votre domicile de cette notification par Lettre Recommandée avec Accusé de Réception.'

L'appelant soutient qu'il n'avait pas à solliciter le Samu lors de la découverte du patient endormi sur ses toilettes, malgré la présence importante de sang et de vomissures, dès lors que ce dernier, une fois réveillé, était conscient et refusait catégoriquement de faire prévenir les secours.

Il fait valoir, en outre, que la direction n'est pas fondée à lui reprocher son attitude alors qu'elle même n'a pas jugé utile d'appeler les secours une fois informée de cet événement, qu'elle ne justifie nullement avoir conduit le patient aux urgences dès le lendemain contrairement à ce qu'elle affirme sans preuve et qu'elle a mis 10 jours pour réagir à cet événement.

La fiche de poste signée par [P] [B] le 13 mars 2014 lui donne mission, en sa qualité de surveillant/veilleur de nuit remplaçant, de garantir la sécurité des personnes et des biens et de gérer les situations d'urgence et de tension. Il est titulaire, à cette fin, d'un diplôme de prévention et secours civiques de niveau 1 (formation premiers secours) depuis novembre 2015.

Il ne conteste pas avoir pris connaissance du protocole n°5 en vigueur dans l'association obligeant tout salarié à appeler les secours en cas d'urgence vitale (protocole signé par ses soins lors de la dernière mise à jour de 2017) et de la note de l'infirmière du 18 février 2016 concernant Mr [V], inscrite dans le cahier de liaison, et informant l'équipe que, s'agissant d'un patient épileptique sans traitement, il convenait d'appeler le 15 pour une évaluation médicale en cas de crise après l'avoir placé en position latérale de sécurité.

Après la découverte par [P] [B] de ce résident épileptique trouvé endormi dans ses toilettes le 7 mars 2016 à 5h20 du matin dans son sang et ses vomissures, il incombait au salarié de se conformer aux consignes générales du protocole n°5 et aux consignes particulières de l'infirmière du 18 février 2016 et d'alerter les secours ainsi que le cadre d'astreinte afin de faire procéder, sans délai, à une évaluation médicale, ce qu'il n'a pas fait.

L'appelant ne peut pas se retrancher derrière le refus du résident pour justifier son manquement puisque, contrairement à ce qui est soutenu, la mise en oeuvre des consignes ne privait pas cette personne de son droit de refuser les soins qui lui auraient été proposés par les secours une fois ceux-ci arrivés sur place.

Contrairement à ce que soutient l'appelant, l'employeur démontre avoir agi dès le lendemain à l'égard du résident puisque le cahier de liaison du 8 mars 2016 montre qu'il a été vu par un médecin qui n'a détecté aucune lésion cérébrale et qui lui a prescrit un médicament anti-épileptique, ce qui est confirmé par le compte-rendu de la réunion d'équipe du 10 mars 2016 à laquelle [P] [B] a participé.

Il est vain de la part de l'appelant de soutenir que l'employeur a mis 10 jours pour réagir à son manquement, ce qui démontrerait selon lui l'inexistence de la faute grave reprochée, alors qu'il résulte du compte-rendu de réunion d'équipe du 10 mars 2016 que, dès le surlendemain des faits, sa responsable hiérarchique lui a reproché de ne pas avoir appelé le 15 tenant le choc à la tête et les vomissements constatés pouvant faire craindre un hématome cérébral, qu'il a été entendu par la cheffe de service sur ces faits dès la semaine suivante (17 mars) après son repos hebdomadaire du 14 mars et son absence du 15 mars et qu'il a été convoqué à l'entretien préalable et mis à pied à titre conservatoire dès le 22 mars suivant.

La cour juge, au vu de ce qui précède, que le non respect par [P] [B], lors de la découverte d'un résident épileptique endormi dans les toilettes dans son sang et ses vomissures, des consignes claires et précises, tant générales que particulières, dont il avait connaissance dans le cadre de ses fonctions de surveillant/veilleur de nuit concernant la gestion des urgences vitales et la prise en charge de ce résident et qui l'obligeaient à alerter les secours en cas de survenance d'une crise est constitutive d'une faute grave rendant impossible son maintien dans l'association, ainsi que l'a justement considéré le conseil des prud'hommes et ce, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs de la lettre de licenciement.

Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions, l'appelant étant débouté de toutes ses prétentions.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement ;

Dit que, compte tenu de l'indivisibilité du litige, la déclaration d'appel a opéré la dévolution pour le tout et que la cour est valablement saisie ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Condamne [P] [B] aux dépens d'appel et à payer à l'association Solidarité Pyrénées la somme de 800 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

la greffière, le conseiller,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18/00663
Date de la décision : 22/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-22;18.00663 ?
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