Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 22 JUIN 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 18/00661 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NWZ6
ARRET N°
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 07 JUIN 2018
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN - N° RG 16/00580
APPELANT :
Monsieur [Y] [X]
né le 02 Août 1960 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représenté par Maître Corine SERFATI-CHETRIT de la SCP D'AVOCATS SERFATI-CHETRIT, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/012719 du 07/11/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
INTIMEES :
Me [S] [E] - Mandataire liquidateur de SA HUIS CLOS
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Maître Clarisse LACHENAL, avocat au barreau de MONTPELLIER
Association CGEA DE ROUEN UNEDIC
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Maître Pierre CHATEL de la SELARL CHATEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 26 Octobre 2021
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 MAI 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline CHICLET, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Caroline CHICLET, Conseiller, faisant fonction de Président,
Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
Greffière lors des débats : Madame Isabelle CONSTANT
ARRET :
- Contradictoire.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Madame Caroline CHICLET, Conseiller, et par Madame Isabelle CONSTANT, Greffière.
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EXPOSE DU LITIGE :
[Y] [X] a été engagé le 1er mars 2010 par la Sa Huis Clos, entreprise employant habituellement au moins onze salariés dépendant du groupe René Bertin et fabricant, commercialisant et posant des volets, portes, fenêtres et systèmes de fermeture, en qualité de directeur d'agence dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet.
Confrontée à des difficultés économiques, la société a initié, courant 2012, diverses procédures de conciliation avec ses créanciers puis a bénéficié d'un jugement de redressement judiciaire prononcé par le tribunal de commerce de Rouen le 22 mai 2013.
Les diverses mesures de restructuration envisagées n'ayant pas permis de redresser la situation, elle a été placée en liquidation judiciaire le 17 octobre 2013 avec maintien d'activité jusqu'au 24 octobre 2013, Maître [E] étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Une procédure de licenciement collectif pour motif économique a été engagée avec mise en place d'un plan social homologué par la Directe le 6 novembre 2013.
C'est dans ce contexte que [Y] [X] a été licencié par lettre du 12 novembre 2013.
Ayant adhéré au plan de sécurisation professionnelle, son contrat a été rompu à l'expiration du délai de réflexion soit le 30 novembre 2013.
Soutenant n'avoir bénéficié d'aucune proposition de reclassement, [Y] [X] a saisi le conseil des prud'hommes de [Localité 6] le 6 décembre 2016 pour contester son licenciement et obtenir une indemnité de 20.000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 7 juin 2018, ce conseil a :
- dit le licenciement pourvu de cause réelle et sérieuse ;
- dit que l'attestation Pôle Emploi, le reçu pour solde de tout compte et le certificat de travail ont été remis et qu'il n'y a pas lieu de les rectifier ;
- débouté les parties de leurs autres demandes ;
- dit que les dépens seront portés au passif de la liquidation judiciaire.
Le 25 juin 2018, [Y] [X] a relevé appel total de ce jugement.
Vu les conclusions de l'appelant remises au greffe le 27 août 2018;
Vu les conclusions de la Sa Huis Clos représentée par son liquidateur judiciaire, appelante à titre incident, remises au greffe le 13 septembre 2021 ;
Vu les conclusions de l'AGS CGEA de Rouen, appelante à titre incident, remises au greffe le 15 novembre 2018 ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 26 octobre 2021 ;
A l'audience du 16 novembre 2021, la cour a relevé d'office le moyen tiré de l'absence d'effet dévolutif de l'appel en l'absence d'énonciation expresse des chefs du jugement critiqué et renvoyé l'affaire à l'audience du 31 mars 2022 sans révocation de la clôture en invitant les parties à faire valoir leurs observations.
L'appelant a conclu en réponse à cet avis le 16 mai 2022.
MOTIFS :
Sur l'effet dévolutif de l'appel :
En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret no 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, ce que la cour doit vérifier avant de relever d'office le moyen tiré de l'absence d'effet dévolutif de l'appel.
En l'espèce, si la déclaration d'appel du 25 juin 2018 ne sollicite pas la réformation ni l'annulation du jugement et ne vise pas davantage expressément les chefs du jugement critiqués puisqu'elle se borne à indiquer en objet : 'appel total', la dévolution s'est tout de même opérée pour le tout puisque le litige est indivisible.
En effet, les demandes dont a été saisi le conseil des prud'hommes se limitent à voir juger que le licenciement pour motif économique est sans cause réelle et sérieuse et à voir allouer au salarié la créance indemnitaire subséquente ; l'exécution conjointe de décisions distinctes auxquelles le litige donnerait lieu serait ainsi matériellement impossible puisque la demande indemnitaire dépend, exclusivement, du bien fondé du licenciement pour motif économique.
La dévolution de l'acte d'appel s'étant opérée pour le tout du fait de l'indivisibilité du litige, c'est par suite d'une erreur que la cour a relevé d'office le moyen tiré de l'absence d'effet dévolutif de l'appel.
Sur le bien fondé du licenciement :
[Y] [X] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande visant à voir juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et à lui allouer la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts. Il demande à la cour de faire droit à ses prétentions et de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de l'employeur en faisant plaider l'absence de tentatives de reclassement réelles et sérieuses.
L'AGS et le liquidateur judiciaire opposent, in limine litis, comme ils l'avaient déjà fait devant le conseil des prud'hommes, l'incompétence des juridictions judiciaires pour apprécier le périmètre de reclassement interne au profit de celle du tribunal administratif de Rouen et demandent à la cour d'inviter l'appelant à mieux se pourvoir. A défaut, ils demandent à la cour de dire la demande d'[Y] [X] irrecevable pour atteinte au principe de la séparation des pouvoirs et comme prescrite en application de l'article L.1233-67 du code du travail. A titre subsidiaire, ils concluent à la confirmation du jugement.
Contrairement à ce que soutiennent à tort l'AGS et le liquidateur judiciaire de la société Huis Clos, [Y] [X] ne critique pas le périmètre de reclassement arrêté par le plan de sauvegarde homologué mais reproche l'absence de toute proposition de reclassement par le liquidateur malgré son ancienneté et sa qualification de sorte que l'exception d'incompétence sera rejetée ainsi que l'irrecevabilité pour atteinte au principe de séparation des pouvoirs.
Selon l'article L.1233-67 du code du travail, en cas d'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle, toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif se prescrit par douze mois à compter de l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle.
Ce délai n'est opposable au salarié que s'il en a été fait mention dans la proposition de contrat de sécurisation professionnelle faite par l'employeur.
En l'espèce, la cour relève, ainsi que le soutiennent justement les intimés, que le salarié a été informé du délai de prescription abrégé de 12 mois précité dans la lettre de licenciement conservatoire du liquidateur du 12 novembre 2013 l'informant de son droit à adhérer au contrat de sécurisation professionnelle (pièce 5 du liquidateur), ce qu'il ne conteste pas.
Ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 30 novembre 2013, ce qu'il ne discute pas, [Y] [X] avait jusqu'au 1er décembre 2014 pour contester son licenciement.
Or, il n'a saisi le conseil des prud'hommes que le 6 décembre 2016, soit plus de douze mois après son adhésion au CSP ; son action est par conséquent irrecevable comme prescrite.
Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement ;
Constate que la déclaration d'appel a opéré la dévolution du litige pour le tout, le litige étant indivisible ;
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau ;
Rejette l'exception d'incompétence opposée par l'AGS et le liquidateur judiciaire de la société Huis Clos ;
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par le liquidateur judiciaire et tirée de la violation de la séparation des pouvoirs ;
Déclare l'action d'[Y] [X] irrecevable comme prescrite sur le fondement de l'article L.1233-67 du code du travail ;
Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge d'[Y] [X] ;
Rejette la demande du liquidateur judiciaire de la Sa Huis Clos fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA de Rouen.
la greffière, le conseiller,