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16/06/2022 | FRANCE | N°16/05794

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 16 juin 2022, 16/05794


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 16 JUIN 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 16/05794 - N° Portalis DBVK-V-B7A-MYA2



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 23 juin 2016

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 15/03136





APPELANTE :



Madame [O] [L] épouse [V]

née le 05 Octobre 1953 à [Localité 6]

de nationalité Fr

ançaise

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER







INTIMEE :



Direction Départementale des Fin...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 16 JUIN 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 16/05794 - N° Portalis DBVK-V-B7A-MYA2

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 23 juin 2016

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 15/03136

APPELANTE :

Madame [O] [L] épouse [V]

née le 05 Octobre 1953 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Direction Départementale des Finances Publiques des Pyrénées Orientales (DDFP DES PO)

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CHABANNES-SENMARTIN ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 13 avril 2021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 FEVRIER 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre

M. Fabrice DURAND, Conseiller

Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée par ordonnance du premier président du 1er décembre 2021

Greffier, lors des débats : Mme Camille MOLINA

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour fixée au 7 avril 2022 prorogée au 9 juin 2022 puis au 16 juin 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

[R] [I] veuve [D] décédait le 18 octobre 2005, en l'état d'un testament établi le 10 juin 2004, instituant Mme [O] [L] épouse [V] légataire universel.

Par acte d'huissier du 10 mars 2009, Mme [F] [G] épouse [A], fille de la défunte, assignait Mme [O] [L] aux fins d'annulation du testament et restitution des sommes sur le fondement du recel successoral.

Par jugement du 19 mai 2011, le tribunal de grande instance de Perpignan rejetait les demandes de Mme [F] [G] épouse [A]. Cette dernière interjetait appel du jugement.

Le 16 août 2011, l'administration fiscale mettait en demeure Mme [O] [L] de produire dans un délai de 90 jours la déclaration n° 2705 relative à la succession de [R] [I].

Par courrier du 14 septembre 2011, l'avocat de Mme [O] [L] répondait qu'un appel était en cours à l'encontre du jugement du 19 mai 2011.

Par arrêt du 10 octobre 2013, la cour d'appel de Montpellier confirmait le jugement du tribunal de grande instance de Perpignan.

Par courrier du 5 mars 2014, l'administration fiscale mettait en demeure Mme [O] [L] de produire dans un délai de 90 jours la déclaration n° 2705 relative à la succession de [R] [I].

Une proposition de rectification selon la procédure de taxation d'office était notifiée le 16 juin 2014, par la Brigade départementale patrimoniale de la direction des finances publiques des Pyrénées Orientales, à Mme [O] [L].

Par observations du contribuable en date du 11 juillet 2014 Mme [O] [L] contestait la proposition de rectification, maintenue par l'administration par réponse aux observations du contribuable du 18 juillet 2014.

Le 15 septembre 2014, un avis de mise en recouvrement était notifié à Mme [O] [L] pour une montant de 62 607 euros en principal, 25 043 euros de majoration et 10 518 euros d'intérêts.

La réclamation préalable présentée par Mme [O] [L] le 23 octobre 2014 était rejetée par décision du 23 juin 2015.

Par acte d'huissier du 29 juillet 2015, Mme [O] [L] épouse [V] assignait, devant le tribunal de grande instance de Perpignan, la Direction départementale des Finances Publiques des Pyrénées Orientales aux fins d'annulation de la décision de rejet du 23 juin 2015 et de dégrèvement des impositions et pénalités mis en recouvrement.

Par jugement du 23 juin 2016, le tribunal a :

- déclaré non prescrit le droit de reprise de l'administration fiscale et débouté Mme [O] [L] de sa contestation à ce titre ;

- fait droit à la contestation de Mme [O] [L] au titre du rappel à la succession de Mme [R] [I] veuve [D] de la somme de 30 000 euros ;

En conséquence, a prononcé le dégrèvement des impositions et pénalités y afférent ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Mme [O] [L] épouse [V] a interjeté appel de ce jugement le 21 juillet 2016 à l'encontre de la Direction départementale des Finances Publiques des Pyrénées Orientales.

Mme [O] [L] a fait signifier, par acte d'huissier du 27 octobre 2016, la déclaration d'appel et ses conclusions d'appelant à la direction départementale des Finances Publiques des Pyrénées Orientales (DDFP des PO).

Par arrêt du 1er juillet 2021 la cour d'appel de Montpellier a confirmé le jugement qui a déclaré non prescrit le droit de reprise de l'administration fiscale et avant dire droit invité les parties à s'expliquer sur le moyen relevé d'office par la cour, tiré de la recevabilité de la contestation du rapport de succession de la somme de 30 000 euros à titre de don manuel.

Vu les conclusions de Mme [O] [L] épouse [V] remises au greffe le 28 septembre 2021 ;

Vu les conclusions du Directeur départemental des finances publiques des Pyrénées Orientales remises au greffe le 7 septembre 2020.

MOTIF DE L'ARRÊT

Sur la recevabilité de la contestation du rapport à la succession

Mme [O] [L] épouse [V] conclut à la recevabilité de sa demande de dégrèvement du rapport à la succession de la somme de 30 000 euros considérant qu'au visa de l'article L199 C du code de procédure fiscale, elle pouvait soulever tout moyen nouveau dans la limite du dégrèvement demandé. Elle fait valoir que dans sa réclamation contentieuse du 23 octobre 2014, elle demandait sur le fondement de la prescription, la décharge totale de l'ensemble de ses impositions et qu'à ce titre elle peut faire valoir tout nouveau moyen.

L'article L199 C du Livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige dispose que l'administration, ainsi que le contribuable dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicitée, peuvent faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel jusqu'à la clôture de l'instruction. Il en est de même devant le tribunal de grande instance et la cour d'appel.

Selon ces dispositions, la faculté de présenter des moyens nouveaux ne vaut que dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicitée.

A la suite de la proposition de rectification du 16 juin 2014, maintenue par réponse aux observations du contribuable du 18 juillet 2014, les impositions ont été mises en recouvrement par avis du 15 septembre 2014, pour une montant de 62 607 euros en principal, 25 043 euros de majoration et 10 518 euros d'intérêts.

Au terme de sa réclamation préalable en date du 23 octobre 2014, Mme [O] [L] épouse [V] soulève la prescription du droit de reprise et conteste le point de départ du délai de reprise de l'administration et les modalités du calcul de la suspension et conclut « Il ressort donc de l'ensemble de ces éléments que la procédure fiscale engagée à mon encontre est totalement irrégulière et que les impositions et pénalités ne peuvent qu'être dégrevées ».

Devant le tribunal, elle conteste à titre subsidiaire le redressement concernant la qualification de la donation de 30 000 euros.

Il ressort de ces constatations, que dans sa réclamation préalable, la contribuable a contesté la validité de la procédure et en conséquence le bien-fondé du redressement en son entier et sa contestation de la donation de 30 000 euros constitue un moyen nouveau dans la limite du dégrèvement et de la restitution sollicitée, justifiant la recevabilité de la contestation.

II/ Sur la donation

La Direction départementale des finances publiques des Pyrénées Orientales à titre incident, demande la confirmation de la décision de rejet du directeur départemental des finances publiques du 23 juin 2015. Elle conteste le dégrèvement du rappel à la succession de la somme de 30 000 euros. Elle fait valoir que l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier mentionne diverses opérations de paiements, notamment un chèque de 30 000 euros du 27 juillet 2005 libellé à l'ordre de Mme [O] [L] épouse [V], qui sont sujets aux droits de donation. Elle considère que Mme [O] [L] épouse [V] ne démontre pas le caractère rémunératoire du versement et soutient que l'existence d'une libéralité est présumée en présence d'un versement sans cause apparente justifiant la réintégration dans l'actif successoral de la somme de 30 000 euros.

Mme [O] [L] épouse [V], demande le dégrèvement total des impositions et pénalités liées à la procédure de redressement et conteste la taxation de la somme de 30 000 euros au titre d'un don manuel, aucune des décisions, tant le jugement du 19 mai 2011, que l'arrêt du 10 octobre 2013 ne comportant de reconnaissance judiciaire d'un don à son profit. Elle soutient que la somme de 30 000 euros est une donation rémunératoire.

En application de l'article 747 du code général des impôts dans sa version applicable au litige, les actes renfermant, soit la déclaration par le donataire ou ses représentants, soit la reconnaissance judiciaire d'un don manuel, sont sujets au droit de donation. La même règle s'applique lorsque le donataire révèle un don manuel à l'administration fiscale.

L'article 757 du code général des impôts, loin de subordonner l'exigibilité du droit de donation à la condition que la reconnaissance judiciaire soit susceptible de créer un lien de droit entre le donateur et le donataire, donne pour base à la perception du droit le fait seul que le don manuel a été déclaré ou reconnu par le juge dans une décision qui, sans produire les effets légaux d'un titre valable, suffit cependant pour établir, au point de vue de la loi fiscale et à l'égard du donataire, la transmission de la propriété mobilière.

Il suffit que la reconnaissance judiciaire prévue par l'article 757 du code général des impôts figure ou dans les motifs ou dans le dispositif du jugement, qu'elle soit exempte de toute équivoque et qu'il y ait constatation certaine de la transmission de la propriété à titre de libéralité.

L'article 894 du code civil dans sa version applicable au litige dispose que la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte.

Le tribunal de grande instance de Perpignan au terme du jugement du 19 mai 2011 expose que Mme [F] [G] demande notamment la restitution de la somme de 30 000 euros. Le jugement mentionne « la somme de 30 000 euros payée par chèque à Mme [O] [V] le 27 juillet 2005 (...) il convient de remarquer que seul le chèque de 30 000 euros est établi à l'ordre de Mme [O] [V] » et précise « la restitution de cette somme est demandée sur le fondement du recel successoral ».

La cour d'appel de Montpellier dans son arrêt du 10 octobre 2013, retient que « les chèques critiqués et notamment celui de 30 000 euros ont été signés par [R] [D] elle-même et qu'il n'est pas démontré que les sommes litigieuses auraient été diverties par Mme [O] [V] hors du consentement de [R] [D].»

Concernant la contestation du testament rédigé au profit de Mme [O] [V], le jugement du 19 mai 2011 indique « au moment de son hospitalisation en février 2004, il est mentionné un état général satisfaisant, même si elle souffre par contre de graves problèmes du rachi entrainant une certaine impotence physique (...) il est mentionné une dépression réactionnelle à la dépendance physique'l'altération irrémédiable de son état physique ».

Au terme de son attestation établie le 17 mars 2008, le Dr [K], neurochirurgien au centre hospitalier de [Localité 4] certifie avoir donné des soins à Mme [R] [D] entre le 26 mai 2003 et le 17 juin 2004 et mentionne qu'elle était accompagnée à chaque consultation et chaque hospitalisation par Mme [O] [V] qui s'occupait d'elle de façon permanente, attentive et attentionnée.

Les docteurs [Y] médecin chef du centre de rééducation du centre thermal de rééducation de [Localité 5] et [S] son médecin traitant du 2 août 2003 jusqu'à son décès le 18 octobre 2005, confirment, chacun, la présence systématique, attentive et dévouée de Mme [O] [V] à tous les rendez-vous et hospitalisation.

Aux terme des attestations établies dans les formes prescrites par les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, Mme [H], Mme [B], et Mme [N] déclarent que Mme [O] [V] s'occupait quotidiennement de Mme [R] [D].

Il résulte de l'examen de ces pièces, que si le jugement du 19 mai 2011 et l'arrêt du 10 octobre 2013 font état de la signature d'un chèque de 30 000 euros au profit de Mme [O] [V], aucune de ces décisions ne déclare ou ne reconnaît de façon certaine et sans équivoque, tant dans son dispositif que dans ses motifs, une qualification de don manuel ou une transmission de la propriété à titre de libéralité ou une volonté libérale.

Contrairement à ce que soutient l'administration, la présomption fiscale de donation de cette somme est levée par Mme [O] [V] qui rapporte la preuve contraire, par les différentes attestations produites, de la contrepartie de ce versement effectué en 2005, par les services qu'elle a rendus, quotidiennement, sur une longue période à Mme [R] [D], qui devenait impotente en lui permettant de rester à domicile, Mme [O] [V] étant d'après ces attestations, la seule à lui apporter cette aide.

Les attestations faisant état d'une assistance quotidienne, d'un suivi de tous les rendez-vous médicaux et hospitaliers et de la vie courante, pendant une longue période, d'une personne décrite dans le jugement en situation de dépendance physique, la somme de 30 000 euros versée en juillet 2005 paraît proportionnelle au service rendu.

En conséquence, le jugement qui a prononcé le dégrèvement des impositions et pénalités appliquées au titre de la somme de 30 000 euros sera confirmé en toutes ses dispositions, comprenant le rejet de la demande de dégrèvement total, en contestation duquel aucun justificatif ni développement n'est produit, au fond, en appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement ;

Confirme le jugement déféré, en toutes ses dispositions ;

Déboute Mme [O] [V] de ses autres demandes ;

Déboute M. le Directeur Départemental des Finances Publiques des Pyrénées-Orientales de son appel incident ;

Condamne Mme [O] [V] aux dépens d'appel ;

Dit n'y avoir lieu au bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 16/05794
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;16.05794 ?
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