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09/06/2022 | FRANCE | N°21/06458

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre civile, 09 juin 2022, 21/06458


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre civile



ARRET DU 09 JUIN 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06458 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PGJT





Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 OCTOBRE 2020

JUGE DE L'EXECUTION DE MONTPELLIER N° RG 21/15157





APPELANTE :



Madame [D] [H]

née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 7] (93)

de nationalité Françaiser>
[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Nathalie TRAGUET de la SELARL NATHALIE TRAGUET, avocat au barreau de MONTPELLIER

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/015581 du 24/11/2021 acco...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 09 JUIN 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06458 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PGJT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 OCTOBRE 2020

JUGE DE L'EXECUTION DE MONTPELLIER N° RG 21/15157

APPELANTE :

Madame [D] [H]

née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 7] (93)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Nathalie TRAGUET de la SELARL NATHALIE TRAGUET, avocat au barreau de MONTPELLIER

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/015581 du 24/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIME :

Monsieur [X] [P]

né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 11] (57)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Sophie RUFFIE de la SCP INTER-BARREAUX D'AVOCATS MARGUERIT BAYSSET RUFFIE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me ROLLET, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/015795 du 02/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

Ordonnance de clôture du 04 Avril 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 AVRIL 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Eric SENNA, Président de chambre

Madame Myriam GREGORI, Conseiller

Madame Nelly CARLIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Laurence SENDRA

L'affaire, mise en délibéré au 02/06/22, a été prorogée au 09/06/22.

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Eric SENNA, Président de chambre, et par Mme Laurence SENDRA, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE :

Le 15 avril 2021, Madame [D] [H] a fait pratiquer à l'encontre de Monsieur [X] [P] une saisie-attribution entre les mains de Maître [I] [Z] pour avoir paiement d'une somme totale en principal, accessoires, intérêts et frais de 79 111, 26 € au titre d'une prestation compensatoire et d'arriérés de pensions alimentaires dues à son épouse, ainsi qu'au titre d'arriérés de contributions à l'entretien et l'éducation de ses enfants et ce, en vertu d'une ordonnance de non-conciliation du 17 mai 2010 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Montpellier, d'une ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Montpellier du 14 janvier 2013, d'un jugement du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Montpellier du 7 octobre 2014, d'un jugement du tribunal correctionnel de Montpellier du 9 décembre 2014, d'un arrêt de la 3ème chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Montpellier du 2 juillet 2014, d'un jugement du tribunal correctionnel de Libourne du 18 juin 2019 et de deux arrêts de la Cour d'appel de Montpellier en date des 7 septembre 2016 et 24 mai 2011.

Cette saisie-attribution a été dénoncée à Monsieur [X] [P] le 20 avril 2021.

Par exploit d'huissier du 18 mai 2021, Monsieur [X] [P] a fait assigner Madame [D] [H] devant le juge de l'exécution du Tribunal judiciaire de Montpellier aux fins de voir ordonner au principal le cantonnement de la saisie en cause à hauteur de 25 846, 99 € et la mainlevée pour le surplus.

Par jugement du 28 octobre 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Montpellier a :

* validé la saisie-attribution pratiquée entre les mains de Me [Z] [I], notaire a [Localité 9] à l'encontre de Monsieur [X] [P] suivant acte de la SCP Michel QUENIN ' Francoise TOURRE ' Pierre Yves LOPEZ, huissiers de justice associés à [Localité 10], en date du 15 avril 2021, à la requête de Madame [D] [H], dans les limites suivantes :

- cantonné ladite saisie-attribution à la somme de 25 846,99 €

- dit que les frais seront recalculés en conséquence,

* ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pour le surplus,

* débouté Madame [D] [H] de sa demande indemnitaire pour procédure abusive,

* débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire,

* dit n'y avoir lieu à de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné Madame [D] [H] aux entiers dépens de l'instance.

Ce jugement a été notifié à Monsieur [X] [P] le 8 novembre 2021.

Monsieur [X] [P] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 6 novembre 2021.

L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 11 avril 2022.

Par conclusions signifiées par la voie électronique le 28 mars 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, Madame [D] [H] demande à la cour de :

* dire et juger l'appel interjeté par Madame [H] recevable en la forme et bien-fondé au fond

* Y faisant droit :

- confirmer le jugement rendu le 28 octobre 2021 en ce qu'il a déclaré valide la saisie-attribution pratiquée le 15 avril 2021 entre les mains de Me [Z] [I], notaire à [Localité 9] à l'encontre de Monsieur [X] [P]

- infirmer le jugement rendu le 28 octobre 2021 en ce qu'il a cantonné la saisie-attribution à la somme de 25 846.99 euros, débouté Madame [H] de sa demande indemnitaire, dit n'y avoir lieu à l'article 700 du CPC et condamné Madame [H] aux entiers dépens de l'instance

* Statuant à nouveau,

- fixer la créance de Madame [H] à hauteur de 64 838 euros après déduction de la somme de 13 500 euros réglée par Monsieur [P] postérieurement à la saisie - attribution

- En conséquence, déclarer valide la saisie-attribution à hauteur de la somme de 64 838 euros à laquelle il convient d'ajouter les frais de procédure et frais d'actes afférents à ladite saisie-attribution

- condamner au besoin Monsieur [P] au paiement de ladite somme de 64 838 euros

- condamner Monsieur [P] au paiement de la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

- débouter Monsieur [P] de toutes ses demandes comme injustes et infondées

- condamner Monsieur [P] au paiement de la somme de 3500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC ainsi que les entiers dépens en ceux compris les frais au titre de la saisie-attribution.

Dans ses dernières écritures signifiées par la voie électronique le 1er avril 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, Monsieur [X] [P] demande à la cour de :

* en toute hypothèse et puisque la Cour n'est notamment saisie d'aucune demande, prétention ou moyen recevable au sens de l'article 910-4 du CPC, visant à obtenir fixation de la créance invoquée par Madame [D] [H] à l'encontre de Monsieur [X] [P] au soutien de son appel,

* confirmer en toutes ses dispositions le Jugement rendu par Madame le Juge de l'Exécution près le Tribunal Judiciaire de MONTPELLIER du 28 octobre 2021,

* A titre infiniment subsidiaire,

- prononcer le cantonnement de la saisie-attribution pratiquée le 15 avril 2021 entre les mains de Maître [Z] [I], Notaire à [Localité 9], à la somme de 30.979,99 €,

- prononcer pour le surplus mainlevée entière et définitive de la saisie contestée,

- débouter Madame [D] [H] de l'ensemble de ses demandes complémentaires,

* condamner Madame [D] [H] au paiement de la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 avril 2022.

MOTIFS :

Sur l'absence de prétentions au soutien de l'appel

Monsieur [P] fait valoir que la Cour n'est saisie par l'appelante d'aucune prétention recevable au sens de l'article 910-4 du code de procédure civile de sorte qu'elle devra confirmer purement et simplement le jugement entrepris.

Aux termes de l'article 910-4 du code de procédure civile , à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties doivent présenter dés les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.

Monsieur [P] ne soulève cependant pas l'irrecevabilité des conclusions de Madame [H] mais entend en réalité invoquer l'absence d'effet dévolutif de l'appel sur le fondement de l'article 562 du code de procédure civile dés lors qu'il considère que ni la déclaration d'appel ni les premières conclusions de l'appelante ne mentionnent des demandes formelles de nature à saisir valablement la Cour.

L'article 562 du code de procédure civile dispose que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

Il convient de relever qu'il ressort des mentions figurant à la déclaration d'appel formée par Madame [H] que l'appel est porté à l'encontre des dispositions du jugement entrepris en faisant référence expressément à l'ensemble des chefs de jugement critiqués énumérés avec précision dans l'acte d'appel.

Cette formulation répond aux exigences de l'article 933 du code de procédure civile qui fait obligation à l'appelant d'énoncer dans l'acte d'appel, aussi précisément qu'il lui est possible, chacun des chefs du dispositif du jugement qu'il entend voir remettre en discussion devant la cour et de l'article 901 du même code qui prévoit, en son quatrièmement, que la déclaration d'appel contient les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Par ailleurs, il convient de relever que dés les premières conclusions de l'appelante signifiées par la voie électronique le 13 décembre 2021, Madame [H] sollicite de la Cour :

- qu'elle confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré valide la saisie-attribution,

- qu'elle infirme cette décision en ce qu'elle a cantonné la saisie-attribution à la somme de 25 846, 99 euros, rejetté la demande indemnitaire de Madame [H], dit n'y avoir lieu à l'article 700 du code de procédure civile et condamné cette dernière aux dépens

- et statuant à nouveau notamment qu'elle déclare valide la saisie-attribution à hauteur de la somme de 64 838 euros, qu'elle condamne en sus Monsieur [P] au paiement de la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de celle de 3500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Ces demandes ont été intégralement reprises aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 28 mars 2022 et auxquelles Madame [H] a seulement rajouté une demande aux fins de fixation de sa créance à hauteur de 64 838 euros. Cette demande nouvelle et son éventuelle irrecevabilité ne sauraient cependant, comme tente de le soutenir l'intimé, dessaisir la Cour de la connaissance des autres prétentions émises par l'appelante.

En conséquence, la présente Cour étant valablement saisie au fond en application des articles précités, la demande formée par Monsieur [P] aux fins de voir confirmer purement et simplement la décision entreprise sans qu'il soit statué sur les chefs de jugement expressément critiqués par l'appelante et sur les prétentions de celle-ci, sera rejetée.

Sur le cantonnement de la saisie-attribution

Il convient de relever en préliminaire que Monsieur [X] [P] justifie avoir respecté les formalités prescrites par l'article R 211-11 du code de procédure civile d'exécution en produisant le récépissé postal de la lettre de dénonciation de l'assignation à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie-attribution, ce récepissé portant mention de la date du dépôt de ce courrier au 19 mai 2021, soit le lendemain du jour de l'assignation devant le juge de l'exécution. Les contestations soumises à l'appréciation du juge de l'exécution sont donc recevables.

Madame [H] sollicite l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a cantonné la saisie-attribution pratiquée le 21 avril 2021 à la somme de 25 846,99 € et demande que cette saisie soit cantonnée à la somme de 64 838 €.

Monsieur [P] sollicite à titre principal la confirmation du jugement dont appel.

Madame [H] fait valoir en premier lieu que c'est par des motifs erronés que le premier juge a déclaré prescrites les sommes échues antérieurement au 15 avril 2016 aux motifs que :

- la prescription relative aux pensions alimentaires dues au titre du devoir de secours ne court pas entre époux en application de l'article 2236 du code civil, le point de départ de la prescription ne courrant, en conséquence, qu'à compter du prononcé de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Montpellier du 7 septembre 2016, date à laquelle le divorce des époux est devenu définitif

- la prescription relative aux arrièrés de pensions alimentaires dues pour les enfants est la prescription décennale prévue à l'article L. 111-4 du code de procédure civile pour l'exécution des titres exécutoires et non la prescription quinquennale pour les créances périodiques

- elle a acompli des actes interruptifs de prescription.

Cependant, que ce soit pour le recouvrement des pensions alimentaires dues au titre du devoir de secours que pour le recouvrement des contributions à l'entretien des enfants, c'est à juste titre que le premier juge a appliqué la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil pour les actions personnelles ou mobilières et a écarté la prescription décennale instituée par l'article L. 111-4 du code de procédure civile issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 pour l'exécution des titres exécutoires. S'il est, en effet, exact que depuis l'entrée en vigueur de cette loi, le créancier peut poursuivre pendant 10 ans l'exécution du jugement portant obligation au paiement d'une somme payable à termes périodiques, telle qu'une pension alimentaire, il ne peut, en vertu de l'article 2224 précité, applicable en raison de la nature de la créance, obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de sa demande, le titre obtenu par le créancier alimentaire n'ayant pas pour effet de modifier la nature de sa créance mais seulement de conférer à cette dernière un caractère exécutoire.

Le procès-verbal de saisie attribution porte notamment sur :

- les pensions alimentaires dues au titre du devoir de secours de mai 2010 à septembre 2016

- les contributions à l'entretien et l'éducation des enfants de mai 2010 à octobre 2014.

Lorsqu'une dette est payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à compter de son échéance.

La suspension de la prescription entre époux invoquée en cause d'appel par Madame [H] sur le fondement de l'article 2236 du code civil ne saurait s'appliquer dans le cadre du recouvrement de créances alimentaires soumis à un régime spéficique et alors qu'il ne s'agit pas de créances ordinaires. Il importe donc peu de savoir à cet égard à quelle date la décision ayant prononcé le divorce est passée en force de chose jugée.

Le délai de prescription expirait donc, en l'espèce, entre mai 2015 et septembre 2021 pour les pensions alimentaires et entre mai 2015 et octobre 2019 pour les contributions.

Madame [H] invoque l'existence d'actes interruptifs de prescription.

Néanmoins, c'est à bon droit que le premier juge a considéré ces actes comme non interruptifs de prescription dés lors que :

- la saisie-attribution invoquée du 2 mai 2018 n'a pas fait l'objet d'une dénonciation à Monsieur [P], peu en important les raisons, seule la dénonciation au débiteur saisi et non l'exploit de saisie étant de nature à interrompre la prescription

- les diligences entreprises par Madame [H] auprès de la CAF aux fins d'obtenir le versement de l'allocation de soutien familial et qui ont un objet distinct d'une action en recouvrement des arriérés de pensions alimentaire à l'encontre de Monsieur [P] n'ont aucun effet interruptif ;

- de même, l'interruption de prescription résultant des actions en recouvrement entreprises par la CAF ou le Trésor public au titre des allocations de soutien familial versées à Madame [H] ne profite qu'aux titulaires de ces actions et non personnellement à cette dernière

- l'assignation aux fins d'ouverture des opérations de liquidation-partage du régime matrimonial des époux [H]-[P] a un objet distinct et étranger au recouvrement des créances alimentaires, cette assignation délivrée le 25 avril 2018 ne tendant pas à une condamnation à paiement de Monsieur [P] à ce titre, ni à une demande de compensation, Madame [H] se contentant d'évoquer l'existence de ses créances alimentaires et d'en solliciter la fixation, bien que disposant déjà de titres exécutoires pour leur recouvrement, une telle demande étant donc insuffisante à caractériser au sens de l'article 2442 du code civil une demande en justice interruptive de prescription

- l'inscription d'hypothèque judiciaire publiée le 23 mai 2018, à défaut d'avoir fait l'objet d'une dénonciation à Monsieur [P], laquelle n'est ni invoquée, ni justifiée par Madame [H], ne saurait valoir acte interruptif de prescription

- la constitution de partie civile de Madame [H] devant les juridictions répressives ayant condamné Monsieur [P] pour le délit d'abandon de famille a un objet différent de l'action en recouvrement des créances alimentaires puisqu'elle tend à obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'infraction et donc distincts du paiement des arriérés de pensions alimentaires.

Madame [H] invoque également en cause d'appel l'interruption de la prescription résultant :

- d'une saisie d'un véhicule appartenant à Monsieur [P]

- de la reconnaissance par Monsieur [P] de sa dette alimentaire.

S'agissant de la saisie invoquée, il n'est versé aux débats aucun acte d'exécution, Madame [H] produisant uniquement des courriers de janvier 2011 de Volkswagen évoquant la restitution amiable par Monsieur [P] du véhicule en cause, ce qui exclut l'existence de toute mesure d'exécution forcée, la vente aux enchères dont il est fait état dans les courriers ultérieurs étant ainsi intervenue de manière volontaire. Il ne peut donc s'agir d'une mesure conservatoire ou d'un acte d'exécution forcée interruptif de prescription, au sens de l'article 2244 du code civil.

Il ne ressort, par ailleurs, des pièces produites par Madame [H] l'existence d'aucune reconnaissance claire et non équivoque de Monsieur [P] des créances alimentaires en question. Il résulte, en effet, des conclusions de Monsieur [P] dans le cadre de l'instance aux fins de liquidation-partage, en vue de l'audience du 22 janvier 2019 que s'il reconnait sans réserve celle relative à la prestation compensatoire, il conteste le montant des pensions alimentaires dues au titre du devoir de secours et de la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants. En outre si dans un courrier en date du 21 juillet 2020, le conseil de Monsieur [P] indique ' j'ai obtenu de Maître [N], Huissier de justice à [Localité 8], confirmation de ce qu'il avait procédé à l'initiative de Monsieur [Y] [S], cousin de Monsieur [X] [P], à la consignation de la somme de 100 150, 60 € représentative des sommes dues par ce dernier à votre cliente au titre de la prestation compensatoire, des dommages et intérêts et des arriérés de pensions alimentaires', il ne fait que relater une circonstance de fait objective relative à l'existence d'une consignation portant sur les sommes en cause mais ne saurait valoir aveu de la part de Monsieur [P] ou de son mandataire de la dette alimentaire. De même, l'acte de vente du 17 juillet 2018 portant sur un bien appartenant à Monsieur [P] ne fait qu'informer l'acheteur en page 14 que Madame [H] a fait inscrire une hypothèque judiciaire sur le bien vendu en vertu de l'ordonnance de non-conciliation du tribunal de grande instance de Montpellier du 15 mai 2010 modifiée par l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 24 mai 2021 ayant fixé les pensions alimentaires en cause et que pour garantir l'acquéreur, le prix de vente du bien servira prioritairement à rembourser les sommes éventuellement dues aux créanciers inscrits, dont Madame [H] fait partie. Cette seule information ne saurait valoir reconnaissance non équivoque par Monsieur [P] des sommes dues à Madame [H].

C'est donc de manière légitime que le premier juge a considéré comme prescrites toutes les sommes dues en vertu de pensions alimentaires échues postérieurement à la condamnation et plus de cinq ans avant la saisie-attribution du 15 avril 2021, soit celles échues avant le 15 avril 2016.

En revanche, le premier juge n'explique pas de quelle manière il retient la somme de 36 096, 93 € au titre des pensions alimentaires restant dues alors que seules les pensions alimentaires au titre du devoir de secours échues d'avril à septembre 2016 ne sont pas atteintes par la prescription, soit la seule somme de 1542 euros et que le procès-verbal de saisie-attribution du 21 avril 2021 ne mentionne aucune autre somme due postérieurement à l'échéance de septembre 2016.

Il ne saurait être déduit de cette somme les allocations de soutien familial versées à Madame [H] par la Caisse d'allocations familiales, ainsi que le demande Monsieur [P], dés lors qu'il ressort d'un courrier de cet organisme en date du 23 mars 2018 qu'il n'a été versé à Madame [H] aucune allocation de soutien familial pour la période non prescrite d'avril à septembre 2016.

S'agissant des intérêts échus figurant au procès-verbal de saisie-attribution du 21 avril 2021 à hauteur de 27 554, 83 €, il résulte d'un décompte du 10 juin 2021 que ces intérêts ont été calculés au taux légal tant sur le montant de la prestation compensatoire de 80 000 € due par Monsieur [P] pour la période du 24 octobre 2016 au 1er juillet 2020 que sur le montant des dommages et intérêts alloués par les juridictions pénales à Madame [H].Il ne s'agit donc pas d'intérêts calculés sur les pensions alimentaires atteintes pour partie par la prescription quinquennale, mais d'intêrêts portant sur des sommes allouées en vertu de décisions de justice et non atteintes par la prescription. C'est donc à tort que le premier juge a écarté pour ce motif pour partie le montant de ces intérêts, dont Monsieur [P], ne conteste d'ailleurs pas les modalités de calcul. Il conviendra donc de retenir ce montant à hauteur de 27 554, 83 € au titre des intérêts dus.

S'agissant des dommages et intérêts et accessoires alloués judiciairement, même si le premier juge a indiqué que n'étaient pas prescrites les condamnations au paiement de sommes autres que celles payables à terme périodique et signifiées moins de 10 ans avant la saisie-attribution, ce qui est le cas en l'espèce, il convient de relever qu'il n'a pas repris le montant des sommes dues à ce titre et figurant pourtant au décompte du procès-verbal de saisie-attribution , soit les sommes de 5300 € au titre des dommages et intérêts et celles de 3500 € au titre des sommes allouées en vertu des articles 700 du code de procédure civile et 475-1 du code de procédure pénale. Il n'est ni justifié, ni prétendu que Monsieur [P] aurait procédé au règlement de ces sommes au jour de la saisie-attribution.

En conséquence, au jour de la saisie-attribution du 21 avril 2021, acte interruptif de prescription, la créance de Madame [H] s'établissait de la manière suivante :

- 1542 € au titre des pensions alimentaires au titre du devoir de secours d'avril à septembre 2016,

- 27 554, 83 € € au titre des intérêts échus sur la prestation compensatoire et les dommages et intérêts,

- 5300 € au titre des dommages et intérêts,

- 3500 € au titre des sommes alouées en vertu des articles 700 et 475-1,

- 773, 24 € au titre des frais de procédure et provision sur intérêts non contestés,

soit un total de 38 670, 07 euros au lieu de 79 111, 26 euros figurant au procès-verbal de saisie-attribution et dont à déduire, conformément à la demande des parties, un versement de Monsieur [P] intervenu le lendemain de la saisie-attribution à hauteur de 13 500 €, soit un solde dû de 25 170, 07 euros.

Néanmoins, Monsieur [P] sollicitant à titre principal la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a cantonné la saisie-attribution à la somme de 25 846, 99 €, montant qu'il ne conteste donc pas, la présente Cour ne saurait procéder à un cantonnement inférieur.

En outre, il ne revient pas au juge de l'exécution saisi dans le cadre d'une contestation portant sur une saisie-attribution de condamner le débiteur saisi au paiement des sommes faisant l'objet de la saisie-attribution, ainsi que le sollicite Madame [H]. Il ne peut, en effet, que trancher les contestations élevées par le débiteur saisi et donner effet à la saisie pour la fraction non contestée de la dette, conformément aux dispositions des articles R 211-10 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions mais par substitution de motifs en ce qui concerne le cantonnement de la saisie-attribution du 21 avril 2021.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

Les contestations soulevées par Monsieur [P] étant en partie bien fondées, il n'est pas établi l'existence d'un abus de procédure susceptible de donner lieu à l'octroi de dommages et intérêts en faveur de l'appelante. Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté cette demande formée par Madame [H].

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

L'équité ne commande pas de faire bénéficier aux parties des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Leur demande à ce titre sera rejetée.

L'appelante, succombant en son appel, supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions;

Y ajoutant,

- Rejette la demande formée par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne Madame [D] [H] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/06458
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;21.06458 ?
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