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02/06/2022 | FRANCE | N°21/06158

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre civile, 02 juin 2022, 21/06158


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre civile



ARRET DU 02 JUIN 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06158 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PFXT





Décision déférée à la Cour :

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 28 SEPTEMBRE 2021 DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEZIERS -N° RG 21/00392





APPELANTE :



La Société CAP BO-SE,

S.A.S au capital de 50.000 euros,

immatriculée au RCS d

e BEZIERS sous le n°478 799 273, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 4]

Zone Industrielle

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe BE...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 02 JUIN 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/06158 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PFXT

Décision déférée à la Cour :

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 28 SEPTEMBRE 2021 DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEZIERS -N° RG 21/00392

APPELANTE :

La Société CAP BO-SE,

S.A.S au capital de 50.000 euros,

immatriculée au RCS de BEZIERS sous le n°478 799 273, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 4]

Zone Industrielle

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe BEZ de la SCP BEZ, DURAND, DELOUP, GAYET, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur [P] [E]

né le 22 Septembre 1992 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représenté par Me Jordan DARTIER de la SELARL ACTAH & ASSOCIES, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant, substitué à l'audience par Me Ludivine TAMANI, avocat au barreau de MONTPELLIER

- ordonnance d'irrecevabilité des conclusions du 20 janvier 2022 -

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 31 MARS 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 AVRIL 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Eric SENNA, Président de chambre

Madame Myriam GREGORI, Conseiller

Madame Béatrice VERNHET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier,

lors des débats : Madame Marie-José TEYSSIER

lors du délibéré : Mme Ginette DESPLANQUE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Eric SENNA, Président de chambre, et par Mme Ginette DESPLANQUE, Greffier.

*

**

Monsieur [P] [E] est propriétaire de deux appartements situés au sein de deux résidences de tourisme elles-mêmes situées [Adresse 1] au [Localité 6] qu'il a donnés à bail commercial par actes distincts du 12 octobre 2018 et du 6 décembre 2019 à la SAS CAP BO SE moyennant, pour le premier appartement, un loyer annuel de 12 500 € TTC, et, pour le second appartement, un loyer annuel de 7250 € TTC.

A compter de février 2020 la locataire n'a plus été en mesure de régler les loyers, invoquant à cet égard les difficultés liées à la crise sanitaire et la baisse drastique de la fréquentation des résidences de tourisme.

Les parties, malgré plusieurs échanges épistolaires, n'ont pas trouvé de terrain d'entente pour le règlement des impayés de loyer.

C'est dans ces conditions que, selon acte d'huissier en date du 17 juin 2021, Monsieur [E] a fait citer la SAS CAP BO SE devant le juge des référés pour obtenir le paiement de l'arriéré locatif au titre des deux baux commerciaux, soit la somme globale de 20 400 €, outre sa condamnation au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ordonnance en date du 28 septembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Béziers a:

- renvoyé les parties à se pourvoir au fond, mais dès alors,

- condamné la SAS CAP BO SE à payer à Monsieur [P] [E] la somme de 20 400 € à titre de provision à valoir sur l'arriéré locatif des locaux donnés à bail commercialement les 12 octobre 2018 et 6 décembre 2019,

- rejeté la demande de délais de paiement formée par la SAS CAP BO SE,

- condamné la SAS CAP BO SE à payer à Monsieur [P] [E] la somme de 1200 € au titre de 1'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné la SAS CAP BO SE aux dépens ;

- rappelé le caractère exécutoire par provision de la décision intervenue.

La SAS CAP BOSE a relevé appel de cette ordonnance le 20 octobre 2021 en critiquant chacune de ses dispositions,

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 9 février 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la SAS CAP BO-SE demande à la cour de :

- rejeter les moyens et prétentions de Monsieur [E]

Subsidiairement,

- rentrer en voie de réformation,

- dire et juger que les demandes, fins et conclusions de Monsieur [E] excèdent les pouvoirs du juge des référés et le renvoyer à mieux se pourvoir au fond,

- infirmer l'ordonnance de référé et débouter Monsieur [E] de toutes ses fins demandes et conclusions,

Très subsidiairement,

- accorder à la société CAP BO-SE des délais de grâce dans la limite de 24 mois pour le règlement des sommes auxquelles celle ci pourrait être tenue,

En tout état de cause,

- condamner Monsieur [E] à verser à la SAS CAP BO-SE une somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Monsieur [E] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Bez, avocat inscrit au barreau de Montpellier en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le conseil de Monsieur [E], la SELARL Actah et Associés a notifié ses conclusions d'intimé par voir électronique le 3 janvier 2022.

Ces écritures ont été déclarées irrecevables par ordonnance de Monsieur le président de la seconde chambre civile en date du 20 janvier 2022. Cette décision qui n'a pas été déférée à la cour est à ce jour définitive.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 mars 2022

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour est saisie du seul appel principal de la SAS CAP BO-SE qui reproche au juge des référés de l'avoir condamnée au paiement des loyers impayés et s'y oppose en faisant valoir plusieurs moyens.

A titre liminaire , il convient de préciser que la cour n'examinera dans le cadre de la présente instance (numéro RG 21/06158 ) aucun des moyens, et prétentions développés par Monsieur [E], attachés à l'instance découlant de l'appel qu'il a interjeté le 03 janvier 2022 , enregistrée au répertoire général sous le numéro 22/ 00020 , lesquels seront examinés lors de l'audience ultérieure à laquelle l'affaire sera fixée.

(I) Sur le moyen tiré de l'excès de pouvoir du juge des référés.

a. Au motif qu'il a statué ultra pétita

La SAS BO-SE estime que le juge des référés a statué 'ultra pétita' en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une somme provisionnelle de 20 400 € au titre de loyers impayés alors , qu'au terme de son acte introductif d'instance, Monsieur [E] réclamait la condamnation de la SAS BO-SE en exécution de l'obligation de paiement des loyers 'en application des baux commerciaux'.

Cependant la cour observe que le premier juge n'a pas méconnu les termes du litige en précisant que la condamnation au paiement, était prononcée à titre provisionnel dès lors qu'il ressort de l'assignation et des conclusions récapitulatives notifiées par le demandeur, que ses prétentions étaient fondées sur l'article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile, expressément visé aux dispositifs tant de l'acte introductif d'instance que des dernières écritures.

Il en découle que la demande de Monsieur [E], portée devant le juge des référés, au visa de ce texte, et fondée sur le caractère non sérieusement contestable de sa créance , était nécessairement une demande en paiement provisionnelle.

En conséquence, il convient d'écarter ce moyen .

b. au motif qu'il a rendu une décision comportant une contrariété de motifs

Selon la société CAP BO-SE , le juge des référés a excédé ses pouvoirs puisqu'il a statué sur la demande en paiement tout en invitant les parties à se pourvoir au fond , reconnaissant ainsi , qu'il existait une contestation sérieuse, qui aurait du le conduire à refuser sa compétence.

La cour retient cependant qu'il n'existe aucune contrariété de motifs entre la disposition invitant les parties à se pouvoir au fond et la condamnation au paiement d'une somme provisionnelle, le renvoi des parties à la juridiction du fond valant comme simple rappel du caractère provisoire, par nature, des décisions rendues par la juridiction des référés, qui n'ont aucune autorité de chose jugée au fond.

Il convient en conséquence d'écarter ce second moyen.

(III ) Sur le moyen tiré de l'existence de contestations sérieuses.

Le juge des référés a écarté ce moyen estimant que la crise sanitaire et les mesures de fermetures administratives, prise par le gouvernement dans le cadre de la crise sanitaire, ne pouvaient s'analyser ni comme la perte partielle et temporaire de la chose louée, au sens juridique du terme, ni comme un cas de force majeure. Il a également refusé de considérer , comme le lui demandait la société CAP BO-SE que le propriétaire bailleur était de mauvaise foi dans l'exécution du bail au motif qu'il s'était opposé à l'adaptation des modalités financières de la convention compte tenu des l'état d'urgence sanitaire .

La société CAP BO-SE estime que l'appréciation du juge de référés , est erronée et qu'il existe une contestation sérieuse qui ne lui permettait pas de statuer.

Elle rappelle que suivant l'article 1722 alinéa 2 du Code civil si la chose louée est détruite en partie pendant la durée du bail le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix ou la résiliation du bail . Elle fait valoir, que l'arrêté du 14 mars 2020 suivi du décret du 20 mai 2020, et le décret du 29 octobre 2020 qui ont interdit aux résidences de tourisme d'accueillir du public du 16 mars 2020 au 11 mai 2020 puis du 30 octobre 2020 au 14 décembre 2020 ont entraîné une perte d'exploitation importante , la plaçant dans l'impossibilité d'exercer son activité conformément à la destination prévue au contrat de bail.

L'appelante produit en effet des tableaux comparatifs des chiffres d'affaires réalisés au cours des années 2017 à 2020 qui font apparaître une chute de ce chiffre d'affaires de 76 % entre la période de 2017 à 2019 inclus et l'année 2020, directement touchée par la crise sanitaire. Ces documents tendent, en conséquence à démontrer une jouissance fortement diminuée des lieux pendant les périodes d'interdiction de réception du public.

La société CAP BO'SE est donc fondée sérieusement à opposer aux propriétaires-bailleurs une perte partielle de la chose louée, l'absence de toute faute du bailleur étant indifférente à cet égard. Le fait, par ailleurs retenu par le premier juge qu'elle ait pu continuer à accéder aux lieux loués n'étant pas de nature à contredire l'existence de circonstances ayant eu pour effet d'en diminuer l'usage et à exclure l'application de l'article 1722 du code civil.

Toutefois, la question de savoir si cette impossibilité d'utiliser une partie des locaux peut être assimilée à une perte partielle de la chose louée ne peut être tranchée sans procéder à une interprétation de l'article 1722 du code civil à la lumière d'une analyse spéciale des faits de la cause qui, touchant nécessairement le fond du droit excède les pouvoirs du juge des référés. De même, il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés d'évaluer le montant de la réduction éventuelle sur les loyers, en application de l'article 1722 du code civil, décision qui ne peut relever que de l'appréciation du juge du fond.

Il existe dans ces conditions une contestation sérieuse sur l'obligation de paiement par la société CAP BO-SE de l'intégralité des loyers pendant les périodes d'interdiction d'ouverture au public des résidences en cause pendant la crise sanitaire, ainsi que sur leur montant.

Cette contestation sérieuse suffit à infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la société CAP BO-SE à payer aux intimés, propriétaires-bailleurs les provisions à valoir sur les loyers et charges en cause et, ce sans qu'il soit besoin d'examiner les autres contestations sérieuses soulevées par la société CAP BO-SE

Ainsi, statuant à nouveau, il y a lieu de dire n'y avoir lieu à référé de ce chef.

(IV) Sur l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Compte tenu de la position économique respective des parties, l'équité commande d'exonérer les parties de l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel

(V) Sur les dépens.

Pour les mêmes raisons, chaque partie sera condamnée au paiement de ses propres dépens

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Infirme l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Béziers le 28 septembre 2021 en toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau,

- dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de paiement provisionnel à valoir sur les loyers formées par Monsieur [P] [E], en raison de l'existence de contestations sérieuses,

- renvoie, en conséquence, Monsieur [E] à se pourvoir au fond, ainsi qu'il en avisera,

- Exonère les parties de l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel .

- Condamne chaque partie au paiement de ses propres dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/06158
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;21.06158 ?
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