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02/06/2022 | FRANCE | N°21/04614

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre civile, 02 juin 2022, 21/04614


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre civile



ARRET DU 02 JUIN 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04614 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PCZA



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 01 JUILLET 2021

PRESIDENT DU TJ DE MONTPELLIER





APPELANT :



Monsieur [E] [F]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me BARRAL substituant

Me Catherine SZWARC, avocat au barreau de MONTPELLIER





INTIME :



Monsieur [N] [W]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Mickaël PO...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 02 JUIN 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/04614 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PCZA

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 01 JUILLET 2021

PRESIDENT DU TJ DE MONTPELLIER

APPELANT :

Monsieur [E] [F]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me BARRAL substituant Me Catherine SZWARC, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur [N] [W]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Mickaël POILPRE, avocat au barreau de MONTPELLIER

ordonnance d'irrecevabilité des conclusions en date du 10/02/22

Ordonnance de clôture du 08 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 AVRIL 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Béatrice VERNHET, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Eric SENNA, Président de chambre

Madame Myriam GREGORI, Conseiller

Madame Béatrice VERNHET, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Laurence SENDRA

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Eric SENNA, Président de chambre, et par Mme Laurence SENDRA, Greffier.

Monsieur [E] [F] est propriétaire d'un navire de plaisance, pour l'utilisation duquel il est titulaire auprès de Filia Maif d'un contrat d'assurance navigation, la formule d'assurance souscrite étant la formule " tous risques ".

Le 11 juillet 2020 , Monsieur [E] [F] été blessé à l'occasion d'une sortie sur l'étang de Ponant durant laquelle Monsieur [N] [W] pilotait le bateau tandis que lui même faisait du ski nautique.

C'est dans ces conditions, que Monsieur [N] [W], voulant rejoindre Monsieur [E] [F], qui avait chuté, l'a blessé avec l'hélice du bateau.

Monsieur [E] [F] a été pris en charge et conduit en urgence au CHU de Montpellier où il a été opéré . Il est rentré chez lui, le 18 juillet 2020 , a déclaré son sinistre à la SA Filia Maif le 20 juillet 2020 mais la compagnie d'assurance lui a notifié le 20 août 2020 qu'il ne lui était pas possible de former un recours et de rechercher la responsabilité du pilote du bateau car ce dernier avait également la qualité d'assuré .

Par ordonnance en date du 18 février 2021, le juge des référés , saisi par Monsieur [E] [F] a ordonné son expertise médicale confiée au docteur [Y] et rejeté toute demande de provision.

Monsieur [E] [F] a ensuite assigné Monsieur [N] [F] devant le juge des référés pour que l'expertise lui soit déclarée commune et obtenir le paiement d'une provision.

Par ordonnance en date du 1 er juillet 2021, le président du tribunal judiciaire de Montpellier statuant en référé a :

- débouté Monsieur [E] [F] de l'ensemble de ses demandes

- débouté Monsieur [N] [W] de sa demande reconventionnelle,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné Monsieur [E] [F] aux dépens.

Monsieur [E] [F] a relevé appel de cette ordonnance le 19 juillet 2021 en ce qu'elle l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 29 septembre 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, il demande à la cour de :

- d'infirmer la décision dont appel

- déclarer commune et opposable à Monsieur [W] les opérations d'expertise résultant de l'ordonnance du 18 février 2021,

- de condamner Monsieur [W] à verser à Monsieur [E] [F] une provision de 30 000 € à valoir sur la réparation de son préjudice corporel

- de condamner Monsieur [W] à verser à Monsieur [F] la somme de 4000 € à titre de provision ad litem,

- de débouter Monsieur [W] de ses entières demandes, fins et conclusions y compris sur sa demande d'expertise

- de condamner Monsieur [W] à payer à Monsieur [F] la somme de 2000 €, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

- de condamner Monsieur [W] aux entiers dépens.

Monsieur [W] a constitué avocat en la personne de Maître Poilpré, avocat inscrit au barreau de Montpellier lequel a déposé ses premières conclusions d'intimé le 7 février 2022. Celles-ci ont été déclarées irrecevables par ordonnance du 10 février 2022 en raison de leur tardiveté.

L'ordonnance de clôture a été fixée le 8 février 2022

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour est saisie de l'appel principal de Monsieur [E] [F] qui conteste la décision du juge des référés ayant refusé de déclarer l'expertise en cours opposable à Monsieur [N] [W] et écarté ses demandes de provision.

( I ) Sur la demande tendant à rendre l'expertise en cours opposable à Monsieur [W].

Le juge des référés a refusé de déclarer l'expertise médicale de Monsieur [E] [F], précédemment ordonnée par le juge des référés par ordonnance du 18 février 2021 commune et opposable à Monsieur [W] , sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile, au motif que le requérant ne démontrait pas que Monsieur [W] aurait eu un comportement fautif ou délictuel au moment de l'accident, ce qui le privait de tout intérêt légitime à former une telle demande.

Monsieur [E] [F] critique cette analyse en soutenant au contraire que la responsabilité civile de Monsieur [W] est bien engagée en raison de la faute qu'il a commise dans le pilotage du bateau, faute qui a également motivé des poursuites pénales à son encontre puisqu'il est convoqué devant le tribunal correctionnel de Nîmes le 15 septembre 2022 pour blessure involontaire suivie d'incapacité n'excédant pas trois mois par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence.

Monsieur [E] [F] expose que la responsabilité civile de Monsieur [W] est également engagée sur le fondement des articles 1240 et 1242 du Code civil des lors que le dommage résulte de la conduite du bateau dont la garde lui avait été confiée.

La cour rappelle qu'en application de l'article 145 du Code de procédure civile tout intéressé, pourvu qu'il existe un intérêt légitime, peut obtenir en référé que soit ordonnée toute mesure d'instruction légalement admissible , dans le but de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige .

Au cas d'espèce, Monsieur [E] [F], indépendamment de l'indemnisation de son préjudice corporel par son assureur Filia Maif, présente bien un intérêt légitime à rendre l'expertise médicale en cours, opposable à Monsieur [W] notamment dans l'hypothèse d'une limite contractuelle à l'indemnisation par son assureur.

En effet, il n'est pas contesté que Monsieur [W] était bien aux commandes du bateau de son ami, et qu'il est bien l'auteur de la manoeuvre, même accidentelle , qui a propulsé le navire dans sa direction, heurtant de plein fouet la victime, laquelle s'est trouvée happée par l'hélice du moteur.

Ainsi, Monsieur [W], peut voir sa responsabilité civile engager tant sur le fondement de l'article 1240 du Code civil en raison de son imprudence fautive que sur le fondement de l'article 1242 du même code, dès lors qu'il était gardien du navire au moment de l'accident.

Mais encore, la cour observe que Monsieur [W], lui-même ne conteste pas sérieusement le rôle actif qu'il a joué dans la production du dommage puisqu'il écrivait à son ami, qu'il était "profondément désolé de l'avoir si gravement blessé" et "être éffondré par ce qui lui était arrivé par sa faute ".

La convocation de Monsieur [E] [F] à l'audience du tribunal correctionnel de Nîmes le 22 septembre 2022, en qualité de victime portant mention des poursuites engagées par le ministère public à l'encontre de Monsieur [W] du chef de blessures involontaires avec incapacité n'excédait pas trois mois par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité et de prudence, est encore un élément supplémentaire tendant à rendre suffisamment plausible la responsabilité encourue par ce dernier, et par là même l'intérêt de la victime à l'attraire dans la mesure d'instruction en cours.

Il convient en conséquence d'infirmer la décision du juge des référés de ce chef.

(II ) Sur les demandes de provision

Le juge des référés a rejeté la demande de Monsieur [E] [F] tendant à l'octroi d'une provision de 30 000 € à valoir sur la réparation de son préjudice, outre celle de 4000 € à titre de provision ad litem en considérant qu'il existait des contestations sérieuses quant au principe même de la responsabilité civile de Monsieur [W] à l'encontre duquel n'était démontrée aucune faute.

Monsieur [E] [F] réitère sa demande devant la cour en faisant valoir qu'il a souffert d'un préjudice considérable, rappelant le déficit fonctionnel temporaire subi jusqu'à la reprise d'une activité professionnelle en janvier 2021, mais sur un poste plus intéressant avec la persistance d'une grande pénibilité et une perte de revenus, notamment en ce qui concerne les primes du fait qu'il ne peut plus se déplacer. Il fait également état des souffrance endurées tant sur le plan physique que psychologique en raison du stress post traumatique et du préjudice sexuel subis, son état de santé ayant entraîné le départ de sa compagne.

La cour rappelle qu'en application de l'article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile, le juge peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire, dans le cas ou l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Compte tenu des motifs ci-dessus énoncés et des éléments médicaux versés aux débats, à savoir les comptes rendus médicaux et les expertises privées des docteurs [R] et [C], il convient d'allouer à Monsieur [E] [F] une provision de 20 000 € à valoir sur la réparation de son préjudice corporel, outre une provision ad litem de 2000 €.

L'ordonnance critiquée sera en conséquence également infirmée de ce chef.

III) Sur l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile à ce stade de la procédure.

( IV) Sur les dépens.

Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de Monsieur [E] [F].

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Infirme l'ordonnance rendue le 1er juillet 2021 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Montpellier en toutes ses dispositions critiquées,

Statuant à nouveau,

- Déclare commune et opposable à Monsieur [N] [W] l'expertise médicale ordonnée par le juge des référés le 18 février 2021,

- Condamne Monsieur [N] [W] à verser à Monsieur [E] [F] la somme provisionnelle de 20 000 € à valoir sur la réparation définitive de son préjudice corporel,

- Condamne Monsieur [N] [W] à verser à Monsieur [E] [F] la somme de 2000 € à titre de provision ad litem,

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de Monsieur [E] [F],

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/04614
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;21.04614 ?
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