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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 02 JUIN 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 16/09054 - N° Portalis DBVK-V-B7A-M637
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 14 décembre 2016
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
N° RG 15/05709
APPELANTE :
Madame [O] [F]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Philippe CALAFELL, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Monsieur [Y] [A]
né le 19 Novembre 1950 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Laura NOS, avocat au barreau de MONTPELLIER
Madame [L] [V] épouse [A]
née le 25 Octobre 1957 à BOUFARIK (ALGERIE)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Laura NOS, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 21 Février 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 MARS 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Fabrice DURAND, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre
M. Fabrice DURAND, Conseiller
Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée par ordonnance du premier président du 1er décembre 2021
Greffier, lors des débats : Mme Sabine MICHEL
ARRET :
- contradictoire,
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour fixée au 12 mai 2022 prorogée au 02 juin 2022 les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffier.
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EXPOSE DU LITIGE
Mme [O] [F] est propriétaire depuis le 21 février 1991 d'une maison d'habitation mitoyenne de celle appartenant à M. [Y] [A] et Mme [P] [V] épouse [A].
Ces deux maisons sont situées à [Localité 4] (34) respectivement au [Adresse 2].
Par acte sous seing privé du 20 mars 1991, M. et Mme [A] ont autorisé M. et Mme [F] à réaliser une terrasse en premier étage et en limite de leur propriété sous condition de la doter d'un pare-vue. M. et Mme [A] ont également autorisé la création d'un jour de souffrance pour éclairer la salle de bain située à l'étage de la maison de M. et Mme [F].
En octobre 1994, M. et Mme [A] ont entrepris de réaliser au-dessus de leur garage une extension en surélévation de leur maison positionnée contre la maison de Mme [F].
Ce projet d'extension de M. et Mme [A] prévoyait la création d'un puits de lumière destiné selon eux à respecter la servitude de jour de souffrance qu'ils avaient accordée à leurs voisins le 20 mars 1991.
Cette situation est à l'origine du présent contentieux entre les parties.
Par acte d'huissier du 16 décembre 2014, Mme [F] a fait assigner M. et Mme [A] devant le tribunal d'instance de Montpellier aux fins de les voir condamner à dommages-intérêts pour violation de la vie privée et pour voir ordonner la suppression de la plaque placée au-dessus du puits de lumière.
Le tribunal d'instance s'est déclaré incompétent par jugement rendu le 17 septembre 2015.
Par jugement rendu le 14 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Montpellier a':
''condamné Mme [F] à retirer la fenêtre à pan ouvrant qu'elle a installée dans le puits de lumière et à la remplacer par un jour de souffrance, c'est-à-dire une ouverture laissant passer uniquement la lumière, sans permettre le regard sur le fonds voisin ni l'aération ;
''dit qu'à défaut d'exécution dans le délai de deux mois à compter de la signification et passé ce délai, Mme [F] serait tenue de payer à M.'et'Mme [A] une astreinte de 75 euros par jour de retard, laquelle courra pendant un délai de 180 jours après quoi il sera de nouveau statué ;
''dit n'y avoir lieu à se réserver le pouvoir de liquider l'astreinte ou d'en prononcer une nouvelle ;
''rejeté toute autre demande ;
''ordonné l'exécution provisoire ;
''condamné Mme [F] à payer à M. et Mme [A] la somme de 1'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
''condamné Mme [F] aux dépens.
Par déclaration au greffe du 28 décembre 2016, Mme [F] a relevé appel total de ce jugement.
Vu les dernières conclusions de Mme [F], remises au greffe le 24 mai 2021';
Vu les dernières conclusions de M. et Mme [A] remises au greffe le 20 février 2022 ;
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur les demandes des parties relatives au puits de lumière,
L'accord conclu par les parties le 20 mars 1991 stipule :
«'Nous soussignés, Mr [A] [Y] et Mme [V] [L], nouveaux propriétaires du lot A sis [Adresse 3] de la division parcellaire autorisée par le CU n°34 172 90 VO 359 P du 15/03/91,
Autorisons Mr [F] [X] acquéreur du lot B sis [Adresse 1]:
- à implanter son pavillon en limite séparative, sur une longueur de 12'm et une hauteur de 7,50'm au faitage et 5,25'm aux égouts du toit, avec une terrasse d'une profondeur de 1,50'm à 2,75'm de hauteur plus son pare-vue.
- à ouvrir sur cette même limite séparative, un jour de souffrance éclairant la salle de bains de l'étage.
- à créer une liaison architecturale au droit du domaine public entre mon pavillon et le projet.
Cette autorisation est donnée à titre définitif.»
Sur les demandes formées par Mme [F],
Les dispositions précises de l'accord des parties du 20 mars 1991 ont seulement autorisé la création par M. et Mme [F] d'un «'jour de souffrance'» sans aucunement évoquer le droit de créer une ouverture ou un conduit d'aération ni le droit à bénéficier d'un niveau minimal défini d'intensité lumineuse.
Cet accord n'a pas davantage grevé de servitude non aedificandi tout ou partie du fonds de M. et Mme [A], et notamment sa partie située à proximité immédiate du jour de souffrance litigieux contre la maison de Mme [F].
Il résulte de la configuration des lieux et des photographies versées aux débats que la création par M. et Mme [A] du puits de lumière litigieux n'a pas porté atteinte au jour de souffrance dont bénéficie le fonds de Mme [F] en application de l'accord du 20 mars 1991.
S'il n'est pas totalement exclu que la luminosité de la salle de bains de Mme [F] ait été légèrement amoindrie, cette pièce continue de bénéficier d'une entrée de lumière suffisante pour éviter d'en faire une pièce noire, ce qui constitue précisément la fonction d'un jour de souffrance.
Mme [F] n'est pas fondée à demander une extension de la servitude qui lui a été allouée le 20 mars 1991 en exigeant le droit d'ouvrir une fenêtre ou s'opposant au droit à construire de ses voisins.
En effet, un tel accès n'est pas prévu dans l'acte du 20 mars 1991 et Mme [F] ne justifie pas davantage de la nécessité impérieuse d'un tel accès pour «'enlever l'eau de pluie qui s'accumule dans le puits de lumière ainsi que les feuilles, la poussière qui pénètrent dans cette cheminée'». Un tel accès apparaît d'autant moins nécessaire que le puits de lumière a été protégé par un panneau en plexiglas qui évite l'accumulation de détritus sans faire obstacle à la lumière.
Dans l'hypothèse où sa salle de bains serait affectée par un problème d'humidité, ce qui n'est pas davantage démontré, il appartiendrait à Mme [F] de mettre en 'uvre une solution technique respectueuse des limites imposées par la loi.
D'autre part, et contrairement aux allégations de l'appelante, l'installation d'un jour de souffrance en lieu et place de la fenêtre existante n'impose aucunement la destruction des nouveaux ouvrages construits par M. et Mme [A].
Enfin, il n'est pas établi que M. et Mme [A] auraient occulté l'ouverture du puits de lumière par des plaques sombres faisant obstacle à la pénétration de la lumière.
C'est donc à bon droit que le jugement déféré a retenu que M. et Mme [A] avaient parfaitement respecté les termes de la convention du 20 mars 1991 et a en conséquence débouté Mme [F] de toutes ses demandes visant à obtenir la modification de la configuration des lieux.
Sur la demande formée par M. et Mme [A],
Un jour de souffrance est une ouverture à châssis fixe destinée à laisser passer la lumière tout en protégeant la vue.
Il ressort des pièces versés aux débats que la salle de bains de Mme [F] est actuellement équipée d'une fenêtre à châssis ouvrant.
Ce type de fenêtre ne respecte pas les disposition de la convention du 20 mars 1991 qui n'autorise qu'un simple jour de souffrance, c'est-à-dire une fenêtre à châssis fixe et à verre dormant.
Il convient de préciser que la simple condamnation du châssis ouvrant existant, par enlèvement de la poignée, blocage de l'ouverture par vissage ou tout autre moyen réversible en empêchant temporairement l'ouverture, ne satisferait pas à l'obligation précédemment rappelée à la charge de Mme [F].
C'est donc à bon droit que le jugement déféré a condamné Mme [F] à mettre cette fenêtre en conformité avec la servitude, ce en quoi le jugement sera confirmé.
L'astreinte prononcée par le jugement à l'encontre de Mme [F] sera toutefois augmentée à hauteur de 150 euros par jour pendant un délai de 180 jours.
Sur le droit à l'image,
Il n'est pas contesté par les parties que M. [A] a photographié Mme [F] alors qu'elle était montée sur un escabeau pour, selon ses dires, procéder au nettoyage des deux côtés de la barrière à verre opaque qu'elle a été condamnée à poser par jugement du tribunal d'instance de Montpellier du 17 mars 2005 confirmé le 16 mai 2006 par la cour d'appel.
Mme [F] n'apporte pas la preuve d'un quelconque usage de cette photographie par M. ou Mme [A] autre que son usage à titre d'élément de preuve dans le cadre d'une procédure judiciaire opposant les parties.
Ce moyen de preuve utilisé par M. [A] est parfaitement légitime au regard du comportement de Mme [F] surprise en train de regarder en direction de ses voisins au-dessus de la barrière précisément censée l'en empêcher.
Contrairement à la position soutenue par Mme [F] dans ses écritures, la prise et l'usage de cette photographie de sa personne ne sont absolument pas disproportionnés au regard de la nécessité pour M. et Mme [A] d'exercer leur droit à la preuve compte tenu des intérêts antinomiques en présence.
La prise de cette photographie et son strict usage dans le cadre d'une procédure judiciaire n'ont entraîné rigoureusement aucun préjudice pour Mme [F] ni aucune atteinte à son droit à l'image et au respect de sa vie privée.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [F] de sa demande indemnitaire fondée sur la violation de l'article 9 du code civil.
Sur les plantations,
Le constat d'huissier établi par Me [U] le 8 septembre 2014 mentionne en fin d'acte la phrase suivante, sans aucun lien avec les constatations principales relatives au puits de lumière :
«'Par ailleurs, me trouvant sur la terrasse de Mme [F], je constate sur la parcelle voisine, un pied de laurier est planté à une distance inférieure à 50'centimètres du mur de Mme [F] séparant les deux parcelles'».
L'huissier ne joint aucune description de la configuration du jardin où se trouve le pied de laurier litigieux et ne joint aucune photographie illustrant son propos.
Les intimés contestent fermement ce fait et soutiennent dans leurs écritures que ce pied de laurier est planté à exactement 57'cm du mur séparatif.
Dans la mesure où l'huissier n'a pas pu accéder au jardin de M. et Mme [A] et où la distance qui le séparait du pied de laurier demeure inconnue, le jugement déféré a exactement relevé qu'un tel constat n'était pas suffisamment précis pour établir la violation par M. et Mme [A] des dispositions de l'article 671 du code civil.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [F] de sa demande en suppression de la plantation litigieuse.
Sur la demande de dommages-intérêts formée par Mme [F],
Contrairement à la position soutenue par M. et Mme [A] dans leurs écritures, la demande de dommages-intérêts de 5'000 euros formée par Mme [F] a déjà été présentée au premier juge qui l'a rejetée.
Mme [F] ne démontre pas davantage en cause d'appel l'existence d'une quelconque faute commise par les intimés qui serait susceptible de justifier l'octroi des dommages-intérêts sollicités.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il rejeté cette demande.
Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts formée par M. et Mme [A],
Contrairement à la position soutenue par Mme [F] dans ses écritures, la demande de dommages-intérêts de 5'000 euros formée par M. et Mme [A] a déjà été présentée au premier juge qui l'a rejetée.
Le droit d'ester en justice ne dégénère en abus qu'en présence d'une faute caractérisée.
En l'espèce, M. et Mme [A] n'apporte pas la preuve d'une telle faute à l'encontre de Mme [F] sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il rejeté cette demande.
Sur les demandes accessoires,
Le jugement déféré sera également confirmé en ses dispositions ayant statué sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.
En application de l'article 696 du code civil, Mme [F] sera condamnée à supporter les dépens d'appel.
L'équité commande en outre, au regard des circonstances de la cause, de condamner Mme [F] à payer à M. et Mme [A] une indemnité de 1'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf à préciser que l'astreinte qu'il a prononcée sera portée à 150 euros par jour pendant un délai de 180 jours qui courra à partir de l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt';
Y ajoutant,
Dit que les entiers dépens d'appel seront supportés par Mme [O] [F]';
Condamne Mme [O] [F] à payer à M. [Y] [A] et Mme [P] [V] épouse [A] la somme de 1'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais supportés en cause d'appel ;
Déboute les parties de leurs plus amples demandes.
Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président de chambre,