Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 02 JUIN 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 16/08527 - N° Portalis DBVK-V-B7A-M5WZ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 29 AOUT 2016
TRIBUNAL D'INSTANCE DE BEZIERS
N° RG 11-14-001221
APPELANTS :
Madame [J] [H]
née le 13 Décembre 1977 à [Localité 12]
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Localité 8]
et
Madame [Z] [S] épouse [H]
née le 13 Mai 1955 à [Localité 14]
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Localité 8]
et
Monsieur [N] [H]
né le 10 Mai 1953 à [Localité 15]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentés par Me Bernard BORIES de la SCP MAGNA BORIES CAUSSE CHABBERT CAMBON TRAVER AQUILA, avocat au barreau de BEZIERS, substitué par Me Fabienne MAGNA, avocat au barreau de BEZIERS
INTIMES :
Madame [W] [V] épouse [K]
née le 02 Octobre 1946 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 8]
Représentée par Me Marie NOURRIT-FRESET de la SCP AVOCARREDHORT, avocat au barreau de BEZIERS, substitué par Me Benjamin JEGOU, avocat au barreau de BEZIERS
Monsieur [A] [E]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représenté par Me Corinne PAQUETTE-DESSAIGNE de la SELARL APAP & ASSOCIES, avocat au barreau de BEZIERS, substitué par Me Elodie THOMAS, avocat au barreau de MONTPELLIER
Madame [L] [O] épouse [V]
[Adresse 11]
[Localité 8]
Non représentée - assignée le 20 février 2017 à personne
Madame [D] [V]
[Adresse 9]
[Localité 8]
Non représentée - assignée le 20 février 2017 à étude
Ordonnance de clôture du 19 Novembre 2021
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 DECEMBRE 2021,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée, chargé du rapport.
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de Président en remplacement du Président empêché
M. Fabrice DURAND, Conseiller
Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée par ordonnance du Premier Président en date du 1er décembre 2021.
Greffier, lors des débats : Mme Sabine MICHEL
ARRET :
- de défaut,
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour fixée au 10 février 2022 prorogée au 14 avril 2022 puis au 2 juin 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Thierry CARLIER, Conseiller, faisant fonction de Président et par Mme Sabine MICHEL, Greffier.
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EXPOSE DU LITIGE
Mme [W] [K] née [V], Mme [L] [V] et Mme [D] [V] sont propriétaires indivis de la parcelle cadastrée AD [Cadastre 6] située sur la commune de [Localité 8] et contiguë à la parcelle AD [Cadastre 4].
Mme [J] [H], Mme [Z] [H] née [S] et M. [N] [H] sont propriétaires indivis des parcelles cadastrées AD [Cadastre 4] et AD [Cadastre 5] situées sur la commune de [Localité 8].
M. [A] [E] est pour sa part, propriétaire de la parcelle cadastrée I n°[Cadastre 2], surplombant la parcelle AD [Cadastre 6] et en partie la parcelle AD [Cadastre 4].
Le 24 janvier 2009, à la suite d'intempéries, la falaise délimitant les parcelles I n°[Cadastre 2], AD [Cadastre 6], AD [Cadastre 4] et AD [Cadastre 5] s'effondrait.
Par exploit d'huissier en date du 08 mars 2011, Madame [W] [K] saisissait le Tribunal d'Instance de Béziers d'une demande de bornage.
Par Jugement en date du 27 mai 2011, le Tribunal d'Instance de Béziers déboutait Mme [W] [K] de sa demande en bornage.
Par arrêt du 05 septembre 2013, la Cour d'appel de Montpellier infirmait le jugement du 27 mai 2011 et faisait droit à la demande de bornage déposée par Mme [W] [K], demande à laquelle se sont associés les consorts [H] et désignait Monsieur [Y] [P] en qualité d'expert géomètre judiciaire afin d'effectuer ce bornage et déposait son rapport le 09 septembre 2015.
Par Jugement contradictoire du 29 août 2016, le Tribunal d'Instance de Béziers, a :
-Déclaré recevable l'action des consorts [H] ;
-Homologué purement et simplement le rapport d'expertise réalisé par M. [Y] [P] et déposé au greffe civil le 09 septembre 2015 pour être exécuté en sa forme et teneur ;
-Fixé la limite séparative des propriétés contiguës des parties conformément à la proposition de l'expert telle que formulée à la page 14 du rapport d'expertise et y compris dans les annexes et en l'occurrence par les lignes figurées aux plans contenu dans le rapport d'expertise judiciaire et aux endroits qui y sont indiqués par les points A, B, C, D, E, F, G, H, I. ;
-Ordonné que la limite séparative soit matérialisée par l'implantation, par les soins de l'expert Monsieur [Y] [P] sauf meilleur accord des parties, de bornes audits points ;
-Dit que l'expert géomètre procédera à la matérialisation de la limite des propriétés par la pose de bornes traditionnelles ou par d'autres moyens si la nature du terrain l'empêche ;
-Dit que le plan de bornage sera annexé au présent jugement ;
-Dit que chaque partie paiera pour moitié les frais d'implantation des bornes, de réalisation de l'expertise judiciaire et de publication au bureau des hypothèques du lieu de situation des parcelles du présent jugement auquel se trouve annexé le plan de bornage établi par Monsieur [R] [F] ;
-Débouté Madame [W] [K] née [V] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Rejeté toutes demandes autres ou plus amples formulées par les parties ;
-Dit qu'il sera fait masse des dépens dont chaque partie en paiera la moitié.
Le 05 décembre 2016 Mme [J] [H], Mme [Z] [H] et M. [N] [H] ont interjeté appel du jugement du 29 août 2016 du Tribunal d'Instance de Béziers, à l'encontre de Mme [W] [K], Monsieur [A] [E], Mme [L] [V] et Mme [D] [V].
Par exploit du 20 février 2017 Mme [J] [H], Mme [Z] [H] et M. [N] [H] ont signifié à Mme [L] [V] et Mme [D] [V] leur déclaration d'appel et leurs conclusions selon remise à personne morale.
Mme [L] [V] et Mme [D] [V] n'ont pas constitué avocat.
Vu les conclusions de Mme [J] [H], Mme [Z] [H] et M. [N] [H], appelants, remises au greffe le 28 janvier 2021 ;
Vu les conclusions de Mme [W] [K], intimée, remises au greffe le 03 avril 2017 ;
Vu les conclusions de M. [A] [E], intimé, remises au greffe le 26 janvier 2021.
MOTIFS DE L'ARRÊT
I/ Sur l'incompétence du tribunal d'instance de Béziers
Mme [J] [H], Mme [Z] [H] et M. [N] [H] concluent à l'infirmation du jugement et à l'incompétence du Tribunal d'Instance de Béziers qui a tranché la question d'une prescription acquisitive en homologuant le rapport d'expertise, alors que ce débat ne relève ni de la mission de l'expert, ni de la compétence du Tribunal d'Instance, saisi d'une seule demande en bornage.
En application de l'article R221-12 du code de l'organisation judiciaire dans sa version applicable au litige, le tribunal d'instance connaît des actions de bornage.
L'expert aux termes de son rapport constate que la topographie des lieux ne correspond pas aux limites issues des plans cadastraux de 1957 et 1834. Il conclut que seule la limite de l'état des lieux doit être prise en compte pour la détermination de la limite de propriété entre les parcelles AD-[Cadastre 6] et I-[Cadastre 2].
Il précise « on peut considérer que les propriétaires ont depuis plus de trente ans utilisé le sol du terrain jusqu'au front de traille. De plus lors de l'exploitation de la carrière des roches ont été extraites de la parcelle AD [Cadastre 6], ce qui a créé un niveau du front de taille, une falaise. On peut donc conclure à une limite qui suit le front de taille ».
Contrairement à ce que soutiennent Mme [J] [H], Mme [Z] [H] et M. [N] [H] l'expert fixe les limites non pas par une prescription acquisitive, mais par rapport à l'exploitation des terres et de la carrière, qui a créé un nouveau front de taille et créé l'aplomb de la falaise.
Il s'ensuit, qu'en entérinant le rapport d'expertise, le tribunal n'a pas statué sur la prescription acquisitive mais sur les limites séparatives apparentes et qu'il était compétent à connaître de cette action de bornage.
En conséquence, Mme [J] [H], Mme [Z] [H] et M. [N] [H] seront déboutés de leur demande d'incompétence.
II/ Sur l'irrecevabilité
A titre incident M. [A] [E] conclut à l'irrecevabilité des consorts [H] qui sont co-indivisaires de la parcelle cadastrée AD n° [Cadastre 4] avec Mme [U] [I] qui n'est pas partie à la procédure.
En application de l'article 815-2 du code civil tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis.
Une action en justice intentée par un indivisaire, qui a pour objet la conservation des droits des indivisaires, entre dans la catégorie des actes conservatoires que tout indivisaire peut accomplir seul.
Il ressort des pièces produites et notamment des photographies et du rapport d'expertise, que des intempéries ont entrainé, le 24 janvier 2009, un effondrement important d'un pan de la falaise délimitant la parcelle AD [Cadastre 4] dont ils sont propriétaires en indivision, entrainant un entassement de roches les unes sur les autres, sur leur parcelle et la parcelle D [Cadastre 6] et l'écrasement de diverses constructions et que cette situation s'est aggravée le 15 mars 2011 avec l'effondrement d'un nouveau pan de falaise.
Comme le retient à juste titre le jugement, les consorts [H] sont intervenus dans l'action de bornage engagée par Mme [W] [K] née [V] pour assurer la conservation de leurs droits et à ce titre leur action, qui entre dans la catégorie des actes conservatoires, est recevable.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
III/ Sur le bornage
Mme [J] [H], Mme [Z] [H] et M. [N] [H] concluent à l'infirmation du jugement. Ils font valoir que seule la limite conforme aux plans cadastraux depuis 1834, la section AD qui figure en bleu ciel sur le plan, est à retenir et non la limite du front de taille retenue par l'expert, alors qu'ils n'ont réalisé aucun acte de possession au-delà de la limite cadastrale, qui est conforme à la jurisprudence qui fixe la limite de propriété entre deux fonds séparés par une falaise, au pied de cette dernière.
M. [A] [E] demande que le positionnement de la ligne divisoire soit fixé à la ligne 1-2-3-4-5 mentionnée par l'expert, à au moins 10 mètres du haut de la falaise en direction du Sud, cette bande de 10 mètres devant être mesurée à partir de la dernière trace d'exploitation au-dessus de la falaise.
Mme [W] [K] demande que la limite séparative des propriétés contiguës soit fixée selon la ligne matérialisée par l'expert judiciaire aux endroits indiqués A B C D E F G H I et que soit ordonnée la plantation des bornes et verbalisées à frais communs. Elle s'oppose au retrait de 10 mètres sollicité par M. [E].
Selon acte notarié du 9 août 1969 Mme [W] [V], Mme [L] [V] et Mme [D] [V] sont déclarées héritières de [B] [V], de différents biens immobiliers situés à [Localité 16], dont la parcelle AD [Cadastre 6] lieudit [Adresse 13].
Au terme de l'acte notarié du 13 décembre 1985 M. [N] [H] se porte acquéreur d'une maison d'habitation et les droits sur une parcelle de terre attenante située à [Localité 8] cadastrée AD [Cadastre 4] [Adresse 13] pour 1 are 60 centiares et AD [Cadastre 5], l'acte stipulant « Etant précisé que le N° [Cadastre 4] est un bien non délimité » d'une contenance totale de 2 a 40 ca.
Selon le rapport d'expertise ces parcelles AD [Cadastre 6] et AD [Cadastre 4] sont situées en contre bas d'une falaise résultant d'un front de taille d'une ancienne carrière supportant notamment la parelle I [Cadastre 2] que M. [A] [E] a acquis par acte du 30 janvier 1990.
L'expert relève que la parcelle D [Cadastre 6] est un bien non délimité.
Au terme de son rapport déposé le 9 septembre 2015, l'expert indique ne pas avoir pu déterminer avec certitude la date de création de la carrière et que selon les dires des parties, l'arrêt de l'exploitation date de plus de 100 ans.
L'expert relève que sur le plan cadastral napoléonien, les parcelles actuelles AD [Cadastre 6] et I [Cadastre 2] étaient sur la même planche section ainsi que la parcelle AD [Cadastre 4].
Il indique qu'après étude des plans cadastraux napoléoniens de 1834 rénovés en 1957 et des contenances issues des actes de propriété l'application des titres sur les lieux est impossible.
Il constate que la topographie des lieux ne correspond pas aux limites issues des plans cadastraux de 1957 et 1834, quasiment inchangés depuis 1834 alors que la carrière était toujours exploitée.
Il précise qu'au vu des traces de tailles sur la roche, la carrière a été exploitée au-delà des limites des parcelles AD et que seule la limite de l'état des lieux doit être prise pour déterminer la limite de propriété des parcelles AD [Cadastre 6] et [Cadastre 4] et I [Cadastre 2].
Il considère que l'exploitation de la carrière des roches extraites des parcelles AD [Cadastre 6] et [Cadastre 4] a créé au nouveau du front de taille qui a créé la falaise et que la limite doit être fixée au sommet de la falaise, car la différence de niveau a été créée artificiellement lors de l'excavation des roches.
Il précise avoir constaté la présence de traces d'exploitation au-dessus de la falaise à une distance de 10 mètres environ du haut de la falaise.
Il propose une limite notée A-B-C-D-E-F-G-H-I.
Au terme de son courrier établi le 17 janvier 2011, M. [M] [C] procède à la même analyse constatant que le cadastre de 1957 reprend intégralement les limites du cadastre napoléonien de 1834 et qu'il n'a pas tenu compte de l'état des lieux, car à cette époque le front de carrière de la parcelle D [Cadastre 6] dépassait dans la parcelle I [Cadastre 2] et que la topographie et les limites cadastrales ne correspondaient pas. Il considère que la limite de propriété, compte tenu de l'exploitation de la carrière doit être prise au sommet de la falaise.
Il ressort de l'examen des pièces et du rapport d'expertise judiciaire, que les fonds sont contigus, qu'il n'a pas été établi de bornage et que la falaise a été créée artificiellement par l'excavation de roches résultant de l'exploitation d'une carrière de pierres par les auteurs des parcelles D [Cadastre 6] et D[Cadastre 4].
Il convient de rappeler que le plan cadastral est un document administratif utilisé pour recenser et identifier les immeubles en vue de l'établissement des bases des impôts locaux, sa finalité étant essentiellement fiscale, il n'a donc pas vocation à établir un droit de propriété, ni à fixer leur limite. Il apparaît que la rénovation du plan cadastral aurait été erronée, puisque ne tenant pas compte de l'évolution de l'exploitation de la carrière et ne peut servir de limite de propriété, contrairement à ce que soutiennent les consorts [H] dans leurs conclusions.
Il n'est pas contesté, comme le relève l'expert judiciaire, que la carrière n'est plus exploitée depuis 100 ans et en l'absence d'exploitation, M. [A] [E] ne justifie pas que le positionnement de cette limite doit se situer au moins à 10 mètres du haut de la falaise en direction du Sud, selon la ligne 1-2-3-4-5.
Il n'est produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le jugement, qui a fixé la limite divisoire au front de taille, correspondant au sommet de ladite falaise, selon la ligne A-B-C-D-E-F-G-H-I, en raison de l'exploitation antérieure de la carrière qui a créé artificiellement la falaise, à partir des fonds inférieurs AD [Cadastre 6] et AD [Cadastre 4].
En conséquence le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement ;
Confirme le jugement déféré, en toutes ses dispositions ;
Déclare le tribunal d'instance de Béziers compétent à connaître de la présente action de bornage ;
Déboute Mme [J] [H], Mme [Z] [H] et M. [N] [H] de l'ensemble de leurs demandes ;
Déboute M. [A] [E] de ses autres demandes ;
Déboute Mme [W] [K] de ses autres demandes ;
Condamne Mme [J] [H], Mme [Z] [H] et M. [N] [H] aux dépens d'appel et à payer à Mme [W] [K] 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais engagés en cause d'appel.
Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président,