Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 02 JUIN 2022
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 16/07846 - N° Portalis DBVK-V-B7A-M4K5
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 22 AOUT 2016
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS
N° RG 14/02540
APPELANTE :
Compagnie d'assurances AREAS ASSURANCES
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Philippe DELSOL de la SCP DELSOL, GUIZARD, AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Yoann BORREDA, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Madame [F] [S]
née le 19 Décembre 1955 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 1]
et
Monsieur [U] [S]
né le 05 Février 1962 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentés par Me Sophie MIRALVES-BOUDET de la SELARL CHATEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me Philippe CHATEL avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 19 Novembre 2021
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 DECEMBRE 2021,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée, chargé du rapport.
Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de Président
M. Fabrice DURAND, Conseiller
Mme Marie-Claude SIMON, Vice-présidente placée par ordonnance du Premier Président en date du 1er décembre 2021.
Greffier, lors des débats : Mme Sabine MICHEL
ARRET :
- contradictoire,
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour fixée au 10 février 2022 prorogée au 14 avril 2022 puis au 2 juin 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Thierry CARLIER, Conseiller, faisant fonction de Président et par Mme Sabine MICHEL, Greffier.
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EXPOSE DU LITIGE
M. [U] [S] et son épouse, Mme [F] [S], sont propriétaires d'une maison d'habitation sise [Adresse 3].
Les époux [S] confiaient à la société Art et Jardins Création la réalisation d'une piscine et l'aménagement de leur terrain selon devis du 31 mars 2004 de 35 781,56 euros.
Les travaux débutaient en avril 2004 et la réception intervenait le 17 juillet 2004.
Le 15 juin 2010, évoquant des problèmes d'étanchéité et d'importantes fuites d'eau, les époux [S] effectuaient une déclaration de sinistre auprès de la Compagnie Areas Assurances, assureur décennal de la société Art et Jardins Création ayant fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire.
Par exploit d'huissier, les consorts [S] assignaient la Compagnie Areas Assurances en référé devant le Président du Tribunal de Grande Instance de Béziers aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise judiciaire.
Par Ordonnance en date du 20 septembre 2011, le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Béziers ordonnait une mesure d'expertise judiciaire et nommait Monsieur [B] en qualité d'expert, qui déposait son rapport le 30 décembre 2013.
Par exploit du 04 septembre 2014, Mme [F] et M. [U] [S] assignaient la Compagnie Areas Assurances devant le Tribunal de Grande Instance de BEZIERS.
Par Jugement contradictoire du 22 août 2016, le Tribunal de Grande Instance de Béziers, a :
-Constaté que la société Areas Assurances est l'assureur décennal de la société Art Jardins Création selon un contrat n°03521719 F ;
-Dit que les désordres relevés par l'expert [B] relèvent de la garantie décennale ;
En conséquence,
-Condamné la société Areas Assurances à payer à Monsieur et Madame [S] une somme de 33 583,30 euros TTC au titre des travaux de reprises, avec indexation sur l'indice BT 01 jusqu'à la date du jugement à intervenir, puis avec intérêts au taux légal jusqu'à parfait paiement ;
-Condamné la société Areas Assurances à payer à Monsieur et Madame [S] les sommes suivantes :
- 357,93 euros au titre de la remise en état suite aux investigations expertales ;
- 120 euros au titre des frais de perte d'eau ;
-Dit que les sommes allouées produiront intérêts au taux légal ;
-Ordonné la capitalisation sur le fondement de l'article 1154 du code civil ;
-Rejeté toutes demandes contraires ou plus amples des parties ;
-Condamné la société Areas Assurances à payer à Monsieur et Madame [S] une somme complémentaire de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
-Condamné la société Areas Assurances aux entiers dépens de l'instance, y compris les frais d'expertise ;
-Ordonné l'exécution provisoire.
Le 04 novembre 2016, la compagnie Areas Assurances a interjeté appel du jugement du 22 août 2016 du Tribunal de Grande Instance de BEZIERS, à l'encontre de Mme [F] [S] et M. [U] [S].
Vu les conclusions de la Compagnie Areas Assurances, appelante, remises au greffe le 18 novembre 2021 ;
Vu les conclusions de Mme [F] et M. [U] [S], intimés, remises au greffe le 18 novembre 2021 ;
MOTIFS DE L'ARRÊT
La compagnie Areas Assurances conclut à l'infirmation du jugement qui l'a condamnée au paiement des sommes principales de 33 583,30 euros au titre des travaux de reprise de l'ouvrage, de celle de 357,93 euros au titre des travaux de remise en état consécutive aux investigations de l'expert et celle de 120,00 euros au titre des pertes d'eau.
Elle fait valoir que les seuls désordres de nature décennale affectent le système hydraulique de la piscine, pour lesquels elle reconnaît devoir la somme de 2 221,33 euros. Elle conteste le caractère décennal des désordres affectant l'enduit Katymper qui ne compromet pas la solidité de l'ouvrage et ne le rend pas impropre à sa destination et des fissurations pour lesquelles l'expert envisage simplement l'hypothèse d'une aggravation et constitue un hypothétique désordre qui n'est pas avéré dans le délai décennal.
Mme [F] et M. [U] [S] sollicitent la confirmation du jugement qui retient que les désordres relevaient de la garantie décennale. Ils font valoir que l'expert judiciaire indique expressément que les désordres sont dus au non-respect des règles de l'art et à l'absence de traitement adéquat par la société Art Jardin et Création. L'expert conclut à une aggravation possible qui rendrait la piscine impropre à sa destination et Monsieur [H], dans un rapport complémentaire relève de nombreux autres désordres ainsi que leur nature décennale.
Sur l'origine et la qualification des désordres
En application de l'article 1792 du code civil tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
En application de l'article L124-3 du code des assurances le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne morale.
Selon devis signé le 31 mars 2004 Mme [F] et M. [U] [S] contractent avec la société Art Jardin Création la réalisation d'une piscine, les travaux comprenant le terrassement, le gros 'uvre, les margelles, plage, dallage, cascade, escalier, local technique, enduits extérieurs, revêtement intérieur et mise en route.
Les travaux sont réceptionnés le 17 juillet 2004 sans réserve.
Par courrier du 15 juin 2010, M. [U] [S] effectue une déclaration de sinistre à la société Areas Assurances, assureur décennal de la société Art Jardin Création.
La compagnie Areas Assurances, par l'intermédiaire de son expert la société Gba informe M. [U] [S] de son refus de garantie.
Selon le rapport d'expertise de l'assurance protection juridique établi le 4 février 2011, M. [U] [S] constate en 2007 que le revêtement d'étanchéité se désagrège et en 2008 qu'une fissure apparaît sous le Skimmer.
Ce rapport relève sur la piscine, une fissure visible sur le rebord du skimmer qui se prolonge dans la piscine, filaire vers le fond de la piscine, avec apparition de deux nouvelles fissures, le revêtement Katymper dégradé et sur la terrasse et la plage le ferraillage de la plage apparent et la désolidarisation de l'ensemble de la terrasse du mur de la maison avec des mouvements au niveau des escaliers d'accès.
Au terme de son rapport, l'expert judiciaire M. [B] confirme les désordres invoqués dans le rapport d'assurance. Il relève :
Un farinage et légère coloration du revêtement Katymper ;
Des fissures au niveau du revêtement de la piscine voire du béton d'assise, à hauteur du skimmer sud, de la bouche de refoulement sud sur l'escalier et de la partie nord de l'escalier ;
De nombreuses fissurations de la plage ;
Une différence de niveau entre les fonds des deux skimmers de 43 mm, confirmant le mouvement de bascule de la piscine;
Des prises d'air au niveau hydraulique traduisant une fuite depuis 2008, avec des pertes d'eau de 30 à 40 m3 par an.
Il impute les désordres des fissures et de fuite à un mouvement d'ensemble du bloc piscine dû à son remblai non compacté, à une mauvaise assise du radier et à l'absence de blocage latéral au niveau du talus. Il relève que l'on peut constater visuellement un mouvement relatif entre la partie Sud et Nord de la piscine. Il précise « les réseaux, en PVC rigide et certains raccords (bouches de refoulement) n'ont pas suivi le mouvement ».
Il déclare que la société Art Jardin et Création n'a pas correctement mis en 'uvre les remblais, tant sous la plage de la piscine qu'à la périphérie et sous une partie du radier. La société Art Jardin et Création a déstabilisé le talus initial en enlevant un muret de pierres sans prévoir un dispositif de blocage analogue.
L'expert indique, « nonobstant les fuites à réparer, les réparations à faire au niveau du revêtement de la piscine et du dispositif de pompage et de ses réseaux, il faudra envisager plusieurs opérations pour supprimer les causes des désordres constatés à défaut de refaire toute la piscine ».
Il relève que les désordres de fuites du système hydraulique et les fissures du revêtement de la piscine sont imputables à la société Art Jardin et Création qui n'a pas compacté l'assise de la piscine. Il précise que l'absence de traitement adéquat a entraîné le mouvement par défaut de la piscine.
Il considère que le désordre concernant le revêtement Katymper « peut-être lié au non-respect par Art Jardin et Création des règles de mise en 'uvre du Katymper préconisées par Sika ».
Il résulte de l'examen des pièces, du rapport d'expertise judiciaire et des rapports amiables, que ces désordres sont apparus postérieurement à la réception, qu'ils n'étaient ni apparents, ni réservés à cette date.
S'agissant de leur qualification, l'expert judiciaire précise que :
Le désordre du revêtement du Katymper constitue une simple défectuosité de nature esthétique, qui n'est pas de nature à nuire à la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination ;
Les fuites du système hydraulique rendent impropre à sa destination l'ensemble de la piscine qui ne peut fonctionner sans un dispositif de filtration fonctionnelle ;
Les fissurations au niveau du revêtement de la piscine voire du béton d'assise, non traversantes ne causent pas de fuite et ne sont pas en l'état de nature à nuire à la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination. Il précise « mais si rien n'est fait, une évolution possible peut conduire à une aggravation des fissures, l'évolution du remblai sous le radier et au niveau des abords de la piscine (talus non stabilisé) peut entrainer des ouvertures plus importantes et conduire à une détérioration relative du corps de la piscine ».
Comme l'a, à juste titre, retenu le jugement et pour des motifs que la cour adopte, le désordre dont est atteinte la piscine résulte de son basculement en raison de l'absence de traitement adéquat des remblais et à la déstabilisation du talus initial par la suppression d'un mur en pierre sans mise en place d'un blocage analogue par édification d'un talus avec un simple dépôt de formation meuble non compacté.
Ce désordre de traitement de sol est de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination et compromet sa solidité, l'expert préconisant sa reprise « à défaut de refaire toute la piscine » même s'il ne procède pas à sa qualification expresse qu'il limite aux fissures et aux fuites du système hydraulique qui ne sont que les conséquences du désordre principal de terrassement.
Contrairement à ce que soutient la société Areas Assurances dans ses conclusions, le désordre est d'ores et déjà avéré et certain et ne constitue pas un préjudice futur ou évolutif, l'expert estimant que le remblai n'est pas stabilisé et continue d'évoluer en se tassant et en présentant des fentes de retrait significatives, y compris au pied de la construction et que la piscine ne repose pas sur la totalité du terrain en place. Il préconise, avant la réparation des fuites qui rendent l'ouvrage impropre à sa destination, de stabiliser le dispositif par une consolidation des remblais.
Il s'ensuit que ce désordre relève de la garantie décennale.
L'expert préconise une remise en état du réseau, des remblais et du skimmer pour un montant de 33 583,30 euros TTC, dont 22 224, 17 euros TTC correspondant au coût de remplacement du remblai.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Areas Assurances, assureur décennale de la société Art Jardin et Création à régler à Mme [F] et M. [U] [S] la somme de 33 583,30 euros TTC en réparation du préjudice subi.
2- Sur la réparation des préjudices complémentaires
A titre incident Mme [F] et M. [U] [S] concluent à l'infirmation du jugement qui a fixé à 120 euros le préjudice de pertes d'eau et qui les a déboutés de leur demande au titre du préjudice de jouissance. Ils font valoir l'aggravation des fissures depuis 2017 avec des pertes d'eau, qu'ils évaluent jusqu'à fin 2022 à la somme de 2 431 euros. Ils précisent qu'en raison des désordres importants affectant leur piscine, ils ne peuvent en user utilement depuis des années et qu'un préjudice de jouissance doit ainsi être retenu pour un montant de 5 000 euros.
La société Areas Assurances conclut à l'absence de preuve permettant de justifier la surconsommation d'eau alléguée et demande la confirmation du jugement qui a rejeté la demande en réparation d'un préjudice de jouissance, la piscine litigieuse pouvant être utilisée.
' Sur la perte d'eau
L'expert dans son rapport, constate, après la pose d'un repère de mesure, une baisse en 24 heures voisine de 9 mm et en déduit, que la perte de fuite est comprise entre 4 à 5 mm en 24 heures, soit une perte journalière évaluée entre 4 et 5 l/m2 soit 96 à 120 l/jour soit 35 à 44 m3/an que l'expert a chiffré à 120 euros pour l'année 2012/2013.
Ce chiffrage n'est pas contesté dans le rapport de l'expert privé de M. [H] communiqué par Mme [F] et M. [U] [S].
Mme [F] et M. [U] [S] ne produisent aucune pièce justifiant d'une perte de volume d'eau supérieure, qu'ils fixent à 551 m3, sur la base de tableaux qu'ils ont établis.
Il s'ensuit qu'il y a lieu de retenir l'évaluation de l'expert qui fixe le montant de l'indemnisation proposée à 120 euros par an, soit de 2012 à 2022, sur dix années, la somme de 1 200 euros.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a fixé l'indemnisation du coût de la perte d'eau à 120 euros et la société Areas Assurances sera condamnée à régler à Mme [F] et M. [U] [S] la somme de 1 200 euros au titre de la perte d'eau.
' Sur le préjudice de jouissance
Mme [F] et M. [U] [S] en première instance sollicitaient une indemnisation de préjudice de jouissance dû aux nuisances sonores résultant du fonctionnement permanent de la filtration.
En appel, ils justifient la réparation de leur préjudice de jouissance, par l'impossibilité en l'état de profiter utilement de la piscine du fait des désordres.
Mme [F] et M. [U] [S] ne produisent en cause d'appel aucun élément justifiant de la réalité de ce préjudice de jouissance.
En conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef.
' Sur les travaux de remise en état consécutive aux investigations de l'expert
La société Areas Assurances demande l'infirmation de sa condamnation au paiement de la somme de 357,93 euros au titre des travaux de remise en état consécutive aux investigations de l'expert.
Il n'est pas contesté que ces travaux ont été nécessités à la suite de l'intervention de l'expert et sont directement liés à l'expertise judiciaire ordonnée.
Il n'est produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le jugement qui a, à juste titre, mis ces frais à la charge de la société Areas Assurances, assureur de la société Art Jardin et Création responsable des désordres décennaux subis par Mme [F] et M. [U] [S].
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement ;
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la société Areas Assurances à régler à Mme [F] et M. [U] [S] la somme de 120 euros au titre des frais d'eau ;
Statuant à nouveau,
Condamne la société Areas Assurances à régler à Mme [F] et M. [U] [S] la somme de 1 200 euros au titre de la perte d'eau ;
Déboute la société Areas Assurances de l'ensemble de ses demandes ;
Déboute Mme [F] et M. [U] [S] de leurs autres demandes ;
Condamne la société Areas Assurances aux dépens d'appel et à payer à Mme [F] et M. [U] [S] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais engagés en cause d'appel.
Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président,