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19/05/2022 | FRANCE | N°17/05223

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 19 mai 2022, 17/05223


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



3e chambre civile



ARRET DU 19 MAI 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/05223 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NKYU



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 11 septembre 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 12/1060





APPELANTS :



Monsieur [P] [I]

né le 05 Octobre 1949 à [Localité 12] 93

de nationalité Franç

aise

[Adresse 13]

[Localité 8]

et

Madame [D] [Z] épouse épouse [I]

née le 24 Octobre 1949 à [Localité 14] 75

de nationalité Française

[Adresse 13]

[Localité 8]



Représentés par Me Alexandre SALVIGNOL de la S...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3e chambre civile

ARRET DU 19 MAI 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/05223 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NKYU

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 11 septembre 2017

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 12/1060

APPELANTS :

Monsieur [P] [I]

né le 05 Octobre 1949 à [Localité 12] 93

de nationalité Française

[Adresse 13]

[Localité 8]

et

Madame [D] [Z] épouse épouse [I]

née le 24 Octobre 1949 à [Localité 14] 75

de nationalité Française

[Adresse 13]

[Localité 8]

Représentés par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué à l'audience par Me Mathilde SEBASTIAN, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

COMMUNE D'[Localité 8], prise en la personne de son maire en exercice

[Adresse 11]

[Localité 8]

Représentée par Me Jean-Baptiste LLATI de la SCP PARRAT-LLATI, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES, substitué à l'audience par Me Pauline CROS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 23 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 MARS 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Brigitte DEVILLE, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre

M. Fabrice DURAND, Conseiller

Mme Brigitte DEVILLE, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : Mme Camille MOLINA

ARRET :

- contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Thierry CARLIER, Conseiller faisant fonction de président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.

*

**

FAITS ET PROCEDURE

Trois lieux, sur le territoire de la commune d'[Localité 8] (Pyrénées-orientales), font l'objet d'un pèlerinage ou d'une destination de randonnée ou promenade :

' le Salt de Maria Valenta,

' le Pou de Gel, puis de glace utilisé anciennement par les habitants de la commune pour conserver la glace en hiver dans le massif du Canigou,

' l'oratoire des saints Abdon et Sennen, protecteurs de la ville d'[Localité 8].

Prétendant que pour accéder à ces lieux, les habitants de la commune ont, de tous temps, emprunté un chemin traditionnel qui passe par les parcelles C [Cadastre 1],[Cadastre 2], [Cadastre 3],[Cadastre 4], [Cadastre 5],[Cadastre 6] et [Cadastre 7] appartenant à [P] [I] et à son épouse née [D] [Z] et qui a été clôturé, la commune d'[Localité 8], par exploit du 14 mars 2012, les a assignés devant le tribunal de grande instance de Perpignan pour obtenir le rétablissement du libre passage et du libre usage du chemin donnant l'accès aux trois lieux ci-dessus, en se fondant sur le décret du 7 août 1944, sur le plan local d'urbanisme et sur l'article 72 des constitutions de Catalogne et l'usage Stratae.

Par jugement du 27 avril 2015 ce tribunal a ordonné une mesure d'expertise et le rapport a été déposé le 31 octobre 2015.

Par jugement du 11 septembre 2017 le tribunal a :

' jugé que par application de la loi Stratae, le droit de propriété des époux [I] ne leur permet pas d'interdire le passage du public sur le chemin litigieux ;

' condamné les époux [I] à rétablir le libre passage et le libre usage du chemin matérialisé sur le tronçon en vert (B) (C) sur le plan constituant l'annexe 7 du rapport d'expertise, donnant accès à la [Adresse 9], au [Adresse 15], à la [Adresse 10], et passant sur les parcelles C [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 7] leur appartenant, dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement et, passé ce délai, sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard sur une période de 90 jours, astreinte pouvant être renouvelée ;

' ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

' dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' dit que chaque partie gardera à sa charge les frais qu'elle a exposés en ce compris les constats d'huissier, les frais d'expertise étant cependant à la charge de chacune des parties par moitié.

Les époux [I] ont relevé appel de cette décision le 4 octobre 2017.

Vu les conclusions des appelants remises au greffe le 10 avril 2018,

Vu les conclusions de la commune d'[Localité 8], appelante incidente, remises au greffe le 31 janvier 2018,

MOTIFS

Sur le caractère probant du rapport d'expertise judiciaire :

Les époux [I] affirment que l'expert a réalisé son rapport uniquement sur pièces et qu'il ne s'est pas rendu sur le sentier litigieux. Il n'a donc pas pu appréhender la réalité du terrain.

L'expert judiciaire s'est rendu sur les lieux avec les parties et précise que le litige est sans rapport avec la facilité d'emprunter un tracé ou un autre. Les parties ont jugé inutile d'effectuer le trajet à pied ainsi que l'avait fait l'huissier de justice [S] le 16 juin 2013. Ainsi, la visite détaillée des lieux a été abandonnée d'un commun accord avec les parties dans la mesure où elle n'était pas nécessaire à la réalisation des opérations d'expertise alors que l'expert était en possession de plusieurs plans cadastraux et des photographies prises sur les lieux par l'huissier de justice en 2013.

En conséquence, les griefs formulés par les appelants ne permettent pas de critiquer utilement les conclusions du rapport d'expertise alors que Monsieur [V], expert judiciaire, a effectué un travail particulièrement précis.

Sur l'existence d'un chemin rural :

Aux termes des articles L 161'1 et suivants du code rural, les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage public, cette affectation étant présumée notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage.

Ainsi, tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à la preuve contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé.

Cependant la production par des tiers de titres de propriété suffit à tenir en échec cette règle.

Les époux [I] versent aux débats l'acte notarié du 21 février 2000 par lequel ils sont devenus propriétaires de la propriété rurale dénommée « [Adresse 13] ».

L'application de ce titre sur le terrain par l'expert judiciaire démontre que l'assiette du sentier litigieux est située sur le fonds appartenant aux époux [I], sur une longueur d'environ 600 m et une largeur de 1 m.

Ainsi, grâce à leur acquisition du 21 février 2000, les appelants sont devenus propriétaires du terrain sur lequel le chemin est situé et celui-ci ne peut donc être qualifié de chemin rural puisque la commune n'est pas propriétaire du sol.

Le jugement doit par conséquent être confirmé en ce qu'il a constaté que les époux [I] avaient renversé la présomption simple de l'article L 161'1 du code rural et qu'il a débouté la commune de son action sur ce fondement.

Sur la servitude d'utilité publique.

A titre subsidiaire, la commune d'[Localité 8] soutient que les lieux desservis par le sentier présentent un intérêt patrimonial et culturel particulier et ont donc permis le classement de la [Adresse 9] ainsi que l'institution d'une servitude d'utilité publique pour son libre accès.

Les servitudes d'utilité publique sont des servitudes administratives qui doivent être annexées au plan local d'urbanisme ou à la carte communale conformément aux articles L 151'43 et L 161'1 du code de l'urbanisme.

La [Adresse 9] et ses abords immédiats sont inscrits sur le PLU de la commune approuvé au mois de mars 2007 au titre des servitudes relatives à la conservation du patrimoine culturel.

Les abords immédiats de la cascade ne peuvent comprendre le chemin d'accès à défaut de mention expresse dans le PLU approuvé par arrêté préfectoral du 14 mars 2007.

La commune fait également référence à l'identification des éléments du patrimoine du paysage ainsi qu'à la liste des emplacements réservés figurant en pièces 48 et 49 de son dossier. Cependant ces pièces constituent un dossier d'approbation du PLU soumis à l'autorité administrative mais dont il n'est pas démontré qu'elles ont effectivement reçu approbation.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a écarté la demande de la commune sur ce fondement puisque les époux [I] ne peuvent être dans l'obligation de laisser le passage sur leur propriété du fait de l'inscription de la cascade et de ses abords immédiats sur la liste des servitudes d'utilité publique relatives à la conservation du patrimoine culturel de la commune.

Sur l'application de la Lex Stratae :

À titre infiniment subsidiaire, la commune s'appuie sur l'article 72 des constitutions de Catalogne de 1068 (Lex Stratae) qui dispose que les routes et chemins publics sont attribués aux potestates qui les détiennent non à titre d'alleu ou de fief mais à charge d'en laisser à la jouissance paisible et gratuite à l'ensemble de leurs populations.

Cette loi figure dans le recueil des usages locaux et des règlements du département des Pyrénées-orientales.

Elle fait obligation aux puissances publiques de ne jamais aliéner l'usage des routes et chemins publics, sources, eaux courantes, roches et forêts leur appartenant.

Les appelants ne contestent pas l'existence de cette loi qui n'a pas été abrogée mais seulement son applicabilité dans le cas d'espèce.

Ils soutiennent qu'elle n'a pas vocation à s'appliquer sur tout le département des Pyrénées-orientales.

La commune d'[Localité 8], qui sollicite le rétablissement du libre passage et du libre usage du chemin litigieux, ne peut se borner à affirmer que la loi est applicable sur son territoire sans rapporter la preuve que celui-ci entre dans son champ d'application territoriale.

Or les juridictions appelées à statuer sur ce point, s'interrogent d'abord sur l'applicabilité territoriale de la loi Stratae sur chaque commune de la Catalogne française.

La commune d'[Localité 8] ne démontre d'aucune manière que l'ensemble du département des Pyrénées-orientales, et donc son territoire précisément, sont soumis aux dispositions de cette loi.

La commune d'[Localité 8] doit donc être déboutée de ses demandes et le jugement infirmé en toutes ses dispositions.

Les époux [I], afin, disent-ils, de permettre l'équilibre des intérêts en présence, acceptent que la porte permettant d'accéder au sentier litigieux, située au niveau du grillage (point B de l'annexe 7 du rapport d'expertise) soit ouverte tous les jours de la semaine de la Festa Major de 9 heures à 19 heures. Il convient de leur en donner acte.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

Déboute la commune d'[Localité 8], représentée par son maire en exercice, de l'ensemble de ses demandes ;

Donne acte aux époux [I] de ce qu'ils acceptent que la porte permettant d'accéder au sentier litigieux, située au niveau du grillage (point B de l'annexe 7 du rapport d'expertise) soit ouverte tous les jours de la semaine de la Festa Major de 9 heures à 19 heures ;

Condamne la commune d'[Localité 8], représentée par son maire en exercice, à payer aux époux [I] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés tant en première instance qu'en cause d'appel ;

La condamne aux dépens de première instance et d'appel, y compris le coût taxé de l'expertise judiciaire et le coût du procès-verbal de constat d'huissier du 7 juin 2013, et dit que ces dépens seront recouvrés par les avocats de la cause conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3e chambre civile
Numéro d'arrêt : 17/05223
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;17.05223 ?
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