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18/05/2022 | FRANCE | N°19/01972

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 18 mai 2022, 19/01972


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 18 MAI 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/01972 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OCKZ



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 04 MARS 2019

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE N° RG F 17/00258



APPELANTE :



Madame [W] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 2] / FRANCE

Représentée par Me Sophie PASZEK de la SC

P HABEAS AVOCATS ET CONSEILS, avocat au barreau de NARBONNE



INTIMEE :



SA ROCASUD

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me AUCHE avocat pour Me Frédéric PINET de la SELARL SELARL PINET E...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 18 MAI 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/01972 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OCKZ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 04 MARS 2019

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE N° RG F 17/00258

APPELANTE :

Madame [W] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 2] / FRANCE

Représentée par Me Sophie PASZEK de la SCP HABEAS AVOCATS ET CONSEILS, avocat au barreau de NARBONNE

INTIMEE :

SA ROCASUD

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me AUCHE avocat pour Me Frédéric PINET de la SELARL SELARL PINET ET ASSOCIES, avocat au barreau de NARBONNE

Ordonnance de clôture du 28 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 MARS 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-Pierre MASIA, Président, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Madame Florence FERRANET, Conseiller

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

**

FAITS ET PROCEDURE

Madame [W] [Y] était engagée par la sa Rocasud en qualité d'employée commerciale à temps partiel à compter du 2 avril 2013 et à temps complet à compter du 2 novembre 2014.

A l'issue d'un arrêt de travail pour maladie professionnelle ayant débuté le 12 décembre 2015,la salariée était déclarée apte par le médecin du travail selon une fiche de visite d'aptitude du 29 novembre 2016 rédigée dans les termes suivants: 'apte aménagement du poste:sur un poste de caisse (alternance de côté) à 25h/semaine.'

Le 7 décembre 2016,alors que la salariée n'avait pas encore repris le travail, l'employeur lui adressait ses plannings de travail pour les semaines 2 à 4 du mois de janvier 2017 prévoyant une durée de travail hebdomadaire de 25 heures et lui demandait de lui faire retour au plus vite des '3 avenants signés par courrier ou en les déposant à l'accueil...'

Le 13 décembre 2016, la salariée répondait par écrit à l'employeur qu'elle accusait réception de ses plannings de travail pour la période du 9 janvier 2017 au 29 janvier 2017, que ceux-ci n'étaient accompagnés d'aucun avenant et que 'compte tenu de la réglementation applicable au temps partiel, [elle lui demandait] de bien vouloir formaliser les préconisations du médecin du travail en [lui] proposant un avenant'

Le 27 décembre 2016, l'employeur répondait par écrit à la salariée que l'envoi du 7 décembre 2016 'était seulement la communication des nouveaux horaires, compatibles avec les restrictions établies par le médecin du travail afin que [la salariée] puisse s'organiser'. L'employeur ajoutait 'bien entendu, ceux-ci font l'objet d'un avenant que nous avons prévu de signer ensemble dès votre retour de l'entreprise, étant entendu que votre salaire horaire ne sera pas modifié malgré votre changement de poste. Si toutefois, vous souhaitez signer cet avenant avant, vous voudrez bien prendre rendez-vous par téléphone afin que je puisse être présente'

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 31 janvier 2017, l'employeur rappelait à la salariée qu'elle avait été absente du 10 janvier 2017 au 14 janvier 2017 puis en congés payés du 16 janvier 2017 au 21 janvier 2017 , qu'elle était à nouveau absente au travail depuis le 23 janvier 2017 et qu'il lui était demandé de reprendre son poste sans délai ou de justifier de son absence.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 février 2017, l'employeur rappelait à la salariée sa lettre du 31 janvier 2017 restée sans réponse et la mettait en demeure soit de lui faire parvenir un justificatif de son absence, soit de reprende immédiatement le travail soit de lui faire connaître par écrit ses intentions quant à la poursuite du contrat de travail.

Par lettre du 20 mars 2017 , l'employeur convoquait la salariée à un entretien préalable, fixé au 31 mars 2017, en vue de son licenciement. La salariée ne se présentait pas à l'entretien préalable et, par lettre du 5 avril 2017, l'employeur la licenciait pour faute grave pour absence injustifiée à son poste de travail depuis le 10 janvier 2017.

Contestant son licenciement, la salariée saisissait, le 5 octobre 2017, le conseil de prud'hommes de Narbonne lequel, par jugement du 4 mars 2019, déclarait le licenciement fondé sur une faute grave, la déboutait de toutes ses demandes et rejetait la demande de la société défenderesse au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

C'est le jugement dont Madame [W] [Y] a régulièrement interjeté appel.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions de Madame [W] [Y] régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 8 février 2021.

Vu les dernières conclusions de la sa Rocasud régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 24 juin 2019.

Pour l'exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

Vu l'ordonnance de clôture du 28 février 2022.

SUR CE

Pour obtenir la réformation du jugement et faire dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, Madame [W] [Y] soutient pour l'essentiel que l'employeur ne lui avait pas proposé par écrit une modification de son contrat de travail à temps complet en contrat à temps partiel;que la réduction de son temps de travail accompagnée d'un changement d'affectation d'un poste d'employée commerciale à un poste de caisse était une modification de ses conditions essentielles de son contrat de travail; que dès lors, l'employeur aurait dû recueillir l'accord de la salariée; que le refus de la modification d'une condition essentielle du contrat n'était nullement fautif. Elle ajoute que le 10 janvier 2017, soit le vendredi précédant sa reprise, elle s'était présentée dans l'entreprise et avait été reçue par sa supérieure à laquelle elle avait expliqué que les nouveaux horaires n'étaient pas compatibles avec sa vie de famille car elle était mère de 4 jeunes enfants alors que les plannings prévoyaient sa présence au poste toutes les fins de journée et le samedi matin. Elle avait alors demandé à sa supérieure de lui remettre officiellement l' avenant afin qu'elle puisse le refuser si les horaires n'étaient pas modifiés. La supérieure avait refusé de lui remettre l'avenant lui faisant croire que la salariée ne pouvait pas le refuser et elle l'avait même invitée à démissionner.

Pour obtenir la confirmation du jugement qui a dit le licenciement fondé sur une faute grave, la sa Rocasud fait valoir que le contrat de travail devait s'exécuter de bonne foi; qu'alors même que, le 13 décembre 2016, la salariée avait sollicité de son employeur la régularisation d'un avenant en conformité avec les préconisations médicales, elle avait refusé, contre toute attente, de se présenter sur son lieu de travail pour le signer et ce malgré l'invitation de l'employeur par lettre du 27 décembre 2016; que l'employeur n'avait nullement l'obligation de luia dresser le projet d'avenant à son domicile; que malgré trois lettres, la salariée était restée silencieuse. L'intimée fait observer que pour la première fois et en cause d'appel, la salariée soutenait être venue dans l'entreprise le 10 janvier 2017 et y avoir rencontré sa supérieure ce qui était mensonger. Elle demande donc à la cour de considérer, comme les premiers juges, que lorsque le salarié refusant de reprendre le travail en raison de faits qu'il reproche à l'employeur est licencié pour faute grave il appartient au juge d'apprécier la réalaité de la gravité de la faute reprochée au salarié et qu'en l'espèce, en refusant de se présenter sur son lieu de travail pour régulariser l'avenant qu'elle avait elle-même sollicité puis en ne répondant à aucun des courriers de l'employeur, Madame [W] [Y] avait commis une faute.

***

Les moyens et arguments soulevés par la sa Rocasud sont inopérants en droit.

En effet, dès lors, d'une part, que le médecin du travail avait déclaré la salariée apte mais sous réserve d'un passage à temps partiel et d'un changement de poste, et que, d'autre part, l'employeur avait prévu de l'affecter à temps partiel sur un poste de caisse, l'employeur avait pour obligation d' adresser par écrit à la salariée une propostion de modification de son contrat puisqu'elle était jusqu'alors à temps complet et occupait un poste d'employée commerciale. L'accord de la salariée devait être express et elle avait le droit de refuser la modification de son contrat.

Les trois plannings transmis à la salariée le 7 décembre 2016 visant le poste de caissière à temps partiel ne pouvaient pas s'analyser comme une proposition écrite de modification de contrat et d'ailleurs l'employeur ne le soutient pas.

Si, dans son courrier du 27 décembre 2016, l'employeur avait invité la salariée à prendre rendez-vous avec lui au cas où elle souhaitait signer l'avenant avant la reprise du travail et si la salariée ne justifie pas avoir demandé un rendez-vous à cette fin avec l'employeur ni même s'être déplacée dans l'entreprise le 10 janvier 2017 contrairement à ce qui est désormais soutenu devant la cour, il n'en demeure pas moins que l'employeur ne pouvait pas, comme il l'avait pourtant fait, conditionner la remise d'une proposition écrite de modification du contrat à la reprise préalable du travail par la salariée laquelle avait le droit de refuser de reprendre un travail dont elle n'avait pas accepté la modification sur des points aussi essentiels que la durée et la nature du poste. Ainsi, constatant l'absence de réaction de la salariée à son courrier du 27 décembre 2016, l'employeur aurait dû, sans plus attendre, lui adresser une proposition écrite de modification du contrat comme d'ailleurs elle le lui avait expressément demandé.

Dans ces conditions, l'employeur ne pouvait pas reprocher à la salariée de n'avoir pas repris le travail sur un poste pour lequel il ne lui avait adressé par écrit aucune proposition de modification du contrat et alors que la salariée n'avait pas accepté expressément de modification. Ayant failli le premier dans la bonne exécution de ses obligations et sachant pertinemment les motifs de l'absence de sa salariée, il ne pouvait pas davantage tirer argument du silence de celle-ci à ses demandes de justificatif.

Pour ces motifs, le jugement sera réformé et le licenciement déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Au jour de la rupture, la salariée avait une ancienneté de plus de deux ans dans une entreprise de plus de 11 salariés. Son salaire brut afférent à son contrat de travail à temps complet était de 1531,76€ en brut.Elle est née en 1981. Après avoir été indemnisée par pôle-emploi, elle a retrouvé un emploi à temps partiel d'employée libre-service à temps partiel (30 heures hebdomadaires) à compter du 29 juin 2020. Ces élements ajoutés aux circonstances ci-dessus de la rupture amènent la cour à condamner la sa Rocasud à payer à Madame [W] [Y] la somme de 9190,56€ à titre à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A ces sommes s'ajoutent celles de 3063,52€ en brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 306,35€ en brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,1227,95€ au titre de l'indemnité de licenciement.

Madame [W] [Y] est encore fondée à demander le paiement des salaires pour la période postérieure au 29 novembre 2016. Certes, la salariée n'avait pas fourni de travail mais ce fait était imputable à l'employeur comme dit précédemment. Déduction faite des congés payés pris et réglés, la sa Rocasud sera condamnée à payer à Madame [W] [Y] la somme de 5873,10€ en brut outre 587,31€ en brut au titre des congés payés y afférents.

L'équité commande de condamner la sa Rocasud à payer à Madame [W] [Y] la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Réforme le jugement du conseil de prud'hommes de Narbonne du 4 mars 2018 en toutes ses dispositions sauf celles ayant rejeté la demande de la sa Rocasud au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

Statuant à nouveau, dit le licenciement de Madame [W] [Y] ause réelle et sérieuse.

Condamne la sa Rocasud à payer à Madame [W] [Y] les sommes de:

-9190,56€ à titre à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

-3063,52€ en brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;

-306,35€ en brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis;

-1227,95€ au titre de l'indemnité de licenciement;

-5873,10€ en brut au titre du rappel de salaires;

-587,31€ en brut au titre des congés payés y afférents.

-1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la sa Rocasud aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/01972
Date de la décision : 18/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-18;19.01972 ?
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