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18/05/2022 | FRANCE | N°19/01946

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 18 mai 2022, 19/01946


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 18 MAI 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/01946 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OCJH



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 04 FEVRIER 2019

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SETE N° RG 17/00135



APPELANT :



Monsieur [U] [D] [I] [T]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Laurent MAURIN, avocat au ba

rreau de MONTPELLIER







INTIMEE :



SAS SAS ALLIANCE TERROIRS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me DEVERGIES-BOURON avocat pour Me Julien FAURE, avocat au barreau de MONTPELLIER- rep...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 18 MAI 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/01946 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OCJH

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 04 FEVRIER 2019

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SETE N° RG 17/00135

APPELANT :

Monsieur [U] [D] [I] [T]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Laurent MAURIN, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

SAS SAS ALLIANCE TERROIRS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me DEVERGIES-BOURON avocat pour Me Julien FAURE, avocat au barreau de MONTPELLIER- représenté par Me Marie DUBOIS avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 28 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 MARS 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-Pierre MASIA, Président, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Madame Florence FERRANET, Conseiller

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- CONTRADICTOIRE.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

**

FAITS ET PROCEDURE

Le 1er mars 2005, Monsieur [U] [T] a été engagé par la société anonyme Bessiere, devenue la sas Alliance Terroirs, en qualité de cariste - caviste par contrat à durée déterminée pour une durée de six mois en raison de l'élargissement de la plage horaire de travail.

Le 1er septembre 2005, le salarié a été engagé en qualité de cariste - caviste par la même société par contrat à durée indéterminée. La convention collective applicable à la relation de travail était celle des vins, cide, jus de fruits, sirops, spiritueux et liqueurs de France.

Sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail ainsi que des dommages et intérêts pour harcèlement moral, le salarié a saisi, le 24 novembre 2016, le conseil de prud'hommes de Sète.

Le 9 mars 2017, les parties ont signé une rupture conventionnelle et, le 30 avril 2017, le contrat de travail a été rompu d'un commun accord.

Par jugement du 4 février 2019, le conseil de prud'hommes a débouté Monsieur [T] de l'ensemble de ses demandes, constaté que la rupture conventionnelle du contrat de travail avait mis fin à ce dernier et que le salarié ne démontrait pas la répétition des actes de harcèlement moral, débouté la partie défenderesse de la demande reconventionnelle concernant l'article 700 du congés payés et laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

C'est le jugement dont Monsieur [T] a régulièrement interjeté appel.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions de Monsieur [U] [T] régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 29 mai 2019 dans lesquelles il est demandé à la cour de réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, condamner la sas Alliance Terroirs à lui payer 10000€ de dommages et intérêts pour harcèlement moral et la condamner à lui payer 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Vu les dernières conclusions de la sas Alliance Terroir régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 24 juillet 2019 dans lesquelles il est demandé à la cour de confirmer le jugement, constater que la rupture conventionnelle a mis fin aux contestations de Monsieur [T] relatives à une rupture de son contrat de travail, constater que Monsieur [T] n'a fait l'objet d'aucun harcèlement moral, constater que la société a respecté son obligation de sécurité, débouter Monsieur [T] de l'intégralité de ses demandes, le condamner à verser à la société la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens.

Pour l'exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

Vu l'ordonnance de clôture du 28 février 2022.

SUR CE

En application de l'article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En l'espèce, l'appelant, qui soutient que le nouveau directeur de production de la société, Monsieur [X], l'avait harcelé moralement, expose que ce dernier :

- l'avait critiqué quant à sa manière de conduire le range-palettes,

- lui avait adressé des directives contradictoires,

- lui avait adressé des reproches injustifiés et désobligeants,

- lui avait imposé des tâches qui ne rentraient pas dans ses missions ce qui avait entraîné une surcharge de travail et des heures supplémentaires qui n'avaient pas été payées,

- avait désorganisé son emploi du temps en fixant les plannings au dernier moment et en faisant varier ses horaires.

Au soutien de ses accusations, il produit aux débats :

- l'attestation de Monsieur [K] [Y], intérimaire, rapportant que Monsieur [X] avait un comportement moral déplacé vis-à-vis des salariés, que ce comportement allait parfois jusqu'à l'insulte, que le délai de prévenance des changements d'horaire n'était pas respecté et que certaines heures supplémentaires n'étaient pas payées ;

- l'attestation de Madame [V] [F], salariée de l'entreprise, rapportant qu'à l'occasion d'une altercation, Monsieur [X] s'était violemment emporté contre l'appelant et que ce n'était pas la première fois que le directeur de production essayait de pousser à bout l'appelant par des réflexions ou une surcharge de travail ;

- l'attestation de Madame [H] [L], salariée de l'entreprise, rapportant que Monsieur [X] faisait des remontrances depuis un certain temps, voire harcelait moralement le personnel, que le programme de la production changeait plusieurs fois en peu de temps, que les congés payés étaient imposés, que les horaires changeaient à la dernière minute et que les heures supplémentaires n'étaient pas rémunérées. Le témoin indique également 'stress, pleurs, boule au ventre' sans autres précisions ;

- l'attestation de Madame [A] [O], ancienne salariée de l'entreprise, rapportant, abstraction faite des périodes précédant le recrutement de Monsieur [X] en 2014, que ce dernier lui avait donné des directives inutiles, avait créé une 'ambiance pourrie, en mettant la pression aux gens, déjà que ce n'était pas la joie avant' et lui faisait des remontrances;

- quatre plannings de travail de février et mars 2017 qui font apparaitre que les horaires du salarié pouvaient varier d'un jour sur l'autre et que le salarié avait travaillé 42 heures les deux premières semaines et 39 heures les deux autres.

Aucune des pièces produites ne fait état de critiques sur la conduite du range-palettes ni de directives contradictoires qu'aurait formulées Monsieur [X] à l'égard du salarié, de sorte que ces griefs ne sont pas démontrés.

S'agissant du comportement de Monsieur [X] à l'égard du salarié, seule Madame [F] évoque un emportement verbal du premier lors d'une altercation avec l'appelant ainsi que des 'réflexions' dirigées contre le salarié. Cet unique témoignage imprécis quant à la teneur de l'altercation et aux réflexions qui auraient pu être formulées ne permet pas de retenir ce grief.

Cependant, s'agissant de la réalisation d'heures supplémentaires et d'une surcharge de travail, si le salarié ne formule pas de demande de rappel de salaire à ce titre et ne produit pas de décompte d'heures supplémentaires non payées ni même ses bulletins de salaires, la cour constate que le volume horaire hebdomadaire porté sur les plannings (entre 39 heures et 42 heures) était supérieur à la durée contractuelle de travail fixée à 35 heures. Deux témoins, Monsieur [Y] et Madame [F], rapportent la réalisation dans l'entreprise d'heures supplémentaires impayées.

S'agissant également des horaires de travail, outre que deux témoins attestent que ces horaires étaient modifiés par l'employeur sans respect du délai de prévenance, les plannings produits par le salarié pour février et début mars 2017 font apparaître que ses horaires pouvaient varier d'un jour à l'autre, sans toujours respecter la durée légale de repos quotidien.

Ces éléments constituent des agissements répétés portant atteinte aux droits du salarié et qui laissent présumer une situation de harcèlement moral. Il incombe donc à l'employeur de rapporter la preuve de ce que sa décision était motivée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

S'agissant des horaires de travail, la société intimée réplique que l'amplitude horaire n'atteignait pas les durées maximales de travail et était du même ordre pour tous les salariés de l'entreprise.

Cette dernière allégation est fausse dans la mesure où les plannings, non contestés, font apparaître, sur la période de 4 semaines couverte par les plannings, que les horaires du salarié variaient plus que ceux des autres salariés et qu'ils avaient même été, pour la semaine du 20 février 2017, les seuls à différer d'un jour sur l'autre.

L'employeur ne rapporte pas la preuve qu'il avait communiqué au salarié, dans le respect du délai de prévenance, ses nouveaux horaires de travail. Les attestations des autres salariés que l'intimé fournit ne portent pas sur le point spécifique des horaires et se bornent à faire état, en des termes généraux, des bonnes relations que le directeur du site entretenaient avec le personnel.

S'agissant des heures supplémentaires, l'employeur se borne à soutenir que les heures supplémentaires effectuées étaient systématiquement rémunérées comme telles ou compensées sous forme de repos, sans toutefois en justifier.

Il s'en suit que la société intimée, qui ne justifie pas avoir payé au salarié toutes les heures de travail effectuées en sus de la durée légale ni avoir modifié les horaires de travail de ce dernier en respectant un délai de prévenance et qui avait fait travailler le salarié en violation du repos quotidien, avait commis des agissements de harcèlement moral.

Il sera alloué à Monsieur [T] la somme de 2500€ de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral.

Il sera alloué au salarié la somme de 1000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Réforme le jugement du conseil de prud'hommes de Sète du 4 février 2019 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Condamne la sas Alliance Terroirs à payer à Monsieur [U] [T] les sommes de :

- 2500€ à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

- 1000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la sas Alliance Terroirs aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/01946
Date de la décision : 18/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-18;19.01946 ?
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