La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/05/2022 | FRANCE | N°18/01284

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 11 mai 2022, 18/01284


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 11 MAI 2022





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/01284 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N6CM



ARRET N°





Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 NOVEMBRE 2018

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE PERPIGNAN - N° RG F 17/00600







APPELANT :



Monsieur [L] [J]

né le 28 Févri

er 1988 à [Localité 3] (66)

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]



Représenté par Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substit...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 11 MAI 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/01284 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N6CM

ARRET N°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 NOVEMBRE 2018

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE PERPIGNAN - N° RG F 17/00600

APPELANT :

Monsieur [L] [J]

né le 28 Février 1988 à [Localité 3] (66)

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Me Cyrille AUCHE

Représenté par Me Nicolas LEGRAND, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

INTIMEE :

SARL BAR DU SOLEIL, devenue SARL ROUSSET

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Mourad BRIHI de la SCP DONNADIEU-BRIHI-REDON-CLARET-ARIES-ANDRE, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

Ordonnance de clôture du 14 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 MARS 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Madame Isabelle MARTINEZ, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par Mme Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

**

EXPOSE DU LITIGE :

Après sept précédentes saisons consécutives effectuées entre 2010 et 2016, [L] [J] a de nouveau été engagé, le 1er avril 2017, par la Sarl Bar du Soleil en qualité de pizzaiolo et second de cuisine dans le cadre d'un contrat à durée déterminée saisonnier sans terme précis (mais au plus tard à la fermeture de l'établissement le 30 septembre 2017) d'une durée minimale de 6 mois à temps complet régi par la convention collective nationale de hôtels, cafés, restaurants.

Reprochant à son employeur le non paiement des heures supplémentaires accomplies durant les saisons 2016 et 2017, la non reprise de son ancienneté dans son salaire horaire depuis 2014 et des manquements aux règles relatives à la conclusion d'un contrat à durée déterminée et à la durée du repos journalier et hebdomadaire, [L] [J] a saisi le conseil des prud'hommes de Perpignan le 8 décembre 2017 afin de voir requalifier son contrat en contrat à durée indéterminée et obtenir l'application de ses droits et la réparation de ses préjudices.

Par jugement du 20 novembre 2018, ce conseil a :

- débouté [L] [J] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens ;

- débouté la Sarl Bar du Soleil de ses demandes fondées sur les articles 1240 du code civil et 700 du code de procédure civile.

Le 20 décembre 2018, [L] [J] a relevé appel de tous les chefs du jugement à l'exception de ceux ayant débouté la Sarl Bar du Soleil de ses prétentions.

Vu les dernières conclusions de l'appelant remises au greffe le 16 septembre 2019 ;

Vu les conclusions de la Sarl Bar du Soleil, devenue désormais la Sarl Rousset, appelante à titre incident, remises au greffe le 18 juin 2019 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 14 février 2022 ;

MOTIFS :

Sur l'exécution du contrat de travail :

1) Sur les demandes de rappel de salaires :

a) Sur le taux horaire applicable :

Contrairement à ce que soutient à tort [L] [J], l'article L.1244-2-2 du code du travail dans sa version issue de l'ordonnance 2017-647 du 27 avril 2017 n'est pas applicable au présent litige puisque cette ordonnance n'est entrée en vigueur que le 29 avril 2017, soit postérieurement à la conclusion du contrat de travail du 1er avril 2017 qui reste donc soumis au droit antérieur.

Dès lors que [L] [J] a consenti librement, à compter de 2015, à une rémunération basée sur un salaire horaire inférieur à celui appliqué en 2014, c'est cette somme, prévue dans les contrats de 2015 à 2017, qui sera retenue et l'appelant sera débouté de sa demande de rappel de salaire au titre des saisons 2015 et 2016 fondée sur le taux horaire de 2014.

b) Sur les heures supplémentaires de la saison 2016 :

[L] [J] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de rappel de salaire d'un montant de 13.041,62 € bruts pour la période du 28 mars 2016 au 30 septembre 2016 outre celle de 1.304,16 € bruts au titre des congés payés y afférents et demande à la cour de condamner l'employeur à lui payer lesdites sommes. Il expose, à l'appui de ses prétentions, que son frère [R] [J], également salarié de l'établissement en 2016, a découvert que les heures comptabilisées par le gérant à partir des feuilles d'émargement étaient sans rapport avec les heures effectivement accomplies après avoir effectué un contrôle de ses heures de présence dans l'entreprise via la géolocalisation Facebook de son téléphone portable, ce qui est corroboré par les témoignages versés aux débats.

La société Rousset conclut à la confirmation du jugement en soutenant que [L] [J] ne peut s'appuyer sur les relevés de géolocalisation du téléphone portable de son frère pour justifier de ses propres horaires de travail, que l'huissier instrumentaire n'a pas respecté la procédure applicable au constat portant sur des pages internet, que la géolocalisation du téléphone portable ne permet pas de démontrer que son propriétaire était lui-même dans l'établissement ou qu'il y travaillait et que les résultats obtenus sont incohérents avec les heures de travail habituelles du salarié. Elle demande à la cour de valider les feuilles horaires hebdomadaires signées par le salarié durant la saison 2016 et de le débouter de sa demande.

Aux termes de l'article L.3171-2, alinéa 1er, du code du travail, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance 2017-1386 du 22 septembre 2017 'Lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés'. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, 'l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire'.

Enfin, selon l'article L.3171-4 du code du travail, 'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable'.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Le contrat saisonnier à durée déterminée sans terme précis signé par [L] [J] le 22 mars 2016 prévoyait un horaire de travail hebdomadaire de 39 heures, soit 169 heures par mois, moyennant une rémunération brute mensuelle de 2.200€ pour le poste de pizzaiolo et second de cuisine.

Les feuilles d'émargement signées par [L] [J] au cours de la saison 2016 indiquent un horaire hebdomadaire de 39 heures.

Ainsi que le soutient justement la société intimée, les données de géolocalisation du téléphone portable du frère de l'appelant, telles que recensées dans le procès-verbal de constat d'huissier du 24 juillet 2018 et récapitulées en annexe 1 des conclusions de l'appelant, ne constituent pas un élément suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre puisqu'elles correspondent aux seuls horaires de présence dans l'établissement de [R] [J] et non de [L] [J].

En l'absence du moindre début de décompte des heures supplémentaires que [L] [J] aurait personnellement accomplies au cours de la saison 2016, les seuls témoignages de [K] [I], étudiante ayant travaillé au sein du Bar du Soleil durant la saison 2016, qui atteste que les conditions de travail ne respectaient pas le code du travail et que le personnel de salle et de cuisine travaillait 7 jours sur 7 et de 10 heures à 12 heures par jour, et de [S] [H], gardien de la [Adresse 4] et du 'Bar du Soleil' qui fait partie de cette résidence, qui atteste avoir vu les salariés de ce restaurant travailler 7 jours sur 7 et de 10 à 12 heures par jour durant la saison 2016, ne sont pas des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail, d'y répondre utilement puisque ces témoignages ne permettent pas d'individualiser les horaires de travail.

La cour, décide, par conséquent, au vu des éléments produits par l'employeur, de débouter [L] [J] de ses prétentions au titre de la saison 2016 et le jugement sera confirmé sur ce point.

c) Sur les heures supplémentaires de la saison 2017 :

[L] [J] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande en paiement d'un montant de 26.188,87 € bruts au titre des heures supplémentaires impayées durant la saison 2017 et il demande à la cour de faire droit à sa prétention, calculée sur la base du taux horaire de 2014, en y ajoutant les congés payés y afférents. Subsidiairement, il demande à la cour de lui allouer le bénéfice de la somme de 19.573,24 € bruts sur la base du taux horaire 2017.

La société intimée conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

S'agissant du taux horaire applicable, il résulte des motifs qui précèdent que la cour a décidé de retenir le seul salaire horaire indiqué dans le contrat de 2017, l'article L.1244-2-2 du code du travail dans sa version issue de l'ordonnance 2017-647 du 27 avril 2017, dont l'entrée en vigueur est postérieure à la date de conclusion du contrat, n'étant pas applicable au présent litige.

Aux termes de l'article L.3171-2, alinéa 1er, du code du travail, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance 2017-1386 du 22 septembre 2017 'lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés'. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, 'L'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire'.

Enfin, selon l'article L.3171-4 du code du travail, 'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable'.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Le contrat de travail à durée déterminée saisonnier signé le 1er avril 2017 par [L] [J] fait partir le début de la relation de travail au 1er avril 2017.

[L] [J] ne justifie pas avoir travaillé pour le compte de la société Rousset antérieurement à cette date (24 mars et du 27 au 31 mars), contrairement à ce qu'il soutient, puisque les données de géolocalisation afférentes au téléphone portable de son frère sont inopérantes et que les témoignages qu'il fournit sur ce point sont imprécis et rédigés en des termes généraux et qu'ils sont tous combattus par les attestations précises et circonstanciées de :

- [Y] [D], chef de secteur d'une société fournisseur de la société Rousset, qui certifie que durant ses passages de prospection dans l'établissement entre le 15 mars 2017 et le 1er avril 2017, à toutes heures de la journée, il n'a jamais rencontré d'employé et seulement le propriétaire et sa femme qui effectuaient seuls les mises en place avant saison,

- [A] [V], gérant de l'Earl [V], qui témoigne que lors de la livraison effectuée dans l'établissement le 29 mars 2017 en fin de matinée, le propriétaire était seul dans le bar et faisait lui-même la mise en place avant l'ouverture de la saison,

- [T] [C], commercial, qui atteste que lors de la prise de commande dans l'établissement le 30 mars 2017, seul le patron était présent dans la cuisine.

L'appelant sera débouté de sa demande en paiement de la somme de 541,20 € bruts de ce chef.

S'agissant des heures supplémentaires réclamées à compter d'avril 2017, le relevé hebdomadaire des heures accomplies entre le 1er avril 2017 et le 30 septembre 2017 figurant en annexe 2 des conclusions de l'appelant ainsi que les témoignages de [G] [N], plongeur dans l'établissement au cours de la saison 2017, qui atteste que tous les salariés travaillaient 7 jours sur 7 avec de rares soirées de repos et de [M] [O], barmaid dans l'établissement en juillet et août 2017, qui atteste que les salariés en cuisine travaillaient 7 jours sur 7 avec un volume horaire moyen de 12 heures par jour sans pause repas, constituent des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement.

Or, la société intimée, qui doit assurer le contrôle des heures effectuées, ne produit aucun des documents exigés par les articles L.3171-2 et L.3171-3 précités.

Les témoignages d'anciens salariés qui n'ont jamais travaillé avec [L] [J] sont inopérants de même que les témoignages d'anciens salariés qui ne précisent pas l'année durant laquelle ils ont travaillé avec l'appelant.

Aucun des témoins extérieurs à la famille du gérant (anciens salariés, clients, fournisseurs) ne décrit de manière précise et circonstanciée le rythme de travail accompli par [L] [J] durant la saison 2017, chacun procédant par généralités vagues, imprécises et subjectives.

Compte tenu de la dimension réduite de la structure et de la présence quotidienne du gérant dans l'établissement (cf témoignage de [F] [U] produit par la société intimée sur ce point en pièce 38), l'employeur ne peut raisonnablement soutenir qu'il ignorait l'existence et l'étendue des heures supplémentaires accomplies par le salarié ou que ces heures auraient été exécutées malgré son désaccord (aucun courriel ni courrier de l'employeur mettant en garde le salarié pour un non respect des horaires de travail).

La cour, décide, par conséquent, de retenir les heures supplémentaires invoquées par le salarié et de condamner la société Rousset à payer à ce dernier la somme de 19.032,04 € bruts au titre des heures supplémentaires accomplies au cours de la période du 1er avril 2017 au 30 septembre 2017 outre celle de 1.903,20€ bruts au titre des congés payés y afférents sur la base du taux horaire contractuel de 12,8856€ bruts et déduction faite des 17,33 heures supplémentaires déjà payées tous les mois (169 heures).

Le jugement sera infirmé sur ce point.

2) Sur l'indemnité pour travail dissimulé :

[L] [J] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande indemnitaire pour travail dissimulé et il réclame la somme de 42.622,50€ de ce chef en y intégrant les heures supplémentaires accomplies au cours des derniers mois et subsidiairement la somme de17.244,11 € hors heures supplémentaires.

La société intimée conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

En application des articles L.8221-3 et L.8221-5 du code du travail, dans leur version antérieure à la loi du 30 décembre 2017, le fait pour l'employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations qui doivent être effectuées aux organismes de sécurité sociale ou à l'administration fiscale, est réputé travail dissimulé, ainsi que le fait de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement des formalités de délivrance d'un bulletin de paie ou de déclaration préalable à l'embauche. De même est réputé travail dissimulé le fait de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

L' article L.8223-1 prévoit en cas de rupture du contrat de travail, l'octroi au salarié en cas de travail dissimulé, d'une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'espèce, compte tenu de la dimension réduite de la structure et de sa présence quotidienne dans l'établissement durant l'ouverture estivale, l'employeur connaissait parfaitement le rythme de travail plus que soutenu de [L] [J] en cuisine avec des semaines pouvant excéder 90 heures de travail en juillet et août 2017 (cf annexe 2 des conclusions).

Or, au lieu de rémunérer le salarié pour le travail effectivement accompli, il ne lui a payé que les 39 heures hebdomadaires prévues au contrat.

C'est donc à dessein que l'employeur s'est abstenu de régler à son salarié les heures supplémentaires effectivement réalisées, de porter sur les bulletins l'intégralité des heures travaillées et de les déclarer aux organismes de sécurité sociale et la société Rousset sera condamnée à payer à [L] [J] la somme forfaitaire prévue à l'article L.8223-1 précité d'un montant de 32.232,04 € [(2.200 € bruts de salaire de base x 6) + les heures supplémentaires accomplies au cours des 6 derniers mois soit 19.032,04 €)] et le jugement sera infirmé de ce chef.

3) Sur les demandes de dommages-intérêts :

[L] [J] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes de dommages-intérêts d'un montant de 5.000 € pour le préjudice subi du fait du défaut de paiement des heures dues et de 5.000 € pour le préjudice subi du non respect des temps de repos journaliers et hebdomadaires obligatoires.

La société intimée ne conclut pas sur ce point.

[L] [J] ne justifie nullement du 'préjudice important' allégué qui serait en lien avec le défaut de paiement des heures supplémentaires puisqu'il ne produit aucune pièce sur sa situation financière et sociale en 2017 et il sera débouté de sa demande de ce chef, le jugement étant confirmé sur ce point.

S'agissant du repos hebdomadaire obligatoires, l'article 21 de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants applicable prévoit que : 'Dans les établissements saisonniers (et pour les salariés sous contrat saisonnier des établissements permanents) les deux jours de repos hebdomadaire seront attribués aux salariés dans les conditions suivantes :

a) Un repos minimum hebdomadaire de un jour (étant entendu que l'article L.221-22 du code du travail concernant la suspension du repos hebdomadaire deux fois au plus par mois sans que le nombre de ces suspensions soit supérieur à trois par saison est applicable).

b) Les deux demi-journées de repos hebdomadaire supplémentaires peuvent être différées et reportées à concurrence de quatre jours par mois par journée entière ou par demi-journée.

La demi-journée travaillée ne peut excéder 5 heures consécutives avec une amplitude maximale de 6 heures.

Le repos non pris devra être compensé au plus tard à la fin de la saison par journée entière.

Les jours découlant de l'application du paragraphe a et les demi-journées de repos non pris dans le cadre de la saison par un système quelconque de report donnent lieu à une compensation soit en temps, soit en rémunération enfin de saison.'

En outre, s'agissant du temps de repos entre deux jours de travail, il est conventionnellement prévu :

'4. Temps de repos entre deux jours de travail

Le temps de repos entre deux jours de travail est fixé pour l'ensemble du personnel à 11 heures consécutives et 12 heures consécutives pour les jeunes de moins de 18 ans.

Le temps de repos entre 2 journées de travail peut être ramené à 10 heures dans les conditions suivantes :

4.1. Champ de la dérogation :

a) Sont concernés par la dérogation :

- les salariés des établissements saisonniers ;

- les salariés titulaires d'un contrat saisonnier dans les établissements permanents ;

- les salariés des établissements des communes qui bénéficient d'un fonds d'action locale touristique (2) ;

- ou qui ont été désignées par la commission décentralisée.

b) Parmi ces personnels, seuls peuvent être visés par la dérogation les salariés logés par l'employeur ou résidant dans un périmètre tel que le temps consacré au trajet aller retour n'excède pas une demi-heure.

c) En revanche, en sont exclus les jeunes travailleurs pour lesquels les dispositions de l'article L. 213-9 du code du travail s 'appliquent.

4.2. Conditions et contreparties de la dérogation

- la dérogation ouvre droit à l'attribution, au bénéfice du salarié concerné, d'un repos compensateur de 20 minutes chaque fois qu'il y est recouru,

- ce temps de repos cumulable doit être pris au plus tard dans le mais suivant

l'ouverture du droit. Le temps de repos non attribué au terme de ce délai est payé ;

- lorsque, dans une même semaine, l'employeur a eu recours trois fois à la dérogation, il ne peut user de la possibilité de suspendre dans sa totalité le repos hebdomadaire'.

Or, il a été vu dans les motifs qui précèdent que, hormis quelques rares demi-journées de repos, [L] [J] a travaillé 7 jours sur 7 durant la saison 2017 avec une amplitude pouvant aller jusqu'à plus de 13 heures de travail par jour, et plus de 90 heures par semaine en juillet et août, ce qui démontre le non respect des dispositions conventionnelles précitées.

Cependant, il incombe au salarié qui invoque le non respect par l'employeur des temps de repos obligatoires de démontrer l'existence et l'étendue du préjudice subi, ce que l'appelant ne fait pas puisqu'il se borne à invoquer un 'préjudice nécessaire' inopérant.

Il sera, par conséquent, débouté de sa demande de dommages-intérêts et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée :

[L] [J] conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de requalification du contrat saisonnier à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et demande à la cour d'accueillir sa prétention, de dire que la rupture du contrat au 30 septembre 2017 doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner l'employeur à lui payer diverses sommes au titre de la rupture abusive.

La société intimée conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

Contrairement à ce que soutient à tort l'appelant, le fait que les exemplaires des contrats de travail de 2013, 2014 et 2017 qui lui ont été remis par son employeur n'aient pas été signé par ce dernier n'équivaut pas à une absence d'écrit dès lors que les contrats conservés par l'employeur sont revêtus des signatures et des paraphes des deux parties.

Ce moyen sera par conséquent rejeté.

L'article L.1242-2-3° du code du travail autorise le recours au contrat à durée déterminée pour pourvoir des emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Dès lors qu'il résulte des motifs qui précèdent que [L] [J] a été engagé par la Sarl Bar du Soleil, devenue la Sarl Rousset, durant les seules périodes d'ouverture de l'établissement au public à savoir de fin mars/début avril au 30 septembre de chaque année, il ne peut soutenir avoir occupé un poste lié à l'activité permanente de l'entreprise.

Ce moyen sera par conséquent rejeté.

[L] [J] sera débouté de sa demande de requalification du CDD en CDI ainsi que de toutes ses demandes subséquentes et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle de la Sarl Rousset :

La société intimée, formant appel incident, conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande indemnitaire de 3.000 € pour dénigrement.

Cependant, dès lors que la cour a reconnu le bien fondé d'une partie des prétentions formées par [L] [J] en cause en appel (non paiement des heures supplémentaires effectuées et travail dissimulé), la société Rousset ne peut qu'être déboutée de cette demande.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes :

Les créances de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de la demande (soit à compter de la date de réception de sa convocation devant le bureau de conciliation), et les sommes à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt.

Il sera fait droit à la demande de remise des documents sociaux, sans que l'astreinte soit nécessaire.

La société Rousset qui succombe, sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à [L] [J] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement ;

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté [L] [J] de sa demande de rappel de salaire des années 2015 et 2016 pour défaut de reprise d'ancienneté, de sa demande au titre des heures supplémentaires de la saison 2016, de ses demandes de dommages-intérêts pour défaut de paiement des salaires et non respect des temps de repos journaliers et hebdomadaires ainsi que de sa demande de requalification du contrat saisonnier à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de toutes ses demandes subséquentes ;

Statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés ;

Dit que la Sarl Bar du Soleil devenue la Sarl Rousset a manqué à ses obligations envers [L] [J] pour le règlement de ses heures supplémentaires et a engagé sa responsabilité envers ce dernier pour travail dissimulé ;

Condamne la Sarl Bar du Soleil devenue la Sarl Rousset à payer à [L] [J] les sommes suivantes :

$gt; 19.032,04 € bruts au titre des heures supplémentaires accomplies au cours de la période du 1er avril 2017 au 30 septembre 2017,

$gt; 1.903,20 € bruts au titre des congés payés y afférents,

$gt; 32.232,04 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire à compter du présent arrêt ;

Dit que la Sarl Bar du Soleil devenue la Sarl Rousset devra transmettre à [L] [J] dans le délai de deux mois suivant la signification de la présente décision un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes ainsi qu'un bulletin de salaire récapitulatif ;

Déboute [L] [J] de sa demande d'astreinte ;

Condamne la Sarl Bar du Soleil devenue la Sarl Rousset aux entiers dépens de première instance et d'appel, et à payer à [L] [J] la somme de 2.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18/01284
Date de la décision : 11/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-11;18.01284 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award