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11/05/2022 | FRANCE | N°18/01278

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 11 mai 2022, 18/01278


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre sociale



ARRET DU 11 MAI 2022





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/01278 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N6BN



ARRET N°





Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 NOVEMBRE 2018

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE - N° RG F 26/11/2018







APPELANT :



Monsieur [K] [P]

né le 11 Novem

bre 1966 à [Localité 6] (Maroc)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représenté par Me Annabelle LACOMBE de l'AARPI LACOMBE-LAREDJ, avocat au barreau de CARCASSONNE substituée par Me Magali PEYROT, avocat de...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 11 MAI 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/01278 - N° Portalis DBVK-V-B7C-N6BN

ARRET N°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 NOVEMBRE 2018

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE - N° RG F 26/11/2018

APPELANT :

Monsieur [K] [P]

né le 11 Novembre 1966 à [Localité 6] (Maroc)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Annabelle LACOMBE de l'AARPI LACOMBE-LAREDJ, avocat au barreau de CARCASSONNE substituée par Me Magali PEYROT, avocat de TOULOUSE

INTIMEE :

SAS ENGIE HOME SERVICES

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Michèle TISSEYRE de la SCP TISSEYRE AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Cécile BERTOLDI, avocat au barreau de MARSEILLE

Ordonnance de clôture du 14 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 MARS 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Madame Isabelle MARTINEZ, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par Mme Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

**

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [K] [P] a été engagé le 5 septembre 2001 par la société Cgst Save devenue la sas Engie Home Services en qualité de technicien.

Le 18 mai 2009, le salarié a été promu chef d'équipe, niveauI II, échelon 3, coefficient 240.

Il a fait l'objet des sanctions suivantes :

-le 23 juin 2015, mise à pied disciplinaire de 3 jours ;

-le 19 novembre 2015, avertissement ;

-le 21 décembre 2015, mise à pied disciplinaire d'un jour.

Contestant ces sanctions et imputant à l'employeur divers manquements (modification du contrat, inégalité de traitement, harcèlement moral), Monsieur [K] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Carcassonne lequel, par jugement du 26 novembre 2018, a déclaré irrecevables les pièces n°51,71,72 et 75 produites par Monsieur [K] [P] pour avoir été obtenues de manière déloyale, a ordonné à la sas Engie Home Services de réaffecter Monsieur [K] [P] à son poste de chef d'équipe à hauteur de 100% de son temps de travail sous astreinte de 10€ par jour de retard à compter de trois jours pleins après la signification du jugement, a condamné ladite société à lui payer la somme de750€, a statué sur les intérêts au taux légal et a débouté les parties de leurs autres demandes.

C'est le jugement dont Monsieur [K] [P] a interjeté appel en ce qu'il a statué sur l'irrecevabilité des pièces et a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions de Monsieur [K] [P] régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 11 février 2022.

Vu les dernières conclusions de la sas Engie Home Services régulièrement notifiées et déposées au RPVA le 7 février 2022 puis celles notifiées et déposées au RPVA le 16 février 2022 avec une demande de rabat de l'ordonnance de clôture.

Pour l'exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

Vu l'ordonnance de clôture du 14 février 2022.

SUR CE

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture

La sas Engie Home Services demande dans ses écritures notifiées et déposées le 16 février 2022 de révoquer l'ordonnance de clôture et de la recevoir en ses nouvelles écritures du même jour accompagnées des pièces nouvelles n°93 à 95.

Par lettre du 17 février 2022, dont il a réitéré les termes lors de l'audience, Monsieur [K] [P] a déclaré s'opposer à la révocation de l'ordonnance de clôture et a demandé à la cour d'écarter les conclusions de la sas Engie Home Services du 16 février 2022 ainsi que les nouvelles pièces n°93 à 95 de l'intimée.

Les parties avaient conclu respectivement le 15 décembre 2020 pour l'appelant et le 26 avril 2019 pour l'intimée. Or, alors qu'elles avaient été avisées dès le 25 novembre 2021 de la fixation de l'affaire à l'audience du 7 mars 2022 et que l'ordonnance de clôture serait rendue le 14 février 2022, la sas Engie Home Services a attendu le vendredi 7 février 2022 pour notifier et déposer de nouvelles conclusions ' récapitulatives et responsives' obligeant ainsi l'appelant à notifier et déposer le lundi 11 février 2022 des conclusions 'responsives et récapitulatives n°2".

Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à l'appelant d'avoir conclu tardivement le 11 février 2022 soit trois jours avant l'ordonnance de clôture puisque lesdites conclusions ne visaient que répliquer aux conclusions de l'intimée.

Il n'existe donc pas de cause grave qui justifierait la révocation de l'ordonnance de clôture. Les conclusions de la sas Engie Home Services du 16 février 2022 seront écartées ainsi que ses nouvelles pièces n°93 à 95.

Sur l'irrecevabilité des pièces

La sas Engie Home Services ne saurait valablement demander à la cour de déclarer irrecevables plusieurs pièces de l'appelant sans démontrer les conditions déloyales de leur obtention. Au surplus, ces pièces sont sans incidence sur la solution du litige. Le jugement sera réformé sur ce point.

Sur le fond

Sur les sanctions disciplinaires

La mise à pied disciplinaire du 23 juin 2015 repose sur des faits dont la matérialité est démontrée par l'employeur en ce que Monsieur [K] [P], qui avait personnellement constaté le 9 avril 2015 sur l'un des véhicules de l'entreprise un point à corriger au niveau de l'usure des pneumatiques, n'avait cependant pas pris les mesures pour y rémédier immédiatement, comme par exemple la prise sans délai d'un rendez-vous chez le garagiste, alors pourtant qu'il résultait de sa propre fiche de poste qu'une telle initiative lui incombait. En laissant l'un de ses collègues conduire ce véhicule dans de telles conditions, au point d'aillleurs que quelques jours plus tard ce véhicule avaitfait l'objet d'une contravention et d'une immobilisation par les forces de l'ordre en raison de l'état des pneumatiques, Monsieur [K] [P] avait fait courir un risque pour la sécurité du conducteur du véhicule et causé un préjudice à l'entreprise laquelle avait dû s'acquitter de la contravention, subir l'immobilisation du véhicule et engager des frais de remorquage.Ces faits personnellement imputables à Monsieur [K] [P] justifiaient la sanction de la mise à pied disciplinaire de trois jours laquelle était proportionnée à la faute commise.

L'avertissement du 19 novembre 2015 repose sur des faits suffisamment précis pour être matériellement vérifiables. Leur commission est démontrée par les témoignages et les plannings produits par l'employeur en ce que Monsieur [K] [P] avait commis jusqu'en octobre 2015 plusieurs erreurs de

programmation ou de référencement des pièces pour les techniciens ne répondant pas ainsi à sa fonction de support d'équipe. Ces faits personnellement imputables à Monsieur [K] [P] en sa qualité de chef d'équipe,justifiaient à eux seuls par leur répétition la sanction de l'avertissement lequel était proportionné à la faute commise.

La mise à pied disciplinaire du 21 décembre 2015 repose elle aussi sur des faits dont la matérialité est avérée tant par le témoignage de Monsieur [L] que celui de Monsieur [G] en ce que le 5 novembre 2015, Monsieur [K] [P] avait refusé catégoriquement et sur un ton irrespectueux d'obéir à son responsable d'agence (Monsieur [L]) et en ce que le 6 novembre 2015, quand son supérieur (Monsieur [G]) lui avait demandé de s'expliquer sur son comportement de la veille avec le responsable d'agence,il s'était emporté et avait outragé ce supérieur. Ces faits personnellement imputables à Monsieur [K] [P] justifiaient la sanction de la mise à pied disciplinaire laquelle était proportionnée à la faute commise.

En présence de faits fautifs matériellement établis qui justifiaient tous les sanctions prononcées, Monsieur [K] [P] est mal fondé à invoquer des mesures de représailles à son encontre soit en raison de son appartenance syndicale soit au motif que Monsieur [K] [P] aurait dénoncé le comportement d'une salariée de l'entreprise avec laquelle son supérieur aurait eu une liaison.

Sur la modification du contrat

Monsieur [K] [P] soutient qu'il avait subi une modification unilatérale de son contrat de travail en ce que progressivement il s'était vu retirer des fonctions importantes afférentes au poste de chef d'équipe telles que l'embauche des techniciens ou encore celle des programmations des visites. Il ajoute qu'il avait reçu l'ordre de ne consacrer que 50% puis 60% de son temps de travail aux fonctions de chef d'équipe et qu'en réalité, il avait été rétrogradé aux fonctions de technicien.

Si la sas Engie Home Services conteste une telle rétrogradation, force est cependant de constater que par des mails du 8 juin 2015 et du 1er avril 2016, son supérieur lui avait imposé d'effectuer durablement des tâches de technicien à côté de celles de chef d'équipe ce que la sas Engie Home Services reconnaît dans ses écritures d'intimée. En agissant ainsi et sans qu'il ne soit besoin d'examiner plus avant l'argumentation du salarié, l'employeur n'avait pas fait que procéder à une simple modification des conditions de travail mais avait en réalité modifié le contrat en sorte que sur ce point le jugement sera confirmé.

Sur les salaires

C'est à tort que Monsieur [K] [P] qui exerçait les fonctions de chef d'équipe compare sa situation salariale avec celle de Madame [A] alors que cette dernière exerçait les fonctions de chef d'agence lesquelles, pour être voisines de celles de Monsieur [K] [P],n'étaient pas pour autant totalement comparables ni identiques puisque Madame [A] occupait des missions commerciales et des responsabilités d'exploitation de l'agence que n'occupait pas Monsieur [K] [P] dont la nature des missions était davantage tournée vers la programmation du travail des techniciens et qui au surplus se trouvait au-dessous de Madame [A] qui était la seule responsable de l'agence. Sur ce dernier point, il n'est pas inutile de relever que Monsieur [K] [P] reconnait que le chef d'agence était bien son superieur puisque, comme il sera vu plus loin au titre du harcèlement moral, il invoque l'absence de versement de la prime spécificique pour le remplacement de son supérieur en l'espèce le chef d'agence. Les comparaisons salariales auxquelles il se livre sont donc inopérantes.

De même, la comparaison de sa rémunération avec celle des techniciens est inopérante puisque les fonctions étaient différentes, que ces techniciens avaient un coefficient inférieur et qu'ils percevaient une rémunération inférieure à la sienne.

L'absence de revalorisation de coefficient s'explique par le fait que le salarié avait continué à occuper l'emploi de chef d'équipe, qu'il n'avait pas été privé d'une augmentation fondée uniquement sur l'ancienneté et qu'il n'est ni allégué ni démontré que d'autres salariés auraient bénéficié d'une augmentation salariale qui lui aurait été refusée.

Pour le surplus de sa réclamation, Monsieur [K] [P] ne produit aucun élément de comparaison avec la rémunération d'autres chefs d'équipe se trouvant dans une situation identique ou comparable à la sienne.

Sur la prime, la cour fait siens les motifs des premiers juges sur la vente importante réalisée personnellement par Madame [A], cette circonstance expliquant objectivement et à elle seule la différence de versement de cette prime entre sa collègue de travail et lui.

Sur le harcèlement moral

Monsieur [K] [P] cite au titre des agissements répétés qu'il impute à l'employeur plusieurs faits dont la cour a dit qu'ils n'étaient pas constitutifs d'un manquement de l'employeur: les sanctions disciplinaires, les différences salariales et l'absence de la prime commerciale.

En revanche, la modification unilatérale du contrat a été constatée par la cour.

Il ajoute les agissements suivants :

-le non versement de la prime spécifique pour remplacement temporaire d'un supérieur hiérarchique. Il produit l'attestation de Monsieur [X] qui rapporte que ce type de prime existait dans l'entreprise, que Monsieur [K] [P] avait bien remplacé temporairement son chef d'agence et que cette prime ne lui avait pas été versée en raison de l'opposition de son directeur opérationnel de secteur, Monsieur [G] ;

-l'incitation de la nouvelle secrétaire à se liguer contre lui de la part de ses supérieurs. Il produit, d'une part, la lettre qu'il avait adressée le 7 novembre 2015 à ses supérieurs pour les alerter sur le comportement de la sécrétaire de l'agence de [Localité 5] laquelle, selon lui avec l'accord du responsable d'agence, refusait de répondre à ses instructions ou ne les prenait pas en compte, modifiait ses programmations et faisait preuve de mutisme à son égard. Dans cette lettre, il ajoutait que son chef d'agence lui accordait une attention excessive, qu'il était le seul à subir ces tracasseries et humiliations. Il produit, d'autre part, une lettre adressée le 14 décembre 2015 à l'employeur par l'inspection du travail quant aux agissements dénoncés par le salarié ;

-l'emploi de termes qualifiés par lui de 'peu respectueux' à son égard destinés à le faire craquer et l'humilier. Il produit un courriel du 9 juillet 2015 échangé entre Monsieur [G] et Monsieur [L] dans lequel le second écrit au premier au sujet de Monsieur [K] [P] ' il s'est même planifié quand il est mis à pied 9 juillet quel homme !!!' ;

-le refus de lui accorder des congés alors que les techniciens avaient été autorisés à les prendre pendant la même période de chauffe. Il produit les demandes d'absence avec le refus de l'employeur le concernant motivé par 'la désorganisation pendant la période de chauffe' et les acceptations pour les techniciens ;

-l'existence de menaces de représailles de la part de l'employeur pour avoir agi en justice. Il produit une lettre du 27 juin 2018 que son avocat avait adressée en ce sens à l'avocat de l'employeur et dans laquelle l'avocat de Monsieur [K] [P] dénonçait les agissements de l'employeur ;

-le comportement qu'il qualifie de 'condescendant et humiliant' de la part de ses supérieurs. Il produit le couuriel qu'il avait adressé le 20 mars 2020 à son directeur régional pour dénoncer les propos tenus par Monsieur [G] et la réponse faite le même jour par son directeur régional lui reprochant son manque de solidarité contrairement aux autres chefs d'équipe. Il verse encore aux débats le témoignage d'un ancien salarié, Monsieur [M], licencié pour inaptitude en septembre 2016 et mettant en cause le comportement de Monsieur [G] dans l'agence de [Localité 5]. Ce témoignage fait référence au suicide d'un chef d'équipe ayant travaillé avec Monsieur [G] ;

-la notification d'une nouvelle mise à pied disciplinaire de cinq jours, le 29 septembre 2020, pour une mauvaise qualité de sa visiste de conformité des installations chez un client et plusieurs non conformités. Outre cette lettre de notification, il produit sa lettre en réponse adressée à l'employeur le 25 octobre 2020 pour contester les faits. Il verse aussi un formulaire non daté ni signé dans lequel son licenciement était envisagé ;

-des propos racistes le visant de la part de Monsieur [H], directeur d'agence de [Localité 7]. Il produit les témoignages de deux anciens salariés rapportant que Monsieur [H] avait parlé de Monsieur [P] en ces termes'Ce sale bicot, je l'ai viré, cet arabe de merde' (témoignage de Monsieur [S]) ou avait conseillé de ne pas adresser la parole à Monsieur [P] en raison de son représentation syndicale Cgt;

- plusieurs arrêts de travail et prolongations pour maladie ordinaire entre novembre 2015 et octobre 2016. Ces documents ne portent aucune indication de la pathologie à l'exclusion de la prolongation du 1er octobre 2016 qui indique ' état anxio dépressif important';

- des certificats médicaux du 4 décembre 2015 et du 28 juillet 2016 indiquant pour le premier ' état anxio dépressif évoluant depuis le 6/11/2015" et pour le second 'suivre Mr [P] [K] depuis le mois de novembre 2015 et ce suite à une souffrance psychique liée au contexte professionnel et qui a nécessité un arrêt de travail prolongé ';

Ces éléments pris dans leur ensemble laissent présumer une situation de harcèlement moral.

La sas Engie Home Services réplique que les congés étaient pris régulièrement par Monsieur [K] [P], qu'effectivement, elle avait refusé une demande de congés à son salarié entre le 9 novembre 2013 et le 13 novembre 2013 au motif de la désorganisation engendrée en début de période de chauffe, qu'aucun salarié ne disposait d'un droit à partir en congé quand il le voulait, cette autorisation étant la prérogative de l'employeur. Elle produit l'extrait de son logiciel avec le compteur de ses jours de congés attestant de la prise régulière de congés ou de repos en 2014 et 2015.

La cour constate que Monsieur [K] [P] ne saurait tirer argument de ce que l'employeur lui avait refusé une fois une autorisation de congés du 9 novembre 2015 au 13 novembre 2015 alors qu'il est établi que par ailleurs il prenait ses congés régulièrement et qu'il n'est pas allégué ni étayé que l'employeur aurait eu pour habitude de refuser les congés aux dates sollicitées par Monsieur [K] [P]. Si les techniciens avaient pu prendre des congés en septembre, octobre, novembre et décembre 2015, l'employeur pouvait légitimement considérer qu'il était nécessaire que le chef d'équipe assure une continuité du service, tous les salariés d'une même agence ne pouvant pas prendre leurs congés en même temps.

Cet agissement de la sas Engie Home Services est donc justifié par un élement objectif étranger à tout harcèlement moral.

S'agissant des prétendus propos racistes de Monsieur [H] ou tenus en considération de l'appartenance syndicale, il convient de relever que la sas Engie Home Services produit une multitude de témoignages contredisant l'existence de tels propos.

Cet agissement imputé à l'employeur sera écarté.

La sas Engie Home Services considère ensuite que ni le remplacement d'un supérieur hiérarchique ni le versement d'une prime à ce titre n'étaient établis. Elle ajoute que pendant la période de latence entre le départ de Monsieur [T] et l'arrivée de Monsieur [L], c'est Monsieur [B] qui avait assuré l'interim.

Toutefois, la cour constate que la sas Engie Home Services ne produit aucun justificatif comme par exemple une note de service, un organigramme ou encore des échanges de courriers démontrant que c'est Monsieur [B] qui avait été chargé de cet interim et non Monsieur [K] [P] comme rapporté par le témoin [X]. Elle ne produit pas davantage de pièces telles que des témoignages ou des éléments comptables établissant l'absence de primes de remplacement dans l'entreprise alors au contraire que Monsieur [X] affirme le contraire.

En conséquence, il sera retenu que l'employeur ne justifie pas le motif objectif du non versement à Monsieur [K] [P] de la prime de remplacement.

La sas Engie Home Services fait valoir ensuite qu'il n'était apporté aucune preuve du prétendu comportement hostile de la part de la secrétaire, laquelle de surcroît ne travaillait pas sous les ordres de Monsieur [K] [P] et qu'il était 'cocasse' de voir ce dernier dénoncer le non respect de consignes alors qu'il avait déjà été sanctionné pour un tel motif.

Toutefois, la cour constate, d'une part, que l'employeur avait été rendu destinataire des doléances de Monsieur [K] [P] tant à l'encontre de ses supérieurs que de la secrétaire et que, d'autre part, ces doléances avaient été décrites par le salarié dans des termes tels qu'ils ne laissaient à l'employeur aucun doute sur leur éventuelle qualification de harcèlement moral.Or, la sas Engie Home Services ne justifie par aucune de ses pièces les mesures qu'elle aurait décidées en vue de vérifier la matérialité des faits et le cas échéant y mettre un terme. La circonstance tirée de ce que Monsieur [K] [P] avait été lui-même sanctionné pour des fautes commises est inopérant à excuser ou justifier la carence de l'employeur dans la vérification des faits dont Monsieur [K] [P] avait pu être la victime.

La sas Engie Home Services fait valoir que le formulaire de licenciement produit par Monsieur [K] [P] concernait des faits qu'elle avait finalement préféré sanctionner de la mise à pied du 29 septembre 2020 ce qui au vu de la chronologie des évènements apparaît plausible. Toutefois, alors que Monsieur [K] [P] invoque cette mise à pied comme étant l'un des agissements constitutifs du harcèlement moral et qu'il avait contesté cette sanction, la cour constate que, même si le salarié ne poursuit pas l'annulation de cette sanction, la sas Engie Home Services ne fournit aucun justificatif de la matérialité des faits sanctionnés ni ne renvoie dans ses écritures à la moindre pièce s'y rapportant ni même n'indique avoir répondu à la contestation de son salarié.

Il sera donc retenu que la sas Engie Home Services ne justifie pas le motif objectif pour laquelle elle avait prononcé la sanction disciplinaire du 29 septembre 2020.

Ainsi, en modifiant unilatéralement le contrat de travail de Monsieur [K] [P], en ne lui versant pas la prime de remplacement, en ne procédant pas à la vérification des faits que le salarié lui avait pourtant dénoncés dans des termes non équivoques et en le sanctionnant le 29 septembre 2020 d'une mise à pied disciplinaire de cinq jours sans raison objective avérée, la sas Engie Home Services avait commis des agissements répétés constitutifs de harcèlement moral. Le préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme de 5000€ à titre de dommages et intérêts.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

l'équité commande de condamner la sas Engie Home Services à payer à Monsieur [K] [P] la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture du 14 février 2022.

En conséquence, écarte les conclusions de la sas Engie Home Services du 16 février 2022 ainsi que ses nouvelles pièces n° 93 à 95.

Réforme le jugement du conseil de prud'hommes de Carcassonne du 26 novembre 2018 en ce qu'il a statué sur l'irrecevabilité des pièces, sur le harcèlement moral et sur l'article 10 du décret du 8 mars 2001.

Statuant à nouveau sur ces points réformés.

Déclare recevables toutes les pièces de Monsieur [K] [P] telles que visées dans son bordereau annexé à ses conclusions du 11 février 2022.

Condamne la sas Engie Home Services à payer à Monsieur [K] [P] la somme de 5000€ à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions et y ajoutant condamne la sas Engie Home Services à payer à Monsieur [K] [P] la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

Condamne la sas Engie Home Services aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18/01278
Date de la décision : 11/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-11;18.01278 ?
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