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11/05/2022 | FRANCE | N°18/00268

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1re chambre sociale, 11 mai 2022, 18/00268


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



1re chambre sociale



ARRET DU 11 MAI 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/00268 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NSHM



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 23 JANVIER 2018

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER - N° RG 15/01267





APPELANTE :



SAS RANDSTAD représentée par son représentant légal domicilié es qualité a

u siège social sis

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Maître Cyrille AUCHE de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Maître Fabienne MIOLANE...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 11 MAI 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 18/00268 - N° Portalis DBVK-V-B7C-NSHM

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 23 JANVIER 2018

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER - N° RG 15/01267

APPELANTE :

SAS RANDSTAD représentée par son représentant légal domicilié es qualité au siège social sis

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Maître Cyrille AUCHE de la SCP VERBATEAM MONTPELLIER, avocat postulant au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Maître Fabienne MIOLANE de la SELARL REQUET CHABANEL, avocat plaidant au barreau de LYON

INTIMES :

Monsieur [V] [M] né le 26 Septembre 1988 à Maroc

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Maître Ratiba OGBI, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Maître DE MORTILLET Nathalie, avocat au barreau de MONTPELLIER

EIFFAGE ENERGIE THERMIE MEDITERRANEE SASU

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Maître Emily APOLLIS de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS - AVOCATS ASSOCIES, avocat

postulant au barreau de MONTPELLIER et Maître Karine BENDAYAN, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

Ordonnance de clôture du 22 Septembre 2021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 MARS 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline CHICLET, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Georges LEROUX, Président de chambre

Madame Caroline CHICLET, Conseiller

Madame Florence FERRANET, Conseiller

Greffière, lors des débats : Madame Isabelle CONSTANT

ARRET :

- Contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Georges LEROUX, Président de chambre, et par Madame Isabelle CONSTANT, Greffière.

*

**

EXPOSE DU LITIGE :

[V] [M] a été mis à disposition de la société Eiffage Energie Thermie Méditerranée par la Sas Randstad, entreprise de travail temporaire, entre le 3 janvier 2011 et le 24 avril 2015 en qualité de plombier-chauffagiste dans le cadre de plusieurs contrats de mission.

Invoquant l'irrégularité des contrats de mission, [V] [M] a saisi le conseil des prud'hommes de Montpellier le 1er septembre 2015 pour voir requalifier les contrats de mission en contrat à durée indéterminée, voir juger que le terme du dernier contrat doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir la réparation de ses préjudices ainsi que l'application de ses droits.

Par jugement rendu en formation de départage le 23 janvier 2018, ce conseil a :

- dit qu'un contrat de travail à durée indéterminée liait [V] [M] et la Snc Eiffage Thermie Méditerranée à effet au 3 janvier 2011, la rupture du 24 avril 2015 devant être qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la Snc Eiffage et la Sas Randstad in solidum à payer à [V] [M] les sommes suivantes :

$gt; 3.000 € nets à titre d'indemnité de requalification,

$gt; 1.182,30 € à titre d'indemnité de licenciement,

$gt; 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

$gt; 3.268,88 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

$gt; 326,88 € au titre des congés payés y afférents,

- rappelé que les condamnations bénéficient de l'exécution provisoire de droit dans les conditions prévues aux articles R.1454-14 et R.1454-28 du code du travail et ont été prononcées sur la base d'un salaire mensuel moyen de 1.634,44 € ;

- condamné la Snc Eiffage et la Sas Randstad in solidum aux dépens et à payer à [V] [M] la somme de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de toute autre demande plus ample ou contraire.

La Sas Randstad et la Sas Eiffage Energie Thermie Méditerranée ont relevé appel de tous les chefs de ce jugement respectivement le 8 mars 2018 et le 12 mars 2018.

Ces deux appels ont été joints sous le numéro RG 18.268 par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 31 août 2020.

Vu les dernières conclusions de la Sas Randstad remises au greffe le 21 septembre 2021 ;

Vu les conclusions de la Sas Eiffage Energie Thermie Méditerranée remises au greffe le 12 juin 2018 ;

Vu les dernières conclusions de [V] [M], appelant à titre incident, remises au greffe le 21 juillet 2021;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 22 septembre 2021;

Par arrêt avant dire droit du 8 décembre 2021, la cour d'appel de Montpellier a ordonné la réouverture des débats sans révocation de la clôture à l'audience du mardi 15 mars 2022 à 14h00 pour permettre, avant le 31 janvier 2022 :

- à la société Randstad de produire les originaux de tous les contrats de mission dont la signature est déniée par [V] [M],

- à chacune des parties de produire les exemplaires de signature d'[V] [M] contemporains de la date des contrats litigieux et de préférence en original,

- réservé toutes les autres demandes des parties incluant celles relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

A l'audience du 15 mars 2022, les parties ont produit les pièces réclamées.

MOTIFS :

Sur la demande de requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée :

1) Sur la demande de requalification à l'égard de l'entreprise utilisatrice :

La société Eiffage conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a requalifié les contrats de mission en CDI à compter du 3 janvier 2011 et demande à la cour de rejeter les prétentions en ce sens d'[V] [M] en faisant valoir que les missions ne se sont pas succédées sur la période et ont été entrecoupées de longues périodes d'interruption et qu'elles ont concerné des tâches et des postes de travail différents et temporaires.

[V] [M] conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

Selon l'article L.1251-40 du code du travail dans sa version antérieure au 24 septembre 2017 « Lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission ».

Et il résulte des articles L.1251-5 et L.1251-6, dans sa version antérieure à la loi du 6 août 2015, que la possibilité donnée à l'entreprise utilisatrice de recourir à des contrats de missions successifs avec le même salarié intérimaire pour remplacer un ou des salariés absents ou pour faire face à un accroissement temporaire d'activité ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente.

L'entreprise utilisatrice ne peut donc recourir de façon systématique aux missions d'intérim pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre.

En outre, il incombe à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat en cas de contestation du salarié.

En l'espèce, outre que la société Eiffage ne justifie pas de l'accroissement temporaire d'activité invoqué dans les contrats et leurs renouvellements du 3 janvier 2011 au 28 octobre 2011, du 24 septembre 2012 au 29 novembre 2013 et du 25 août 2014 au 25 avril 2015, alors que ce motif est pourtant contesté par [V] [M], ce qui constitue un premier manquement justifiant à lui seul la requalification, il résulte, en outre, de la multitude des contrats de mission et avenants conclus entre le 3 janvier 2011 et le 30 mars 2015 que durant plus de quatre années consécutives, et quel que soit le motif du contrat de mission (salarié absent ou accroissement temporaire d'activité), le salarié a occupé au sein de la société Eiffage Energie Thermie le même emploi de plombier chauffagiste, niveau N3P1 et coefficient 210.

Il importe peu, contrairement à ce que soutient à tort l'appelante, que la nature exacte des tâches qui lui ont ensuite été confiées dans le cadre des divers chantiers en cours aient été variables et variées dès lors celles-ci étaient toutes en rapport avec l'emploi de plombier-chauffagiste pour lequel il avait été recruté (tirage de réseaux cuivre et pose de sanitaires, pose d'équipement sanitaires et VMC, travaux de soudure et de raccordement, réseau PVC pluvial et pose de colliers, réalisation du bouclage d'eaux usées et de colonne d'évacuation etc).

De plus, même si certains de ces contrats ont été espacés de quelques semaines, correspondant aux périodes de congés annuels (entre le 5 août 2011 et le 11 septembre 2011, entre le 24 décembre 2011 et le 3 janvier 2012, entre le 28 avril 2012 et le 9 mai 2012, entre le 1er août 2012 et le 28 août 2012, entre le 22 décembre 2013 et le 7 janvier 2013 etc) l'entreprise utilisatrice a, régulièrement et à plusieurs reprises, méconnu le délai de carence entre les missions fondées sur un surcroît d'activité à compter du 24 septembre 2012 ce qui tend, de plus fort, à démontrer que le recours au travail temporaire était destiné, en réalité, à répondre à un besoin structurel de main d'oeuvre.

Il s'évince de l'ensemble de ces circonstances que l'emploi occupé par [V] [M] pendant plus de quatre ans n'était pas lié à des besoins ponctuels de l'entreprise mais était destiné à répondre durablement à son activité normale et permanente ce qui doit entraîner la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée à compter du 3 janvier 2011.

Contrairement à ce que soutient à tort l'appelante, le fait que le salarié ait refusé le contrat à durée indéterminée proposé par la société Eiffage le 25 septembre 2012 (cf attestation du directeur à la retraite, [D] [X]) ne justifie nullement les manquements imputables à l'entreprise utilisatrice ni ne suffit, en l'absence d'autres éléments concordants, à démontrer la mauvaise foi et l'intention frauduleuse d'[V] [M].

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a requalifié les contrats de mission en contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise utilisatrice à compter du 3 janvier 2011.

2) Sur la requalification à l'égard de l'entreprise de travail temporaire :

La société Randstad conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a requalifié les contrats de mission en contrat à durée indéterminée à son égard et demande à la cour de rejeter les prétentions en ce sens d'[V] [M] en soutenant que les missions confiées au salarié correspondaient à des tâches différentes et temporaires, qu'aucun délai de carence n'avait à être respecté puisque les postes occupés n'étaient pas identiques ou que le renouvellement était justifié par l'absence d'un salarié et qu'en tout état de cause, un tel manquement ne peut pas entraîner la requalification des contrats de mission en CDI. Elle conteste en outre les diverses irrégularités formelles dénoncées par le salarié.

[V] [M] conclut à la confirmation du jugement.

Sous réserve d'une intention frauduleuse du salarié, le non-respect par l'entreprise de travail temporaire de l'une des prescriptions des dispositions de l'article L.1251-16 du code du travail, lesquelles ont pour objet de garantir qu'ont été observées les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main d'oeuvre est interdite, implique la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée.

Ainsi, la signature d'un contrat écrit, imposée par la loi dans les rapports entre l'entreprise de travail temporaire et le salarié, étant destinée à garantir qu'ont été observées les diverses conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite, cette prescription étant d'ordre public, son omission entraîne à la demande du salarié la requalification en contrat de droit commun à durée indéterminée.

[V] [M] dénie la signature figurant sur les contrats produits par la société Randstad en soutenant que celle-ci 'est plus que suspecte', qu'elle 'diffère d'un contrat à l'autre' et 'semble avoir été imitée'.

Il résulte pourtant de la comparaison entre les exemplaires de signatures produits à savoir information reçue sur la dangerosité des travaux en hauteur signée le 27 février 2011, courrier d'[V] [M] à l'agence BTP Montpellier signé le 27 décembre 2011, déclaration d'authenticité à l'occasion de la remise de documents d'identité à l'agence BTP de Montpellier signée le 15 mars 2013 et carte nationale d'identité signée en septembre 2016 et les contrats de mission litigieux que les signatures figurant sur l'ensemble de ces documents sont en tout point similaires.

En effet, la cour retrouve pour chaque signature déniée, par rapport aux exemplaires produits :

- le même 'O' démarrant en haut à gauche et remontant vers la droite,

- les mêmes jambes du 'm' et le 'a' de [V], tous séparés du 'O',

- le même trait de retour, dans le prolongement du 'a', qui descend vers la gauche sur presque toute la longueur de la signature et qui forme deux petites boucles inversées en son centre et vers la fin,

- le même 'A' de Ait qui démarre en bas et à droite dans le 'O' puis remonte en penchant vers la droite avant de descendre vers la gauche en formant, le plus souvent, un angle aigu ou, plus rarement, une courbe (cf signature sur la déclaration d'authenticité) qui traverse le 'O', ce même trait effectuant ensuite un retour vers la droite qui traverse à nouveau le 'O' et souligne le 'm' et le 'a',

- la même orientation et présentation générale de la signature qui est ascendante vers la droite.

Les nuances constatées ici ou là (dimension plus ou moins grande, graphisme plus ou moins appliqué) sont infimes et non significatives de sorte que la cour, au vu de ce qui précède, décide de prendre en compte les contrats de mission signés produits par la société Randstad.

Contrairement à ce que soutient [V] [M], la totalité des contrats de mission produits par l'appelante jusqu'au 26 octobre 2013 comporte sa signature.

En outre, à compter du 27 octobre 2013, la société d'intérim justifie de la signature électronique des contrats tant par l'employeur que par le salarié jusqu'à la fin de la relation contractuelle de sorte que le moyen de requalification tiré de l'absence de contrat écrit sera rejeté.

L'article L.1251-16 oblige l'entreprise de travail temporaire à préciser les modalités de la rémunération due au salarié, y compris celles de l'indemnité de fin de mission prévue à l'article L. 1251-32, le nom et l'adresse de la caisse de retraite complémentaire et de l'organisme de prévoyance dont relève l'entreprise de travail temporaire ainsi que la mention selon laquelle l'embauche du salarié par l'entreprise utilisatrice à l'issue de la mission n'est pas interdite.

Or, chacun des contrats de mission produits aux débats par la société Randstad fait apparaître la mention de l'indemnité de fin de mission tant au recto du contrat (dans la case 'Informations') qu'au verso, dans le paragraphe IV des conditions générales, le nom et l'adresse de la caisse de retraite complémentaire et de l'organisme de prévoyance en bas du recto de chaque contrat ainsi que la mention selon laquelle l'embauche du salarié par l'entreprise utilisatrice à l'issue de la mission n'est pas interdite puisque celle-ci figure au paragraphe XIII des conditions générales énoncées au verso de chaque contrat.

Ces moyens, opposés par [V] [M], seront par conséquent rejetés comme infondés.

Par ailleurs, il résulte de l'article L. 1251-36 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, et de l'article L. 1251-37 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que l'entreprise de travail temporaire ne peut conclure avec un même salarié sur le même poste de travail, des contrats de missions successifs qu'à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l'un des motifs limitativement énumérés par le second de ces textes, au nombre desquels ne figure pas l'accroissement temporaire d'activité.

Ainsi qu'il a été dit précédemment, la lecture de la multitude des contrats de mission et de leur renouvellement produits aux débats montre que le salarié a occupé au sein de l'entreprise utilisatrice, entre le 3 janvier 2011 et le 30 mars 2015, soit durant plus de quatre années consécutives et quel que soit le motif du contrat de mission (salarié absent ou accroissement temporaire d'activité) le même poste de plombier chauffagiste, niveau N3P1 et coefficient 210.

Il importe peu, contrairement à ce que soutient à tort l'appelante, que la nature exacte des tâches qui lui ont ensuite été confiées dans le cadre des divers chantiers en cours chez Eiffage aient été variables et variées (tirage de réseaux cuivre et pose de sanitaires, pose d'équipement sanitaires et VMC, travaux de soudure et de raccordement, réseau PVC pluvial et pose de colliers, réalisation du bouclage d'eaux usées et de colonne d'évacuation etc) dès lors celles-ci étaient toutes inhérentes au poste de plombier-chauffagiste pour lequel il avait été recruté .

De plus, même si certains de ces contrats ont été espacés de quelques semaines, correspondant aux périodes de congés annuels (entre le 5 août 2011 et le 11 septembre 2011, entre le 24 décembre 2011 et le 3 janvier 2012, entre le 28 avril 2012 et le 9 mai 2012, entre le 1er août 2012 et le 28 août 2012, entre le 22 décembre 2013 et le 7 janvier 2013 etc), la cour constate que l'entreprise de travail temporaire a, régulièrement et à plusieurs reprises, méconnu le délai de carence entre les missions fondées sur un surcroît temporaire d'activité, contrairement à ce qu'elle soutient.

Ainsi, et à titre d'exemple, le délai de carence légal n'a pas été respecté entre le contrat pour accroissement temporaire d'activité du 10 septembre 2012 au 21 septembre 2012 inclus (soit 12 jours renouvellement inclus) et celui pour accroissement temporaire d'activité du 24 septembre 2012 puisqu'un délai de carence de 6 jours aurait dû être respecté, ce qui n'a pas été le cas.

Il en va de même du délai de carence entre le contrat pour accroissement temporaire d'activité du 24 septembre 2012 au 26 octobre 2012 (33 jours incluant le renouvellement) et celui pour accroissement temporaire d'activité du 29 octobre 2012 puisque le délai de carence aurait dû être de 11 jours, ce qui n'a pas été le cas.

Il en va de même entre le contrat pour accroissement temporaire d'activité du 7 octobre 2013 au 25 octobre 2013 inclus (soit 19 jours) et celui pour accroissement temporaire d'activité du 28 octobre 2013 puisque le délai de carence aurait dû être de 6 jours, ce qui n'a pas été le cas.

Et la cour retrouve d'autres violations similaires entre le contrat du 1er octobre 2014 au 31 octobre 2014 et celui du 3 novembre 2014 ainsi qu'entre le contrat du 3 novembre 2014 au 28 novembre 2014 et celui du 1er décembre 2014 etc.

Dès lors, la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée doit être prononcée, à l'égard de la société d'intérim, à compter du premier contrat irrégulier du 24 septembre 2012.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef sauf à dire que la requalification prend effet au 24 septembre 2012, et non au 3 janvier 2011, à l'égard de l'entreprise de travail temporaire.

Sur les conséquences pécuniaires de la requalification :

Le salarié, formant appel incident, demande à la cour de rectifier l'erreur matérielle affectant le jugement sur le montant de l'indemnité de requalification qu'il chiffre à 1.887,88 € et non à 3.000 € et de lui allouer :

$gt; 1.365 € à titre d'indemnité de licenciement,

$gt; 25.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

$gt; 4.267,76 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

$gt; 426,77 € bruts au titre des congés payés y afférents.

Les sociétés Randstad et Eiffage concluent à l'infirmation du jugement en ce qu'il les a condamnées solidairement à prendre en charge les conséquences de la rupture et en ce qu'il a mis l'indemnité de requalification à la charge de l'entreprise de travail temporaire et elles critiquent tous les quantum réclamés, le salaire de référence ne pouvant excéder la somme de 1.634,44 € bruts.

Les contrats de mission temporaires ayant été requalifiés en contrat à durée indéterminée, la rupture intervenue le 24 avril 2015 doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que l'a justement décidé le premier juge dont la décision sera confirmée sur ce point.

L'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice étant chacune responsable, par l'effet de leurs manquements respectifs, de la requalification des contrats de mission en CDI, elles doivent supporter, in solidum, les conséquences financières de la rupture, contrairement à ce qui est soutenu, à l'exception de l'indemnité de requalification dont l'entreprise utilisatrice est la seule débitrice.

Par application des dispositions de l'article L.1251-41 du code du travail, l'indemnité de requalification ne peut être inférieure à un mois de salaire et n'est due que par l'entreprise utilisatrice.

[V] [M] ne sollicite en appel que la somme de 1.887,88 €.

Les sociétés appelantes soutiennent que le salaire de référence ne peut excéder 1.634,44 €.

Il résulte de l'article L. 1245-2 du code du travail que le montant minimum de l'indemnité de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée est calculé selon la dernière moyenne de salaire mensuel.

En l'espèce, le salaire moyen mensuel des trois derniers mois précédant la rupture s'établit à la somme de 2.210,49 € bruts qui sera ramenée à celle de 1.887,88 € invoquée par le salarié et le jugement sera infirmé sur ce point.

La société Eiffage sera, par conséquent, condamnée à payer la somme de 1.887,88€ à titre d'indemnité de requalification et le jugement sera infirmé sur le quantum.

[V] [M] sera débouté de sa demande dirigée contre la société de travail temporaire.

Tenant l'ancienneté du salarié, supérieure à deux ans, il a droit à une indemnité compensatrice de préavis de deux mois qui doit être égale au montant des salaires qu'il aurait perçus s'il avait travaillé pendant la durée du préavis soit la somme de 4.266,16 € bruts (2.133,08 € correspondant à la dernière rémunération perçue x 2) majorée de la somme de 426,61 € bruts au titre des congés payés y afférents ainsi qu'à une indemnité de licenciement qui sera fixée au montant réclamé de 1.365 €.

Les sociétés Randstad et Eiffage seront condamnées à lui payer ces sommes in solidum et [V] [M] sera débouté du surplus de ses prétentions.

S'agissant du préjudice résultant de la perte de l'emploi, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée (1.887,88 € bruts), de l'âge de l'intéressé (27 ans), de son ancienneté dans l'entreprise (4 ans, 3 mois et 22 jours), de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard tel que cela résulte des pièces communiquées et des explications fournies à la cour (perception de l'allocation de retour à l'emploi du 8 mai 2015 au 31 août 2018 et missions d'intérim chez Lip entre juillet 2019 et juillet 2021), les sociétés Randstad et Eiffage seront condamnées, in solidum, à lui verser la somme de 15.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et le jugement sera confirmé sur ce point, [V] [M] étant débouté du surplus de ses prétentions.

Lorsque le licenciement est indemnisé en application des articles L.1235-3 du code du travail, comme c'est le cas en l'espèce, la juridiction ordonne d'office, même en l'absence de Pôle emploi à l'audience et sur le fondement des dispositions de l'article L.1235-4 du même code, le remboursement par l'employeur de toute ou partie des indemnités de chômage payées au salarié par les organismes concernés, du jour du licenciement au jour du jugement, et ce dans la limite de six mois. En l'espèce au vu des circonstances de la cause il convient de condamner les sociétés Randstad et Eiffage, in solidum, à rembourser les indemnités à concurrence de 6 mois.

Le jugement rendu sera complété en ce sens.

Sur les autres demandes :

Les créances de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de la demande (soit à compter de la date de réception de sa convocation devant le bureau de conciliation), et les sommes à caractère indemnitaire à compter du jugement.

Les sociétés Randstad et Eiffage, qui succombent en leur appel, seront condamnées aux dépens d'appel et à payer à [V] [M] la somme de 2.400 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement ;

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a dit que la requalification à l'égard de la société Randstad prend effet au 3 janvier 2011, en ce qu'il a condamné cette dernière à payer l'indemnité de requalification, en ce qu'il a arrêté l'indemnité de requalification à 3.000 € et en ce qu'il a condamné les sociétés Randstad et Eiffage solidairement, sur la base d'un salaire mensuel de référence de 1.634,44 €, à payer au salarié les sommes de :

$gt; 1.182,30 € à titre d'indemnité de licenciement,

$gt; 3.268,88 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

$gt; 326,88 € au titre des congés payés y afférents,

Statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés et y ajoutant;

Rejette, après vérification d'écriture, la dénégation de signature invoquée par [V] [M] ;

Dit que la requalification des contrats de missions en contrat à durée indéterminée prend effet au 24 septembre 2012 à l'égard de la société Randstad ;

Condamne la société Eiffage Energie Thermie Méditerranée à payer à [V] [M] la somme de 1.887,88 € à titre d'indemnité de requalification ;

Condamne in solidum les sociétés Randstad et Eiffage Energie Thermie Méditerranée à payer à [V] [M] les sommes suivantes :

$gt;1.365 € à titre d'indemnité de licenciement,

$gt; 4.266,16 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

$gt; 426,61 € bruts au titre des congés payés y afférents,

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire à compter du jugement ;

Déboute [V] [M] de sa demande d'indemnité de requalification dirigée contre la Sas Randstad ainsi que de toutes ses demandes plus amples ou contraires;

Ordonne le remboursement au Pôle Emploi par les sociétés Randstad et Eiffage Energie Thermie Méditerranée, in solidum, des indemnités de chômage versées à [V] [M] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de 6 mois ;

Dit que le greffe adressera à la direction générale de Pôle Emploi une copie certifiée conforme de l'arrêt, en application de l'article R.1235-2 du code du travail;

Condamne in solidum les sociétés Randstad et Eiffage Energie Thermie Méditerranée aux dépens d'appel et à payer à [V] [M] la somme de 2.400€ en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

la greffière, le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1re chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18/00268
Date de la décision : 11/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-11;18.00268 ?
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