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27/04/2022 | FRANCE | N°19/00248

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 27 avril 2022, 19/00248


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 27 AVRIL 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/00248 - N° Portalis DBVK-V-B7D-N7CL



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 04 DECEMBRE 2018

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN



APPELANTE :



SASU MOA 11

52 rue Georges Clémenceau

Carcassonne

Représentée par Me Fatimzahra BIDKI, avocat au bar

reau de MONTPELLIER



INTIMEE :



Madame [N] [C]

11 rue des Embruns

66000 PERPIGNAN

Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 27 AVRIL 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/00248 - N° Portalis DBVK-V-B7D-N7CL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 04 DECEMBRE 2018

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN

APPELANTE :

SASU MOA 11

52 rue Georges Clémenceau

Carcassonne

Représentée par Me Fatimzahra BIDKI, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

Madame [N] [C]

11 rue des Embruns

66000 PERPIGNAN

Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Déborah FAYANT, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

Ordonnance de clôture du 09 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 MARS 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

Madame [N] [C] était embauchée le 5 janvier 2016 par contrat à durée déterminée à temps partiel en qualité de vendeuse en bijoux fantaisie par la sas Moa 11.

Le 1er mars 2016, les parties concluaient un contrat à durée indéterminée à temps partiel de trente heures moyennant un salaire s'élevant à 1 256 €.

Par courrier du 20 mars 2017, la salariée prenait acte de la rupture de son contrat de travail en ces termes:

'Je viens par la présente vous notifier la prise d'acte de rupture de mon contrat de travail dès lors que vous n'exécutez pas vos obligations contractuelles.

Je suis salariée de votre entreprise depuis le 1er mars 2016 en qualité de conseillère vendeuse au terme d'un contrat à durée indéterminée.

J'avais déjà travaillé pour votre entreprise et notamment sans le moindre contrat de travail à compter du mois de janvier 2016 et de manière non déclarée ce qui constitue le délit de travail dissimulé.

Vous m'aviez alors indemnisée en frais de déplacement au mois de mars et avril 2016 pour compenser l'absence de salaire.

Je n'ai d'autre part jamais passé de visite médicale d'embauche, ce qui constitue encore un manquement en votre qualité d'employeur.

D'autre part, mes conditions de travail se sont considérablement dégradées, ce que vous n'ignorez pas.

Vous m'avez attribué des tâches rabaissantes ( tâches de ménage, wc) et j'ai reçu des réflexions particulièrement désagréables ('vous avez un demi-cerveau', 'vous n'êtes qu'une femme', c'est moi qui remplit votre frigo', c'est qui le patron'' Etc).

J'ai en outre réalisé de nombreuses heures supplémentaires qui ne m'ont pas été rémunérées et qui ne sont pas déclarées.

J'ai subi de plus en plus de pression à la fin de l'année 2016, ayant le sentiment que vous souhaitiez que l'on mette fin à mon contrat à l'échéance du 1er mars 2017.

Vous n'avez d'autre part pas respecté le volume de travail journalier et hebdomadaire (exemple: journée de 14heures, semaine de 52 heures).

Je suis en arrêt de travail depuis le 30 janvier 2017 et, à ce jour, mon état de santé ne me permet pas de reprendre mon activité au sein de votre entreprise.

J'ai contacté à de nombreuses reprises la médecine du travail qui me répond que vous êtes inconnu de leurs services et que vous n'avez jamais cotisé auprès de leur établissement, malgré l'obligation qui vous ets faite à ce titre par la loi.

La Dirrecte m'a indiqué vous avoir écrit à ce sujet vainement...

Aussi, à ce jour, il m'est impossible d'être reçue par un médecin du travail pour faire constater mon état de santé, ce qui me cause un préjudice intolérable.

Je dois en outre passer une visite médicale de reprise pour pouvoir reprendre mon poste dans votre entreprise au terme de mes arrêts de travail, ce qui est simplement impossible puisqu'aucun médecin ne peut me recevoir à ce titre non plus.

Ce comportement est encore constitutif d'une faute grave que je ne peux tolérer.

Je vous ai d'ores et déjà écrit par mail le 1er février 2017 pour vous faire part de mon mal être et des raisons de mon arrêt de travail.

J'ai connu deux altercations avec la responsable du magasin, madame [L] [G] en raison des heures supplémentaires et des fermetures de magasin que je dois réaliser.

Je subis une détérioration de mes conditions de travail, ce qui ne peut plus durer.

Vous avez cru bon de répondre à mon courriel déplorant cette détérioration, ce qui démontre encore une fois l'absence de toute prise en considération de mon état de santé.

Vous m'avez simplement dans l'intervalle adressé un courrier qui s'est croisé avec le mien dans lequel vous me faites parvenir des plannings au terme desquels j'étais contrainte de faire toutes les fermetures de magasin, impliquant le nettoyage complet tous les soirs et de m'organiser pour la garde de mes enfants.

L'autre employée n'avait plus de fermeture à faire, ce qui est particulièrement inéquitable.

Enfin, vous m'indiquez regretter mon absence à une réunion à laquelle je n'ai jamais été conviée.

Vous comprendrez aisément que cette situation entraîne pour moi des conséquences importantes tant au niveau financier ( d'autant que mon salaire est versé avec grand retard!) qu'au niveau de ma santé physique et morale, ce que je ne peux tolérer plus longtemps.

Vous ne respectez aucune obligation à l'égard de la santé de vos salariés et je ne peux aujourd'hui me tourner vers le moindre interlocuteur (hormis le conseil de prud'hommes).

Tenant ces éléments, je suis contrainte de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts et de solliciter des dommages et intérêts auprès du conseil de prud'hommes de Perpignan(.../...)'.

Soutenant que sa prise d'acte s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse , par requête du 13 septembre 2017, la salariée saisissait le conseil de prud'hommes de Perpignan, lequel, par jugement du 4 décembre 2018, condamnait l'employeur à lui payer les sommes suivantes:

-4 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1 227,41 € au titre de l'indemnité de préavis outre la somme de 122,74 € pour les congés payés y afférents,

-50 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,

-371,27 € au titre de l'indemnité de licenciement,

et la déboutait du surplus de ses demandes.

Par déclaration au greffe en date du 15 janvier 2019,la sas Moa 11 relevait appel de ce jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 4 février 2022, la société demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a requalifié la prise d'acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et sa confirmation pour le surplus.

Elle fait valoir essentiellement que les griefs de la salariée ne sont pas établis.

Pour la visite médicale d'embauche, elle explique qu'elle a régulièrement déclaré sa salariée et qu'elle n'est pas responsable de l'absence de visite médicale d'embauche, qu'en toute hypothèse, la salariée ne démontre pas qu'elle a subi un quelconque préjudice, que la visite médicale de reprise devait avoir lieu le 5 avril 2017.

Elle conteste tous propos blessants et tout travail dissimulé expliquant que du 23 janvier au 1er mars 2016, la salariée était en formation.

Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 5 juillet 2019, madame [C] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a requalifié la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et lui a alloué diverses indemnités et sa réformation pour le surplus.

Elle demande la condamnation de la société à lui payer les sommes suivantes:

-1 227,41 € à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,

-446 € au titre des heures supplémentaires,

-7 364,46 € au titre de l'indemnité pour travail dissimulé.

Elle soutient en substance qu'elle a effectué de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées et que du 23 janvier au 1er mars 2016, elle n'était pas déclarée.

Elle ajoute que ses conditions de travail étaient très dégradées ayant eu à réaliser des tâches rabaissantes (ménage, nettoyage des toilettes) et à subir des réflexions désobligeantes de la part de son employeur.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère aux conclusions notifiées par les parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prise d'acte

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit dans le cas contraire d'une démission.

Les faits invoqués par le salarié doivent non seulement être établis mais constituer des manquements suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite de la relation contractuelle.

C'est au salarié qu'il incombe d'établir les faits allégués à l'encontre de l'employeur. S'il subsiste un doute sur la réalité des faits invoqués à l'appui de la prise d'acte, celle-ci doit produire les effets d'une démission.

En l'espèce la salariée reproche à l'employeur:

- un travail dissimulé par dissimulation d'emploi et heure supplémentaires non déclarées,

-l'absence de visite médicale d'embauche,

-l'absence de visite médicale de reprise,

-l'affectation à des tâches dégradantes et des propos humiliants,

-un planning l'astreignant à faire toutes les fermetures.

1)Sur le travail dissimulé

-sur la période du 23 janvier au 1er mars 2016

La salariée soutient que du 23 janvier au 1er mars 2016, elle a travaillé pour l'entreprise sans être déclarée et était rémunérée en frais de déplacement.

Il ressort des pièces versées aux débats que du 1er mars au 23 janvier 2016, la salariée a été régulièrement déclarée dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, qu'elle a été ensuite déclarée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2016.

Entre ces deux périodes l'employeur démontre (pièces n°15 et 17)) que la salariée était en formation à Carcassonne. Il produit le planning établi par l'organisme de formation.

La salariée n'établit pas que cette formation a été initiée dans le cadre d'un contrat de travail passé avec l'employeur.

C'est donc à juste titre qu'elle n'a pas été déclarée sur cette période.

-sur les heures supplémentaires

En application de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif au nombre d'heures travaillées, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l'espèce, la salariée ne produit aucun tableau récapitulatif des heures supplémentaires qu'elle prétend avoir effectué.

Sa demande doit être rejetée.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande au titre du travail dissimulé et le jugement doit être confirmé de ce chef.

2) Sur l'absence de visite médicale d'embauche et de visite médicale de reprise

L'employeur produit les deux déclarations préalables à l'embauche. Il justifie être affilié à la médecine du travail (pièces n°4 et 5)

S'il est exact que la visite médicale d'embauche n'a pas eu lieu, la salariée ne démontre pas le préjudice qu'elle aurait subi.

La visite médicale de reprise devait être réalisée le 5 avril 2017 (pièce n°7) mais la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail avant cette date.

Ce moyen est donc inopérant.

3) sur l'affectation à des tâches dégradantes et les propos désobligeants de l'employeur

La salariée évoque ces faits pour la première fois dans son courrier de prise d'acte et ne les étaye par aucun élément tel que des attestations de collègues ou de clientes.

En outre, il est précisé dans son contrat de travail qu'elle doit assurer l'entretien de l'ensemble des locaux, le ménage faisait donc partie des tâches prévues à son contrat de travail sans que cela constitue une tâche dégradante

Ce moyen ne saurait prospérer.

4)Sur le planning horaire

L'employeur ne conteste pas que la salariée effectuait la fermeture du magasin sauf le samedi mais explique que celle ci avait sollicité des horaires fixes pour organiser la garde de ses enfants.

Il justifie par ailleurs avoir tenté d'organiser un rendez vous avec la salariée pour discuter de cette difficulté, rendez vous auquel la salariée ne s'est pas présentée.

Ce moyen est inopérant.

En conséquence l'ensemble des griefs formulées par la salariée à l'appui de sa prise d'acte ne sont pas fondés et ne justifient pas la prise d'acte qui s'analyse en une démission.

Le jugement doit être infirmé de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Perpignan le4 décembre 2018 sauf ce qu'il a dit que la prise d'acte s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné de ce chef l'employeur à payer les sommes de:

-4 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1 227,41 € au titre de l'indemnité de préavis outre la somme de 122,74 € pour les congés payés y afférents,

-50 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,

-371,27 € au titre de l'indemnité de licenciement,;

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que la prise d'acte s'analyse en une démission;

Déboute madame [N] [C] de toutes ses demandes;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne madame [N] [C] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/00248
Date de la décision : 27/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-27;19.00248 ?
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