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27/04/2022 | FRANCE | N°19/00234

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre sociale, 27 avril 2022, 19/00234


Grosse + copie

délivrées le

à







COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 27 AVRIL 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/00234 - N° Portalis DBVK-V-B7D-N7BM



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 07 DECEMBRE 2018

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER N° RG 16/01251





APPELANTE :



SAS PEOPLE AND BABY

9 Avenue Hoche

75008 PARIS 08

Représentée par Me Nathali

e CELESTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Elisa CACHEUX, avocat au barreau de PARIS







INTIME :



Monsieur [B] [I]

de nationalité Française

3 place Kellermann

34080 Montpel...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 27 AVRIL 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 19/00234 - N° Portalis DBVK-V-B7D-N7BM

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 07 DECEMBRE 2018

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER N° RG 16/01251

APPELANTE :

SAS PEOPLE AND BABY

9 Avenue Hoche

75008 PARIS 08

Représentée par Me Nathalie CELESTE, avocat au barreau de MONTPELLIER

Représentée par Me Elisa CACHEUX, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

Monsieur [B] [I]

de nationalité Française

3 place Kellermann

34080 Montpellier

Représenté par Me PASCAL avocat pour Me Marie LUSSAGNET, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 09 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 MARS 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère, chargé du rapport.

Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Jean-Pierre MASIA, Président

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Mme Isabelle MARTINEZ, Conseillère

Greffier, lors des débats : M. Philippe CLUZEL

ARRET :

- contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.

*

**

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [B] [I] était embauché le 25 octobre 2012 selon contrat à durée indéterminée à temps partiel de 25 heures en qualité d'employé polyvalent de crèche par la Sarl Shanoline, gérée par son épouse, moyennant salaire s'élevant en dernier lieu à 1 600,53 €.

Il était prévu au contrat que son travail s'exécuterait de nuit de 19h 15 à 6h 45.

La sarl Shanoline était placée en redressement judiciaire le 24 septembre 2012 avec une date de cessation des paiements fixée au 11 septembre 2012.

La Sarl Euréka reprenait la gestion de l'établissement et le contrat de travail de monsieur [B] était transféré à cette société puis à la Sas People and Baby suite à une transmission universelle de patrimoine.

Le 13 janvier 2015, la société convoquait le salarié à un entretien préalable à son éventuel licenciement, entretien à la suite duquel il était licencié en ces termes:

'(.../...) Nous vous notifions par la présente votre licenciement pour la cause réelle et sérieuse suivante:

Vous occupez le poste d'agent polyvalent au sein de la crèche scoubidou-confetti située à Montpellier depuis le 25 octobre 2012.

Le 22 décembre 2012, votre crèche a fait l'objet d'un transfert au sein du groupe People and Baby transférant de fait votre contrat de travail. Un courrier en date du 4 janvier 2013 vous informait que votre durée de travail restait inchangée (25 heures par semaine) et votre ancienneté reprise également.

Lors de la reprise de la structure, vous avez été avisé de l'impossibilité de maintenir les horaires de nuit que vous accomplissiez en l'absence d'accord d'entreprise à ce sujet, et pour des raison impératives de sécurité, notre société n'autorisant pas ses salariés à procéder à l'ouverture de l'établissement de nuit pour éviter tout risque d'intrusion.

A compter de la reprise, vous avez donc effectué votre travail de jour pendant les heures d'ouverture de la crèche;: 7h30-19h

Depuis le 1er octobre 2015 , vous êtes absent de votre poste de travail sans justification.

Nous vous avons adressé une première mise en demeure le 6 octobre 2015 puis une seconde le 16 octobre 2015.

Le 26 octobre 2015, vous avez envoyé un courrier par lequel vous prétendiez avoir tenté de reprendre votre poste à vos anciens horaires contractuels sans succès.

Par courrier du 1er décembre 2015, nous vous avons fait part de notre étonnement à l'égard de votre position nouvelle après 3ans d'exercice de vos fonctions et vous avons rappelé pour la forme vos horaires en vous invitant à vous y conformer.

Par courrier du 3 décembre 2015, vous avez refusé ces horaires et réitéré votre exigence de travailler de nuit à vos anciens horaires.

Nous ne pouvons analyser cette position soudaine que comme une volonté affichée d'obtenir la rupture de votre contrat de travail. En effet, vous n'avez jamais marqué la moindre opposition à la reprise de votre contrat de travail et exercez depuis lors vos fonctions sans difficulté. Votre posture nouvelle depuis octobre 2015 n'a pas davantage été justifiée par vos soins. Dans votre premier courrier du 26 octobre, votre invitation à ce que nous répondions directement à votre avocat témoigne de la stratégie que vous avez mise en oeuvre pour servir vos intérêts.

En l'état, il paraît impossible de poursuivre notre relation contractuelle étant précisé par ailleurs que vous avez abandonné votre poste depuis le 1er octobre 2015'. (.../...).

Contestant son licenciement, par requête du 29 juillet 2016, le salarié saisissait le conseil de prud'hommes de Montpellier, lequel, par jugement du 7 décembre 2018, condamnait l'employeur à payer au salarié les somme suivantes:

-9 600 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

-5 972,39 € à titre de rappel de salaire outre 579,23 € pour les congés payés y afférents,

-9 600 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-950 € pour ses frais de procédure

Par déclaration au greffe en date du 14 janvier 2019, l'employeur relevait appel de ce jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 7 février 2022, la société demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à payer à monsieur [I] les sommes de:

-9 600 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

-5 972,39 € à titre de rappel de salaire outre 579,23 € pour les congés payés y afférents,

-9 600 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-950 € pour ses frais de procédure

et le confirmer pour le surplus.

Elle sollicite l'octroi d'une somme de 3 000 € au titre de ses frais de procédure

Elle fait valoir en substance que le contrat de travail du 25 octobre 2012 est nul en ce qu'il a été conclu par l'épouse du salarié après la cessation de paiement, qu'en toute hypothèse, le salarié a accepté de passer à un horaire de jour à telle enseigne qu'il travaillait pour une autre société la nuit.

Elle conteste tout fait de harcèlement moral et soutient que le licenciement est justifié par un abandon de poste

Par conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 14 janvier 2022, M [I] sollicite la confirmation du jugement querellé en ce qu'il a condamné la société mais sa réformation pour les montants alloués.

Il demande la condamnation de l'employeur à lui payer les sommes suivantes:

- 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

-5 000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de fourniture de travail,

-5 000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de paiement du salaire,

-20 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

-16 005,30 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-2 000 € au titre de ses frais de procédure.

Il soutient essentiellement que le contrat de travail initial n'est pas nul, qu'en toute hypothèse, l'employeur n'a pas qualité à invoquer cette nullité.

Il affirme que l'employeur lui a imposé une modification de ses horaires, le faisant travailler de jour, que son silence pendant trois ans ne vaut pas acceptation et qu'en agissant ainsi l'employeur a exécuté de manière déloyale le contrat de travail.

Il ajoute que, suite au départ de son épouse de la société, il a été victime de harcèlement moral de la part des autres salariés.

Il conteste avoir abandonné son poste et affirme qu'il s'est présenté la nuit pour prendre son service mais a trouvé porte close.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère aux conclusions notifiées par les parties auxquelles elles ont expressément déclaré se rapporter lors des débats.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité du contrat de travail

La société affirme que le contrat ayant été conclu après la cessation des paiements par l'épouse du salarié est nul.

Toutefois, le contrat de monsieur [I] a été conclu après la période suspecte postérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire.

En outre, en application de l'article l 632-4 du code de commerce, la société n'a pas qualité pour invoquer une nullité.

Le contrat de travail est donc licite

Sur l'exécution du contrat de travail

-sur l'exécution déloyale du contrat de travail.

Monsieur [I], initialement affecté à un travail de nuit est passé à un horaire de jour depuis le 1er janvier 2013.

Il résulte des pièces versées aux débats que cette modification de ses horaires a fait l'objet d'un entretien de suivi, que le nouveau planning a été approuvé et signé par les deux parties, qu'il a par la suite été exécuté pendant près de trois ans sans aucune protestation du salarié qui s'est conformé à ces nouveaux horaires.

Il est d'ailleurs notable que ces nouveaux horaires correspondaient aux souhaits du salarié qui travaillait pour une autre société la nuit et n'aurait pu honorer ses engagements si la Sas People and Baby avait maintenu les horaires de nuit.

Il convient donc de constater qu'il existait un accord entre les parties pour ce changement d'horaire et qu'il n'y a eu aucune exécution déloyale du contrat de travail

Le jugement doit être infirmé de ce chef.

-sur le rappel de salaire

Monsieur [I] sollicite un rappel de salaire à compter du 1er octobre 2015 jusqu'au licenciement .

Toutefois, il reconnaît ne pas avoir travaillé durant cette période , s'étant , selon ses dires, présenté la nuit pour exécuter son contrat de travail et ce, sans en aviser son employeur, et en contradiction avec les horaires pratiqués et acceptés depuis trois ans.

Etant en absence injustifiée, c'est à juste titre que l'employeur ne l'a pas rémunéré et le jugement doit être infirmé de ce chef.

-sur le harcèlement moral

L'article L. 1152-1 du code du travail dispose qu' ''aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'.

La reconnaissance du harcèlement moral suppose trois conditions cumulatives': des agissements répétés, une dégradation des conditions de travail, une atteinte aux droits, à la dignité, à la santé physique ou mentale ou à l'avenir professionnel du salarié.

En application de l'article L 1154-1 du code du travail, il appartient au salarié qui prétend avoir été victime de harcèlement moral de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, le salarié affirme que, suite au départ de son épouse, il a dû subir les quolibets et brimades de ses collègues de travail.

Il en veut pour preuve un arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif.

Il ne produit toutefois strictement aucun élément objectif, telles que des attestations de salariés pour démontrer qu'il a fait l'objet de harcèlement moral.

Aucun élément ne permet donc de présumer que des faits de harcèlement moral ont bien eu lieu et le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

L'article L 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à une cause réelle et sérieuse.

Pour être réelle, la cause doit présenter trois caractéristiques cumulatives : elle doit être objective, c'est-à-dire qu'elle doit reposer sur des faits ou des griefs matériellement vérifiables ; elle doit exister, ce qui signifie que les motifs invoqués doivent être établis ; elle doit être exacte en ce sens que les motifs articulés doivent être la véritable raison du licenciement.

En l'espèce, l'employeur reproche au salarié un abandon de poste.

Il n'est pas contesté par le salarié qu'à compter du 1er octobre 2015, il ne s'est plus présenté sur son lieu de travail aux heures ouvrables. Il affirme s'être présenté la nuit comme l'exigeait son contrat de travail initial.

Or ainsi, qu'il a été dit ci-dessus , les horaires du salarié avaient été modifiés d'un commun accord depuis trois ans.

Il ne s'est pas présenté à son poste de travail à compter du1er octobre 2015 et c'est à juste titre que l'employeur l'a licencié pour abandon de poste.

Le jugement doit être infirmé sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 7 décembre 2018 en ce qu'il a rejeté la demande au titre du harcèlement moral,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Déboute monsieur [B] [I] de toutes ses demandes

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne monsieur [B] [I] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/00234
Date de la décision : 27/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-27;19.00234 ?
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