Grosse + copie
délivrée le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre civile
ARRET DU 21 AVRIL 2022
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06200 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PFCX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 SEPTEMBRE 2021
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE MONTPELLIER
APPELANTE :
SCI LA QUENOTTE
11 rue des Améthystes
34830 JACOU
représentée par son gérant M. [B] [S] présent à l'audience
INTIMES :
Madame [M] [K]
10 B rue Fernand Soubeyran, Coeur de ville, Appt 47
34830 JACOU
présente à l'audience
TRESORERIE MONTPELLIER MUNICIPALE
2 Place Paul Bec
CS 89580
34060 MONTPELLIER CEDEX 2
non représenté
TRESORERIE CONTROLE AUTOMATISE
CS 81239
35012 RENNES CEDEX
non représenté
ASSOCIATION EDUCATIVE LA PINEDE
Avenue Cyprien Olivier
34830 JACOU
non représenté
CAISSE D'EPARGNE DU LR
Affaire juridiques et contentieux- Zac d'Alco
254 rue Michel Teule- BP 7330
34184 MONTPELLIER CEDEX 4
non représenté
S.A. FREE
75371 PARIS CEDEX 08
non représenté
DIRECTION DE L'HABITAT
Service gestion sociale du logt-FSL
50 Place Zeus- CS 39556
34961 MONTPELLIER CEDEX 2
non représenté
TRESORERIE HERAULT AMENDES
595 avenue des Etats du Languedoc
34000 MONTPELLIER
non représenté
CAF DE L'HERAULT
139 Avenue de Lodève
34943 MONTPELLIER CEDEX 9
non représenté
CA CONSUMER FINANCE
Anap Agence 923 Banque de France
BP 50075
77213 AVON CEDEX
non représenté
CAISSE D'EPARGNE DU LR
Chez BPCE Financement- Agence surendettement
TSA 71930
59781 LILLE CÉDEX 9
non représenté
BPCE FINANCEMENT
TSA 71930
59781 LILLE CÉDEX 9
non représenté
BANQUE CIC SUD OUEST
Chez CM-CIC services, surendettement
CS 80002
59865 LILLE CEDEX 9
non représenté
ACM HABITAT, OPH MONTPELLIER, MEDITERRANEE METROPOLE
407 avenue du professeur Etienne Antonel CS 15590
34074 MONTPELLIER CEDEX 3
non représenté
FREE MOBILE
16 rue de la Ville l'Eveque
75008 PARIS
non représenté
COFIDIS
CHEZ SYNERGIE CS 14110
59899 LILLE CEDEX 9
non représenté
ESPACE LOGEMENT HERAULT
Maison Gabriela Mistral, Direction espace logement herault
535 rue du pilory- BP 7238
34080 MONTPELLIER
non représenté
BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
Chez Neuilly Contentieux
143 rue Anatole France
92300 LEVALLOIS PERRET
non représenté
ENGIE
Chez IQUERA SERVICES, Service surendettement
186 avenue de Grammont
37917 TOURS CEDEX 9
non représenté
SIP MILLENAIRE
156 rue Alfred Nobel
CS 51018
34960 MONTPELLIER
non représenté
SFR FIXE ET ADSL
Chez EOS FRANCE
1 rue du Molinel- CS 80215
59445 WASQUEHAL
non représenté
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 MARS 2022,en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nelly CARLIER, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Eric SENNA, Président de chambre
Madame Myriam GREGORI, Conseiller
Madame Nelly CARLIER, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Laurence SENDRA
ARRET :
- Rendu par défaut
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Eric SENNA, Président de chambre, et par Mme Laurence SENDRA, Greffier.
Le 13 août 2019, la commission de surendettement des Particuliers de l'Hérault a déclaré [M] [K] recevable au bénéfice d'une procédure de traitement de sa situation de surendettement.
Dans sa séance du 30 mars 2021, la comission de surendettement a imposé le rééchelonnement de tout ou partie de ses dettes sur une durée de 40 mois au taux de 0% avec paiement exclusif de la dette locative actuelle et effacement partiel ou total des dettes à l'issue des mesures, la mensualité de remboursement étant retenue à hauteur de 75 €, étant précisé que la débitrice avait bénéficié de précédentes mesures pendant 24 mois.
A la suite de la contestation soulevée par la SCI La Quenotte, le tribunal judiciaire de Montpellier par jugement du 6 septembre 2021 a :
- déclaré recevable en la forme le recours de la SCI La Quenotte en contestation des mesures établies par la commission de surendettement de l'Hérault du 30 mars 2021 ;
- constaté que la situation personnelle de Madame [M] [K] est irrémédiablement compromise ;
- prononcé le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire de [M] [K] ;
- laissé les dépens à la charge de l'Etat.
Ce jugement a été notifié à la SCI La Quenotte par lettre recommandée avec demande d'avis de réception revenu signé mais sans mention de date de réception lisible.
Par déclaration au greffe en date du 22 octobre 2021, la SCI La Quenotte, représentée par son gérant, [B] [S] a interjeté appel à l'encontre de cette décision.
A l'audience du 8 mars 2022, la SCI La Quenotte , représentée par son gérant, [B] [S], demande à la Cour d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé une mesure de rétablissement personnel sans redressement judiciaire alors que la débitrice est de mauvaise foi. Elle fait valoir que celle-ci n'a jamais tenté d'appliquer le plan d'apurement accordé par le tribunal lors de sa condamnation au paiement des loyers dus à la SCI La Quenotte, qu'il a fallu recourir à la force publique pour obtenir son expulsion alors qu'elle se maintenait dans les lieux, qu'elle a également menti en indiquant que son ex-mari avait obtenu l'effacement de l'ensemble de ses dettes, ce qui s'est révélé faux, qu'elle a usé de toutes les procédures pour occuper le logement sans rien payer et qu'elle a donc aggravé volontairement sa dette locative. Elle ajoute que Madame [K] n'a jamais procédé à un quelconque règlement de sa dette, ni même pris contact avec elle pour tenter de le faire. Elle expose encore que cette dernière est taisante sur l'éventuelle contribution à l'entretien de son enfant par le père de ce dernier. Elle estime avoir été lésée et pouvoir revendiquer une rupture d'égalité entre les citoyens. Elle s'oppose à tout effacement de sa dette.
[M] [K], comparante en personne, soutient au contraire qu'elle est une débitrice de bonne foi, qu'elle n'avait pas d'autre choix que de rester dans les lieux dans la mesure où elle n'avait qu'un emploi de femme de ménage, son mari ne travaillant pas. Elle expose qu'elle ne savait pas que le tribunal avait accordé des délais de paiement, qu'elle n'était pas présente à l'audience, son ex-mari s'étant occupé de gérer tous les papeirs. Elle précise que le couple est séparé depuis 2015 et divorcé depuis 2015. Elle ajoute avoir un enfant majeur à charge, lequel est en attente de formation et son père ne contribuant pas à son entretien.
Les autres intimés n'ont pas comparu.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur la bonne foi de la débitrice
Aux termes de l'article L. 711-1 du code de la consommation, la situation de surendettement des personnes physiques est caractérisée par l'impossibilité manifeste pour le débiteur de bonne foi de faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir.
Il convient de rappeler que la bonne foi se présume et et qu'il appartient au créancier qui invoque la mauvaise foi d'en rapporter la preuve. Elle doit s'apprécier, en outre, tant au regard des circonstances dans lesquelles l'endettement s'est constitué et du comportement du débiteur vis à vis de ses créanciers qu'au regard de son comportement à l'ouverture et au cours de la procédure de surendettement. Par ailleurs, la mauvaise foi doit être en rapport direct avec la situation de surendettement.
En l'espèce, il ressort des pièces produites et de l'état descriptif des dettes de [M] [K] au 26 avril 2021 que son passif s'élève à la somme globale de 36 443, 78 €, dont la créance de la SCI La Quenotte à hauteur de 16 426, 78 €, laquelle représente, en conséquence, environ 45 % de son endettement, mais non l'essentiel de celui-ci constitué par de nombreux crédits à la consommation.
Il résulte du jugement entrepris que [M] [K], divorcée, a justifié auprès du premier juge de ressources mensuelles de 1192, 50 € (incluant un salaire de 743 €, une APL de 68,5 € et une prime d'activité de 381 €) et de charges mensuelles identiques à celles retenues pr la commission de 1555 €, avec un enfant majeur à sa charge de [M] [K], soit une absence de toute capacité de remboursement.
Il est donc clair au vu de cette situation financière que même si la débitrice devait percevoir une contribution paternelle à l'entretien de l'enfant, la perception d'une telle contribution ne lui rendrait pas une capacité de remboursement positive u vu de la différence entre ses ressources et ses charges.
En conséquence, au vu de l'ensemble de ces éléments, qui établissent la faiblesse des revenus de la débitrice, l'ampleur de ses dettes non locatives et la circonstance de son divorce, le seul fait qu'elle n'ait pas satisfait à ses obligations contractuelles envers la SCI La Quenotte en ne payant pas ses loyers, en ne respectant pas le plan d'apurement accordé par le tribunal et en se maintenant dans les lieux ne saurait établir qu'elle a crée ou aggravé intentionnellement cette situation ou qu'elle ait eu l'intention de nuire à sa bailleresse, laquelle ne verse aux débats aucune pièce tendant à établir, au surplus, qu'elle aurait ou tiendrait toujours des propos mensongers sur sa situation personnelle et ayant eu un impact sur la constitution ou l'aggravation de son endettement.
Il convient donc de considérer que [M] [K] est une débitrice de bonne foi et qu'elle est recevable à bénéficier d'une procédure de traitement de sa situation de surendettement.
Le moyen soulevé en cause d'appel par la SCI La Quenotte et tiré de la mauvaise foi de [M] [K] sera donc rejetée.
Sur le bénéfice du rétablissement personnel sans liquidation judiciaire
Aux termes de l'article L 733-7 du code de la consommation, la commission peut imposer que les mesures prévues aux articles L. 733-1 et L. 733-4 soient subordonnées à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou garantir le paiement de la dette.
Par ailleurs, en application de l'article L. 724-1 du même code, lorsqu'il ressort de l'examen de la demande de traitement de la situation de surendettement que les ressources ou l'actif réalisable du débiteur le permettent, la commission prescrit des mesures de traitement dans les conditions prévues aux articles L. 732-1, L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7, le constat d'une situation irrémédiablement compromise du débiteur ne pouvant intervenir que si ce dernier ne possède que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle ou que l'actif n'est consitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproprotionnés au regard de leur valeur vénale.
En l'espèce, pour prononcer à l'égard de [M] [K] une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, le premier juge a tenu compte de la situation financière exposée précédemment dont il ressort une capacité de remboursement négative ne permettant pas un rééchelonnement de l'ensemble de ses dettes, et sans perspective d'évolution financière plus favorable pour la débitrice qui est célibataire, occupe un poste d'agent d'entretien sans possibilité d'évolution professionnelle et a la charge d'un enfant.
Il résulte, par ailleurs, des pièces du dossier que [M] [K] n'est propriétaire d'aucun bien immobilier ou mobilier ayant une valeur marchande.
Enfin, ces mesures ne contreviennent pas à l'article 6-1 la Cour européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à la jurisprudence de celle-ci. En effet si l'article précité institue un droit à l'exécution au profit de tout créancier, la Cour européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne l'érige pas en droit absolu et admet que son exercice puisse être réglementé pour assurer le respect d'autres droits fondamentaux ou pour permettre de parvenir à un but légitime, lequel suppose un rapport de proportionnalité raisonnable entre ce but et les mesures adoptées. Ainsi il est admis qu'un Etat peut prévoir des dispositions ayant pour objectif un traitement globalisé de l'endettement d'un débiteur prévalant sur le droit à l'exécution.
Ainsi, dés lors que [M] [K] remplit les conditions pour bénéficier d'un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, la SCI La Quenotte n'est pas fondée à se prévaloir d'une rupture d'égalité entre les citoyens pour s'opposer à cette mesure.
Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que la situation personnelle de Madame [M] [K] est irrémédiablement compromise et prononcé le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire en sa faveur.
Les dépens d'appel resteront à la charge de l'Etat.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Dit que [M] [K] est une débitrice de bonne foi et est recevable à bénéficier d'une procédure de traitement de sa situation de surendettement ;
Rejette le moyen soulevé en cause d'appel par la SCI La Quenotte et tiré de la mauvaise foi de [M] [K] ;
Laisse à la charge de l'Etat les éventuels dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT