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21/04/2022 | FRANCE | N°17/02524

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre de la famille, 21 avril 2022, 17/02524


Grosse + copie

délivrées le

à





COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



2e chambre de la famille



ARRET DU 21 AVRIL 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/02524 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NEXD



Décision déférée à la Cour :

Jugement du 18 AVRIL 2017 DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 15/02058



APPELANTS :



Monsieur [CD] [X] [Z]

né le 05 Juillet 1966 à SAINT DIZIER (52111)

de nationalité Française>
1821 Michigan Avenue

33139 MIAMI BEACH FLORIDA (ETAT UNIS)

Représenté par Me SEGUI loco Me Céline DONAT, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES



Madame [N] [Z] épouse [E]

née le 06 Mai 1967 à...

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre de la famille

ARRET DU 21 AVRIL 2022

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 17/02524 - N° Portalis DBVK-V-B7B-NEXD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 18 AVRIL 2017 DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN

N° RG 15/02058

APPELANTS :

Monsieur [CD] [X] [Z]

né le 05 Juillet 1966 à SAINT DIZIER (52111)

de nationalité Française

1821 Michigan Avenue

33139 MIAMI BEACH FLORIDA (ETAT UNIS)

Représenté par Me SEGUI loco Me Céline DONAT, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

Madame [N] [Z] épouse [E]

née le 06 Mai 1967 à SAINT DIZIER (52111)

de nationalité Française

Tarpon Springs 1721 Sunset Drive

34689 FLORIDA ( ETAT UNIS)

Représenté par Me SEGUI loco Me Céline DONAT, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

INTIMEE :

Madame [F] [R] [M]

née le 21 Octobre 1948 à BENI SAF (ALGERIE)

de nationalité Française

8 REU DES CLEMATIES

66000 PERPIGNAN

Représentée par Me Sarah HUOT de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

Ordonnance de clôture du 23 Février 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mars 2022,en audience publique les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. T. GRAFFIN, Conseiller, et Mme K.ANCELY Conseillère chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. T. GRAFFIN, Conseiller faisant fonction de Président

Mme K. ANCELY, Conseillère

Mme M. VENET Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Dominique IVARA

ARRET :

- Contradictoire.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la

cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par M. T. GRAFFIN, Conseiller faisant fonction de Président, la Présidente étant empêchée et par Mme D. IVARA, Greffier.

*

**

EXPOSÉ DU LITIGE

Par testament reçu par Maître [HN], notaire, le 18 décembre 2012, M. [W] [Z] a légué à titre particulier à Mme [F] [M], sa concubine, l'usufruit de la maison dans laquelle ils étaient domiciliés à Perpignan, ainsi que les meubles meublants, outre la somme de 500.000 €.

M. [W] [Z] et Mme [F] [M] se sont pacsés le 17 mai 2013, par enregistrement direct de Maître [HN], notaire.

M. [W] [Z] est décédé le 26 août 2014 laissant pour lui succéder ses deux enfants issus d'un premier mariage, M. [CD] [Z] et Mme [N] [Z].

A la suite d'une assignation délivrée le 20 août 2015 par Mme [M], le juge civil du tribunal judiciaire de Perpignan par décision en date du 18 avril 2017, a :

- dit que Mme [N] [Z] et M. [CD] [Z] ne rapportent pas la preuve de l'insanité d'esprit de M. [W] [Z] au moment du testament authentique en date du 18 décembre 2012,

- débouté Mme [N] [Z] et M. [CD] [Z] de leur demande tendant à voir prononcer la nullité de ce testament,

- ordonné la délivrance des legs portant sur l'appartement situé à Perpignan, ainsi que des meubles le meublant et la somme de 500.000 € au profit de Mme [M], légataire à titre particulier en vertu du testament authentique,

- débouté Mme [M] de sa demande en paiement d'intérêts sur la somme de 500.000 € à compter du décès de M. [W] [Z],

- débouté Mme [M] de sa demande en paiement de dommages-intérêts,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné Mme [N] [Z] et M. [CD] [Z] à payer à Mme [M] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [N] [Z] et M. [CD] [Z] aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe en date du 3 mai 2017, Mme [N] [Z] et M. [CD] [Z] ont interjeté appel de l'intégralité des chefs de jugement de la décision.

Dans leurs dernières conclusions en date du 17 juillet 2017, ils demandent à la cour de :

- constater l'insalubrité d'esprit de M. [W] [Z] durant les dernières années de sa vie et par voie de conséquence, au jour de la rédaction et de la signature du legs établi à titre particulier au bénéfice de Mme [M],

En conséquence,

- réformer le jugement rendu le 18 avril 2017 en ce qu'il a rejeté l'argumentaire des consorts [Z] et considéré que M. [W] [Z] était sain d'esprit au jour de la signature dudit legs,

En conséquence,

- annuler le testament de M. [W] [Z] du 18 décembre 2012 qui prévoyait un legs particulier, comprenant l'appartement situé à Perpignan, ainsi que des meubles le meublant et la somme de 500.000 €,

A titre subsidiaire,

- constater l'absence de demande préalable formulée par Mme [M] quant à la délivrance du legs à l'égard des héritiers de M. [W] [Z],

- constater les circonstances dans lesquelles le legs a été établi et le doute existant quant à sa validité,

- constater que Mme [M] n'a nullement respecté ses obligations tant s'agissant de la délivrance du legs, que s'agissant des obligations lui incombant en qualité de tutrice de M. [W] [Z],

En conséquence,

- réformer le jugement rendu le 18 avril 2017 en ce qu'il a prononcé la délivrance judiciaire du legs au profit de Mme [M],

En conséquence,

- rejeter la demande de délivrance du legs formulée par Mme [M] comme étant irrecevable et infondée,

- rejeter toutes les prétentions formulées par la partie adverse,

- confirmer à cet égard le jugement rendu le 18 avril 2017 en ce qu'il a débouté la partie adverse des demandes formulées sur le fondement de l'ancien article 1382 du code civil pour résistance abusive,

En tout état de cause,

- condamner la partie adverse au règlement de la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre la charge des entiers dépens.

L'intimée Mme [M], dans ses conclusions récapitulatives en date du 25 août 2017, demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les consorts [Z] de leurs demandes,

- condamner les consorts [Z] à procéder à la délivrance du legs en remettant à Mme [M] l'usufruit de l'appartement et à verser la somme de 500.000 €,

- ordonner la délivrance des legs portant sur l'appartement situé à Perpignan ainsi que des meubles le meublant et la somme de 500.000 € au profit de Mme [M], légataire à titre particulier en vertu du testament authentique en date du 18 décembre 2012,

- condamner les consorts [Z] à verser une somme de 45.000 € à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article 1382 du code civil,

- condamner les consorts [Z] à verser une somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les consorts [Z] aux entiers dépens de première instance et d'appel ces derniers distraits au profit de la SCP Vial Pech de Laclause Escale Knoepffler, avocats soussignés, dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 février 2022.

SUR QUOI LA COUR

Sur la nullité du testament pour insanité d'esprit

Aux termes de l'article 901 Code civil, pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence.

L'article 414-1 du code civil énonce que pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.

Ainsi, la charge de la preuve de l'insanité l'esprit du testateur incombe à celui qui agit en nullité du testament.

En l'espèce, selon les mentions figurant sur le testament authentique du 18 décembre 2012 dressé par le notaire, Monsieur [W] [Z] est apparu sain d'esprit ayant toute faculté d'exprimer clairement ses volontés tant au notaire qu'aux deux témoins présents à savoir Madame [WK] épouse [O] et Monsieur [D] [XT].

Cette mention insérée par le notaire dans le testament authentique constatant que le testateur était saint d'esprit ne fait pas obstacle à la preuve contraire.

Pour démontrer que leur père n'était pas apte à tester le 18 décembre 2012, Monsieur et Madame [Z], enfants du testateur, s'appuient sur les pièces médicales suivantes':

- un courrier en date du 16 juin 2008 du docteur [L], psychiatre à Perpignan, s'adressant à son confrère, le Docteur [V], en ces termes « Monsieur [Z] [W] présente une maladie d'Alzheimer avec troubles mnésiques des faits récents surtout associés à un état dépressif traité. Son état nécessite la poursuite du traitement mis en place aux USA. Un bilan avec un neurologue pourra permettre «'d'en savoir un peu plus'» sur la détérioration. »

- un courrier en date du 6 novembre 2009 du Docteur [I], neurologue à Perpignan, s'adressant à son confrère, le Docteur [V], en ces termes « Monsieur [W] [Z] est revenu me consulter à votre demande pour le suivi d'une dégradation cognitive renvoyant à une maladie d'Alzheimer de forme mnésique pure hippocampique chez un patient traité par une monothérapie d'Aricept 10 mg un par jour. Depuis sa précédente venue il y a un peu plus d'un an, il semble apparaître chez Monsieur [Z] des troubles de la mémoire des faits récents plus marqués. Il a beaucoup plus de difficultés à s'organiser dans le temps, à situer des dates précises du passé. Ces troubles de la mémoire le fragilisent et entraînent chez lui une vulnérabilité.

Il doit encore traiter d'affaires outre-Atlantique mais compte à l'avenir s'installer plus durablement dans les Pyrénées Orientales. L'humeur ne me paraît pas significativement plus altérée...l'affluence verbale est légèrement en dessous de la norme. Le recopiage d'une figure géométrique ne montre pas de frange apraxie constructive. Il y a donc toujours chez Monsieur [Z] un trouble de la mémoire spécifique qui a tendance à s'accentuer légèrement... »

- un courrier en date du 19 octobre 2010 du même neurologue, adressant M. [Z] à un autre confrère le Dr [G] en ces termes « je le suis depuis août 2008 et ne constate pas de dégradations significatives de ses capacités cognitives. Il ne semble pas développer non plus de troubles comportementaux. » Après avoir repris le traitement reçu par Monsieur [Z] le neurologue interroge son confrère sur la conduite à tenir.

- le compte rendu d'hospitalisation de jour du Docteur [G], neurologue au CHRU de Perpignan, du 10 janvier 2011 faisant le point en termes médicaux à son confrère le Dr [I]

- un courrier du Docteur [K], gériatre au centre hospitalier de Perpignan du 21 juin 2011, adressé au docteur [T], indiquant que le patient est venu accompagner de sa compagne qui s'inquiète de l'état de ses fonctions cognitives. Le médecin note que «'Monsieur [Z] a des difficultés à évoquer son autobiographie, il semblerait que les souvenirs anciens soient altérés ainsi que la mémoire antérograde. Il m'évoque son passé et sa vie en Algérie du temps où il était pilote de chasse et les difficultés de stress qu'il a ressenti au cours de l'exercice de ce métier. Puis, il me dit avoir travaillé à la confection de glaces Miko. Actuellement il est retraité depuis 10-15 ans. Il a du mal à évoquer son passé médical' Sa compagne, présente au cours de cet entretien, me précise que ce patient est suivi par le docteur [I] depuis trois ans. Les activités du patient au quotidien se sont réduites, il parle lentement, il est autonome pour la toilette et l'entretien de ses vêtements. Selon sa compagne il gère le compte courant et ils effectuent ensemble les courses' Au total, maladie d'Alzheimer modérément évoluée, traitée par Aricept à raison de 10 mg/jour. Ce patient nécessiterait la mise en place d'une demande d'ALD si cela n'a pas été fait ainsi qu'une demande d'APA afin de mieux prendre en charge ce patient au domicile' de plus en raison de l'acalculie rencontrée chez ce sujet, il me paraît indispensable de mettre en route la demande d'une tutelle. Il serait bon que ce patient revoit M. [I] qui le traite habituellement et de lui soumettre à la question de la mise sous tutelle.'»

- un courrier du Docteur [I] du 24 juin 2011 adressé au docteur [T] mentionnant « Actuellement son comportement est apaisé après une période d'agitation particulièrement au cours d'un séjour en clinique. Une personne l'assiste pour la prise médicamenteuse.

Sa compagne l'aide à sa toilette. Parfois, il pense que des personnes sont à domicile alors que personne n'est venu. Par ailleurs, il fait part que la solitude lui pèse et se renferme sur des souvenirs, même des souvenirs pénibles. Il est conscient que sa mémoire lui fait vraiment défaut. Le programme TV l'intéresse peu. Il est plus évasif sur les domaines qu'il connaissait bien comme la bourse. Ces propos sont parcimonieux. Il paraît absent. Il ne joue plus au golf ni ne va à la gymnastique. Dans son appartement, il a du mal à se retrouver. Il prend difficilement la direction de sa chambre'

Parfois il ne reconnaît pas bien sa compagne. Au total, ces activités quotidiennes se sont réduites. Il est nécessaire que l'on essaie de reprendre le dessus sur cette adynamie. Néanmoins, elle est le reflet d'une évolution cognitive et comportementale mais aussi du Tiapridal qui concourt à le diminuer.'»

- un courrier du Docteur [I] du 17 octobre 2011 adressé au docteur [T] «'constatant qu'au cours des consultations successives que le contact verbal se réduit de plus en plus. Monsieur [Z] est devenu observateur au cours de la consultation alors qu'il était beaucoup plus acteur précédemment. Il n'entreprend pas la discussion mais reste très en retrait. Le regard est fixe souvent interrogateur. Ses réponses sont assez laconiques. Quand il tente une explication le propos devient difficile à suivre s'égarant dans une certaine incohérence. Il est très adynamique et ses journées passées à la maison se résument à ne rien faire. Il ne souhaite rien entreprendre. Toutes les activités qui pouvaient préalablement l'intéresser comme le golf ou encore la piscine sont laissées de côté. L'orientation temporelle et spatiale est totalement perturbée. Il n'a pas entrepris les séances de neuropsychologie que nous avions évoquées...'»

- un courrier du Docteur [I] du 14 juin 2012 adressé au docteur [T] constatant « je trouve un visage fermé et des propos assez incisifs. Il est toujours en retrait mais quand on s'adresse à lui il répond volontiers par des phrases lapidaires. Ces dernières ont un lien avec les propos en cours mais il semble s'échapper vers des idées plus lointaines ou apparaître décousues. Il est difficile de suivre précisément le contenu de sa pensée. Il apparaît très volontiers irritable au cours de l'entretien. Son comportement demeure calme mais il est très en retrait ne souhaite pas rester en contact avec le monde extérieur. Il se déplace peu. Il ne veut plus par exemple rejouer au golf. Le sommeil paraît conservé ainsi que l'appétit. Je n'ai pas modifié son traitement.'»

Ce dernier courrier médical apparaît être le document probant versé par les appelants le plus contemporain de l'acte authentique querellé qui sera établi le 18 décembre 2012, soit six mois plus tard.

Il se déduit de ces pièces médicales, et plus particulièrement du courrier du 14 juin 2012 de son neurologue, que la maladie dont souffrait Monsieur [Z] s'est peu à peu et inexorablement aggravée, de telle sorte que dès le mois de juin 2012, il n'était manifestement plus apte à tester.

Les pièces médicales produites par les appelants postérieures à l'acte authentique du 18 décembre 2012 étayent l'évolution inexorable de la maladie, sans permettre de penser que Monsieur [Z] ait pu signer le legs particulier dans un intervalle de lucidité rendant cet acte valable.

Ainsi, dans son courrier du 18 octobre 2013 adressé au docteur [T], le Docteur [I] relève « l'évolution se porte déjà sur l'aspect physique. C'est un patient lent dans ses mouvements, instable à la marche et très figé. Il parle peu mais s'exprime avec rudesse quand il prend la parole. Les propos sont plutôt incohérents faisant allusion à son ancien statut de pilote de chasse mais éludant la période d'homme d'affaires. Il sort de chez lui pour les séances de kinésithérapie et quelques marches au bras de son épouse. Il recherche le calme, ne supporte pas la présence de la télévision. Son épouse est très dévouée à ses soins. Il a été décidé de mettre en place une curatelle renforcée...'»

Enfin, il est produit un certificat médical daté du 5 novembre 2013 du Docteur [I] faisant état de « la maladie dégénérative de Monsieur [Z] évoluant depuis plus de six mois, essentiellement caractérisé par des troubles très importants de la mémoire immédiate, des troubles des gestes de la vie courante, de la reconnaissance et de la vie courante. Cette personne a vu progressivement ses facultés intellectuelles se détériorer et le tableau clinique est caractérisé essentiellement par des troubles évolués des fonctions cognitives. Les facultés mentales de Monsieur [Z] sont altérées'; il est manifestement hors d'état de comprendre la portée de ses actes et a besoin d'être représenté d'une manière continue dans tous les actes de la vie civile.'»

Le juge des tutelles du tribunal d'instance de Perpignan a prononcé le 4 juin 2014 une mesure de tutelle et désignée Madame [F] [M] en qualité de tutrice, après avoir procédé à l'audition de Monsieur [Z] le 1er avril 2014 et celle de sa compagne qui avait indiqué au juge que les deux enfants de Monsieur [B] informés de sa démarche étaient d'accord pour qu'elle s'occupe de la mesure. Elle avait précisé qu'elle vivait avec Monsieur [Z] depuis 2008, que sa maladie s'était déclarée «'il y a pas très longtemps mais a évolué rapidement » que Monsieur [Z] a un patrimoine important, des hôtels en Floride et une société qui a été revendue à la société Tipiak. Son avocat présent lors de l'audition avait précisé que les enfants étaient loin et ne pouvaient pas s'occuper des affaires de leur père. Cet avocat avait précisé qu'avec l'aide d'un expert comptable il assistait Monsieur [Z] dans la gestion de son patrimoine et qu'il pouvait continuer à assister Madame [M] si elle prenait la tutelle avec l'aide du même expert-comptable qui s'avère être Monsieur [AW], témoin au jour de la signature du legs.

Les appelants précisent ne pas avoir été informés de la mise en 'uvre de la procédure de mise sous tutelle et n'avoir été informés que postérieurement à la réception de la notification de la décision. De même, ils précisent ne pas avoir été informés de l'existence du Pacs et de la dégradation de l'état de santé de leur père. Ils s'étonnent également de ce que les deux témoins du testament soient des inconnus des proches de la famille du défunt alors même que leur père avait un frère vivant à Port Vendres dans les Pyrénées orientales, que Madame [M] connaissait pour avoir également un lien de parenté avec lui. Ce dernier, Monsieur [C] [Z] écrit le 21 août 2015 ( pièce 5 appelants) à un avocat indiquant ne pas avoir été informé de la maladie de son frère par sa compagne, de l'évolution de celle-ci et de son agonie alors même que rien ne s'opposait à ce qu'il en soit informé.

Ainsi, il résulte des éléments médicaux produits aux débats par les appelants que l'évolution de la maladie de Monsieur [Z] ne pouvait lui permettre d'exprimer le 18 décembre 2012 sa volonté, n'étant pas sain de corps et d'esprit comme l'a pourtant constaté le notaire. Il convient de relever que l'officier instrumentaire n'a pas, à l'instar des deux témoins choisis par Mme [M], la formation médicale pour apprécier l'état de santé de Monsieur [Z] au moment où il s'est présenté devant lui.

Seule la démonstration de ce que M. [Z] aurait eu un moment de lucidité pourrait valider le legs. Or, les éléments versés aux débats n'apportent pas cette preuve.

Mme [M] produit une seule pièce médicale, sa pièce 4 à savoir un certificat du docteur [I] du 4 novembre 2015 indiquant':

« Ce patient a été atteint d'une démence type Alzheimer.

Cette maladie induit une dégradation cognitive jusqu'à un stade sévère, constatée dès l'année 2011.

Cette affection dégénérative entraînait des troubles cognitifs diffus et comportementaux. Néanmoins Monsieur [W] [Z] continuait de présenter vis-à-vis de son entourage des réactions émotionnelles.»

Ce certificat ne fait que confirmer la version des appelants selon laquelle la maladie dont souffrait leur père avait évolué de manière sévère depuis déjà l'année 2011. Le fait que Monsieur [W] [Z] continuait de présenter des réactions émotionnelles ne signifie nullement que ses fonctions cognitives lui permettaient de comprendre la portée de l'acte litigieux alors même que le même Docteur [I] constatait dès le mois de juin 2012 qu'il était difficile de suivre précisément le contenu de la pensée du patient.

Les autres pièces produites par l'intimée se révèlent être des témoignages hors du domaine médical. Monsieur et Madame [Y] (pièce 5 intimée) relatent la rencontre amoureuse de Monsieur [Z] avec Mme [M] sans toutefois préciser de date'; ils n'ont pas été témoins de l'état de santé de Monsieur [Z] à un moment contemporain de l'acte querellé.

Mme [OS] expose également avoir rencontré Monsieur [Z] dès son retour des États-Unis en 2008 mais ne fait pas état de son état santé à une date proche de décembre 2012.

Mme [S] [WK], qui s'avère être l'autre témoin le jour du testament, se présentant comme une amie de longue date du couple, atteste que l'état de santé physique et psychologique de Monsieur [J] [Z] s'est fortement dégradé entre mars 2014 et son décès en août 2014 sans toutefois préciser si l'état de santé du testateur lui permettait en décembre 2012 de disposer valablement.

L'attestation établie par l'ergothérapeute se déplaçant à domicile entre juillet 2011 et février 2014, précise avoir « rencontré une personne âgée de 74 ans, doté d'une forte personnalité, qui présentait des troubles cognitifs': pratique, amnésique et du repérage spatio-temporelle. J'ai pu constater une dégradation progressive de ses facultés cognitives de 2013 à 2014, date à laquelle ces troubles s'étaient fortement densifiés, plaçant dans un état de totale dépendance.'» Cette attestation ne fait que reprendre l'évolution inexorable de la maladie vers la dépendance totale à compter de 2013 sans pour autant permettre d'affirmer qu'en décembre 2012 Monsieur [Z] était apte à tester.

De même, l'attestation du masseur kinésithérapeute n'apporte aucun élément médical ni de date permettant de connaître l'état de santé cognitif de Monsieur [Z] en décembre 2012.

Le courrier de Monsieur et Madame [H] (pièce 10 intimée) évoque une journée de novembre 2012 passée en compagnie de Monsieur [Z] et de Madame [M] au cours de laquelle ils ont pu converser avec lui « de manière tout à fait normale » et avoir «'même pu discuter ensemble de leur passion commune pour l'aéronautique, en des termes très techniques sans aucune difficultés particulière ». Monsieur [A] (pièce 11 intimée) évoque également un séjour en début d'année 2012 et un deuxième séjour aux vacances de Toussaint 2012 en compagnie de Monsieur [Z] et de sa compagne au cours duquel il a pu constater que son ami était affaibli physiquement et moins communicatif que durant ses séjours précédents. Monsieur [A] déclare que sa lucidité était toujours présente et ses conversations tout à fait normales. Cet ami précise que son épouse et lui dirigent un établissement pour des personnes âgées dépendantes, qu'ils côtoient dès lors des personnes atteintes de troubles cognitifs pouvant avoir des périodes de grande lucidité.

Il ajoute n'avoir constaté à aucun moment un manque de discernement chez M. [Z] à l'exception peut-être de quelques modifications de son comportement.

Ces deux derniers témoignages permettent de conforter l'impression donnée au notaire instrumentaire et aux témoins que Monsieur [Z] disposait de ses facultés pour exprimer clairement ses volontés mais sont insuffisants pour contredire l'ensemble des pièces médicales ci-avant énoncées selon lesquelles l'évolution de la maladie de M. [Z] ne lui permettait plus en décembre 2012 d'être sain d'esprit et de disposer valablement en faveur de Mme [M].

Enfin, l'intimée produit en cause d'appel sa pièce 14 à savoir un courrier daté du 7 août 2017 émanant de Madame [P] [U], qui explique avoir rencontré Monsieur [Z] lorsque que ce dernier a voulu vendre son appartement situé en Floride et alors qu'il débutait sa relation avec Madame [M]. Elle évoque la réticence des enfants de Monsieur [Z] à l'égard de cette relation naissante. Elle relate une procédure aux Usa des enfants s'opposant à la vente du bien, une expertise psychiatrique diligentée qui aurait constaté que Monsieur [Z] était très sain d'esprit. Force est de constater que cette expertise n'est pas produite et qu'au demeurant, Mme [U] n'évoque pas de date précise ni une situation contemporaine à l'acte litigieux.

Ainsi, si les pièces produites aux débats par l'intimée témoignent de la sincérité de sa relation avec M. [Z] débutée en 2008, de son investissement et de son accompagnement affectif jusqu'au décès de M. [Z] survenu en août 2014, elles ne permettent pas en revanche de contredire les pièces médicales produites par les appelants démontrant l'insanité d'esprit dont souffrait leur père le 18 décembre 2012.

En conséquence, M. [CD] [Z] et Mme [N] [Z] épouse [E] apportent démonstration de ce que leur père n'était pas sain d'esprit le 18 décembre 2012 au sens de l'article 901 du Code civil, et le testament établi le même jour, doit être annulé.

Le jugement du 18 avril 2017 doit être réformé en ce qu'il a considéré que Monsieur [Z] était sain d'esprit le jour de la signature du legs.

Sur la délivrance judiciaire du legs

Au vu de ce qui précède et de la nullité prononcée du testament, la demande en délivrance judiciaire du legs présentée par Mme [M] est devenue sans objet.

En conséquence, elle sera déboutée de cette demande et la décision du 18 avril 2007 également infirmée sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts

Sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, Mme [M] sollicite les dommages-intérêts à hauteur de 45'000 €. Elle estime avoir été privée pendant plusieurs années du capital légué et calcule sa demande sur la base d'un intérêt à 3'% sur la somme de 500'000 €.

Cependant, au vu de la nullité prononcée du testament, Madame [M] ne peut qu'être déboutée de sa demande de dommages-intérêts telle que présentée.

En conséquence, la décision du 18 avril 2017 ayant débouté Madame [M] sera confirmée sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La nature du litige commande de dire que chaque partie conservera la charge de ses dépens et de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, par arrêt contradictoire, après débats tenus en audience publique, après en avoir délibéré conformément à la loi et en dernier ressort,

CONFIRME la décision du 18 avril 2017 en ce qu'elle a débouté Mme [F] [M] de sa demande de dommages et intérêts ;

L'INFIRME pour le surplus';

Statuant à nouveau

PRONONCE la nullité du testament de M. [W] [Z] du 18 décembre 2012 ;

CONSTATE que la demande en délivrance du legs présentée par Mme [F] [M] est devenue sans objet du fait de la nullité prononcée du legs';

Y ajoutant

DIT que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens';

DIT n'avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERP/LA PRÉSIDENTE empêchée


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2e chambre de la famille
Numéro d'arrêt : 17/02524
Date de la décision : 21/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-21;17.02524 ?
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